L'En Dehors

Lu sur Les cahiers d'Anne Archet-journal : "Aujourd’hui, le blogue d’Anne Archet pratique la ségrégation sexuelle. À bas la mixité, chacun et chacune chez soi et les cochons seront bien gardés.

Si vous êtes une femme...

J’en ai marre des féministes.

Pas toutes les féministes, évidemment. Fut une époque où je me parais de cette étiquette, mais ces derniers temps, on dirait qu’elles font tout pour m’exaspérer.

J’en ai marre des féministes libérales et de leurs obsessions légales. J’en ai marre de ces féministes qui mesurent le progrès de la cause au nombre de femmes élues député, maire ou ministre, au nombre de femmes millionnaires membres du Beaver Club. J’en ai marre de ces féministes qui s’imaginent que c’est la législation anti-sexiste qui a fait progresser la condition des femmes depuis les quarante dernières années plutôt que la lutte des femmes elle-même. De ces féministes qui sont convaincues que, de par leur biologie, les femmes sont intrinsèquement porteuses de valeurs de solidarité, de coopération, de pacifisme, de compassion. Vous voulez un monde meilleur ? Ne changez surtout pas les institutions hiérarchiques de domination sociale, ça ne vaut pas la peine et puis c’est trop compliqué. Remplacez les policiers par des policières, les soldats par des soldates, les juges par des jugeuses, les gardiens de prison par des gardiennes de prison et bingo, l’âge d’or est à nos portes. C’est si désolant que les deux bras m’en tombent.

J’en ai marre du puritanisme des féministes radicales. Le seul nom d’Andrea Dworkin me met hors de moi. Toute représentation graphique ou littéraire du sexe exacerbe les rapports de domination des femmes par les hommes. La pornographie comme école du viol. La pornographie comme exploitation de toutes les femmes, comme dégradation symbolique de leur corps, comme créatrice de l’environnement sexiste que les femmes doivent subir quotidiennement. Même la porno gay, mettant deux hommes en scène, est perçue comme une agression contre les femmes…

Basta ! Et les femmes qui s’adonnent (depuis toujours) à la représentation graphique ou littéraire du sexe ? Des vendues ? Des aliénées ? Non, puisque ce n’est pas de la pornographie, c’est de « l’art », de la « littérature », de « l’érotisme »… ! Quelle hypocrisie… qui mène d’ailleurs à des alliances douteuses entre les féministes et tout ce qui a de lobby religieux, conservateurs et pro-censure. D’ailleurs, si la pornographie et masculine, pourquoi est-ce le pouvoir politique phallocrate qui en a interdit la diffusion jusqu’à la fin des années soixante ? Et au risque de choquer, il me semble que la seule vraie exploitation exercée par la pornographie, c’est celle des travailleuses et des travailleurs du sexe… en tant que prolos. Ainsi, la différence entre leur exploitation et celle des autres damnés de la terre en est une de degré et non de nature…

Et puis merde, j’appelle des copines et je sors me saouler la gueule. Hors de ma vue, vous toutes !

Si vous êtes un homme...

J’en ai marre des hommes.

Pas tous les hommes évidemment. Mais y’a des jours où je me demande qu’est-ce que je peux bien leur trouver. Des jours comme aujourd’hui, par exemple.

J’en ai surtout marre des hommes qui dégainent leur discours anti-patriarcal plus vite que leur ombre lorsqu’ils se trouvent entre camarades anars mais qui usent abondamment de la remarque sexiste bien grasse lorsqu’ils se trouvent entre copains. J’en ai marre des hommes qui dénoncent la violence faite aux femmes mais qui n’hésitent pas à brasser un peu leur compagne lorsqu’elle a l’audace de leur dire non (« c’est pas du viol bébé, je suis anti-sexiste »). J’en ai marre des hommes dont la rhétorique féministe sert essentiellement à lever des poulettes de gauche. J’en ai marre des hommes qui pensent que le fait de se proclamer anarchiste suffit pour se laver de toute responsabilité dans la perpétuation des liens de domination hiérarchique entre les hommes et les femmes.

Je ne demande pas à ces hommes d’être féministes. Ce serait idiot, et puis ce serait leur demander de se battre pour une cause qui n’est pas la leur. Mais ça serait bien qu’ils laissent tomber la rhétorique, qu’ils examinent leurs propres comportements et qu’ils essaient simplement de ne pas faire partie du problème, pour faire changement…

Et puis merde, j’appelle des copines et je sors me saouler la gueule. Hors de ma vue, vous tous !

Anne Archet