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Quelques caractéristiques du suffragisme aux Etats Unis

Lu sur OCL : "Dans La Politique du mâle, Kate Millett analysait ainsi en 1970 l’évolution du mouvement féministe américain vers le suffragisme : " Il fut, à bien des égards, la “ tarte à la crème ” de la révolution. Il fut l’enjeu d’une lutte si longue et si âpre qu’il prit une importance disproportionnée. Quand il fut acquis, le mouvement féministe en mourut, pour ainsi dire d’épuisement. Le principal inconvénient de cette polarisation sur le droit de vote, qui contribua à perdre le mouvement, c’est que celui-ci ne réussit pas à ébranler assez fortement l’idéologie patriarcale. " Un constat assez juste, et qui, l'article précédent l'a montré, est également valable sous d'autres cieux. Mais un constat incomplet, dans la mesure où il fait l'impasse sur les spécificités du mouvement américain lui-même, que nous rappellerons ici, et dont découle assez logiquement l'évolution soulignée.

Si dates et événements changent, le mouvement féministe suit aux Etats-Unis une trajectoire parallèle à celui de la France : de 1840 à la guerre de Sécession (1861-1865), la lutte féminine porte avant tout sur la reconnaissance des droits civils. Celle des droits politiques émerge, puis se développe avec une diversification des organisations – jusqu'à une polarisation sur le droit de vote, qui sera acquis dans plusieurs Etats en 1869, et pour finir reconnu par la Constitution américaine en 1920. Mais le féminisme américain présente également les caractères bien particuliers suivants.

AUX ORIGINES, LE PROTESTANTISME ÉVANGÉLIQUE

Le mouvement évangélique qui se développe aux Etats-Unis au xviie siècle, en opposition au calvinisme, promeut l’action philanthropique à travers les luttes contre l'alcoolisme et pour l'abolition de l'esclavage. Ce phénomène religieux original est beaucoup porté par des épouses et mères, gardiennes de la foi et des bonnes mœurs, en lutte contre le péché, la prostitution féminine et la luxure masculine. Se vivant comme les Anges du Foyer, elles mènent sur tous les terrains un " pieux harcèlement " pour défendre la pureté féminine contre la sensualité masculine. Le féminisme américain découle pour une bonne part de cet investissement dans les associations philanthropiques. En effet, leurs militantes s'y trouvent confrontées à une misogynie certaine. Et de même dans le mouvement Reform – qui traduit un désir de changer la société (dans l’attente de l’Age d’or) en abolissant l’esclavage, la famille ou le mariage, et qui, regroupant des sociétés alternatives inspirées des utopies millénaristes ou socialistes, donne naissance à de nouvelles thérapeutiques ou au spiritisme. Cette opposition envers les femmes, souvent au nom de préceptes religieux (en particulier chez les quakers), conduira certaines militantes, notamment par la croisade contre l’esclavage, à réaliser la synthèse entre action morale et conscience de l’oppression qui sera la base du mouvement féministe.

UNE COMPOSITION GRANDE BOURGEOISE ET CLASSES MOYENNES

Deux facteurs principaux contribuent au développement du mouvement féministe : l’accès aux études et l’accroissement du salariat féminin dans l’industrialisation du capitalisme américain. Entre 1780 et 1840, le niveau d'instruction des filles change fortement : le taux d’alphabétisation double et des établissements d’enseignement supérieur deviennent mixtes (l’université vers 1870). L’enseignement constituera " le " débouché pour les WASP, ces Blanches anglo-saxonnes protestantes, de milieu bourgeois ou petit-bourgeois, qui vivent sur la côte Est et dans les Etats du Nord-Est, et qui seront largement partie prenante du suffragisme et de la lutte pour les droits civils. A la fin du xixe siècle, les usines emploient aussi de plus en plus de femmes en atelier, tandis que l'invention en 1890 de la machine à écrire permet à beaucoup d'autres de connaître les joies du secrétariat.
Les millions de femmes appartenant aux classes moyennes que comptent alors associations et clubs féminins dans un large champ social (sur le jardinage, des problèmes sociaux...) sont très conservatrices. Elles aspirent à une activité intelligente et utile, mais l'éventail des professions qui leur sont ouvertes s'est peu élargi par rapport à la hausse des diplômées de l’enseignement supérieur. Leur action philanthropique atténue la conscience de cette injustice : par ce biais, elles revendiquent leur " différence " dans une optique chrétienne, et recherchent des réformes sociales davantage que des objectifs politiques. Les nombreuses grèves, dans le textile, les mines et les chemins de fer, leur font rejeter avec horreur tout ce qui ressemble à du radicalisme – d'autant que se développe de nouveau chez elles la théorie selon laquelle il reviendrait aux femmes de rétablir la moralité et l’équilibre dans un pays déstabilisé par ces secousses sociales et gagné par la corruption. Le droit de vote est associé à la prohibition des boissons alcoolisées, l'abolition de la prostitution et du travail des enfants ou la réforme du régime pénitentiaire. La revendication égalitaire dans le travail n'est guère prise en compte, et de toute façon la lutte contre l’alcoolisme prime : devant la prolifération des saloons, des manifestations sont organisées, avec prières et bibles à la clé.
Beaucoup de féministes, à l'approche de la Première Guerre mondiale, sont repliées sur la morale bourgeoise et valorisent leur " féminité ". Le mouvement se réduit alors au suffragisme ; et ses manifestations, en accueillant ou en étant conduites par des femmes très fortunées (la " brigade aux visons ", qui comprend la fille du banquier Morgan, une des " 400 familles " américaines), font apparaître le vote comme un luxe étranger au monde du travail. Les ouvrières se sentent peu concernées par cette revendication.

UNE STRATÉGIE AUX ASPECTS CONTRADICTOIRES ET AMBIGUS

- Puritanisme et religion contre libération sexuelle:
La Woman’s Christian Temperance Union (WCTU), constituée en 1874 par F. Willard et qui comptera un million de membres, a comme slogan : " Pour Dieu, pour la famille, pour le sol natal ".. Le droit de vote féminin est inscrit dans son programme en 1882 pour protéger cette famille (la lutte contre l’alcoolisme demeurant pour elle un puissant instrument d’émancipation des femmes) ; cependant, il n'est pas revendiqué au nom de l’égalité des sexes et des personnes dans la cité, mais à partir des responsabilités prescrites aux femmes dans la " sphère " privée, de leur " vocation morale " et de leur supériorité " naturelle " sur les hommes.
Les organisations suffragistes prônent la chasteté, sauf devoir de procréation, et contribuent à entretenir un climat puritain très fort. Elles ne soutiennent pas la campagne lancée début 1900 par Margaret Sanger, à travers conférences et brochures, en faveur des moyens contraceptifs. Dans leur grande majorité, en effet, leurs membres sont contre toute forme de libération sexuelle. Pareille attitude sert la forte censure qui s'exerce alors par le biais de la loi Comstock (président de la Société new-yorkaise pour la suppression du vice et… militant suffragiste) interdisant la diffusion de la littérature qui offense la morale : non seulement cette loi freine l’élan de la critique à l’égard de la famille, du mariage et de la morale, mais elle brise la propagande sur le contrôle des naissances. Elle sera responsable, en 1913, de 700 arrestations et de 333 condamnations, ainsi que de la saisie de milliers d’articles jugés " immoraux " sur cette question.

- Racisme contre abolitionnisme
Si le féminisme américain a largement découlé de la lutte pour l'abolition de l'esclavage, il y a très peu de Noires dans les clubs féminins en général, et la National Association of Colored Women, apparue en 1896, se heurte en 1900 à un refus catégorique des autres organisations de femmes de se réunir avec elle, car le racisme est fort dans leurs rangs.
Par ailleurs, la croyance en la supériorité et la pureté féminines donne parfois lieu à d’embarrassants dérapages dans le mouvement féministe par rapport aux heureux détenteurs du droit de vote. Telles les formules racistes et xénophobes d'E. Stanton (fondatrice du mouvement, avec la Déclaration de Seneca Falls en 1848), opposant en 1869 les femmes " instruites " aux immigrants ignorants ; celles de C. Catt, dirigeante de la National American Woman Suffrage Association (NAWSA, pendant des années la seule organisation féministe suite à une réunification du mouvement), qui évoque en 1894 le péril représenté pour l’Amérique par l’électorat étranger et ignorant issu des taudis des grandes villes ; ou encore d'A. Shaw, qui lui succède et déplore en 1904 le fait que " les femmes américaines soient gouvernées par les hommes de toutes les origines sous le soleil ".

- Pacifisme contre bellicisme, et oppositions… tactiques entre " radicales " et " modérées "
Quand éclate la guerre de Sécession, en 1860, les femmes collaborent à l’effort de guerre, par sentiment patriotique ou caritatif. La Première Guerre mondiale, elle, les divise : la (très grosse) NAWSA soutient l'intervention américaine, alors que le (tout petit) Women's Party (WP, lancé par A. Paul en 1915) se fait traiter d'" antipatriote " en s'y opposant.
Sur différents plans, ces organisations semblent en opposition : le WP a des campagnes agressives et agit au plan fédéral pour obtenir le suffrage féminin par un amendement ; la NAWSA défend son modèle féminin vertueux et apolitique, et mène ses campagnes Etat par Etat. Cependant, ces désaccords sont d'ordre tactique, car en fait les divers regroupements féministes ont une même revendication à leur programme : le droit de vote pour les femmes, et les mêmes pratiques de lobbying (pressions sur la classe politique et contacts personnels de leurs dirigeantes avec la Maison-Blanche).
D'abord dans le mouvement abolitionniste et proches du parti républicain qui promettait le suffrage des femmes avec celui des Noirs, les féministes (regroupées dans l'American Equal Rights Association, AERA, fondée en 1866 par L. Mott) se sont en effet divisées entre prodémocrates et prorépublicaines quand leurs anciens alliés ont privilégié l'abolition de l'esclavage sur le droit de vote féminin. A partir de là, le soutien à tel ou tel a été affaire de marchandages qui ont parfois entraîné des alliances douteuses avec des politiciens (comme le démocrate Train, parfaitement raciste, qui finance le journal de l'AREA)…

Ces réalités du mouvement suffragiste n'ont guère incité les militantes révolutionnaires à rejoindre leurs rangs, même si – comme ailleurs – la revendication du suffrage féminin a été soutenue par un certain nombre d'entre elles, pour faire avancer par ce biais aussi la cause des femmes. Ces militantes, investies quant à elles dans la classe ouvrière (voir le texte suivant), se sont davantage préoccupées d'y faire progresser l'égalité économique entre les sexes et la lutte anticapitaliste1.
VANINA

1. Une partie du mouvement philanthropique s'est néanmoins rapprochée du monde du travail et de la politique pour s’attaquer aux excès du capitalisme industriel, à travers les settlement houses de J. Addams (prix Nobel de la Paix en 1931… et également adepte des dîners avec le Président Wilson) : de 1895 à 1915, des milliers de " féministes sociales ", s'apercevant que les bonnes œuvres et la philanthropie ne suffisent pas à résoudre les problèmes de société, ont fait le lien avec syndicalisme, pacifisme ou défense des consommateurs.

Ecrit par libertad, à 23:29 dans la rubrique "Pour comprendre".

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