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L'En Dehors


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Occupe-toi d’Arafat
C’est avec gourmandise qu’on pastiche un titre de Feydeau avec le sujet qui s’y prêterait a priori le moins, l’agonie de Yasser Arafat, président protéiforme –révolutionnaire, traditionnaliste, socialiste,islamiste, autocrate et démocrate- de l’Autorité palestinienne.



Le ton devrait être au drame, et pourtant tout le porte à la bouffonnerie : hospitalisé en région parisienne depuis le 29 octobre, d’après la déléguée Leïla Chahid «en bonne santé, conscient, heureux de pouvoir être en France dans un hôpital de la qualité de l'hôpital Percy de Clamart», il se sent mieux dès le lendemain, tandis que ses médecins «ont exclu toute possibilité de leucémie» (comme si un homme de cette envergure ne pouvait décemment défuncter que de cela).

Le dimanche 31, son vieil ennemi le général Sharon, refermant déjà le suaire, déclare, sans doute glacé à l’idée du pélerinage annuel de milliers de Palestiniens sur la tombe du raïs, que, « moi Premier ministre, il ne sera pas enterré à Jérusalem ». Ah mais !

Le lundi 1er novembre, le président «va beaucoup mieux» confie la toujours optimiste Leïla Chahid, alors que la Faculté ne lui a décelé «pour le moment aucune trace de mal mortel» (on appréciera ce «pour le moment» qui nous rappelle un très La Palicien «une seconde avant sa mort, il était encore vivant») ; le mardi 2, tout roule clament en chœur l’infatigable Leïla et l’aréopage de toubibs en treillis.

Le 3, patatras : des «responsables palestiniens» plus ou moins bien identifiés déclarent que l’état de santé de leur patron se détériore à fond la caisse, tandis que le lendemain jeudi 4, les mêmes assurent que Yasser n’est pas du tout dans le coma ainsi que des malveillants voudraient le faire croire aux populations naïves ; néanmoins, si des hommes en blanc déclarent que Yasser Arafat «n'est pas décédé» (imprégnez-vous bien de la nuance subtile entre être en vie et ne pas être décédé), une source médicale française (une autre ? des noms !) décrète que le leader palestinien «est dans un état de mort cérébrale» (mais à part ça, tout baigne).
Ce même jour, Jacques Chirac passe faire un petit coucou à son homologue et ne remarque apparemment rien de bizarre, quoique d’après les hommes de l’art «la situation clinique des premiers jours suivant l'admission est devenue plus complexe» (ce qui laisserait entendre qu’avant elle était simple, hypothèse qui avait cependant échappé à tous les observateurs) et que le dirigeant palestinien a été transféré la veille «dans un service adapté à sa pathologie» (laquelle ? mystère et sortilèges ! enfin, le principal n’est-il pas qu’il ne soit pas question d’une leucémie ?)

Vendredi 5 novembre, la fringante Leïla Chahid martèle qu'Arafat n'est «absolument pas» en état de mort cérébrale mais se trouve dans un «coma réversible» (ouf ! trois fois rien), tout en admettant qu'il est «sûrement dans un moment très critique entre la vie et la mort» (c’est quand on aperçoit la lueur blanche au bout du couloir ?), déclarations qui laissent entendre que Leïla ne sait pas trop quoi en penser mais qu’elle en connaît tout de même plus long sur l’état du boss que ces ânes de médecins, et infiniment plus que Jacques Chirac, qui se refuse à commenter l'état de santé du moribond joyeux, évoquant le «secret médical» (dans lequel il n’est pas) et son «incompétence» en la matière.

Durant le week-end des 7 et 8 novembre, la représentation continue avec les mêmes ingrédients un peu réchauffés car il faut bien laisser le temps aux différents auteurs d’écrire la suite pour un public palestinien, pourtant bon enfant, qui s’impatiente, tandis que les spectateurs israéliens ne cessent de réclamer qu’on tire le rideau.
En attendant, personne ne cherche vraiment à savoir où en est la vedette, ce qui n’est pas très sérieux de la part des organes d’information officiels -comprendre la presse écrite et audiovisuelle- ou bien révélateur de l’opacité d’un système qui prétend par ailleurs considérer les citoyens comme adultes et responsables.

Et puis lundi 9, dès la fraîche, la pétulante Madame Arafat accuse le numéro deux de l'OLP, Mahmoud Abbas, le Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï, et son ministre des Affaires étrangères, Nabil Chaath, soit ceux qui incarnent, que cela lui convienne ou pas, la réalité du pouvoir en Palestine de vouloir s’emparer de celui-ci –le pouvoir- sur le corps de son mari, qui d’après elle, encore plus perspicace que Leïla Chahid, «se porte bien et va regagner sa patrie» (les pieds devant ?).
Les accusations fantaisistes de cette habile diplomate de Souha déclenchent l’ire des caciques sus-cités et le président du Parlement, Rahoui Fattouh, qui s’est évité le voyage de Paris afin de veiller au grain sur place, exige des excuses de l’imprudente impudente qui se voyait déjà princesse de Gaza et reine de Cisjordanie.

Mardi 10 novembre, Yasser Arafat, selon les sources, toutes fiables, se trouve en pleine forme, dans un coma réversible, en état de mort cérébrale, tout à fait très mort, mais un peu encore vivant.
D’après un informateur digne de confiance, il aurait commandé pour ce soir un petit dîner sympa chez Lasserre et pour demain matin, des croissants frais.
Ecrit par MathiasDelfe, à 22:41 dans la rubrique "Actualité".



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