L'effet de serre résulte de certains gaz présents dans l'atmosphère qui bloquent une partie du rayonnement solaire renvoyé par la Terre, et permet de maintenir à sa surface une température moyenne de 15 °C.
L'emballement de l'activité humaine aggrave ce phénomène et provoque un réchauffement climatique global.
Si quelques-uns contestent encore cette affirmation(1), celle-ci fait l'objet d'un consensus aujourd'hui quasi absolu pour les climatologues: le 8 juin 2005, les académies des Sciences des pays du G8, du. Brésil, de la Chine et de l'Inde, signaient une déclaration commune rappelant que « le changement climatique est une réalité». (2)
Est en cause la consommation effrénée d'énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) qui accompagne le développement économique mondial. Le rejet de gaz carbonique contribue pour 60 % environ à l'effet de serre d'origine humaine. (3)
Alors que la concentration de ce gaz à effet de serre dans l'atmosphère n'avait jamais excédé plus de 290 parties par million en volume (ppm) pendant les 400000 années précédant le début du XXe siècle (4), celle-ci a aujourd'hui dépassé 380 ppm. (5)
Dans le même temps, les températures terrestres moyennes sont en hausse: depuis les débuts des mesures météorologiques internationales en 1881, les cinq années les plus chaudes sont toutes postérieures à 1998 (6), le record venant encore d'être battu, selon la NASA, en 2005.(7)
Kyoto : des glaçons dans le fourneau...Le protocole de Kyoto est entré en vigueur le 16 février 2005 et est devenu opérationnel le 30 novembre suite à sa ratification par la Russie. Il correspond à .l'engagement de 34 pays industriels (8) de baisser leurs émissions de gaz à effet de serre de plus de 5 % d'ici à 2012 par rapport au niveau de 1990. Toutefois, cet engagement international a une valeur plus symbolique qu'une portée réelle.
Essentiellement parce qu'il se limite à des pays qui représentent seulement 33 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Les États-Unis n'ont pas ratifié le protocole, et les pays du Sud (Chine et Inde en tête), dont le développement est calqué sur le modèle insoutenable des pays riches, sont en dehors de son champ d'application.
Aussi parce que les transports aériens et maritimes internationaux sont exclus du décompte des gaz à effet de serre. Pourtant la part des émissions liées à l'aviation devrait atteindre 13 % des émissions mondiales en 2050, selon les prévisions du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). (9)
De plus, ces objectifs pourtant modestes ne seront très certainement pas respectés par leurs signataires.
Pour l'Union européenne, par exemple, la baisse des émissions de gaz à effet de serre atteint seulement 1, 7 % fin 2003 contre un objectif prévu de 8 %. (10)
La France peine à respecter l'objectif pourtant minimaliste de stabilisation de ses émissions: en 2004, celles-ci ont baissé de 0,8 % seulement par rapport à 1990 (11), mais elles sont en hausse constante depuis 2002.
Au niveau mondial, le bilan est sans appel dans un communiqué du 27 septembre 2005, l'Agence fédérale océanographique et atmosphérique américaine annonçait que les gaz à effet de serre émis dans le monde ont augmenté de 20 % entre 1990 et 2004!
Les conférences internationales sur le climat passent, les problèmes restent...
Une bombe à retardement climatique?Le dernier rapport du GIEC (12) paru en 2001 faisait état, selon des scénarios plus ou moins consommateurs d'énergie, d'une augmentation des températures en 2100 comprise entre 1,4 et 5,8 °C par rapport à 1990.
Un nouveau rapport est en préparation pour février 2007. En 2005, deux études françaises menées par l'institut Pierre-SimonLaplace et le Centre national de recherche météorologique convergent vers une augmentation maximale des températures de 4 °C d'ici à 2100 (13).
Mais d'autres prévisions sont plus alarmantes: une étude, coordonnée par l'université d'Oxford (14) portant sur 60 000 modèles climatiques tournant en réseau dans plus de 130 pays, donne une majorité de résultats compris entre + 4, 2 °C et + 8 'C!
Un changement d'une telle rapidité est inconnu de l'espèce humaine, dont les chances de survie dépendraient alors de la capacité des écosystèmes à s'adapter à une modification brutale de l'atmosphère.
Par exemple, l'absorption du gaz carbonique par les océans entraîne une acidification susceptible de mettre en péril les écosystèmes marins, et notamment affecter le phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire. (15)
D'autres problèmes pourraient survenir comme les phénomènes dits de rétroaction positive. En clair, le réchauffement vient affecter les capacités d'absorption naturelles des capteurs de CO2.
En Europe, les températures élevées de la canicule 2003 ont entraîné une réduction de la croissance végétale et amputé d'autant la capacité d'absorption du CO2 des écosystèmes européens. (16)
De même, la fonte de 90 % du pergélisol des régions polaires arctiques, d'ici à 2100, pourrait relâcher dans l'atmosphère des milliards de tonnes de méthane, autre puissant gaz à effet de serre.(17)
Ces phénomènes qui commencent à être décrits, ne sont généralement pas pris en compte par les modèles les plus utilisés pour simuler le climat à l'horizon 2100.
De plus, la forte inertie des gaz à effet de serre fait que, même en arrêtant aujourd'hui d'en produire, la température continuerait d'augmenter et, en l'an 3000, des chercheurs estiment qu'il restera 2.0 % des gaz émis aujourd'hui, en raison des capacités limitées d'absorption de ces gaz par l'océan. (18)
Des objectifs quantitatifs clairsSelon le Réseau action climat (RAC) France, une augmentation de température de 2 °C par rapport à la période pré-industrielle (qui aura de toute façon des conséquences graves pour des millions de personnes) est la limite à ne pas dépasser. Selon Jean Jouzel (climatologue, rapporteur du GIEC) : « La stabilisation des concentrations en gaz à effet de serre à un niveau d'environ 500 ppm exige de diviser par trois les émissions d'ici à 2100 » (19), cette réduction devant être plus importante polir les pays riches.
C'est un objectif de division par quatre des émissions (appelé « facteur 4 ») que l'État français a repris, de manière purement incantatoire, dans la loi de programme fixant les orientations énergétiques (dite loi POPE) du 13 juillet 2005. Un tel objectif est bien entendu incompatible avec la croissance et le capitalisme.
Pour mesurer l'effort à accomplir, le quota annuel à ne pas dépasser en 2050 pour satisfaire tous les besoins énergétiques d'un individu (500 kg de COz), est atteint aujourd'hui rien qu'en parcourant 4000 km, sans climatisation, avec la plus « verte » des voitures...
Depuis l'été 2004, l'État français s'est doté d'un « plan climat » qui s'attache avant tout à ne pas contrarier l'économie de marché. Notamment, aucun frein n'est mis à la progression des émissions des gaz à effet de serre liée aux transports (26 % des émissions) et à l'habitat (19 %), deux secteurs en progression de plus de 20 % par rapport à leur niveau de 1990. (20)
Le discours mis en avant par nos chantres de la croissance est celui qui vise à l'efficacité énergétique. Pas la peine de remettre en cause notre mode de vie, c'est encore une fois la technologie (biocarburants, moteurs à hydrogène, etc.) qui viendra nous sauver. (21)
En revanche sur la question de la sobriété énergétique, le silence est assourdissant. Et pour cause: par essence, la sobriété est incompatible avec la croissance !(22)
Une incohérence majeure
Résumons-nous. D'un côté, il est vital de baisser de 75 % nos émissions de COz d'ici à 2050. De l'autre, l'Agence internationale de l'énergie prévoit une hausse de 60 % de la consommation d'énergie mondiale pour 2030, dont 85 % des besoins seraient couverts par des énergies fossiles (23); pour la France, un rapport prévoit une croissance annuelle des transports routiers et aériens respectivement de 1,8 et 3,1 % d'ici à 2025. (24)
En plus, il faudra répondre aux besoins de 2,5 milliards d'individus supplémentaires à l'horizon 2050...
Quant aux réserves énergétiques mondiales, celles-ci sont de l'ordre d'une cinquantaine d'années (pétrole, gaz et uranium) au rythme de consommation actuel. Mais avec la croissance, c'est certainement beaucoup moins... La seule certitude, c'est que le capitalisme est parti pour tout claquer jusqu'à la dernière goutte! Si tel était le cas, l'humanité ne s'en relèverait probablement pas.
Le développement durable? quelle foutaise!Les réformistes n'ont de cesse d'avancer leur solution miracle: le développement durable. Celui-ci prétend trouver un juste équilibre entre les sphères économiques, sociales et environnementales avec la sauvegarde de l'économie de marché posée en dogme absolu.
Or, nous l'avons vu, nous ne sommes pas en état de négocier quoi que ce soit avec l'atmosphère. Notre survie dépend de la santé et de la diversité de l'écosphère, c'est la condition première; l'activité économique n'est, quant à elle, qu'une partie de notre vie sociale. Si nous voulons survivre au processus déjà enclenché du réchauffement, la sortie du capitalisme est impérative.
Nous devons nous engager dans un processus de décroissance. Celle-ci passe par des pratiques individuelles économes en énergie. C'est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Pris isolément, les individus sont prisonniers des choix politiques faits au nom du capitalisme: publicité, culture du tout bagnole, mondialisation des échanges qui multiplie le transport des marchandises; urbanisme, aménagement du territoire, etc.
La question est avant tout politique, et c'est sur ce terrain-là que se placent les anarchistes.
Plus que jamais, nous devons combattre ce système qui organise l'exploitation généralisée des êtres humains et des ressources.
Face au réchauffement climatique, nous devons ceuvrer pour la décroissance, ceuvrer à la construction d'une société sobre (réduisant la place du travail et la quantité de biens matériels), une société du juste effort: une société libertaire!
Alex, groupe libertaire d'Evry. Anime l'émission « Les mangeux d'terre » sur Radio libertaire, tous les premiers lundis du mois entre 9h30 et 11h
1. Michael Crichton dénonce le mythe du réchauffement climatique dans son livre État d'urgence, paru le 16 janvier 2006 aux éditions Robert Laffont.
2. Rapporté par le Monde du 10 juin 2005.
3. Agence fédérale océanique et atmosphérique américaine (NOAA), Boulder, Colorado.
4. Variation de la concentration en gaz carbonique déduite de l'étude de la carotte de glace de 2 200 m de long extraite en Antarctique par une équipe franco-russe (Vostok). Source Météo France.
5. Agence fédérale océanique et atmosphérique américaine.
6. Idem.
7. Libération, 26 janvier 2006
8. Journal de l'environnement du l- décembre 2005
9. Libération du 11 juin 2005.
10. Réseau action climat France, communiqué du 22 juin 2005.
11. Mission interministérielle de l'effet de serre (MIES), 17 janvier 2006
12. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat créé en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l'environnement
(PNUE).
13. Le Monde, 4 juin 2005
14. Nature, 27 janvier 2005, climateprediction.net
15. Libération, 24 septembre 2004.
16. Résultats d'une étude européenne dirigée par Philippe Ciais, Libération du 22 septembre 2005.
17. Étude publiée par l'US National Center for Atmospheric Research (NCAR), Le Devoir, Québec 28 décembre 2005
18. Selon Pascale Braconnot, citée par le Monde du 4 juin 2005.
19. Libération, 6 juin 2005
20. Le. Monde, 18 janvier 2006
21.Or, dans le domaine des transports, tous les progrès de ces dernières décennies sur les moteurs ont été insuffisants à combler la course aux équipements (climatisation, grosses cylindrées) et surtout l'augmentation ahurissante des distances parcourues!
22. « Selon le cabinet Enerdata, qui publiait hier les données consolidées pour 2004 (...1, l'augmentation de la consommation d'énergie, avec 3,6 %, "colle" à la croissance du PIB mondial, de 3,9 %. Le fameux découplage espéré entre les deux, signe de modernité technologique et.de basculement vers les services, n'est donc pas au rendez-vous. [...] Un taux qui, poursuivi, dépasserait de très loin les scénarios pessimistes utilisés par les climatologues dans les simulations informatiques du climat futur. » Libération du 9 juin 2005.
23.23. Rapport du ministère des Transports paru le 26 octobre 2004.
24.24. Le Monde, 9 décembre 2004.
Le Monde libertaire #1425 du 9 au 15 février 2006
à 11:03