Pas une seule semaine, voire plusieurs fois par semaine, sans que soient relatés des actes de violences policières à l’égard de citoyens-nes. Devant ces faits, des organisations aussi importantes et sérieuses que la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, le SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE et le SYNDICATS DES AVOCATS DE FRANCE se sont sentis dans l’obligation d’organiser une riposte et d’alerter l’opinion publique et l’Etat.
Pourquoi de telles dérives
aujourd’hui?
UNE NOUVELLE DONNE POLITIQUE… ET
SOCIALE
On assiste indubitablement à une limitation des pouvoirs
économiques, politiques et sociaux de l’Etat-nation. Deux raisons expliquent
cette situation:
- - la mondialisation marchande qui se caractérise par
l’interconnexion des marchés et par la même la tendance à rendre les frontières
(zones à l’intérieur desquelles les Etats-nation peuvent exercer leurs
compétences et autorités) obsolètes,
-
le choix
politique des Etats de, dans une conception libérale de l’économie,
déréglementer les marchés (biens et services, capitaux, travail,…), autrement
dit de supprimer peu à peu toute règle et contrôle.
Une telle situation
ne peut que limiter les marges de manœuvres politiques et sociales des Etats qui
s’en remettent, quant à l’organisation économique des échanges, aux seules lois
du marché qu’ils décrètent «naturelles» et «capables
d’autorégulation».
On comprend dès lors que le rôle de l’Etat n’est plus
l’intervention dans le fonctionnement de l’économie pour, par exemple, rétablir
par son action des déséquilibres, mais qu’il se limite simplement au contrôle du
respect des lois de la concurrence et désire assurer la paix sociale pour que
les affaires (la valorisation du capital) puissent se faire sans problème.
Enfin, la situation de mondialisation marchande a largement exposé les
économies des pays industriels développés à une concurrence qui aboutit
inéluctablement à la disparition de secteurs entiers de l’économie (d’où
licenciements massifs, déstructuration de villes et de régions), à un processus
de délocalisations (d’où pertes d’emplois et gonflement du chômage), à des
structurations génératrices elles aussi de licenciements, à une tendance
généralisée à remettre en question les acquis sociaux (d’où une tension sociale
qui s’accroît).
Même si l’Etat n’intervient plus ou a tendance à ne plus
intervenir dans les processus économiques, il n’en demeure pas moins le
garant de la cohérence et de la perpétuation du système
marchand.
MARGES DE MANŒUVRES DE L’ETAT …
Elles se
réduisent, du moins sur le plan économique, comme une peau de chagrin. Outre le
fait qu’une telle situation remet en question le concept même de «citoyenneté»
(l’expression du citoyen au travers de l’Etat perd tout sens lorsque l’on fait
exclusivement confiance aux lois du marché), le domaine d’intervention de l’Etat
ne peut se situer que dans ses fonctions purement régaliennes et en particulier
police et justice… voire militaire dans les cas extrêmes.
On comprend dés
lors, pourquoi l’Etat-nation privilégie la répression au détriment de la
prévention et de la négociation, pourquoi le «social» devient le parent pauvre
de l’intervention de l’Etat. En fait, l’Etat à de moins en moins de choses à
négocier (voir l’article «
NEGOCIER, MAIS NEGOCIER QUOI?»). Il s’est engagé,
auprès des autres Etats, des organisations internationales (OMC,OCDE, FMI) à
libéraliser l’économie, et vis-à-vis de l’Europe à respecter des critères qui ne
peuvent qu’aggraver la situation sociale (les fameux critères de
convergences).
L’Etat devient très concrètement le «gendarme» du système
marchand. Il l’a toujours été mais cette fois ci il ne va pouvoir jouer
que ce rôle.
…ET MONTEE DU MALAISE
SOCIAL
Elle est certes la conséquence du fonctionnement du
salariat (voir l’article «
LOGIQUE MARCHANDE/LOGIQUE SOCIALE, FAUT CHOISIR!»),
qui s’est mondialisé, mais il n’y a plus ce qu’il y avait autrefois:
l’intervention de l’Etat qui faisait en sorte que toute contestation, tout
conflit, toute revendication, reste dans des limites acceptables pour le
système, trouve une solution, certes conjonturelle, dans le cadre de ses
compétences, le national. Aujourd’hui la montée du malaise social ne trouve plus
les «garde fous» que plaçait l’Etat pour éviter l’aggravation de la situation.
Les privatisations, les restructurations, les délocalisations,…
autrement dit la marchandisation généralisée de la vie économique et sociale
entraîne des situations déstabilisantes, excluantes, appauvrissantes pour
lesquelles l’Etat n’a aucune réponse… sinon des mesures superficielles qui ne
règlent que très superficiellement les problèmes posés.
LA
SOLUTION REPRESSIVE
Quand on veut maintenir une paix sociale,
mais que l’on n’a pas les moyens et/ou la volonté politique de répondre aux
revendications, il n’y a pas de mystère, la seule solution est la
répression.
L’Etat s’est toujours doté d’un moyen de coercition, mais
s’il a pu dans le passé n’en faire qu’un élément de son intervention,
aujourd’hui Police et Justice sont en passe de devenir des moyens de
«régulation» privilégiés (voir l’article «
VERS UNE SOCIETE
POLICIERE?»)
Ceci explique la juridiciarisation quasi systématique des
conflits. Ceci explique le gonflement démesuré des effectifs de police et son
utilisation de plus en plus fréquente.
La police/gendarmerie est
désormais devenue, non seulement un pilier (ce qu’elle a toujours été) de l’Etat
mais le principal pilier compensant le recours à la négociation qui
s’amenuise.
Les gestionnaires du système marchands savent ne rien devoir
refuser aux forces de répression dont ils savent qu’ils vont en avoir de plus en
plus besoin pour maintenir la cohésion de l’ordre marchand. Une telle situation
ne peut être que génératrice de dérives graves dans le comportement de
mercenaires qui n’ont jamais eu la réputation d’être respectueux des droits de
l’homme… il suffit de voir leurs comportements à toutes les époques de
l’Histoire (faut-il donner des exemples ?).
Dotés de pouvoirs et
privilèges exorbitants (le droit exclusif de détenir et de dire la vérité) par
rapport aux simples citoyens et systématiquement «couverts» par leur hiérarchie,
les autorités politiques, la justice et leurs syndicats, ils forment un caste de
plus en plus intouchable qui se permet, sous prétexte qu’ils se disent
«républicains», ont un code de déontologie (sic) et qu’ils affichent dans leurs
locaux la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (re sic), tous les
abus.
On ne peut évidemment pas exiger la perfection de la part d’êtres
humains chargés de veiller à la paix sociale. Le problème c’est que cette «paix
sociale» se fonde sur un système, le
salariat, qui ne pose pas le respect
de l’individu comme principe intangible… c’est le moins que l’on puisse dire
(voir l’article «
LA MARCHANDISE CONTRE LA CITOYENNETE»). Dans ces conditions,
les pires dérives et abus sont possibles et même certains, surtout quand
l’autorité supérieure est implicitement complice. C’est ce à quoi nous assistons
aujourd’hui.
Le mythe de la «
police/gendarmerie républicaine»,
mythe qui n’a aucun fondement sérieux, est gravement écorné. Dans sa forme
dépouillée de ses oripeaux pseudo sociaux, le système marchand révèle ce qu’il
est en réalité: un système fondé exclusivement sur l’instrumentalisation des
individus et leur exclusion quand il n’en a plus besoin. C’est cette réalité
brute et crue qui va désormais constituer sans fard la réalité de la société
civile.
Doté d’un armement militaire de guerre civile, le système
marchand s’est mis à l’abri de toute éventualité insurrectionnelle. Ce système,
au fur et à mesure de l’aggravation de ses contradictions n’hésitera pas, comme
tous les systèmes l’on fait dans l’Histoire, à utiliser tous les moyens pour
survivre, y compris les
pires.
Patrick
MIGNARD
à 17:24