…à propos de « Sarkozy l’acrobate » du
magazine « Le Point » n°1843Cet article est un contre-sens total et alarmant ! L’acrobatie est asphyxiée par cette association « acrobate » et « Sarkozy », rapprochement qui relève de la crétinisation, qu’on ne peut confondre ni avec de l’humour ni avec une allusion « bonne enfant ». Ce texte n’a d’ailleurs rien de burlesque, il est tout à fait ringard, conventionnel, gnangnan, mais surtout, ce qui est grave, diffamatoire contre le « vrai » métier d’acrobate, contre le « vrai » art du funambulisme, dégradant jusqu’à sa perte la signification du rôle du « jongleur ». Et on voudrait ainsi neutraliser en deux temps trois mouvements le danger de subversion que porte en lui l’homo acrobaticus, figure majeure de l’insoumission au pouvoir et ses autorités ?
Le président Sarkozy apparaît comme terne figurant du personnage d’un prétendu jongleur, et donne à la couverture de ce numéro une pâle mine glaciale, à côté du mot « acrobate », mot subversif, issu de la tradition des fous, des bouffons, des clowns…, en bref des « violateurs de normes, d’interdits et de tabous » (voir la belle étude du Trickster de Laura Makarius). Ce personnage au pouvoir transgressif et magique, bien plus complexe que ne nous le laisse entendre ce vague papier de presse, est souvent représenté, non pas par un morne portrait encravaté, mais par l’intégralité d’un corps renversé « sens dessus dessous », défroqué, qui ne craint ni « la boue », ni la souillure… Imaginons une seconde ce que serait la gargouille gothique de Sarkozy, en remplacement de son buste quasi statufié dans la photographie que nous offre la couverture de « Le point » ?
Je vous propose un petit jeu : comparez l’utilisation frelatée, que fait le magazine Le Point du personnage
de l’acrobate avec les illustrations ci-dessous. Nul besoin d’insister : Les contrefaçons journalistiques de l’acrobatie, l’image sportive du président, n’ont rien à voir avec la beauté du diable du personnage dépravé d’Arlequin et de du « va nu pied » qui marche sur les mains.
Quand la liberté d’expression d’un magazine, atteint un tel degré de pollution, de supercherie et de saccage du sens il n’est pas inutile de mettre les poings sur les i, et de refuser le silence.
Le mot « acrobate » ne signifie pas ce que cette presse néfaste croit et prétend diffuser : L’acrobatie c’est un art, un métier, une technique du corps, qui n’a rien à voir avec sa récupération politique honteuse « comme si de rien était ». Cet article est digne du pilonnage intellectuel. Comparer le président Sarkozy à un artiste-acrobate c’est une manière de dénigrer les « vrais acrobates » qui consacrent, eux, toute leur vie à un exercice qui n’a absolument rien à voir avec ces gesticulations grossières de casse-cou, ce « bougisme », cet activisme de bon aloi, ce surmenage gestuel narcissique politicard.
L’art de l’équilibrisme c’est tout autre chose…
Et Bartabas alors, acrobate ? Il est du métier, non ? Il sait de quoi il parle, lui !... Lui qui connaît la grâce délurée et l’élégance des voltiges équestres ?
Qu’on se souvienne ! Nos anciens jongleurs médiévaux étaient des colporteurs chevaleresques d’une poétique et d’un art oratoire, celui de « la chanson de geste », leur corps tournoyait, tombait, marchait à la renverse. Ils jonglaient avec des couteaux, des épées, et des balles. Malgré tous les efforts d’une certaine presse infâme, le président Sarkozy est bien loin d’illustrer les subtilités de cet art, ne fournissant aucune preuve de sa maîtrise tactique des « trucs », des « astuces », et des « tours » qui caractérise le dit art « acrobatique »: les photos s’entassent et ne sont là que pour confirmer ce contre-sens. La crispation politique ambiante et engoncée ne ressemble en rien en un jonglage délié et léger dont le message est de dénoncer les prohibitions de la morale, de la religion, de la politique, de retourner en culbute bouffonne le sérieux des idéologies dominantes, des censures et des fanatismes…
La médiatisation à outrance et la fausse modestie, les shows ne sont pas la tarte à la crème de l’humble métier de saltimbanque fripon. Encore une différence entre un Sarkozy et un circassien : Tandis que Sarkozy autorise le montage de la tente du colonel Kadhafi en plein cœur de Paris, il s’arrange pour chasser celles des SDF de certains lieux, tandis que les chapiteaux de cirque sur les terrains vagues de la périphérie ne lui posent aucune question : elle est belle et bien finie « l’année des arts du cirque » sur le parvis du pavillon de l’arsenal !
L’acrobatie c’est la nique faite aux dieux et le président Sarkozy est loin d’avoir atteint ce très haut degré d’une éminente sagesse. Les descendants de l’ancien « jongleur de Notre Dame » pourraient bien lui programmer un petit pèlerinage et lui donner une petite leçon (gratuite) de cabriole, ainsi qu’à l’auteur (Sylvie Pierre-Brossolette) de cet article diffamatoire, cautionné par la rédaction du magazine « Le point ». Diffamatoire contre les vrais « artistes-acrobates » qu’on se permet d’étouffer sur la place publique, dernier un visage (à peine un masque) docile et dompté, hiératique, statufié : rien à voir avec une théâtralité clownesque. Non ! Le Sarkozisme ce n’est pas de l’art acrobatique ! C’est tout le contraire….Oser comparer Sarkozy à un artiste acrobate, ce président de la république, plus royaliste que le roi, c’est vraiment du n’importe quoi, c’est oublier que le personnage de l’acrobate est un anarchiste, corps et âme, et que la révolte artistique dans sa force subversive n’est pas affaire d’état.
Myriam Peignist