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L'En Dehors


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Le féminin est-il soluble dans l'"universel" ?
Depuis le début des années 70, des commissions Femmes se sont succédé à la Fédération anarchiste, le plus souvent non mixtes. Aujourd'hui, la commission Femmes se réunit de nouveau. Or la non-mixité ( née du Mouvement de libération des femmes de 1970), qui à l'époque a choqué l'ensemble de la société, fait toujours l'objet de nombreuses critiques y compris dans les milieux libertaires. Si nous sommes d'accord sur le fait que tous et toutes, nous sommes victimes du système patriarcal, et que c'est ensemble que nous devons le combattre, nous pensons cependant qu'il ne suffit pas de dire que, dans notre organisation; les femmes sont les égales des hommes, et que nos luttes sont universelles.

Une égalité de principe peut cacher une inégalité de fait

Refuser de considérer la question des femmes comme question à part entière revient à ne pas les reconnaître comme des sujets de droit. Les femmes ont en effet des raisons de se méfier de l'universalité, qui a trop souvent servi à entériner des inégalités - c'est ce que nous montre l'histoire des femmes en France et que rappelle très bien l'historienne Michèle RiotSarcey dans son Histoire du féminisme (La Découverte, 2002).
Pendant longtemps, l'exclusion des femmes de la sphère politique a été justifiée par des arguments essentialistes : par nature, par essence, la femme serait faite pour être mère, inférieure à l'homme sur le plan intellectuel, davantage guidée par ses sentiments que par la raison...
La rre République marque une rupture en proclamant l'universalité des droits. Cependant, le préambule de la Constitution ne mentionne pas les femmes, et Olympe de Gouges renvoie « l'homme de la Déclaration de 1789 à sa particularité d'être sexué ».Tout en se réclamant de la logique universelle, elle fait valoir la nécessité d'une loi générale en faveur d'une humanité composée d'hommes et de femmes en rédigeant en 1791 la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ». En 1793, celle qui avait dit: « La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit avoir également le droit de monter à la tribune », est exécutée. L'automne 1793 met fin aux espoirs: les droits sont « universels », pour tous... moins les femmes (ainsi mises hors de la loi commune).
En 1848, les femmes espèrent en cette IIe République qui annonce l'avènement de « l'égalité des droits ». Mais celles qui s'engagent dans la campagne électorale sont raillées:.. Finalement, le « suffrage universel » ne les concerne pas. Les hommes ont imposé au mot liberté un sens univoque.
Sous la me République, le féminisme se constitue en- tant que mouvement, mais il semble impossible à concilier avec le socialisme d'alors qui sépare l'émancipation individuelle de l'émancipation collective. Or, les féministes ne peuvent distinguer droits individuels et droits collectifs : l'inégalité au sein de la famille est inséparable de l'inégalité sociale, économique et politique. Quant aux libertaires, s'ils s'éloignent de la misogynie légendaire de Proudhon, ils ne veulent pas soutenir les revendications des suffragettes... puisqu'ils sont contre le système parlementaire.!
Il faut attendre 1946 pour que l'égalité politique des femmes soit enfin reconnue, mais la loi ne change guère leur place, et les femmes accèdent à .la représentation politique en nombre presque insignifiant. La pratique publique républicaine se décline toujours au masculin, et la prétendue égalité politique ne recouvre rien: l'égalité des droits reste sans effet. De plus, c'est au nom de l'universalisme républicain que l'on combat toute tentative de lutte menée au nom de catégories ou de groupes: femmes, homosexuel.le.s, immigré.e.s, etc., en entretenant ainsi la confusion entre l'égalité proclamée et l'égalité réelle.
Est-ce que la loi sur la parité (votée en 1998) a changé quelque chose? C'est en quelque sorte une mauvaise réponse apportée à un problème réel. En effet, elle vise certes à corriger une discrimination indéniable et elle a le mérite de donner à voir la sous-représentation des femmes dans la sphère politique. Mais elle a aussi pour conséquence de faire accéder les femmes au droit commun en tant que femmes et non en tant qu'individus. Exclues de la loi commune au nom d'une différence de nature, c'est à partir de cette différence qu'elles peuvent acquérir le pouvoir politique. Ce qui revient à reconnaître une spécificité féminine au nom de laquelle les femmes ont été longtemps écartées des règles de la représentation politique. Comme l'écrit Michèle Riot-Sarcey:
« De ce point de vue, la loi sur la parité, comme entorse à l'abstraction du principe de l'égalité, reconnaît l'exclusion des femmes de l'universalité, celle qui, en 1793, avait été énoncée comme mesure naturelle. »
La loi sur la parité ne porte donc nullement atteinte au patriarcat. Finalement, la différence sexuelle demeure « inintégrable » à un système qui a été entièrement pensé sur le modèle unique de la liberté masculine.

Hommes et femmes: même combat?

Aujourd'hui encore, en France, alors que les droits des femmes ne sont qu'un principe au regard d'une réalité profondément inégale (les femmes sont peu représentées en politique, ont des salaires moindres que ceux des hommes pour un travail égal, s'occupent à 80 % des tâches ménagères, etc.), il est trop facile de croire que l'égalité entre hommes et femmes est acquise dès que l'on entre dans une organisation militante.
C'est ce que montre une enquête récente menée sur la place des femmes dans le mouvement politique en France entre 1980 et 2000 par Josette Trat: « La responsable féministe, la "mauvaise tête" dans les organisations mixtes. Une figure emblématique d'une mutation inachevée. »
Ayant interrogé des militantes féministes de la LCR, du PCF, des Verts, d'Attac et de la Fédération anarchiste, cette chercheuse remarque que même si les discours de ces organisations ont changé et prennent désormais en compte la lutte antipatriarcale, il reste que les femmes doivent « se bagarrer en permanence » : le féminisme apparaît souvent comme « un supplément d'âme pour les organisations » et n'a pas encore réellement acquis une entière légitimité.
Nous devons donc toutes et tous être conscients qu'on ne peut si facilement échapper aux conséquences du système patriarcal. Il serait vraiment trop simple de nier que nous reproduisons parfois cette forme d'oppression, et quelques aventures récentes nous ont montré que le sexisme pouvait s'immiscer jusque dans les groupes libertaires.
On ne peut donc faire l'économie d'une véritable réflexion sur ce sujet - et cette réflexion, nous avons choisi de la mener en comité non mixte. Pourquoi? D'abord parce que ce sont les femmes qui sont le plus à même d'identifier et de définir les violences et les injustices dont elles sont victimes. C'est une évidence: les hommes ne vivent pas les mêmes situations sexistes que nous connaissons (même s'ils souffrent aussi du système patriarcal, cela va de soi!). Nous voulons donc créer un espace qui échappe au contrôle masculin dominant afin de construire une réelle autonomie féministe. Il s'agit avant tout d'une « prise de possession » (comme disait Louise Michel!) de l'espace public qui, dans la rue ou dans les organisations politiques, est encore majoritairement masculin.
C'est ainsi seulement que nous pouvons nous réapproprier notre histoire, écrire nousmêmes nos revendications par rapport à l'oppression - spécifique - que nous subissons. Il s'agit évidemment (faut-il toujours le rappeler?) d'une étape, d'un moment de rupture donc provisoire -, le but étant de parvenir à l'égalité (réelle) entre les sexes. Mais afin de construire un universel qui soit réellement (dans les faits) mixte, il faut d'abord que nous puissions exister face au masculin. Comme l'écrit Françoise Collin:
« C'est un moment indispensable à la transformation d'une mixité inégalitaire en une mixité égalitaire. »z
D'ailleurs, nous ne pensons pas que les groupes non mixtes doivent toujours être féminins: un appel est lancé pour créer des groupes non mixtes masculins afin de réfléchir sur le système patriarcal.' L'expérience de la non-mixité (quand elle est choisie par nous, avec un but politique - et donc totalement différente de celle que nous subissons malgré nous dans les lieux publics) est une expérience que tout le monde devrait faire: c'est là qu'on se rend compte à quel point les espaces mixtes sont traversés par les normes sociales, les tabous, les non-dits, etc. La non-mixité permet
de mettre au jour certains mécanismes de domination ou de séduction le plus souvent inconscients. C'est donc un outil pour créer une véritable mixité entre les genres: alors nous ne nous contenterons plus de mots, et alors l'égalité entre les hommes et les femmes deviendra une réalité vécue - du moins dans nos milieux!


Caroline Grenier et la commission Femmes de la Fédération anarchiste

1. Voir la feuille du collectif de femmes libertaires Klito, « Antipatriarcat: quoi de neuf sous le drapeau noir? Petites considérations sur l'antisexisme en milieu libertaire » , disponible à la bibliothèque La Rue.
2. Dans Égalité entre les sexes. Mixité et démocratie, sous la direction de Claudine Baudoux et Claude Zaidman, 1995. Sur la non-mixité, lire aussi: « De la non-mixité comme espace de liberté » de Yolaine Guignat, Actes de la rencontre internationale anarcho-féministe, 2 mai 1992,,et « Non-mixte: où je veux, quand je veux! » (texte des Marie Pas Claire, sur le site: http://wwwifrance.com/pocker/anarchie/SEXISME/mixite.html)
3.Appel pour un week-end de réflexion antipatriarcale entre ICMs (Individus de construction masculine), 25-30 mars à l'Espace autogéré des Tanneries à Dijon. Pour plus d'informations: inscriptionauweek-end@no-log.org)

Le Monde libertaire #1392 du 31 mars au 6 avril 2005
Ecrit par libertad, à 22:55 dans la rubrique "Le privé est politique".

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