Rigolons un peu avec les "sages"
Les "sages" du Conseil Constitutionnel viennent de rendre leur décision sur la "loi pour l'égalité des chances", qui comprend le C.P.E. La loi est déclarée constitutionnelle, et ce sans réserves (donc pas de réexamen de la loi par les chambres parlementaires). Cependant, deux articles (qui ne touchent pas au problème fondamental) sont déclarés inconstitutionnels. Le compte rendu de la décision :
D É C I D E :
Article premier.- Les articles 21 et 22 de la loi pour l'égalité des chances sont déclarés contraires à la Constitution.
Article 2.- Les articles 8, 48, 49 et 51 de la même loi sont déclarés conformes à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
En somme, c'est ici l'article 2 de la décision qui l'emporte sur le
sens de cette décision : la conformité à la Constitution. Pour
l'ensemble de la décision :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2006/2006535/2006535dc.htm
J'ai relevé quelques passages que je trouve proprement édifiants, si vous le voulez bien je vais m'y attarder quelques instants.
"16. Considérant que les requérants soutiennent que l'institution du "
contrat première embauche " porte atteinte au principe d'égalité devant
la loi ; qu'ils font valoir qu'un jeune de moins de vingt-six ans
embauché dans le cadre d'un tel contrat pourra être licencié sans motif
pendant une période de deux ans, alors qu'un jeune du même âge et de
même qualification, embauché sous contrat à durée indéterminée, sera
licencié selon les règles de droit commun ; qu'aucun motif d'intérêt
général particulier, ni aucun critère objectif et rationnel en rapport
avec l'objet de la loi, ne justifierait, notamment dans les grandes
entreprises, cette différence de traitement entre deux salariés se
trouvant dans une situation identique ;
17. Considérant qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur
constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures
propres à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ;
que le législateur pouvait donc, compte tenu de la précarité de la
situation des jeunes sur le marché du travail, et notamment des jeunes
les moins qualifiés, créer un nouveau contrat de travail ayant pour
objet de faciliter leur insertion professionnelle ; que les différences
de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec la finalité
d'intérêt général poursuivie par le législateur et ne sont, dès lors,
pas contraires à la Constitution ;"
Ce moyen du recours se fonde sur la rupture d'égalité devant la loi que
constitue le C.P.E, puisqu'il place les citoyens dans des systèmes
juridiques différents sur un critère propre à la personne. En principe,
la loi doit être la même pour tous...et donc, la loi ne doit pas
intégrer EN ELLE-MEME des discriminations (le mot peut sembler fort
mais juste en réalité) et laisser au réglementaire le soin
d'institutionnaliser des discriminations par l'édictions de règles
d'applications en coupure complète avec les champs sociaux et
économiques (ou du moins avec une conception complètement erronées de
ceux-ci). Ca semble cynique, c'est une réalité même si elle est
délicate à percevoir et à démontrer. Dans son 17e "Considérant", le
Conseil Constitutionnel (CC) affirme qu'il ne s'agit pas ici d'une
rupture d'égalité devant la loi car il s'agit de "venir en aide à des
catégories de personnes défavorisées". Outre le fait que le qualicatif
d'aide soit discutable, le CC opère un prise de position gravissime :
le contournement du principe d'égalité devant la loi est possible pour
une "bonne cause", tant que le gouvernement est animé de bonnes
intentions. Qui définit la bonne ou la mauvaise intention, cela reste
la question. On oubliera pas non plus que l'enfer en est pavé...de
bonnes intentions.
"20. Considérant, d'une part, comme il a été dit ci-dessus, que, compte
tenu de la précarité de la situation des jeunes sur le marché du
travail, et notamment des jeunes les moins qualifiés, le législateur a
entendu créer un nouveau contrat de travail ayant pour objet de
faciliter leur insertion professionnelle ; qu'ainsi, par sa finalité,
l'article 8 tend à mettre en oeuvre, au bénéfice des intéressés,
l'exigence résultant du cinquième alinéa du Préambule de la
Constitution de 1946 ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas
d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que
celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si
l'objectif que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par
d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi déférée
ne sont pas manifestement inappropriées à la finalité poursuivie ;"
Dans la même logique, une fois que le gouvernement a déterminé sa bonne
intention, il n'appartient pas au CC de contrôler si les moyens de
cette bonne intention sont en conformité avec elle-même. Ce qui revient
à dire que l'on ne s'interroge pas sur l'effet que peuvent avoir, sur
le terrain réel, les lois. Cela n'est pas étonnant de la part du CC :
cet organe juge les lois sur la forme. Des juristes dans leur tour
d'ivoire. Toutefois, la tentation politique de cet organe est fort (de
par son mode de fonctionnement et de constitution au moins...) : il
s'exprime d'ailleurs dans le "Considérant" vu précédemment où le fond
politique est quasi-apparent. Ainsi, le CC accepte de légères entorses
à légalité devant la loi si cela est fait avec une bonne intention;
mais refuse de contrôler la mise en oeuvre de celle-ci. C'est un peu
facile et ça n'arrange rien au déficit démocratique actuel.
"34. Considérant que l'article 48 de la loi déférée insère dans le code
de l'action sociale et des familles un article L. 222-4-1 ; que cet
article prévoit la conclusion d'un " contrat de responsabilité
parentale " entre le président du conseil général et les parents d'un
mineur en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au
fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté
liée à une carence de l'autorité parentale ; qu'il permet au président
du conseil général, " lorsqu'il constate que les obligations incombant
aux parents ou au représentant légal du mineur n'ont pas été respectées
ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n'a pu être signé de leur
fait ", de décider la suspension des prestations familiales afférentes
à l'enfant ; que l'article 49 de la même loi rétablit dans le code de
la sécurité sociale un article L. 552-3 qui précise les modalités de la
suspension des prestations familiales par l'organisme débiteur à la
suite de la décision du président du conseil général ;
35. Considérant que les requérants soutiennent que, par leur
imprécision, les dispositions contestées, qui attribuent au président
du conseil général un pouvoir de sanction administrative, méconnaissent
le principe de légalité des délits et des peines et portent atteinte
aux droits de la défense ;
36. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus
qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait
obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de
prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de
sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission,
dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures
destinées à assurer les droits et libertés constitutionnellement
garantis ; qu'en particulier doivent être respectés le principe de la
légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense,
principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une
punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une
autorité de nature non juridictionnelle ;
37. Considérant, en premier lieu, que les faits susceptibles de
justifier la suspension de certaines prestations familiales sont
définis en termes suffisamment clairs et précis au regard des
obligations qui pèsent sur les parents ; qu'en particulier, la notion
de " carence parentale " fait référence à l'article 371-1 du code civil
; que, par suite, le grief tiré de la violation du principe de la
légalité des délits et des peines n'est pas fondé ;"
Dans ces "Considérants", on parle de "contrat de responsabilité
parentale". En somme, si votre gosse fout la merde à l'école, les
allocations familiales liées à cet enfant. Le problème posé est que la
décision est laissée au président du conseil général. Fonction
politique et non juridique. Là, on atteint un point crucial :
l'approche pénal du système d'aide. En généralisant un système de
flicage pour l'obtention des aides (chômage aussi, faudrait pas
oublier...), on généralise une idéologie pénaliste. De sorte qu'une
décision administrative qui pourrait paraître normale dans une logique
d'aide est insupportable dans une logique pénale. Parce que cela soumet
l'individu à l'arbitraire du politique. On a aussi un problème de
sécurité juridique. En effet, si le CC pense que les termes sont clairs
et précis car se référant à la notion de "carence parentale", je ne
suis pas certain qu'il en aille de même pour le président du conseil
général, dont la conception de la carence parentale risque de varier
d'un extrême à l'autre en fonction de sa couleur politique. Une fois
encore, le CC reste dans sa fonction : la discussion juridique
complètement coupée de la réalité, ne serait-ce que juridictionnelle.
Pour finir, je précise que je n'ai qu'une licence de droit, que je ne
suis pas spécialisé en droit constitutionnel. De sorte qu'il peut y
avoir de nombreuses imprécisions dans mon propos. Toutefois, il s'agit
là plus d'une analyse de politique juridique et de rhétorique que d'une
analyse juridique à proprement parler.
lanarko
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Anonyme
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anonyme
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Pire que des peigne culs... de grands bourgeois boursoufflés d'ambitions qui enterinnent de petites lois qui toutes contreviennent aux grands principes fondateurs de la République et ses lois constitutionnelles. Au sommet du droit français il y a des textes de valeurs hiérarchique supérieurs, en l'occurence la constitution de 58, le préambule de la constitution et la DDHC de 1789. Les autres textes doivent leur être soumis. Or qu'affirme les textes de valeur hierarchiquement supérieur: le droit au travail, à un logement et à une vie décente pour tous. Ils ne parlent pas de vies DESCENTES, et c'est précisement en quoi en enterrinant la loi sur le CPE, les sages du conseil constitutionnel ont violé le texte.
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Luc
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Oui, Anonyme. Mais loin d'être des peigne-culs ordinaires, ce sont de dangereux peignes-culs, qui de toute évidence confondent la démocratie (même formelle) avec son contraire. Ils présentent en effet comme une garantie, le fait que toute rupture du contrat pourra être contestée devant le juge. Passons sur l'inégalité de position de force, devant le juge, entre un patron licencieur et un CPE licencié... Mais ce qu'oublie cette Cour à miracles est que l'ETAT DE DROIT, comme ils l'appellent, c'est : un Etat où on respecte le droit des gens. Et ce n'est sûrement pas, quoi qu'en disent ces peigne-culs et/ou la presse servile qui leur emboîte le pas : un Etat où les gens ont pour tout droit (???) d'engager des recours devant les tribunaux, après s'être au préalable fait marcher dessus.
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Luc
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Anonyme j'avais pas lu ton commentaire de 13h 08 quand j'ai répondu et c'est d'abord avec çà que (sur le fond) je suis d'accord, bien sûr. Celà dit j'ai tenu à rappeler que même du point de vue de la forme (celui qui leur tient lieu de gagne-pain), leur position est attaquable.
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anonyme
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Entièrement d'accord avec toi Luc. D'autant plus d'accord que je sors d'une procédure en Prud'hommes qui a duré deux ans et au cours de laquelle j'ai vu des huissiers corrompus refuser d'exécuter un jugement qui m'était en tous points favorables; Il faut savoir que le "droit d'aller devant les tribunaux" c'est se confronter à l'Enfer.
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Miro
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Juste pour rappeler qu’il n’est jamais insignifiant lorsque l’on cite un groupe ou un individu en particulier, de veiller à ne jamais blesser une conscience. L’insulte ne résout rien, ni sa violence. Simone a été tatouée « 78651 » à Birkenau.
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anonyme
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C'est bien ainsi que j'attendais un devoir de veille des victimes d'hier: homosexuels, femmes, juifs, ... On sait ce qu'il advint....
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Miro
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Cher Luc, je note que ta formulation alambiquée définit bien son caractère limité. Question ; c’est un reflex obsidional ? Parce qu’il s’agit ici d’une manière de s’exprimer et pas d’un débat d’idée. Quant à ta volonté de m’apprendre, le français n’étant pas une langue écrite que je maîtrise très bien, il n’en reste pas moins que dans mon échelle d’objectivité le souci premier n’est pas la comparaison de tel ou tel souffrance, mais leur destruction, à travers le vœu de l’abolition des chefferies de l’Etat qui les génères et non d’insultes aux personnes qui les composent. J’ai un jour revus le petit juge qui m’a collé trois mois de prison il y a quinze ans pour le « vol » d’un pain, d’une pizza et d’un morceau de poisson qui auraient servis à me nourrir. Il mangeait goulûment une barre chocolatée dans les couloirs d’une fac où il donne cour de droit., et je lui ai souhaité un bon appétit. Je te souhaite une excellente journée
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Anonyme
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Debord ?
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Julot
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Force m'est de constater que la "maitrise" du francais écrit est très relatif chez msieur Miro. Je pense avant tout qu'il faut simplifier le débat. Car en gros je pense que nos objectifs ne sont pas très compliquer à expliquer. Faire des belles phrases ca fait bien, mais si il n'y a que 0.3% des gens qui les comprennent ca ne sert pas à grand chose. Si vous voulez que le peuple vous comprenne, il faut parler le language du peuple...
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Kakou
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Intéressant, tu devrait intervenir plus souvent Miro
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à 12:37