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Indymédia Paris : "Jeudi 7 avril, rendez-vous était fixé à 10h à Barbès pour une action plus ou moins surprise... A 11h, environ 300 personnes s'engouffrent dans le métro, jusque dans le 20ème arrondissement, direction le rectorat de Paris.
Sorti-e-s du métro, nous courons en direction du rectorat et ne réussissons pas à y entrer. Les vigiles viennent d'en fermer les portes. Nous contournons le rectorat, cherchant d'autres entrées, en vain. La rue est bloquée. La tension monte, les portes du rectorat commencent à trembler et cèdent peu à peu. Tout le monde se rue alors dans le rectorat, qui avait déjà été occupé une semaine auparavant par trois fois moins de lycéen-ne-s... Cette occupation s'était doucement terminée, les lycéen-ne-s sortant calmement sous la "protection" des employé-e-s du rectorat. Mais depuis ? Rien. Forcément, ce jour-ci, la plupart d'entre nous étaient plutôt remonté-e-s voire enragé-e-s...
Les entrées du rectorat et les issues de secours sont barricadées avec le mobilier du rectorat (chaises, tables, etc.) plus les quelques barrières de chantier prises dans la rue. Ça discute dans tous les sens, l'ambiance est agitée mais sans agressivité. La petite cafetaria est autogérée spontanément, café et thé sont servis gratuitement par les occupant-e-s du rectorat. Plus loin, des vigiles nous empêchent de barricader une porte, ce qui donne lieu à quelques remous... Une vitre de cette porte est brisée lors des échauffourées, mais cela n'ira pas plus loin en termes de "violence".
Les flics mettent pas mal de temps à se ramener, et encore plus à pénétrer dans les lieux. Ils sont très nombreux. Quoi qu'il arrive alors, l'action a au moins fait son effet, puisqu'il n'y a rien à négocier. La réforme Fillon a déjà été votée et son retrait pur et simple reste la revendication principale d'un mouvement absolument pas reconnu par Fillon lui-même. L'antagonisme est complet.
Si l'arrivée des flics en masse crée un effet-panique au sein des lycéen-ne-s ("on a barricadé le rectorat, alors ils vont tous nous péter la gueule", "ils vont nous gazer, c'est sûr !"... alors qu'on est plus de 300 dans un lieu clos dans lequel des dizaines personnes travaillent). Après de longues discussions et malgré quelques tentatives de sortie pacificatrice de la part de syndicalistes mous, il est décidé de rester tou-te-s ensemble, assis-es en chaîne, pour que les flics assument leur sale boulot jusqu'au bout.
Des dizaines de flics nous encerclent, les minutes passent, et d'autres flics arrivent, bien énervés, et mettent plus d'une heure à nous déloger du rectorat, usant de violences physiques, de menaces et d'insultes pour arriver à leurs fins. Quelques lycéen-ne-s blessé-e-s seront évacué-e-s par les pompiers, quelques autres interpellé-e-s et détenu-e-s au commissariat du XXème (place Gambetta).
La rage est contenue devant le rectorat. Le bruit court qu'un lycéen s'est fait casser le poignet par les flics (qu'en est-il finalement ?). Toujours est-il que tout le monde s'est plus ou moins fait violenter par les flics. La haine des flics se généralise, qu'ils ne s'étonnent pas si de jeunes lycéen-ne-s ont déjà compris que le rôle des flics est d'imposer par la force l'autorité indiscutable de l'Etat.
Après un passage devant le commissariat du XXème où nous demandons la libération de "nos camarades", nous rejoignons la manif (en milieu d'après-midi) qui avait pour objectif d'atteindre le Ministère de l'Education... Nous retrouvons près d'un millier de personnes devant le Ministère des Affaires Etrangères, non loin de celui des Transports, enfin on est dans le VIIème arrondissement, au milieu de tout un tas de Ministères, tandis que des tas de rangées de flics bloquent les rues d'accès au Minsitère de l'Education... Dans une des rues qui y mènent, un début d'affrontement entre lycéen-ne-s et flics a lieu. Quelques projectiles sont lancés vers les flics, les premières rangées poussent sur les boucliers, en vain. La manif fait demi-tour et se dirige vers le boulevard St-Germain.
La Sorbonne semble bien gardée, mais en la contournant rapidement nous finissons par atteindre ses portes d'entrée principales, qui sont solidement fermées. Une d'entre elles sera forcée et bien abimée, mais ne cèdera pas.
Les flics remontent doucement la rue de la Sorbonne. Quelques projectiles partent en leur direction. Le chef des flics, le seul à être non casqué, reçoit un oeuf en plein visage, tandis que le reste de la flicaille reçoit aussi des oeufs et des yaourts (des éclaboussures touchant malheureusement aussi les premiers rangs des manifestant-e-s). L'ambiance est assez tendue.
Des appels à la solidarité étudiant-e-s/lycéen-ne-s sont lancés, sans être entendus... Seuls les flics rappliquent en nombre, et finissent, en début de soirée, par cerner complètement la Sorbonne (postés en travers du bas de la rue de la Sorbonne et du bas de la rue Victor Cousin, et bloquant toute la place de la Sorbonne dans l'indifférence des consommateurs des cafés de la place).
Gendarmes mobiles et CRS sont mobilisés sur cette affaire, et filtrent peu à peu les manifestant-e-s, dans le but de les disperser. Ce qui fonctionne, aucune arrestation n'ayant lieu.
Le gouvernement avait prévenu que de forts moyens policiers seraient employés. Cela se vérifiera également le lendemain, jour de manif à Paris...
Ce vendredi 8 avril, autre action-surprise...
Rendez-vous était fixé à 10h au métro Miromesnil, pour occuper le siège de l'UMP (rue de la Boétie dans le VIIIème arrondissement).
Toujours premier-e-s sur la course, nous nous ruons vers ce lieu sordide, plutôt étonné-e-s du fait que le lieu soit relativement accessible et qu'il ne soit pas protégé par un tas de flics. Cette surprise aura laissé le temps aux vigiles de fermer les portes en toute hâte... Des portes plus solides que celles du rectorat, qui ne seront pas forcées. Des slogans sont criés en direction de l'UMP, parti actuellement au gouvernement, qui est bien sûr également celui du Ministre de l'Education François Fillon.
La soixantaine de lycéen-ne-s présent-e-s passent de "A ceux qui veulent fliquer les lycéens, les lycéens répondent : Résistance !" à "A ceux qui veulent fliquer les lycéens, les lycéens répondent : Action directe !". "Chirac, Fillon et Sarkozy : Tous des menteurs, tous des pourris !" était entonné joyeusement. Des poubelles sont placées contre le siège de l'UMP et en travers de la rue, qui est vite bloquée, à l'aide de nombreuses barrières de chantier trouvées sur place. L'ambiance est chaude, nous ne sommes pas très nombreux-euses mais bien remonté-e-s !
Après environ une demi-heure (filmé-e-s par un cravateux depuis une fenêtre du siège de l'UMP), ce regroupement part en manif sauvage à travers ce très bourgeois VIIIème arrondissement, bloquant les rues par notre simple présence, y ajoutant parfois des poubelles et des barrières de chantier (étonnamment nombreuses dans le quartier) en travers des rues, pas loin du Palais de l'Elysée et du Ministère de l'Intérieur...
Plus loin, après avoir traversé l'avenue des Champs-Elysées, les flics ont fini par nous bloquer la rue, créant un effet-panique assez réussi, dispersant un peu tout le monde, mais ne réussissant à interpeller personne.
Nous nous sommes tou-te-s retrouvé-e-s devant le pont Alexandre III, bloquant une nouvelle fois la route, très consciencieusement, à l'aide des barrières de chantier qui se trouvaient le long du pont. Les flics arrivant en vitesse, nous courons pour traverser le pont - du côté de l'Assemblée Nationale, une dizaine de cars de CRS nous attend. On se disperse par petits groupes, en se donnant rendez-vous à 14h, République, pour la manif de l'après-midi...
Cette manif fut un véritable calvaire. A peine quelques milliers de mainfestant-e-s, et surtout, des tonnes de flics en civil, de tous les côtés de la manif. Un fort sentiment d'oppression se dégageant de pas mal de lycéen-ne-s, se renforçant face au constat de toutes ces rues barrées par des flics armés jusqu'aux dents, puis s'apercevant peu à peu que nous étions suivi-e-s par des dizaines de fourgons et de cars de flics ! Le cortège policier était bien plus long que celui des lycéen-ne-s !
Au final, une manif très longue, relativement énergique au départ, puis lassée, notamment par un camion-sono pacificateur complètement inutile du fait de l'insoutenable présence policière... S'effilochant peu à peu à partir de la place de la Bastille, les flics devenaient de plus en plus nombreux du côté de Jussieu, tandis que la manif touchait difficilement à sa fin, se dispersant définitivement du côté de Port-Royal, avec une rumeur disant que 500 personnes étaient encerclées par les flics devant le lycée Montaigne... Courant vers le lycée Montaigne, les flics coupant la route aux moins rapides d'entre nous, nous arrivons devant le lycée Montaigne, fermé, personne devant à part trois flics devant son entrée close...
Le mouvement lycéen s'est radicalisé.
Le gouvernement a peur et met tous ses flics dans la rue.
La réforme Fillon est passée et ne sautera peut-être pas... En tout cas, il s'est passé bien des choses entre nous, des liens se sont créés, des pratiques d'action directe se sont développées, nos vies n'appartiennent ni aux flics ni aux profs ni à l'Etat. Peu à peu nous vivons les bases d'un autre monde, à travers l'autonomie de nos luttes.
Rendez-vous lundi...
Quand Fillon nous dit "Je ne laisserai pas une infime minorité bloquer le fonctionnement des établissements à quelques semaines du baccalauréat", nous lui répondons que nous ne laisserons pas une infime minorité (quelques ministres, bien moins nombreux que nous) bloquer nos vies. Nous n'avons qu'une vie et nous voulons en avoir la maîtrise.