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Lu sur Indymédia Belgique : "Le sommet de l'OMC à Cancún a démarré hier sous de tristes auspices. Alors que les négociateurs des 146 pays membres de l'OMC n'en étaient encore qu'à se saluer dans la zone hôtelière sous haute surveillance de la station balnéaire mexicaine, un leader paysan sud-coréen s'est enfoncé un couteau dans l'abdomen et est mort de ses blessures quelques heures plus tard. Vers 12h50, Lee Kyung-Hae, 54 ans, a glissé à un de ses camarades: «Ne t'inquiète pas pour moi, lutte de toutes tes forces contre l'OMC.» Il est ensuite monté sur une barricade haute de trois mètres, a agité une banderole sur laquelle on pouvait lire «L'OMC tue les fermiers» et s'est ouvert le ventre avec un canif. Avec 150 de ses compatriotes et des milliers d'autres manifestants, Lee essayait depuis des heures de pénétrer dans la «zone rouge», la zone sous haute protection. Ils faisaient face à d'importantes forces de police qui les arrosaient de gaz lacrymogène et de coups de matraque. Au moment où Lee s'est donné la mort, ses compatriotes portaient un cercueil pour symboliser la menace de mort que représente pour beaucoup de paysans la poursuite de la libéralisation de l'agriculture.
Lee Kyung-Hae a été transporté à l'hôpital, où il est mort à trois heures et quart. Devant l'établissement, quelque 200 manifestants chantaient «We are all Lee.»
Lee Kyung-Hae n'en était pas à son coup d'essai. En 1990, il avait déjà essayé de s'immoler dans le hall du quartier général de l'OMC à Genève. En février de cette année, il avait mené une grève de la faim d'un mois dans une tente plantée devant la sortie du même bâtiment.
Dumping
Qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à un geste aussi radical? Les paysans du tiers-monde qui ont manifesté hier se sentent menacés. Ils ne redoutent pas une simple diminution de leurs revenus, ils craignent pour leur vie. Le dossier agricole est un des plus explosifs qui se trouvent sur la table à Cancún. Le fossé avec les pays du tiers-monde est très profond. La semaine dernière, 21 pays émergents qui se donnent le nom de «G21», dont la Chine, le Brésil et l'Inde, ont formulé leurs exigences communes. Ils réclament la suppression totale de toutes les barrières que les pays riches ont dressées pour protéger leur marché agricole. Ils écartent purement et simplement la proposition de compromis du président du Conseil général de l'OMC.
Quel est l'objet de ce différend? L'Union européenne et les États-Unis accordent de solides subventions (jusqu'à 300 milliards de dollars par an!) à leurs paysans et leur permettent ainsi d'écouler sur le marché mondial à très bas prix les produits qu'ils n'arrivent pas à vendre dans leur propre pays. Par conséquent, du lait, des tomates, de la viande, du blé et surtout du coton à prix plancher inondent les marchés des pays du tiers-monde. Les petits paysans locaux ne peuvent rien faire face à cette suprématie. Leurs produits plus chers leur restent sur les bras.
L'OMC promet de s'attaquer à ce problème mais, jusqu'à présent, les États-Unis et l'Union européenne ont pu continuer leur dumping alors que le tiers-monde avait de moins en moins de moyens de se protéger contre ces pratiques. Grâce à l'OMC, les subventions à l'exportation s'appellent désormais «soutien du revenu découplé». C'est bien joli mais, selon les spécialistes, ça ne change absolument rien.
Les pays sous-développés sont contraints et forcés d'ouvrir leur marché. Et ils ne peuvent pas faire appel à des bataillons de juristes et de spécialistes en communication pour recycler d'anciennes pratiques à leur avantage en leur donnant un nouveau nom.
Un nouvelle poussée de libéralisation menace de ruiner des millions de paysans dans le tiers-monde, avec les conséquences qu'on connaît: les paysans quittent les campagnes avec l'espoir qu'un avenir meilleur les attend dans les villes, où ils ne trouvent en réalité que le chômage et la précarité. Dans les campagnes, les terres se désertifient, les déserts s'étendent. Dans les villes, la criminalité progresse et la misère est à l'origine de nouveaux flux migratoires vers les pays du Nord.
Lee voulait que ça change. Selon un activiste américain, «Maintenant, le monde entier sait ce que provoque l'OMC.»
Sources: plusieurs agences de presse (AFP, Reuters, Indymedia, etc.)