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Transformation sociale et transformation culturelle
Lu sur Alternative libertaire : Ce texte est la contribution de la collectivité Los Arenalejos au colloque international sur la culture libertaire organisé en 1996 par l'A.C.L. de Lyon.

Pour admettre cette approche de la révolution, il faudrait d'abord nous défaire du mythe du jour J, du Grand Soir et concevoir que demain ça n'existe pas ou, si l'on préfère, que demain n'existe que dans la mesure où il commence aujourd'hui... Qu'il n'y a pas de chemin tout tracé, que celui ci se dessine, s'élabore en marchant, ici et maintenant, tout comme nous avons admis dans nos milieux, depuis fort longtemps, que la fin et les moyens, c'est un peu la même chose. Même s'il nous faut admettre que la révolution sera mondiale ou ne sera pas, question de temps, bien sûr... Mais une transformation sociale authentique ne peut se faire que dans le temps, précisément parce qu'il est urgent de casser l'essentiel : cet axe vertical qui traverse la société de part en part mais qui également traverse chacun d'entre nous.


Cela suppose et à la fois débouche nécessairement sur une transformation des relations humaines. Une entre connaissance comme disait Étienne de La Boétie.
Rien à voir avec le fanatisme ou l'activisme à tout crin, souvent produits par la frustration. Cela suppose qu'à partir de nos inévitables difficultés relationnelles surgies avec la mise en place de structures horizontales, autogérées, nous mettions, par nécessité vitale, toute notre énergie à nous comprendre. Comprendre d'abord comment se sont établies les hiérarchies de dominance qui nous habitent et comment elles se reproduisent à notre insu par le jeu d'un pouvoir toujours plus subtil, mais aussi pour les déjouer et éviter de les perpétuer.
La difficulté surgit lorsque nos références passent obligatoirement par le filtre de la société que nous voulons détruire parce qu'elle porte en elle même le germe de la destruction de la vie. Paradoxalement, la culture libertaire naît, même si c'est par opposition, à partir de la culture établie, tout comme l'anarchie découle de l'archê.
Mais, être contre signifie t il n'être pour rien, comme d'aucuns le suggèrent ? Est ce qu'il faut, comme nous le préconise A. Garcia Calvo, se complaire dans la négation étant donné que les propositions ne peuvent venir que "d'en haut" ? Certes, la négation est un élément important, voire un élément clé, dans la culture libertaire. Traquer le pouvoir dans les moindres interstices, nier l'ankylose, le ron ron quotidien, la mort en quelque sorte, dans n'importe quelle société fût elle libertaire, est un ressort puissant, indispensable pour une culture vivante, une culture du vivant, du spontané.
À ce stade, on s'aperçoit quand même qu'il y a un pour. Et, même si on se situe à contre courant, à la faveur d'une contre culture, essayons d'échapper à l'épidermique réaction négative, la culture systématique du contre. Une culture qui inhibe toute action tournée vers l'espoir, comme un mur qui nous bouche l'horizon. Cette recherche ne peut devenir passionnée et le demeurer, voire même augmenter que si l'on a "goûté", "savouré" la liberté, parce qu'alors on a le désir de la perpétuer. Entendons par liberté la réalisation de soi, multipliée par celle des autres, dans le plus de domaines possibles. C'est seulement cette culture libertaire bien enracinée, ancrée positivement dans notre mémoire devenue collective qui peut, par sa richesse, sa cohérence et ses "solutions propositions" pratiques, nous fournir l'occasion de faire sauter nos blocages et nos protections qui se traduisent par la propriété privée, toutes expressions confondues, et par les moyens mis en œuvre pour la défendre et la perpétuer. Ainsi, confiants en nous mêmes, en notre nature, en la nature, nous pourrons susciter une indispensable transformation sociale, radi-cale, positive, progressive, ascendante sur les chemins de la création et de l'imaginaire écologique et social. Notre pratique fécondée par nos recherches, et vice versa, nous a fourni quelques pistes. Nous vous les soumettons.
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Des limites de l'activité pamphlétaire
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Évidemment ça changerait de l'image intellectuelle, pamphlétaire, épidermique et visionnaire d'un anarchisme qu'il faut bien qualifier de moribond depuis l'avènement du franquisme en Espagne. Paradoxalement, et c'est là notre chance, il fleurit de temps à autre dans des mouvements sociaux spontanés auxquels nous ne pouvons fournir l'alternative libertaire, c'est à dire la cohérence de notre vision globale des moyens faute de richesse culturelle vivante et actuelle.
En relation avec cette constatation, le passage suivant de M. Cartier (1) peut nous fournir une piste : « Ce serait une erreur de penser que les masses ne se révoltent pas faute d'informations au sujet des mécanismes d'exploitation économique. En réalité, la propagande révolutionnaire qui vise à expliquer aux masses l'injustice sociale et l'irrationalité du système économique s'adresse à des sourds. Ceux qui se lèvent à cinq heures du matin pour aller travailler à l'usine et qui, en plus, doivent passer deux heures par jour dans le métro ou les trains qui les amènent sur leur lieu de travail, sont obligés de s'adapter à cette existence, éloignant de leur esprit ce qui est susceptible de les remettre en question. S'ils pensaient qu'ils sont en train de détruire leur propre vie au service d'un système absurde, ils se suicideraient ou, pour le moins, deviendraient fous. Pour éviter cette prise de conscience angoissante, ils justifient leur existence en la rationalisant. Ils repoussent tout ce qui pourrait les perturber et acquièrent une structure de caractère adaptée aux conditions dans lesquelles ils vivent. Par conséquent, une attitude idéaliste qui consiste à expliquer aux gens qu'ils sont opprimés ne sert à rien, puisque ces personnes sont obligées de supprimer leur perception de l'oppression afin de pouvoir la supporter. Les propagandistes révolutionnaires disent qu'ils veulent provoquer des prises de conscience. L'expérience démontre que leurs efforts sont rarement couronnés de succès. Pourquoi ? Parce qu'ils se heurtent à tous les mécanismes de défense inconscients et à toutes les rationalisations que les personnes construisent pour ne pas prendre conscience de leur propre exploitation et du vide de leur existence ».
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La séduction
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Martin Buber disait qu'une révolution c'est une espèce d'accouchement et qu'elle était donc peu probable sans une conception préalable. Et, pour qu'il y ait conception, deux paramètres sont nécessaires : séduction et rencontre. Séduire avec des pamphlets ou des démonstrations intellectuelles semble bien limité pour les raisons invoquées par Cartier. Cela paraît être encore dans nos milieux, l'action par excellence. Pourtant, il nous faudrait aller bien au delà pour qu'elle passe vraiment au stade de création. Création au quotidien, création du quotidien, et enfin séduction du quotidien libertaire. Séduction et rencontre.
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Comment se reproduit la société
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Placé dans le quotidien libertaire, on aperçoit par tous ses sens que ce vécu libertaire n'est pas facile. C'est notre structuration psychique qui en est surtout la cause.
Ce sont nos propres difficultés relationnelles, mais aussi "l'arrivée" des enfants qui nous ont permis d'avancer des éléments de réponse. Nous sommes maintenant persuadés que la mesure de l'impact de notre "contre culture" sera, entre autres choses, mais surtout un changement de mœurs, un changement radical des rapports entre adultes et enfants car comme le dit Murray Bookchin (2) : « On ne saurait trop insister sur la dimension biologique que Briffault apporte à ce que nous appelons société et socialisation. C'est un facteur décisif, non seulement parce qu'il replace les origines de la société dans la longue histoire de l'évolution animale, mais aussi parce qu'il intervient dans la façon dont nous recréons constamment la société dans notre vie quotidienne. L'apparition du nouveau né, et les soins intensifs qu'il doit recevoir pendant de nombreuses années, nous rappellent que ce n'est pas seulement un être humain qui est ainsi reproduit, mais la société elle même ».
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Naissance et maternité libidinales
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Nous, lorsque nous avons refusé, plus par sensibilité que par rationalisation, l'asepsie de l'hôpital et, par conséquent, la voie de la médicalisation pour l'accouchement, nous ne savions pas jusqu'à quel point cela changerait nos conceptions relationnelles entre adultes et enfants et, par ricochet, entre adultes. Cela nous a permis de mieux comprendre nos propres limitations, donc de mieux nous tolérer d'une part, mais aussi de mieux les travailler d'autre part.
Face à l'arrivée de la vie, face au refus de l'inhumain des hôpitaux structurés pour médicaliser et robotiser le double phénomène accouchement/naissance, nous avons choisi la maison, la relation, l'alternative. L'accouchement n'étant pas pour la mère un acte médical, mais part entière de sa sexualité. La naissance n'étant pas pour l'enfant traumatisme et souffrance mais une épreuve, sans doute la première, et, en tout cas, certainement la plus importante.
Il a fallu se lancer, se documenter. D'autres femmes avaient fait des recherches dans ce domaine, dans le sens de l'autogestion d'une facette importante de leur vie. Des hommes ont également suivi. Les résultats pratiques immédiats sont assez surprenants et nous redonnent une extraordinaire confiance en notre nature, en nos instincts.
Nous avons découvert que la maternité pouvait signifier plaisir, que l'accouchement pouvait être vécu dans la jouissance et non dans la souffrance lorsqu'on se laisse aller au libre arbitre de l'instinct qui, de lui même, nous indique la marche à suivre. Ensuite, il est réconfortant de constater que le nouveau né s'en porte beaucoup mieux. En fait, il s'agit de sa première relation qui, comme pour la mère, est sexuelle au sens le plus large. Une sexualité qui n'intéresse pas les marchands, soit dit en passant. À partir de la conception, il n'y a pas de dépendance du fœtus puis du nouveau né vis à vis de la mère, comme on veut toujours nous le faire croire, dans l'obsession des hiérarchies, mais interdépendance. Interjouissance, car c'est le plaisir qui guide la vie. Faire de l'accouchement un acte essentiellement douloureux et faire que nous naissions d'une mère endolorie, frustrée, donc pas disponible, c'est le résultat d'une stratégie millénaire de notre civilisation pour court circuiter le désir et la pulsion qui anime la vie, selon le principe du plaisir.
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La manipulation de l'accouchement/naissance
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Tout cela dans le but de manipuler le moi primaire des êtres après leur naissance. Pour ce faire, on a éliminé la mère libidinale, en robotisant les fonctions reproductrices du corps féminin. La femme occidentale est héritière de Judée et de Grèce qui ont organisé la reproduction humaine en soumettant la femme et en dégradant la maternité. Elles ont converti la maternité en un viol du corps féminin, réprimant systématiquement la sexualité et plus concrètement la sexualité utérine. « La femme actuelle est socialisée dans la rupture psychosomatique entre la conscience et l'utérus » (Merelo Barberà, 1980).
Pendant l'accouchement, le nouveau né perd la relation harmonieuse avec son milieu. Il souffre de compression et d'asphyxie. Ce sont en général ses premières souffrances d'angoisse, de peur et de perte de confiance en son entourage, ce qui entraîne un manque au niveau de sa perception de l'entraide. La sen-sation et le sentiment de carence, dus au manque d'harmonie initiale, font leur apparition. Tout com-me l'angoisse, la douleur et la peur sont très importantes (beaucoup de nouveau nés en portent les marques). La méfiance et la peur de revivre cette expérience laissent aussi leurs traces dans le moi primaire.
L'accouchement dans la douleur et sans désir maternel constitue le début de notre socialisation dans le monde patriarcal. Une fois coupée la dynamique produite par l'interaction libidinale et rompu l'accouplement mère bébé, se sentant en quelque sorte "orphelin", le petit être humain est pris dans une spirale de carence et de peur de manquer. Cette peur ne lui laissera d'autres options que de vivre dans la soumission et l'appropriation des êtres et des choses, s'adaptant ainsi "au principe de réalité". On est en droit de penser qu'il s'agit là de la genèse de l'état de soumission inconsciente, le premier maillon de la chaîne. Est ce la "malencontre" dont parle La Boétie ?
Tout ne s'arrête pas là, la suite est tout aussi importante. La souffrance du nouveau né, on l'accentue en niant l'accès au corps tant désiré de la mère. Lui, ce qu'il veut, c'est continuer à écouter le bruit du cœur, téter le colostrum, puis le lait, être au chaud, peau contre peau. En fait, la séparation même momentanée entre la mère et le nouveau né, comme chez tous les mammifères, c'est la destruction de "l'empreinte".
C'est cette "empreinte" qui permet, à travers tout un processus hormonal, la reconnaissance libidinale instinctive, de la part de la mère, des désirs du nouveau né puis du bébé. La mère devient alors le milieu idéal où le bébé développe la production de ses propres désirs, la pulsion de recherche du bien être, le développement du moi primaire. Cette courte période suivant immédiatement la naissance, si elle est manquée, aura des conséquences néfastes pour la mère et le nouveau né qui "perd son milieu naturel" et la confiance ; la mère ne reconnaissant plus les désirs du petit. Elle rejette alors libidinalement le bébé pour le reprendre avec un amour intellectuel, représentatif, plus qu'émotionnel. Elle lui donne à manger selon les diktats de la science pédiatrique et de l'organisation sociale, c'est à dire qu'elle lui évite la faim et le froid, couvre ses nécessités mais abandonne le petit dans la solitude. Elle devient insensible à ses pleurs et à sa souffrance. Pour elle, ce sera la dépression post partum considérée normale. Donc, bien avant la raison d'État ou l'accumulation du capital, il y a la raison de l'adulte qui affirme qu'"il est normal que les enfants pleurent" ou qu'ils sucent une sucette en plastique. Les frustrations primaires sont la forge de l'être humain dans cette société. L'accumulation de rage, de colère, etc. que commence à emmagasiner le nouveau né, débouche sur ce qu'on appelle thanatos inné qui, nous le voyons bien, n'a rien d'inné. Cela n'est pas nouveau, c'est l'ordre patriarcal qui s'est imposé souvent à feu et à sang, détruisant les autres formes d'organisation sociale pacifiques, matriarcales. Tous les peuples guerriers (Spartiates, Sioux, etc.) ont pratiqué une destruction systématique de l'empreinte (sans doute par connaissance empirique) d'une façon ou d'une autre mais dans un même but : augmenter l'agressivité de leurs combattants (3).
Chez les Juifs, un rite instituait la "purification" de la femme juste après l'accouchement. Chez les Grecs, les femmes de l'élite dominante cherchèrent des Doulas pour les remplacer dans la fonction maternelle. Il en est de même dans nos société où ce sont les "sciences moder- nes" : médecine, psychologie, etc., mais aussi l'État (éducation) et la publicité qui se chargent de dévaloriser cette fonction, de la banaliser ; à tel point que la sexualité ne devient que génitale, et les normes progressistes adoptent un point de vue patriarcal sans le savoir. Car même si le souci du "géniteur" de se rapprocher davantage du nouveau né constitue un progrès dans l'égalité des sexes, il n'en demeure pas moins que "prendre" la place de la mère constitue un acte patriarcal. Car enfin si nous parlons de libre arbitre, il suffirait de dormir nus côte à côte. On s'apercevrait que le bébé n'hésite pas un seul instant pour diriger sa libido. Ça, c'est le respect des différences et la complémentarité des sexes. Le plus fondamental et déterminant pour le nouvel être humain. Bien sûr, pour cela, il nous faudra perdre la peur de la mère étouffante et viser à ne pas l'être en reconsidérant sa propre histoire.
En tout cas, tout tend à démontrer tant dans la pratique que dans l'étude des peuples pacifiques et sans hiérarchie que la satisfaction des désirs biologiques, c'est ce qui fait la première condition de la sociabilité véritable d'un être humain.
Cela va encore bien au delà de ce que pensait Reich, le précurseur, puisqu'il s'agit de laisser libre cours à la sexualité dès le départ sans qu'un manque à la base ne vienne fausser les pulsions ultérieures et entraîne ce "vide" (4) si nécessaire à la société de consommation. Pour bien comprendre l'importance et le déterminisme de ces premiers instants de la vie et des trois années qui suivent chez l'être humain, il convient de comprendre notre nature première (la seconde étant la culture). C'est à dire, au départ, notre biologie. C'est Henri Laborit qui le mieux nous a fait comprendre ce mécanisme : « Pour l'animal comme pour l'homme, le premier objet à construire est l'individu lui même. L'élaboration du schéma corporel demande quelques semaines à quelques mois chez l'animal, deux à trois ans chez l'homme. Cette élaboration précoce est indélébile, d'où l'importance du rôle de l'environnement au cours des premiers mois pour l'animal, des premières années pour l'homme. À ce stade, le cerveau est encore plastique et immature. Cette période, c'est la période dite de l'empreinte durant laquelle d'innombrables synapses font leur apparition en fonction du nombre et de la variété des stimulis tandis que d'autres inutilisés disparaissent » (5).
Des recherches toutes récentes aux États- Unis (6) vont encore plus loin quant à l'interaction mère nouveau né au niveau cérébral. Ainsi Myran Hofer de l'Institut psychiatrique de l'État de New York informe que la mère fournit ce qu'il appelle « les modulateurs occultes » du nouveau né, en le berçant, l'alimentant, le regardant, le caressant. Pendant les premiers six mois de la vie, « le bébé établit une représentation mentale de sa relation à la mère », dit il. « Les interactions régulent les mécanismes neurologiques de l'enfant pour son comportement et pour les sentiments qui commencent à se développer à ce moment [...] Il peut y avoir une période cruciale pour le développement émotionnel entre huit et dix huit mois, affirme Géraldine Dawson, c'est dans cette période que les enfants apprennent à réguler leurs émotions » (7).
Lorsqu'on sait que ces circuits émotionnels s'établissent aussitôt et de façon permanente, on comprend qu'on puisse parler d'œdipe, de parricide, de thanatos et de pulsion de mort, mais c'est seulement l'expression de la souffrance et de la révolte du bébé.
Il devient donc urgent de reconsidérer cette interrelation mère enfant, des mœurs et des structures qui les déterminent, surtout de la part des libertaires.
Deux précisions toutefois pour éviter toute susceptibilité "bienveillante" : il ne s'agit pas d'écarter l'homme de cette relation, bien au contraire, mais de tout mettre en œuvre pour favoriser en priorité l'accouplement libidinal mère enfant, puis permettre le continuum jusqu'à ce qu'autonomie s'ensuive. Ce couple émotionnel se diluant petit à petit, d'autant plus vite que plus de richesse environnementale de temps et d'espaces lui seront fournis.
L'autonomie forcée n'étant en fin de compte que frustration et dépendance intériorisées, une sorte d'attache psychique permanente.
L'effort des deux sexes, c'est l'entraide dans la richesse prodiguée par les différences, pour restructurer des espaces où les femmes puissent développer leur maternité libidinale là et partout où elles l'entendent : à l'atelier, dans les champs, à l'école, etc., sans qu'elles soient coupées de leurs centres d'intérêt mais aussi sans obligation d'être productives.
Tout cela devrait s'accompagner de la création d'un archétype différent de la femme, mais aussi de la maternité. Nous, femmes et hommes, devons développer un symbolisme nouveau où le sentir est quelque chose de concret, proche, uni au naturel, aux formes perceptibles.
En fait, seul un ensemble de facteurs cohérents visant un changement radical vers une société libertaire pourra permettre une maternité libidinale où hommes, femmes et enfants pourront enfin se réaliser dans leurs différences.
On a souvent dit que la femme est plus près de la nature, et que la mort de la mère signifiait la mort de la nature. C'est un symbole qui n'est peut être pas vide de sens.
Cela a certainement quelque chose à voir avec un instinct plus développé chez la femme étant donné son cycle hormonal lunaire et sa capacité à donner la vie. En tout cas, c'est sans doute cette expérience de maternité qui nous a le plus bouleversés. Celle qui nous a permis le plus, non seulement de comprendre, mais de sentir, de palper le message de Murray Bookchin et la justesse de sa conception de l'écologie sociale.
Car enfin, c'est vrai qu'il y a une intelligence dans la nature. Qui nous procure cette incroyable capacité de mettre au monde un nouveau né dans les meilleures conditions pour en faire un être comblé donc sociable, dès le départ, avec une inégalable joie de vivre.
Ce n'est pas notre intellect lorsqu'il est coupé de notre corps, autrement dit, ce n'est pas notre cortex associatif, conceptuel, le dernier né de l'évolution humaine, c'est surtout notre système nerveux primitif, le plus ancien, et dans une moindre mesure le système limbique, siège de l'apprentissage qui en est le moteur.
Notre système nerveux primitif, appelé aussi reptilien, c'est le siège de l'instinct, un mot fort mal interprété, à l'image de la nature perçue comme violente, agressive, alors que sa fonction c'est :
• Le comportement d'approche et la satisfaction des nécessités biologiques manger, boire, dormir, reproduire l'espèce.
• Le comportement de fuite et de lutte suite à un stimulus adverse. Il peut se manifester par une agressivité défensive, la seule agressivité innée.
Les autres comportements comme l'angoisse d'accaparer, l'égoïsme, la méfiance, le sentiment de propriété, l'autoritarisme ne sont que le résultat d'apprentissages (carences, expériences négatives, etc.) dès la naissance surtout et peut être même avant.
C'est ainsi que Bookchin rejoint Laborit lorsqu'il dit « Ce que nous renions trop souvent comme phase intuitive de la connaissance est en fait la vérité que notre animalité octroie à notre humanité et le stade embryonnaire de notre développement adulte ».
Se réconcilier avec notre instinct, c'est donc se réconcilier avec notre nature profonde, première, respecter et laisser s'exprimer tous les niveaux de l'évolution de la vie à travers nous, vers plus de complexité, de création, donc de liberté. L'être humain étant la nature prenant conscience d'elle même.
Pour ce faire, il nous faut développer une socio-culture (espèce de seconde nature) capable d'humaniser, voire de potentialiser la fonction conjointe des trois cerveaux pour l'épanouissement de chacun d'eux.
L'écologie sociale c'est ça : la réconciliation de la nature et de la culture, cette dernière aidant la première à libérer ses potentialités.
Il est vrai que nous avons surtout insisté sur un aspect de la socio-culture à développer, celle qui nous a le plus frappés et servis pour comprendre nos comportements, celui qui est le plus susceptible de susciter en nous toutes et tous un changement de mœurs et de mentalité, à savoir ce que M. Bookchin appelle « la biologie de la socialisation humaine ». Nous aurions pu tout aussi bien vous parler dans la foulée de notre choix de ne pas envoyer les enfants à l'école et d'utiliser des ancrages affectifs possibles dans un continuum de concept pour apprendre. Nous aurions pu vous parler de notre vécu en ce qui concerne notre corps, son intelligence psychosomatique pour rétablir la santé, ce qui nous a conduits, à partir du rejet de la médecine et de sa conception manichéenne et pasteurienne du microbe, à l'autogestion de notre santé. Nous aurions pu parler du bien fondé de notre choix de nous établir à la campagne, même si ce choix était inconscient au départ ; car comme dit Laborit « La ville n'est pas un organisme, mais elle représente un des moyens utilisés par un organisme social pour contrôler et maintenir sa structure ».
Nous aurions pu vous parler de notre choix en agriculture, d'agriculture biologique et de permaculture, notion issue des travaux de Kropotkine et qui nous amène au concept d'écosystème avec communautés humaines intégrées et technologies douces.
Nous aurions pu insister davantage sur nos difficultés relationnelles qui nous ont fait prendre conscience de l'impact de l'intériorisation des valeurs patriarcales et capitalistes. Puis de comment on essaye d'y remédier par une recherche sur la communication, c'est à dire la première mise en commun sans vainqueurs ni vaincus.
Car c'est bien ça le résultat de notre expérience : il ne pourra y avoir d'écologie véritable sans relations qualifiantes pour tout le monde, en commençant par la première, mère bébé, sans un bouleversement des structures sociales qui permette à chacun de se réaliser à travers tous les autres dans la complémentarité des différences, dans cette société qui induit l'inégalité des égaux.
Alors, à quand une fédération des pratiques libertaires ? À quand cette trame culturelle libertaire vivante issue des pratiques au quotidien ?
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Ce texte est extrait de "La culture Libertaire" éditions ACL, 1997, ISBN 2-905691-48-4 

(1) Cité par Libera, n°53, août 1995, journal anarchiste brésilien. Extrait du texte de M. Cartier La famille et la fonction sociale de la répression sexuelle in Life and work of Williain Reich.
(2) Voir Une société à refaire, Atelier de Création Libertaire, Lyon, 1992, p.28.
(3) Votre bébé est le plus beau des mammifères, Michel Odent.
(4) Voir à ce sujet La falta bàsica, Michel Balint, éd. Paidòs, Barcelone, 1993. Première édition, Londres New York, 1979.
(5) Voir la Légende des comportements, Henri Laborit, éd. Flammarion, Paris, 1994.
(6) Voir El Pais du 15 novembre 1995, repris dans la Hoja, n°9.
(7) Ibidem.
 
Alternative libertaire #210 octobre 1998
Ecrit par , à 17:13 dans la rubrique "Social".



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