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Plan de cohésion sociale
Lu sur OCL : "Selon Borloo, la France est terre de paradoxes : elle vit une crise de l’embauche, elle n’est pas préparée, du fait des départs en retraite à venir, à une pénurie de salariés d’environ un million d’ici à 2020, elle ne donne pas ses chances au marché des services aux particuliers, elle compte quatre millions de personnes sans emploi et, pourtant, certains estiment qu’une immigration massive lui sera nécessaire dans certains secteurs d’activité. Le texte sur la cohésion sociale se veut-il en rupture avec ce qui a été fait auparavant ou n'est-il qu'une autre façon de présenter la politique du gouvernement, en voulant lui donner un côté social ?



Retour aux valeurs de la République comme philosophie du Plan de cohésion sociale

"La France doit faire face à un chômage structurel et à l’exclusion qui l’accompagne, aux jeunes sans espoir et aux enfants défavorisés, aux logements insalubres, aux quartiers sans avenir, à une perte de sens de l’action collective et de la République, à l’intolérance et parfois au racisme. Nous devons répondre clairement, ouvertement à ceux qui se découragent : la République retrouvera l’égalité des chances ; elle ne transigera pas avec son ambition, elle ne jouera pas avec son avenir." [.] La République doit également se donner les moyens de relancer la mobilité, la libre circulation des talents. Une nouvelle impulsion doit être donnée dans les zones d’éducation prioritaire, les élèves en fragilité doivent être repérés et suivis aux premiers signes de décrochage, dès la maternelle. Le plan de cohésion sociale adopte une démarche inédite consistant à traiter ensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays (chômage persistant de longue durée, chômage des jeunes, accroissement du nombre d’exclus, crise du logement, délitement des quartiers défavorisés, discrimination, crise du système éducatif à certains endroits, etc.). La réussite de la cohésion sociale sera celle de tous les acteurs – collectivités territoriales, entreprises, associations, services déconcentrés de l’Etat – qui œuvrent sur le terrain. [.] Il faut, par ailleurs, rétablir l’égalité effective des chances en attaquant à sa source l’inégalité : dans le logement, à l’école, dans les territoires aux charges socio-urbaines écrasantes et aux ressources insuffisantes". Tout est dit dans ces quelques phrases.

La remise au travail au moindre coût et avec plus de flexibilitÉ

Le marché du travail connaît, dans notre pays, d’importants dysfonctionnements engendrant une durée anormalement élevée du chômage, alors que le nombre d’emplois non pourvus s’accroît et dépasse 500 000. [.] Le chômage massif est devenu une donnée permanente, avec plus de 4 millions de personnes indemnisées ou allocataires de minima sociaux, et toutes les conséquences négatives qui en résultent pour la compétitivité de notre pays. Nous devons le maîtriser dans le cadre d’une perspective d’avenir : l’allocation chômage est une indemnité, il faut en faire un investissement, un instrument de retour à l’activité. La période de chômage était un moment d’effritement, il faut en faire une étape de reconstruction, au cours de laquelle le rôle éminent de la puissance publique est d’accompagner chacun de ceux qui en ont besoin, au nom de l’efficacité, mais aussi de la fraternité. Avec 10 000 emplois détruits et 10 000 emplois créés chaque jour ouvrable, le chômage frictionnel est inévitable. Ce qui n’est pas acceptable, c’est le chômage de longue durée, le chômage d’exclusion, le chômage durable des jeunes à la recherche de leur premier emploi". Cette situation serait due à quatre erreurs : non prévision et non organisation de l'offre et de la demande, avoir considéré l’emploi comme un stock donné à partager, avoir organisé le contingentement de la population active et la protection systématique de l’emploi existant, avoir fait du traitement social du chômage la réponse ultime au manque de travail. "Le retour à l’activité est une priorité absolue. C’est le meilleur rempart contre l’implosion sociale et la clé de la dignité individuelle. Le plan de cohésion sociale se présente donc d’abord comme un dispositif systématique de sortie d’une logique d’assistance : tous doivent pouvoir, sous des formes adaptées, retrouver le chemin de l’activité, aussi modeste soit-elle". Ceci doit se faire dans la continuité de "la politique de l'emploi" engagée par le gouvernement : la création d’entreprises, une valorisation du travail ("avec une hausse massive du pouvoir d’achat du SMIC horaire, une augmentation de la prime pour l’emploi et une réforme des retraites destinée à valoriser l’expérience et le travail des seniors"), assouplissement des 35 heures ("pour permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus"), baisse des charges, contrat jeunes en entreprises (CIVIS), la mise en place d’un droit individuel à la formation, les partenaires sociaux ont jeté les bases d’une véritable assurance emploi. Pour ce faire, il faut s'inspirer du modèle des pays nordiques, de la Hollande et de l'Irlande. "Dans ces pays, afin de faciliter la réactivité des entreprises et de vaincre leur aversion à l’embauche, les contraintes ont été allégées, les statuts et la gamme des horaires de travail diversifiés. En contrepartie, les dépenses de la politique de l’emploi sont élevées ; les chômeurs bénéficient d’une indemnisation très protectrice et ceux qui peinent à se réinsérer sont rapidement soutenus".
Premier remède : créer des maisons de l'emploi qui seraient une instance chargée de recenser les ressources humaines et de prévoir les besoins locaux en emplois. Un lieu dédié au traitement particulier des chômeurs en difficulté, après orientation par les grands réseaux, notamment celui de l’ANPE ; un lieu regroupant tous les services susceptibles d’être offerts en matière d’aide à la création de leur propre emploi par les chômeurs, et qui associerait tous les partenaires de la politique de l’emploi et de la formation, fédérés au sein d’une structure juridique (groupement d’intérêt public). Sur la durée du plan, 300 maisons de l’emploi seront ainsi créées.

Le 2ème remède serait un accompagnement durable et renforcé de 800 000 jeunes en difficulté vers l’emploi durable. 350 000 d’entre eux accéderaient à l’emploi par une formation en alternance (apprentissage et contrat de professionnalisation), dans le cadre du programme “500 000 apprentis, étudiants des métiers” ; 350 000 jeunes seraient conduits vers l’emploi marchand, avec un droit à formation, le cas échéant par le truchement d’un contrat aidé (contrat jeune en entreprise, CIE, CIVIS) ; 100 000 jeunes seraient, enfin, recrutés en alternance dans le secteur public. Pour faciliter la réussite de ce programme, le “contrat jeune sans charge en entreprise” sera amélioré : l'aide aux entreprises qui était uniforme serait modulée de 100 à 300 ¤ par mois et par jeune selon le niveau du jeune recruté (inférieur au bac) et du bassin d'emploi. Il s'agit en fait d'effet d'annonce : il s'agirait en fait d'augmenter d'ici 2009 de 40 % le nombre des apprentis, de faire accéder les jeunes des "quartiers sensibles" sans qualification, ni diplôme à la catégorie C de la fonction publique sans concours, mais seulement "si le jeune remplit son contrat de travail et de formation" (ce qui sous-entend que c'est dans les "quartiers sensibles" que l'on trouverait les sans qualifications, ce qui est faux : ceux-ci font surtout l'objet d'une discrimination à l'embauche). La rémunération se déclinera selon le même modèle qu’en matière d’apprentissage. Des exonérations de charges comparables à celles consenties aux entreprises inciteront les collectivités locales et les hôpitaux à recourir à "cette voie républicaine de recrutement en alternance qui rétablit l’égalité des chances".

Le 3ème remède serait l'assistance à l'emploi pour les RMIstes et les bénéficiaires de l'ASS. "Le RMI est devenu un état durable pour 1 100 000 allocataires, sans compter les 365 000 titulaires de l’ASS". A ces personnes seraient proposé un contrat d'activité : il prévoit un temps d’activité hebdomadaire compris entre 26 heures et 35 heures, réparti obligatoirement entre temps de travail et temps de formation, modulable selon les besoins des bénéficiaires ; le temps de travail est rémunéré au SMIC horaire, soit 3/4 de SMIC pour 26 heures par semaine de temps de travail (durée maximale) ; le contrat ouvre aux mêmes droits sociaux que le contrat emploi consolidé ; la durée du contrat est de deux ans, et peut être prolongée d’une année, la situation du bénéficiaire étant réexaminée tous les six mois. Le contrat n’est pas renouvelable. Il ouvre droit à une qualification, à une validation des acquis de l’expérience (VAE) ou à une attestation de compétences. Les communes (ou les établissements publics de coopération intercommunale) sont compétentes pour proposer ce contrat d’activité et pour veiller à son déroulement, en liaison avec les départements. Cette compétence peut être déléguée (associations, maisons de l’emploi, départements pour les petites communes, etc.). Le financement de la formation est de la compétence des régions (compétence de droit commun) et des départements (crédits d’insertion) ; l’employeur est une collectivité territoriale, une entreprise d’insertion, une association ou un délégataire de service public. Le département (pour le RMI) ou l’Etat (pour l’ASS) apporte le montant de cette allocation à l’employeur. Les majorations (couple, enfants) continuent d’être versées aux allocataires. L’employeur rémunère le bénéficiaire du contrat d’activité. Il supporte donc la différence entre le montant de cette rémunération et celui du RMI ou de l’ASS. Toutefois, il bénéficie d’une aide forfaitaire de l’Etat, calculée de manière à représenter 75 % de cette différence la première année du contrat, 50 % la deuxième, 25 % la troisième. Pour inciter fortement les employeurs et les communes à aider au retour à l’emploi, une prime forfaitaire de 1 500 euros est versée aux uns et aux autres pour chaque sortie vers l’emploi durable. Le plan étend les droits à protection sociale des bénéficiaires du RMA et réduit à six mois l’ancienneté dans le RMI requise pour en bénéficier, de manière à harmoniser les régimes du RMA et du contrat d’activité. On peut remarquer que le temps de formation n'est pas payé, que l'attestation de compétence va remplacer petit à petit le diplôme et que le rôle de contrôle social des collectivités territoriales est accentué (merci notre bon maître !).

Le 4ème remède est de favoriser le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée de plus de 26 ans. Seules deux catégories de contrats aidés subsisteront, l’une dans le secteur marchand, l’autre dans le secteur non marchand. Dans l’un et l’autre cas, il y aura exonération totale ou partielle de charges sociales et prime à l’employeur abaissant le coût du travail. Les crédits afférents aux différents contrats aidés (CES, CEC, CIE, SIFE, SAE) seront fondus dans une enveloppe unique, gérée au niveau régional par le préfet et les services de l’emploi. Il sera proposé à la négociation avec les partenaires sociaux d’étudier l’embauche dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée ou d’un contrat de travail temporaire des chômeurs de très longue durée afin de faciliter leur retour sur le marché du travail.

Le 5ème remède serait un "nouveau pacte pour l'emploi" : nouvelles règles concernant la gestion sociale des restructurations, les moyens de favoriser le développement de l'emploi des seniors, la clarification du statut du contrat de travail, la limitation des délais de recours contentieux, le développement des nouvelles formes d’emploi en direction de publics spécifiques, l’évolution de la législation sur la durée du travail. Tout ceci en donnant aux "partenaires les moyens, notamment humains et financiers, de remplir leur mission. C’est la condition d’un dialogue social constructif".

Le 6ème remède serait de développer les services, en particulier à la personne. 250 000 emplois pourraient être créés en 5 ans. Il est proposé une simplification des procédures d’agrément des entreprises de services aux personnes, une rénovation des règles de qualité relatives à la fourniture de services aux particuliers, un développement des contrats multi-employeurs, un abaissement du coût du travail dans le secteur de la restauration.

Enfin, le must : encourager la création de leur propre emploi par les chômeurs et les personnes en situation précaire, l’objectif du plan de cohésion sociale étant d’atteindre 100 000 créations d’emplois par des chômeurs entrepreneurs sur cinq ans. Un fonds garanti par l’Etat pourra garantir les prêts consentis par les guichets bancaires à vocation sociale à des personnes physiques (chômeurs, Rmistes, travailleurs en reconversion) ou morales (associations, TPE, structures d’insertion, etc.), ainsi que l’apport en fonds propres pour les créateurs d’entreprise. L’exonération totale ou partielle de cotisations sociales du revenu du créateur d’entreprise travailleur indépendant sera portée à trois ans lorsque ce revenu est inférieur au SMIC. Cette extension ne concernera que les personnes ayant opté pour le statut de micro entreprise. Tous ces remèdes devraient s'accompagner d'une égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

Investir dans le logement ou faire du replâtrage ?

"Il faut tout díabord investir dans le logement, qui connaÓt aujourdíhui une vÈritable crise. Les causes sont connues : retards accumulÈs dans le logement locatif social, dysfonctionnements du marchÈ locatif privÈ et nous devons les traiter". Le 1er objectif est de revenir ý la construction de 80 000 logements sociaux par an, voir 120 000 en 2009 (au lieu des 50 000 construits actuellement). Les organismes HLM síengageraient ý rÈaliser líobjectif de production prÈvu sur les cinq ans en donnant, pendant les deux premiËres annÈes, une prioritÈ au logement des familles nombreuses et ý la crÈation de maisons relais ; ils síengageraient aussi ý mettre ý niveau le parc existant en apportant les fonds propres nÈcessaires, ý respecter une charte de qualitÈ du service rendu ainsi quíý mutualiser leurs actions : au cas o˜ un organisme ne pourrait tenir son engagement, les autres líaideraient ou assumeraient la partie non rÈalisÈe. Le second objet concerne le parc privÈ. Líobjectif proposÈ pour les cinq prochaines annÈes, en associant líensemble des propriÈtaires de logements, est de porter ý 40 000 le nombre de logements ý loyers maÓtrisÈs produits avec les aides de líANAH (agence nationale pour l'amÈlioration de l'habitat). En contrepartie, une exonÈration pendant trois ans de la contribution sur les revenus locatifs sera mise en place ; la prime versÈe par líANAH sera portÈe ý 5 000 euros en zone tendue et ý 2 000 euros sur le reste du territoire ; elle sera cumulable avec líamortissement Robien. Afin de permettre un recouvrement plus rapide et plus sšr de la crÈance en cas díimpayÈ, la procÈdure díinjonction de payer serait amÈliorÈe ; une exÈcution par provision pourrait Ítre obtenue, indÈpendamment du jugement sur le fond síil y a litige. Cela devrait permettre la mise sur le marchÈ de 100 000 logements environ, ainsi que la rÈduction des cautions et avances de garanties. Le 3Ëme objectif est de renforcer l'accueil et l'hÈbergement d'urgence. En plus des 87 000 places actuelles ouvertes ý líannÈe, auxquelles il faut ajouter, chaque hiver, 6 000 places supplÈmentaires, seraient crÈÈes 4 000 places en maisons relais (forme díhabitat adaptÈ pour des personnes en grande exclusion dont la situation sociale rendrait difficile líaccËs ý un logement ordinaire), 7 000 places en centres díaide aux demandeurs díasile (CADA), 1 300 places de centre díhÈbergement et de rÈinsertion sociale (CHRS), ainsi que la transformation de 500 places díurgence en places de CHRS.

L'ÉgalitÉ des chances, valeur de la RÉpublique ?

Deux types de population visés : celle des quartiers défavorisés et les immigrés (souvent confondus). 750 équipes de réussite éducative seront créées, permettant d’accompagner "les enfants en grande difficulté" au sein des 900 zones ou réseaux d’éducation prioritaire (soit 6 975 écoles primaires), dont la géographie recouvre pour l’essentiel celle des zones urbaines sensibles. 150 "plates-formes de réussite éducative" sont créées, en lien avec la communauté éducative ; elles réunissent les services sociaux et sanitaires de l’éducation nationale, ceux de l’aide sociale à l’enfance et les centres de pédopsychiatrie. Une trentaine "d’internats de réussite éducative" verront le jour : trois pour les régions Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA et Nord-Pas-de-Calais, un pour chaque autre région. A partir de l’âge de quatorze ans, les adolescents pourront travailler en alternance ou effectuer des stages d’observation en entreprise ; à partir de quinze ans, ils pourront être en préapprentissage comme cela se pratique déjà dans le cadre des classes d’initiation préprofessionnelle en alternance et des classes de pré-apprentissage. Et vous appelez cela égalité des chances ? Ne serait-ce pas plutôt du déterminisme social ? Borloo s'aperçoit qu'il faut restaurer du lien social : il propose pour cela des chartes territoriales de cohésion sociale. De même, il propose de rénover l'accueil et l'intégration des populations immigrées, en créant une Agence nationale de l'accueil et de l'intégration (qui remplacera l'OMI) et en généralisant le contrat d'accueil et d'intégration en place depuis juillet 2003. Dans le même temps, on fermera une nouvelle fois le robinet de l'immigration ("La France est terre de paradoxes : [.] elle compte quatre millions de personnes sans emploi et, pourtant, certains estiment qu’une immigration massive lui sera nécessaire dans certains secteurs d’activité"). Et pour clore le tout, il faut lutter contre les discriminations en créant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Borloo n'a fait qu'un catalogue de toutes les mesures et mesurettes en cours et à venir (en matière sociale, de logement, d'éducation, d'immigration et d'asile) en voulant lui donner un côté social. Mais il ne leurre personne. Comme vous avez pu le voir, c'est un condensé d’attaques contre les chômeurs et l’ensemble du monde du travail. Derrière la mise en scène de l’affrontement entre le "gentil" Borloo défendant le social face au "méchant" Sarkozy, se cache toujours la même recette double face : contrôle accru des chômeurs et contrats bidons. En matière de logement, comment croire Borloo, quand le maigre budget consacré au logement ne cesse de baisser, quand il coupe radicalement dans les allocations logement, quand il privatise le parc de logements sociaux qui lui appartenait ? Sans parler des déconventionnements que le gouvernement accepte et qui permettent de faire passer de nombreux logements du social au marché libre, avec le relèvement des loyers que cela implique.

Camille, OCL Reims, octobre 2004
Ecrit par libertad, à 22:45 dans la rubrique "Social".



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