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Quand on y réfléchit bien, une chose est stupéfiante et quasiment incompréhensible : « Comment se fait-il que la majorité des électeurs votent pour un programme qui leur est défavorable ? ».
En effet, ni le programme du candidat de droite, ni celui de la gauche ne peuvent et n’apporteront de réponses aux difficultés de l’immense majorité des individus de notre société,... et pourtant !
Les élections ne réservent jamais de surprise, c’est d’ailleurs pour cela que le système marchand les maintient et y tient beaucoup, pour se donner l’illusion de la démocratie.
UN PARADOXE DEROUTANT
Le mécanisme de l’ « adhésion » à une politique, à un programme politique est apparemment beaucoup plus compliqué qu’on ne le pense.
C’est toujours un programme conservateur qui passe et quand bien même, rarement, c’est un programme « progressiste », il l’est d’ailleurs timidement, mais est toujours obligé de se « conservatiser » pour demeurer crédible… Alors ?
Alors de deux choses l’une : soit l’écrasante majorité des citoyen-n-es est totalement stupide et ne comprend rien, soit il y a autre chose.
Par exemple, en toute « logique », un programme tel que la « Charte antilibérale » élaborée à grand peine par des collectifs populaires devrait, aujourd’hui, au bas mot, regrouper, dans une population comme la France, dans les 80 à 90 % des suffrages,… pourtant elle n’en regroupera que moins de 10%, et encore,… alors que des programmes libéraux et parfaitement antipopulaires se tailleront la « part du lion ».
On peut difficilement imaginer, au regard de l’Histoire, que la plus grande partie de la population soit irrémédiablement et totalement débile… Il y a donc autre chose,… mais quoi ?
Certes il y les promesses démagogiques des candidats et le matraquage médiatique, mais il y a bien longtemps que tout cela a été dénoncé… Incontestablement la plupart savent cela et pourtant se comportent comme si tout cela n’existait pas, n’avait aucune importance à leurs yeux.
QU’EST-CE QU’UN « PROGRAMME » POLITIQUE ?
Un programme politique, tel qu’il est conçu par toutes les organisations politiques qui en élaborent un, est toujours, à différents degrés, un compromis entre ce qu’est le système dominant, aujourd’hui le système marchand, et les aspirations des différentes catégories sociales.
Dans l’état actuel des choses un « programme politique » n’est évidemment pas ce que l’on voudrait nous faire croire : un moyen de résoudre les contradictions d’un système entre les intérêts particuliers qu’il représente (ici le capital) et les aspirations du plus grand nombre.
D’ailleurs, les politiciens gestionnaires du système ne s’en cachent pas quand ils déclarent explicitement, et sans rire, qu’ils vont assurer le « changement dans la continuité » ou autre formule à double sens contradictoire du style « la rupture tranquille », « la force tranquille »,…Le sommet du cynisme étant atteint quand ils déclarent « Tout est possible » ce qui est une manière détournée de dire que « Rien n’est possible… »
« Adhérer à un programme » c’est donc adhérer à un compromis. On peut comprendre cette démarche de la part de celles et ceux qui ont un intérêt immédiat et à plus long terme au maintien de ce système. Mais comment comprendre une telle démarche de la part de celles et ceux qui souffrent de ce système, de celles et ceux qui déclarent « vouloir changer de système », et qui plus est, dont l’expérience démontre qu’une telle démarche est vouée à l’échec ? Soit ils n’ont rien compris, soit ce sont des manipulateurs comme les autres.
Pourtant nombre de citoyennes et citoyens qui ne « se font plus aucune illusions » marchent tout de même dans cette logique et participent à la mascarade. Pourquoi ?
Il y a un donc un autre facteur qui joue et qui fait que cette situation apparemment absurde se perpétue et assure ainsi la pérennité du système.
L’INERTIE POLITIQUE ET SOCIALE
Un élément de réponse nous est paradoxalement fourni par celles et ceux qui proposent de tout changer. A leur proposition il est généralement répondu :
« OK, mais tu mets quoi à la place ? »
La réponse laisse généralement à désirer et est loin de rassurer l’interlocuteur. Ce à quoi, ce dernier répond pour justifier son acte d’allégeance au système :
« Il vaut mieux ça que rien ! » et, conditionné par les médias qui lui indiquent ce qu’il est « réaliste » de faire, il va reconduire au pouvoir celui ou celle qui le prend pour un imbécile.
Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que l’on ne peut pas construire sur du vide. Or, ce que l’on croit être du solide : les bonnes intentions et les visions d’espoir, ne sont en réalité que du vide… Plus les propositions sont progressistes, plus elle s’éloignent de la réalité du système en place, et plus est problématique leur application. Ca peut faire marcher conjoncturellement les gens, un certain temps, mais socialement, ça ne correspond à rien. L’Histoire nous montre que l’on ne peut construire que sur du solide, du concret, du social, des relations qui impliquent le plus grand nombre. Pas sur des visions, des espoirs et autres illusions.
Cette inertie politique et sociale qui assure la pérennité du système dominant se fonde sur le fait que celui-ci, avec toutes les imperfections qu’il a, « existe », assure le « lien social »… et qu’en l’absence d’alternative crédible, c'est-à-dire réellement existante, la majorité fait le choix de la stabilité, aussi insupportable qu’elle soit. « Il vaut mieux ça que rien ! »
QUELLE CONCLUSION EN TIRER ?
On peut comprendre alors le caractère totalement dérisoire et inutile de l’énergie gaspillée en pure perte et des dépenses inouïes dans la confection de « programmes », « chartes », « plateformes » « contrats », « engagements solennels » et autre documents laborieusement confectionnés par les candidats et leurs militants,… documents qui finissent généralement dans les poubelles…et même les poubelles de l’Histoire.
Tout ceci nous montre, une fois encore, que la stratégie politique de celles et ceux qui veulent « changer de système » est totalement inadéquate et ne fait finalement que cautionner et renforcer le système en place.
Ce n’est ni en disant, que l’on va, ou l’on doit, tout changer, ni en singeant les gestionnaires du système en proposant un « programme », que l’on sera d’ailleurs incapable d’honorer, que l’on va faire évolution les choses.
Toutes les expériences (violentes ou pacifiques) au 20e siècle qui se sont fondées sur cette logique ont échoué, toutes sans exception,… Allons nous recommencer les mêmes erreurs ?
De même que ce n’est pas qu’en faisant de grandes déclarations et en disant que « l’on allait voir ce que l’on allait voir » que la bourgeoisie commerçante a réussi à imposer son système, mais en l’élaborant peu à peu au sein du système dominant et en le minant,… de même nous ne changeront le système marchand qu’en le minant en mettant en place des pratiques alternatives.
Toute autre stratégie est vouée à l’échec.
Patrick MIGNARD
Voir aussi les articles :
« DUALITE SOCIALE / DUALITE DE POUVOIR »
« TRANSITION »
Commentaires :
borogove |
d'accord,
mais en fait il semble exister très peu de discussion sur une quelconque 'stratégie' libertaire ou horizontale de mise en place d'alternative, valable pour notre époque ; j'ai bien rencontré l'article 'penser le passage du social au politique' d'un militant (et prof) argentin qui discutait du sujet - et c'est pour ça que je l'avais traduit de l'anglais (en deux parties, dont la première sur : http://endehors.org/news/12062.shtml) (un article, dont j'ai appris depuis qu'il existait aussi en italien et en castillan) c'était un début, discutable sans doute, mais qui ne semble pas avoir été discuté beaucoup. Ou on attend que tout se déroule naturellement, quand "les temps seront mûrs" ? Borogove Répondre à ce commentaire
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vladimir 16-02-07
à 18:53 |
Re:les propositions concretes existent elles sont exposéees sur le site:
http://jeanzin.free.fr/index.php autour du revenu garanti,des cooperatives municipales et les monnaies locales,elles sont confortées par des sites comme http://www.fauxmonnayeurs.org/ Les raisons du desinteret actuel qu’elles semblent encore susciter sont multiples: l’ideologie politique y compris anarchiste encore predominante,la faiblesse de la cooperation institutionnelle; le militantisme traditionnel et la demande implicite de debouché politique,avec l’impatience des resultats immediats, alors que cela demande un investissement collectif prolongé et non spectaculaire. L’incomprehension et la mefiance que suscite le revenu garanti aupres des anarchistes perçu comme une recuperation capitaliste; n’aide pas a la creation,alors que ces camarades sont les plus suseptibles de le comprendre ? Répondre à ce commentaire
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daphivid 17-02-07
à 10:02 |
question à Patrick MignardBonjour, tu écris: "De même que ce n’est pas qu’en faisant de grandes déclarations et en disant que « l’on allait voir ce que l’on allait voir » que la bourgeoisie commerçante a réussi à imposer son système, mais en l’élaborant peu à peu au sein du système dominant et en le minant,… de même nous ne changeront le système marchand qu’en le minant en mettant en place des pratiques alternatives. Toute autre stratégie est vouée à l’échec. " Il me semble fort discutable d'affirmer que dans l'Histoire, on est passé d'un régime à un autre sans secousses, presqu' en douceur comme "la bourgeoisie élaborant et minant le système de l'intérieur". 1789, et les années qui suivirent, ne furent pas de tout repos; 1917, et les années qui suivirent, non plus. Faut-il parler de 1871, 1936, 1968,... ? Bref, les secousses furent rudes, loin d'être paisibles. C'est à ces moments de profonde instabilité généralisée que la bourgeoisie -blanche ou rouge- fait la différence, car elle, elle a un objectif: la prise et la gestion du pouvoir. Elle s'appuie sur ce qui reste de l'Etat pour arriver à ses fins assez rapidement puisqu'elle traîne généralement dans les arcanes du pouvoir précédent. La Société, elle, composée de quelques millions de personnes, est obligée d'inventer un autre monde dans le chaos, la confusion, le manque de moyens, la répression, les privations... Il lui faut beaucoup plus de temps pour faire face aux secousses. Et souvent, c'est trop tard... Les maitres ont changé, pas les esclaves. Donc, qu'est ce que Patrick Mignard appelle les "pratiques alternatives" , qui permettraient la mise en route d'une transformation sociale radicale ? Merci de m'éclairer. Cordialement, Daniel Répondre à ce commentaire
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Patrick MIGNARD 18-02-07
à 10:57 |
Re: question à Patrick Mignard Daniel, Loin de moi l’idée de dire que l’on passerait d’un régime à un autre en douceur, bien au contraire, et l’Histoire est là pour nous le montrer. Comme tu le dis « les secousses furent rudes »… et probablement le seront encore dans l’avenir. Pour revenir sur la Bourgeoisie, je ne pense pas qu’elle a, sous l’Ancien régime, une volonté de domination sociale en tant que classe sociale, rien ne le prouve… Mais il est exact que les circonstances historiques ont fait qu’elle a pris le pouvoir. Les millions de gens dont tu parles vivent dans un système qui devient, à bien des égard, de plus en plus invivable, même au sens physique du terme… et qu’à terme il est impensable que les choses puissent continuer ainsi. Cela dit, ce n’est pas le chaos que tu décris, pas plus que la confusion, je dirais même, au contraire Ces millions de gens ont, d’autre part, à la fois des intérêts immédiats : vivre, et une conscience qui leur permet, dans certains cas, pour certains de créer une autre « réalité sociale ». Ceci est diffus, éclaté, mais ça existe,… ce qui prouve au moins une chose, c’est que l’être humain a toujours des ressources, mentales, intellectuelles et physiques pour « inventer » autre chose… C’est, je pense, le seul espoir, et il n’est pas négligeable, que nous ayons,… Maintenant la question de la répression. Exact, l’ancien système ne se laissera pas faire… A nous de mettre en place un système qui l’affaiblira suffisamment pour qu’il s’effondre définitivement. Plus l’organisation alternative sera élaborée moins on aura probablement recours à la violence. Se posera de toute manière la question du « pouvoir ». Là aussi la résolution de cette question sera fonction de la qualité des structures que l’on aura mis en place. A propos du temps. C’est vrai qu’il nous est compté, peut-être pour la première fois dans l’Histoire à l’échelle planétaire. Saurons nous changer à temps, avant qu’il ne soit écologiquement trop tard ? Qui peux répondre ? Personne probablement. Pour plus de précisions sur les « pratiques alternatives », voir les articles sur ce site et ma réponse à Dédé l’Anguille sur : Elections 2007 – le changement s’imposera par les luttes ». Répondre à ce commentaire
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à 16:00