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Lu sur Actualité de l'anarcho-syndicalisme : "Texte de synthèse écrit par un des participants à la suite de une réunion débat de militants de différents horizons anarchistes. Ce texte est une invitation au débat le plus large ! Vous pouvez nous faire part de vos contributions par courrier, par mail (adresses à la fin du texte) ou par le forum (http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/v...)
Société d’hier et réalité d’aujourd’hui : quelle présence dans le monde pour les libertaires ?
La crise sociale qui traverse depuis plus de trente ans les sociétés où sévit le capitalisme avancé est en train de se doubler d’une crise économique majeure dont l’ampleur reste actuellement inconnue pour une bonne part. Mais cette crise économique est plus grave que ne le laissent entendre les spécialistes des idées courbes appelés couramment économistes. Il ne s’agit pas d’une crise financière seulement, mais bien d’une crise de surproduction liée à la paupérisation et, par conséquent, à la difficulté pour les capitalistes de trouver des nouveaux marchés. Quelque soit l’issue de cette crise, on peut déjà dire qu’elle devrait se solder par un appauvrissement supplémentaire des classes populaires et des classes moyennes du fait de la socialisation des pertes (en quoi consiste effectivement la nationalisation du système bancaire), mais aussi en raison du chômage. Par ailleurs, cet état de crise risque de renforcer encore la domination et la violence d’Etat.
On aurait tort en effet de penser que le capitalisme, à la faveur de la crise actuelle, pourrait s’écrouler de lui-même. L’exemple argentin a montré que le capitalisme pouvait se relever après s’être effondré. En 2001-2002, une fuite des capitaux a provoqué la faillite du système bancaire argentin et la paralysie de l’économie du pays. Les travailleurs ont même, de fait, assurés de façon autonome la gestion de leur entreprise après que les capitalistes se sont évaporés dans la nature pour ne pas avoir à régler la note de la facture : faire tourner une machine économique devenue temporairement non rentable. Mais cette pratique de l’autogestion, « apolitique » dans bien des cas, était plus une façon pour les travailleurs de gérer en réalité la crise que de passer à une appropriation collective des moyens de production dans le but de socialiser l’économie. En l’absence d’une réelle volonté politique de liquider le capitalisme du côté des travailleurs, l’Etat a pu reprendre la main. Finalement, les patrons, en s’appuyant sur l’Etat, ont pu contrôler à nouveau les moyens de production et exproprier les groupes de travailleurs qui avaient spontanément mis en pratique l’autogestion pour des problèmes tenant à la question de la survie en période de crise aigue. Sans un mouvement d’opposition radicale organisé, le capitalisme peut donc se relever d’une crise qu’il a provoqué en raison d’une forme de rationalité irrationnelle pour ne pas dire délirante.
Après les grèves de 1995, les plus optimistes d’entre nous ont parlé d’un retour de la classe ouvrière sur la scène politique. Mais avec le recule, et après les échecs des grèves de 2001 sur les retraites et l’incapacité à développer une riposte collective face à l’offensive capitaliste, ont peut se demander si décembre 1995 n’a pas marqué la fin d’une époque plutôt qu’une continuité. Ce n’est pas que les antagonismes sociaux ou les intérêts de classe aient disparu, c’est plutôt que nous regardons passer le train des « réformes » imposé par les capitalistes et leurs représentants politiques en restant coincés sur le quai... Chômage de masse, intérim, temps partiel, précarisation, individualisation du travail, heures sup, exploitation intensive de la force de travail, flexibilité ; s’il fallait désigner la grande figure de notre triste époque, le grand artisan de notre monde, il faudrait assurément citer le Capital plutôt qu’une quelconque classe révolutionnaire. En même temps, les métamorphoses du travail ont provoqué l’irruption de nouvelles formes de luttes : mouvements de travailleurs précaires, des sans papiers, des mal logés. Elles ont parfois débouché sur l’action directe : occupation sauvage de logement, réquisition de marchandises, appropriations collectives et sauvages, gratuité ou auto réduction. Par ailleurs, ces mouvements ont souvent tenté de s’auto-organiser en faisant le choix de collectifs, de comités ou de coordinations. On a même vu apparaître en certaine occasion le mot d’ordre de convergence des luttes. Le mouvement libertaire peut donc y voir à juste titre une réapparition de certaines des idées qu’il a toujours encouragées. Toutefois, faute d’avoir pu donner un contenu politique radical à l’idée de convergence des luttes et de coordonner les efforts, ces pratiques et ses formes d’auto-organisation, mêmes timides, n’ont pu être ni politisées ni diffusées très largement. Ces nouvelles formes de contestation politique ont semblé un temps se cristalliser autour du mouvement altermondialiste. Mais outre la répression et la normalisation dont il a fait l’objet, il n’a pu se dégager d’une ambiguïté fondatrice du mouvement : lutte contre le libéralisme ou contre le capitalisme, remise en cause du fétichisme marchand ou abolition du salariat ? Finalement, le mouvement altermondialiste n’a pas réussi à être autre chose qu’un moment de la société spectaculaire marchande en donnant l’illusion d’incarner un nouvel internationalisme. Faute d’avoir pu s’enraciner dans des luttes réelles, il n’est resté qu’une chimère apparaissant le temps d’un forum mondial ou d’une réunion des grands de ce monde.
En ces temps de rupture, l’ancien voisine avec le nouveau et nous nous attachons parfois à des fétiches : le mythe de la révolution espagnole, l’esthétique de l’émeute, le syndicalisme comme mode d’organisation privilégié des travailleurs. Revenir sur l’histoire du mouvement anarchiste peut nous permettre d’y voir plus clair.
A la fin du 19e siècle, les anarchistes sont dans l’impasse politique. Les attentats et l’individualisme anarchiste, la propagande par le fait, ont échoué. Le banditisme social n’a plus le soutien qu’il avait dans le prolétariat au début du siècle. Dans ce contexte, les anarchistes sont entrés en masse dans les syndicats ouvriers en voie de constitution pour en faire émanation, la forme d’organisation naturelle du mouvement ouvrier. Mieux : ils ont donné un contenu politique à l’organisation avec le syndicalisme révolutionnaire et le mythe de la grève générale. A cette époque, les anarchistes ont su faire preuve d’une imaginale sociale radicale en inventant un espace d’opposition politique original et en phase avec les des besoins des travailleurs, notamment ceux de l’industrie. Si les anarchistes veulent continuer à jouer un rôle politique dans la lutte anticapitaliste et pour l’émancipation sociale et politique, ils vont devoir faire preuve de la même imagination politique créative. Les syndicats sont devenus des bureaucraties plus jalouses de leurs intérêts que de l’idée de libération sociale ? Les partis politiques transforment les espoirs révolutionnaires en machines de guerre qui dévorent ses enfants ?
L’actualité récente montre que, en certaines occasions, l’imagination populaire peut se mettre à l’œuvre. C’est ce qui s’est passé lors que la révolte de la région de Oaxaca au Mexique en 2006. Les habitants insurgés ont remis à l’ordre du jour la démocratie directe en établissant une assemblée populaire souveraine ayant pour devise liberté et dignité. Les autorités ont mis six mois à reprendre le contrôle de la région et à réimposer le régime politique et social légal. Sans vouloir enjoliver la réalité, les insurgés ont su réactualiser dans le présent les principes de la Commune, de la libre association et du fédéralisme en mettant fin, même de façon temporaire, à la division des opprimés, et notamment à la séparation entre la ville et les campagnes, le mouvement indigène et les luttes urbaines. La preuve s’il en est que le vieux rêve bouge encore, même quand les feux semblent éteints...
Cette étincelle qui attend de devenir flamme et incendie dit notre révolte de ne posséder qu’un destin et notre volonté inassouvie de conquérir quelque chose comme une vie pleinement vécue. Cette utopie révolutionnaire, nous pouvons bien encore l’appeler socialisme libertaire ou communisme anarchiste.
Paru dans Espoir 2009-1, envoi sur simple demande à contact@cnt-ait.info ou par courrier : CNT AIT 108 rue Damrémont 75018 PARIS