On le sait, aux États-Unis non plus, le gouvernement n'aime pas les étrangers. Alors on boucle la frontière avec le Mexique, et tant pis pour-ceux qui s'aventurent quand même, poussés par la pauvreté. Soit ils arrivent à passer et sont exploités et méprisés dans l'autre pays des droits de l'homme, soit ils meurent de soif et de chaleur dans les déserts qui bordent la frontière, soit ils sont tués par des fanatiques du Deuxième amendement.
DÉBUT AOÛT, cinq personnes non identifiées sont mortes de déshydratation dans le désert brûlant du sud de l'Arizona, après avoir traversé illégalement la frontière mexaméricaine (entre Mexique et États-Unis), qui est armée jusqu'aux dents. Le cas n'est pas isolé. En un an, les corps de 115 immigrants ont été retrouvés au fin fond du désert. Des initiatives fédérales, telle l'opération Gardien de barrière, qui a fermé quasi hermétiquement la frontière entre le Mexique et la Californie, poussent les immigrants à emprunter des chemins de plus en plus dangereux en plein coeur des déserts du sud-ouest.
Des fous de la gâchetteSi les' températures avoisinant les 50°C ne tuent pas, les immigrants latinos doivent aussi affronter le danger de groupes de vigilance racistes, des fous armés qui patrouillent. le long de la frontière par peur de l'« invasion » et de la conquête du sud-ouest par les Mexicains, ou parce qu'ils pensent que l'administration de Bush est incapable de les protéger des immigrants terroristes. Ils rassemblent ces immigrants illégaux sans papiers et les livrent aux autorités fédérales. Certains ont été maltraités, d'autres tués. Par exemple, en 2090, Miguel Angel Parafox, un jeune Mexicain de 20 ans, a été touché par balle dans le cou, après avoir été attaqué par deux cavaliers vêtus de noir, non loin de la ville frontière de Sasabe. Palafox banda sa blessure avec son tee-shirt,. et retourna au Mexique en rampant. Heureusement, il a survécu, mais l'identité des deux cavaliers reste mystérieuse. Lors d'un auge incident, deux immigrants furent retrouvés tués par balle sur le bord d'une route, près de la petite ville de Red Rock (Arizona), yen octobre 2002. Manuel Ortega, porte-parole du consulat du Mexique à Tucson, affirme que les deux victimes faisaient partie d'un groupe de douze personnes qui observaient une halte près d'un point d'eau, au sud de la ville. L'un des survivants a expliqué à Ortega que deux hommes masqués, en tenue de camouflage et armés de fusils, avaient surgi des bois, tirant sur le groupe et tuant les deux hommes. Les autres sont dispersés juste après. Le shérif local considère que les meurtres sont le résultat d'une dispute entre contrebandiers rivaux, et n'a pas enquêté.
Bien que des individus et des organisations de droits de l'homme aient sans relâche demandé que les autorités légales mettent un terme aux activités de ces groupes haineux, les gouvernements, et d'État et fédéral, ne font rien. Ces groupes sont en grande partie des retraités de l'armée, du Service de l'immigration et de la naturalisation et de la police.
Chris Simcox, membre de la Milice civile de défense du sol national, a même provoqué le gouvernement en duel: « je défie le président des États-Unis d'arrêter ceux qui protègent leur pays », a-t-il déclaré au Washington Times en 2003.
« Nous ne tolérerons plus l'incapacité de ce gouvernement à régler la question de ces criminels et de ces trafiquants de drogue. C'est une honte inadmissible que notre gouvernement abandonne à son sort le peuple américain. »
Un nouveau programme Bracero ?La Patrouille de la frontière américaine, organisée par Glen Spencer, un animateur de radio californien, et conservateur, est si extrémiste qu'elle pense même de Bush qu'il est un traître libéral, du fait de ses récentes propositions de réforme sur l'immigration. En janvier dernier, Bush a annoncé qu'il « fera de l'Amérique .un pays plus compréhensif, plus humain et plus fort » . Sa proposition accorde un statut temporaire d'au moins trois ans aux travailleurs sans papiers. Comme le programme Bracero 1 dans les décennies passées, un pourcentage est retenu sur le salaire des travailleurs, jusqu'à ce qu'ils retournent pour de bon au Mexique. Mais les Braceros n'ont jamais vu la couleur de ces salaires...
Les plans de Bush ne sont qu'une nouvelle mesure de législation raciste, qui a procuré aux États-Unis une sous-classe de travailleurs légaux. Servitude volontaire, esclavage africain, la loi d'exclusion des Chinois, le programme Bracero, etc., la liste n'a de cesse de s'allonger. Le capitalisme dépend d'une sousclasse à exploiter à moindre coût. Comment croit-on que les profits sont dégagés ? L'agriculture américaine et d'autres secteurs de l'industrie et de l'économie comptent sur le travail des immigrants latinos.
D'après la proposition de Bush, ces travailleurs sont à la merci de leurs employeurs. Sans le statut de résident permanent, ils sont constamment menacés de déportation s'ils se retrouvent sans emploi. Ce plan ne permet pas non plus à ces travailleurs de se syndiquer, puisqu'ils ne restent pas assez longtemps.
Les anarchistes sont solidaires de ces hommes et de ces femmes qui, du fait de la nature même du capitalisme et de la législation gouvernementale, ne trouvent pas dans leur pays suffisamment d'opportunités, et sont donc tentés de risquer leur vie pour vivre un peu mieux avec leur famille. Il faut ouvrir les frontières, et abolir le gouvernement qui entretient les rouages du capitalisme!
Mei Lingg
The Dawn
n ° 3, septembre 2004
1. Deuxième amendement de la Constitution américaine: « Une milice bien régulée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, on ne contreviendra pas au droit des gens à posséder et porter des armes. »
2. Le programme Bracero débuta en 1942, par accord entre le Mexique et les États-Unis. Depuis la révolution de 1910, les paysans mexicains étaient dans la misère et délaissés par leur gouvernement. Lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclata, on eut besoin de bras pour cultiver les champs dans le sud des États-Unis. Le gouvernement américain fit donc appel à des braceros, des travailleurs saisonniers mexicains, exploitables à merci. La richesse de l'agriculture nord-américaine est en grande partie due au travail expérimenté de ces hommes et femmes. Ce système d'esclavage légal prit officiellement fin en 1964.
Le Monde libertaire #1378 du 2 au 8 décembre 2004