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Une culture aux racines païennes, ancrée dans la ruralité.
La sorcellerie est bien plus ancienne que le christianisme. En
effet, le phénomène de sorcellerie remonte au néolithique avec la
sédentarisation due aux débuts de l’agriculture. La sorcellerie est
donc un pan très ancien de la culture populaire qui préexiste au
christianisme, même si sa pratique était d’une plus grande mixité
sociale. Dans les premiers temps du christianisme occidental, les
populations habituées à l’usage de la magie dans la vie quotidienne
attendaient du clergé une forme supérieure de magie par rapport à
l’ancienne magie païenne. Alors que la chrétienté concurrençait le
paganisme, ce problème était d’une importance cruciale pour le clergé,
qui peu à peu substitua aux pratiques ancestrales le culte des
reliques, des saints et du Christ, reprenant ainsi l’usage populaire
d’amulettes et de talismans. Jusqu’à ce qu’au fil des siècles, elle
réussisse à éradiquer la sorcellerie des contrées les plus
christianisées avec pour point culminant les chasses aux sorcières dans
l’Europe baroque. Cependant, les périphéries rurales encore peu
occupées par les missionnaires catholiques, perpétuent encore ces
traditions païennes de sorcellerie, incompatibles avec le dogme
chrétien.
La sorcellerie comme expression d’une révolte.
L’historien Jules Michelet (1798 - 1874) dans La Sorcière,
affirme que la pratique de la sorcellerie était l’expression d’une
marginalisation volontaire, d’un refus de l’impérialisme religieux et
d’une rébellion anticléricale. Une révolte naïve de la culture
populaire rurale contre l’oppression de l’Eglise et des élites urbaines
et savantes, car c’est majoritairement dans les zones géographiques en
cours de christianisation et dans lesquelles le pouvoir religieux était
faible, dans les zones tardivement conquises, éloignées des centres de
décisions et aux confins de la chrétienté qu’ont proliféré ces
marginaux hostiles aux efforts de normalisation, d’intégration et
d’acculturation déployés par l’Eglise et le pouvoir monarchique. En
effet, l’impiété est à l’époque moderne, un acte de rébellion. La
sorcellerie peut donc être vue comme la réaction du marginal qui sait
son mode d’existence et sa liberté menacés par un nouvel ordre des
choses imposé par les autorités religieuses. Loin de la considérer
comme la manifestation d’un obscurantisme archaïque ou comme d’absurdes
superstitions, Michelet voit dans la sorcellerie à la fois la
conséquence de la misère des « temps du désespoir » et l’expression
d’une révolte. La naissance, en réaction à l’impérialisme du dogme
chrétien, d’une contre-culture ancrée dans le paganisme –et à qui
l’Eglise et dans certains royaumes l’Inquisition font la guerre- pour
mieux rejeter l’ordre moral chrétien.
Une perception variable de la sorcellerie dans la culture populaire.
Certes marginaux, les sorciers et sorcières étaient plus craints
que respectés dans les milieux ruraux populaires. Mais là où l’Eglise
niait toute existence possible de la magie hors du cadre chrétien en
réprimant les croyances, la culture populaire, elle, croyait
majoritairement en la sorcellerie sans toutefois la pratiquer. La
marginalité de ces phénomènes n’excluait donc pas la croyance en ces
phénomènes ni même parfois leur réprobation. En effet, certaines
croyances ont pu considérer la sorcellerie comme un phénomène
bénéfique : le sorcier est aussi parfois, le guérisseur. C’est ce que
releva l’historien italien Carlo Ginzburg dans son ouvrage Les Batailles Nocturnes
de 1966 à travers le cas étonnant de la secte des Benandanti et de sa
survivance au XVIe siècle dans le Frioul (région du nord de l’Italie),
région qui ne tarda pas à être frappée par l’Inquisition.
Les Benandanti (littéralement « ceux qui avancent pour le bien »)
étaient des hommes et des femmes qui étaient "nés coiffés",
c’est-à-dire que la membrane amniotique recouvrait une partie du corps,
spécialement la tête. Ce n’était pas uniquement un signe de
« Benandanti » mais aussi un signe de facultés de guérisons des mauvais
sorts, et du pouvoir de voir les sorcières. Certains Benandanti
conservaient leurs coiffes et la portait autour du cou comme une
amulette. ils étaient invoqués la nuit, soit à l’aide de tambours soit,
selon la tradition, par des anges. Cependant, si ils ne parvenaient pas
à répondre assez rapidement à l’appel, ils risquaient d’être lapidés
par les villageois. Au moment où ils quittaient leurs corps, leurs
esprits prenaient l’apparence de papillons, de souris, de chats, ou
encore de lièvres. Il se rendaient ensuite au centre de la terre où il
affrontaient l’armée des Sorcières, aussi appelées les « malendentis ».
Les Benandanti étaient armés de queues de fenouil, plante connue pour
ses vertus curatives. Les Sorcières elles, étaient armées de queue de
sorgho. Si les Benandanti remportaient la victoire, les récoltes de
l’année seraient abondantes. Si au contraire c’était les malendentis
qui gagnaient, cela annonçait une période de disette, de peste et de
misère. Les origines de ce culte sont inconnues mais il est
probablement très ancien. Les Benandanti étaient considérés par les
autres villageois comme des soldats du bien, préservant les récoltes et
protégeant leurs villages de la malveillance des sorcières. Pour une
mère, c’était un honneur d’avoir un fils Benandanti et bien que païen à
la base, ce culte acquis des éléments chrétiens à la fin du XVIème
siècle. Les Benandanti se mirent au service de Dieu et du Christ en
combattant les envoyés du diable avant que le tribunal de l’Inquisition
ne les condamne à la fin des années 1580. Ce qui montre l’ambivalence
de la perception de la sorcellerie dans la culture populaire, mais
aussi l’ambivalence et l’évolution de la culture des lettrés face à la
sorcellerie, avec une phase importante de récupération par les
autorités religieuses.
La sorcellerie : une tradition orale.
Une des différences majeures entre la culture populaire et la
culture savante est l’alphabétisation. L’analphabétisme des masses
paysannes du tiers-état est un facteur d’exclusion indiscutable.
L’écriture étant quasiment réservée au clergé, seuls détenteurs du
contenu de la foi, la culture populaire du se contenter d’une culture
orale de transmission d’une profondeur acquise au fil des siècles.
Comme nous l’avons déjà remarqué, les veillées furent le lieu
privilégié de transmission d’une culture orale de contes et légendes
souvent liés à la magie ou à la sorcellerie, souvent transmise des
grands parents aux petits enfants. Tandis que la culture populaire se
perpétuait ainsi, la culture savante se transmettait, elle, à travers
l’écriture et surtout, la liturgie écrite. L’analphabétisme était donc
un facteur important d’exclusion vis-à-vis de la foi chrétienne des
paysans que nous pouvons supposer s’être rabattus sur des croyances
comme la sorcellerie pour palier à la méconnaissance du contenu de la
foi. Dans la Constitution Apostolique, il est écrit que « La liturgie
est chose sacrée. Par elle, nous nous élevons jusqu’à Dieu et nous nous
unissons à Lui, nous professons notre foi, nous remplissons envers Lui
le très grave devoir de la reconnaissance pour les bienfaits et les
secours qu’Il nous accorde et dont nous avons un perpétuel besoin ».
Mais étant exclus de l’étude des textes, de la lecture des prières et
de tout ce qui constitue la liturgie, ils ont vu le fossé se creuser
entre le christianisme, encore considéré dans beaucoup de régions
reculées comme la religion des élites et la croyance en la sorcellerie
déjà largement répandues depuis des siècles.
Population rurales et population urbaine : un mépris respectif.
S’ajoute à cela une forme de mépris des élites envers les couches
populaires et la paysannerie principalement installée dans les zones
géographiques tardivement conquises et éloignées des centres de
décision. Là plus qu’ailleurs, se sont affrontées la culture savante et
la culture populaire, l’une soutenue par l’écrit, l’autre de tradition
orale séculaire et immémoriale. En effet, le paganisme, objet de
nombreux réquisitoires en sorcellerie était vu par les instances
chrétienne et les élites savantes urbaines comme la religion des
paysans, comme la culture populaire ou plus péjorativement le
« folklore », se raccrochant à des formes de croyances pré-chrétiennes
et donc incompatible avec le dogme chrétien. Son origine sylvestre et
agricole et son enracinement dans la culture populaire de l’Europe
moderne confèrent à la sorcellerie un caractère « rustre ». En effet,
vu des élites sociales et religieuses, le paysan donne l’image d’un
être fruste fermement attaché à des croyances rudimentaires et désuètes
et donc, réceptif à la sorcellerie. Ce sont des stéréotypes importants
à l’époque. Durant les deux vagues de chasse aux sorcières, les
accusateurs étaient souvent issus de milieux urbains qui commençaient
petit a petit à se constituer en bourgeoisie. Plus les élites urbaines
se plaisaient à se voir comme les champions de la rationalité
(notamment avec le développement des sciences), plus le monde rural se
voyait relégué au rang de « mécréants hérétiques aux croyances
archaïques » (selon l’expression de Pierre de Lancre), considérés comme
« primitifs ». La proximité des paysans avec la nature est ainsi
inversement proportionnelle à leur éloignement de la culture savante.
En témoigne cette phrase du démonologue Pierre de Lancre (Juge
d’origine basque mandaté par Henri IV) : « anciennement, on ne
connaissait pour sorcier que des hommes vulgaires et idiots, nourris
dans les bruyères et les fougères » extraite de son Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons en 1612.
Une culture savante hégémonique.
Cette culture savante hégémonique trouve l’appui de ruraux qui
rompent avec le passé de leur ordre et veulent participer, eux aussi, à
l’enrichissement avec la progression du commerce. Ces derniers viennent
des masses en voie de paupérisation, qui ne peuvent pas être
insensibles au spectacle de l’opulence de certains de leurs
concitoyens. La masse rurale, qui elle par contre se voit de plus en
plus appauvrie, écrasée d’impôts, soumise et incapable de réagir est de
plus en plus exclue et marginalisée par les élites. Il lui reste à
subir, de façon aliénante, la diffusion d’une culture faite sur mesure
pour elle. Non pas d’une culture savante, qu’elle ne saurait
entièrement assimiler et apprécier de par son analphabétisme et le
temps passé au travail de la terre, comme le pensent avec mépris les
élites sociales, mais d’une nouvelle « culture populaire » diffusée
comme substitut de l’ancienne à l’aide de missionnaires pour convertir,
d’inquisiteurs pour punir et d’implantation de diocèses pour
surveiller. vinrent donc les chasses aux sorcières, une façon pour les
pouvoirs religieux et monarchiques d’adapter la culture et les
mentalités populaires à leurs convenances et préparer le terrain de son
enrichissement tout en exerçant la terreur sur les populations. Une
façon aussi d’imposer le christianisme en éradiquant toute forme de
croyances hors du dogme catholique, ou protestant selon les régions.
Ils les avertissent que l’anti-conformisme et la tentation des
(nombreuses) révoltes ne paient pas. Ils leur prouvent qu’existe et
continuera d’exister un fossé économique et social entre les puissants
et les pauvres. Ils démontrent aussi leur appartenance au monde des
maîtres et à celui de la culture savante. Le supplice d’une sorcière
souvent vieille et pauvre sert ainsi à affermir leur pouvoir sur les
masses paysannes autant qu’à donner des gages à la société
environnante, dont ils répercutent et utilisent à leur profit les
aspects hiérarchiques et inégalitaires.
La volonté de contrôle social.
Le contrôle social fait référence selon le philosophe Michel
Foucault dans Surveiller et Punir aux mécanismes sociaux qui régulent
les comportements individuels et des groupes d’individus, en terme de
punitions et de récompenses. Cela désigne des procédés transparents ou
informels comme les normes sociales et les conventions sociales, ainsi
que des procédés officiels et formels comme les règles et les lois
concernant les comportements dit « déviants ».
Les autorités religieuses imposent une forme de conformisme
obligatoire à l’aide de procédés transparents comme le dogme chrétien
de la reforme catholique et de procédés officiels comme le tribunal de
l’Inquisition, la torture, l’enfermement, l’exécution et autres moyens
de dissuasions formels pour faire entrer dans le rang ceux qui
transgressent le dogme chrétien et se marginalisent par le biais de
croyances impies et jugées hérétiques, comme ce fut le cas pour la
sorcellerie. Mais le contrôle social des élites sur les masses
populaires passe également par l’élimination dans le cas de
l’inquisition de ceux qui sont les gardiens des savoirs pré-chrétiens
et donc intrinsèquement subversifs pour l’Eglise et l’Etat. En effet,
l’acharnement du pouvoir à brûler de vieilles paysannes peut également
s’expliquer par le fait qu’elles sont dépositaires de ces dits
« secrets », qu’elles sont les tenantes d’un ordre ancien des choses
qui s’apparente plus du point de vue de l’inquisition et des autorités
religieuses à de l’hérésie qu’à la vision étroite de la réforme
catholique. Car sont plus souvent brûlées de vieilles femmes plutôt
misérables que des jeunes filles.
La sorcière : bouc émissaire d’une période de transformations sociales.
Les populations de l’Europe moderne sont divisées en trois ordres,
hiérarchisés et inégaux : le clergé, la noblesse et le tiers-état.
C’est une séparation qui repose sur des critères idéologiques plus que
sur des critères de fortune ou de mérite personnel. Les ordres étaient
en théorie fermés, mais une petite frange d’individus pouvaient
échapper à leurs états de naissance par différents moyens. En effet,
parmi ces ordres se dégagea une frange encore au stade embryonnaire, la
bourgeoisie.
Une partie de cette bourgeoisie se retrouve plus riche que les
petites et moyennes noblesses, elle aspire même parfois à devenir noble
par l’achat de charges ou par le mariage. Remettant en cause
l’immuabilité des trois ordres. Elle est essentiellement composée
d’artisans partis des campagnes vers les villes pour vendre leur
savoir-faire et s’enrichir. Ils constituent en quelque sorte une
aristocratie commerçante du tiers-état prolétaire, tandis que les
paysans eux, se paupérisent de plus en plus, provoquant de plus en plus
de révoltes. En France, la période du ministère de Richelieu est celle
qui a vu se développer le nombre le plus important de révoltes.
L’engagement de la France dans la guerre de Trente Ans faisant beaucoup
augmenter les impôts. Ces révoltes ne menacent pas réellement l’Etat,
mais représentent tout de même une menace importante pour les élites.
C’est dans ce climat politique tendu que va émerger la seconde vague de
chasse aux sorcières (de 1560 à 1650). La chasse aux sorcières, est le
point d’aboutissement d’une manœuvre des élites qui se sont servies de
la peur eschatologique populaire du diable et de l’au-delà pour
catalyser la peur éprouvée par les paysans, au sein d’une société où la
bourgeoisie s’enrichit et le tiers-état prolétarien s’appauvrit un peu
plus sur une figure bien définie : la sorcière. Utilisant la culture
populaire pour inverser le sentiment d’injustice et de colère vis a vis
des élites (et donc les révoltes paysannes) en celui de peur des
sorcières, faisant d’elles les bouc-émissaires des transformations
sociales. Expliquant aussi le fait que les villageois se sont associés
à la répression.
c’est sur un fond de troubles que paraît en 1486, directement inspiré par la bulle Summis desiderantes affectibus du 5 décembre 1484 d’Innocent VIII (1484-1492), le Malleus maleficarum. Ses auteurs, les inquisiteurs Henry Institoris et Jacques Sprenger, ont le sentiment de vivre la désintégration d’un monde : « Au milieu d’un siècle qui s’écroule, l’hérésie des sorcières, attaquant par d’innombrables assauts, réalise en chacune de ses oeuvres, son incarnation totale ». Ils font une lecture démonologique centrée sur le maléfice, puis anthropologique et sexologique, accablant la femme, accusée d’être la complice de Satan. La théologie s’est alors muée en une idéologie amalgamant hérésie, folie et frénésie sexuelle. Le modèle démonologique de « la femme au diable » est né, aussitôt pris en charge par l’imprimerie, c’est-à-dire véhiculé par une abondante littérature d’où se détache le traité de Jean Bodin Démonomanie des sorciers (1580).
Dans les premières sociétés néolithiques
matriarcales, la femme avait socialement, le rôle le plus important. A
l’ère chrétienne, les religions et croyances anciennes sont le diable
de la nouvelle et c’est pourquoi le christianisme associa les femmes à
des rôles maléfiques. Ce qui explique la prépondérance sur les bûchers
des sorcières sur les sorciers. la chasse aux sorcières fut donc la
répression des croyances ancestrales des cultures populaires par le
pouvoir religieux, liée à un vaste mouvement de répression de la
sexualité féminine et même, de la femme en-soi. A tel point que
certains historiens parlent d’un « gynocide » ou encore d’un
« sexocide » selon l’écrivaine Françoise d’Eaubonne dans Le sexocide des sorcières (1999). La phrase de Michelet extraite de son plaidoyer La Sorcière,
illustre bien l’ampleur de la persécution dont elles ont fait l’objet :
« pour un sorcier, dix mille sorcières ». Démontrant l’acharnement des
inquisiteurs à juger et parfois brûler des femmes plutôt que des
hommes, car entre 70 et 80% des condamnés au bûcher étaient des femmes.
La sorcellerie serait donc en partie due à une misogynie tenace
autant dans la culture populaire que dans la culture savante. Elles y
sont rendues coupables, comme dans la Bible avec la figure d’Eve, de la
dénaturation de l’être humain en général, et de l’homme en particulier.
En ces temps d’oppression généralisée contre les pauvres, les
hommes sont exécutés pour hérésie et les femmes pour sorcellerie. Entre
les deux se distingue la même différence qu’entre le prisonnier de
droit commun et le « prisonnier politique ».
Il apparaît également, au cours des procès, une dimension sexuelle importante. Ces faits sont à mettre en relation avec les valeurs socioculturelles que l’Eglise et l’Etat tentent d’implanter dans l’esprit des ruraux et dans les fondements de la culture populaire. A travers la persécution des femmes s’exprime une répression plus générale de la sexualité. Les missionnaires de la réforme catholique combattent la relative liberté des mœurs qui existait dans les campagnes avant 1550. Ils imposent au monde paysan des freins sexuels efficaces. Les « aveux » extorqués aux prétendues sorcières peuvent être interprétés par rapport à cette lutte puritaine bien réelle. La copulation avec Satan, ou avec des démons, rappelle la survivance dans le monde rural des « fiançailles à l’essai », des concubinages, que veulent extirper les autorités de la culture populaire. Le sabbat, cette « fête sacrilège » (Malleus Maleficarum), n’est que la transposition diabolique des fêtes populaires multiples qui débouchaient fréquemment, l’ivresse aidant, sur des débordements sexuels.
En fait, les multiples péchés imputés aux sorcières résultent d’une insatisfaction profonde des missionnaires devant la résistance d’une conduite sexuelle paysanne qui ne se coule pas suffisamment dans le moule théorique véhiculé par la réforme catholique. Les procès en sorcellerie, dans ce contexte, permettent de culpabiliser les foules en reliant au diable la sexualité hors mariage. Dans le Malleus Maleficarum qui inspira ces vagues de répressions, les femmes sont l’emblème de la luxure. Avec elles, la sorcellerie prend la forme d’une débauche sexuelle : orgies, accouplements contre nature avec le diable, la sorcière est succube, fécondable par le diable et susceptible de donner naissance à des êtres démoniaques en transgressant les lois chrétiennes de la procréation. Les sorcières révèlent également en creux les angoisses sexuelles profondes de l’imaginaire masculin : elles sont supposées sectionner le penis des hommes à des fins rituelles, attenter à leur puissance sexuelle, ou encore, comme dans certains récits, engloutir des hommes par leur vagin.
Nous avons vu que sorcellerie et culture populaire sont étroitement liés. La sorcellerie, après avoir traversée les ages, s’est intégrée largement dans la culture populaire rurale, sylvestre, paysanne et agricole. Mais la démarche des autorités religieuses et monarchiques d’adapter cette culture à ses besoins, de la contrôler et de la manipuler non sans difficultés afin d’exercer un contrôle social important sur les sujets à l’aide de moyens tel que le tribunal de l’inquisition et les tribunaux séculiers ; et additionné au mépris de la culture populaire par la culture savante, ont fait de la sorcellerie le cheval de Troie nécessaire à son immersion dans la sphère privée, notamment sexuelle, des paysans afin de brider la culture populaire sans pour autant la rendre savante. Faire de populations séculairement ancrées dans une culture bien plus païenne que chrétienne des populations dévouées à l’ordre établi n’était pas chose facile pour le pouvoir. C’est pourquoi il usa d’une grande violence dans la répression contre tout ce qui lui paraissait déviant.
Pourtant, c’est dans une époque dite de
« progrès » que se déroulent ces événements : la multiplication des
libres-penseurs et autres libertins, la révolution scientifique, le
progrès des arts, de la philosophie et des sciences humaines montrent à
la fois une Europe de la renaissance tournée vers le progrès mais
également le visage obscurantiste et archaïque de la répression
religieuse et de l’hégémonie culturelle.
Selon Théodore Adorno et Walter Benjamin, il existe un lien entre
le processus de civilisation et la barbarie. Le progrès et la violence
marchent de pair. On pourrait alors voir les sorcières comme les bouc
émissaires de cette forme de modernité que furent la renaissance et les
révolutions scientifiques.
Commentaires :
libertad |
Reconnaissance du matriarcat au néolithique ?
"Dans les premières sociétés néolithiques
matriarcales, la femme avait socialement, le rôle le plus important."
Le matriarcat néolithique sujet tabou chez les féministes tendance victimiste ou radicales et par voie de conséquence chez les anars deviendrait une évidence ? En effet tout le monde sait que la domination masculine a existé de tout temps :-) Répondre à ce commentaire
|
Rakshasa 13-04-09
à 20:13 |
Il a déjà été mis en ligne sur l'En-dehors ce texte, non ?
Répondre à ce commentaire
|
libertad 13-04-09
à 20:16 |
Re:Ah bon, je ne l'ai pas trouvé...mais il y a tellement de choses sur l'En Dehors !
Répondre à ce commentaire
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Rakshasa 14-04-09
à 07:54 |
Re:J'ai dû confondre...
Répondre à ce commentaire
|
à 20:13