Au cours de l'été 2003, un taon piqua Raffarin, aussitôt l'âne gras du Poitou se mit à braire la sentence suivante « La France ne doit pas être un parc de loisirs ». Il faut dire que l'ombrageux et bruyant quadrupède était habité depuis longtemps par une obsession, celle d'un France lanterne rouge de l'Europe parce que ses habitants ne travaillent pas assez.
Ce méchant baudet ne faisait pas preuve d'une grande originalité car la « déclinologie » est une plante toxique qui pousse ses consommateurs à dégueuler régulièrement sur la tronche des « pue la sueur ».
Dernier exemple en date, un homoncule qui se lève tôt, vient de dégobiller sur les chômeurs. Le troll de l'Elysée propose de sanctionner les chômeurs qui refuseraient « deux offres d'emploi acceptables » au motif que 500000 offres d'emplois seraient dédaignées par ces cossards. D'où sort-il ces chiffres extravagants? Peu importe.
Le soleil d'Egypte lui aurait-il tapé sur le citron au point de lui faire prendre le moindre caillou pointu pour une pyramide? Même pas.
Le mensonge est une seconde peau pour l'homme qui fait de l'insulte et de la provocation permanente une manière de gouverner.
La pourtant fort peu révolutionnaire Annie Thomas, présidente (CFDT) de l'Unedic indique la chose suivante u les possibilités de sanction existent déjà au premier refus, le problème n'est donc pas là: aujourd'hui l'ANPE est dans l'incapacité de proposer deux offres d'emploi en adéquation avec les 2 millions de chômeurs. » De son côté l'ANPE, pourtant soumise de plus en plus à des obligations dé résultats, bref à mettre la pression sur les chômeurs, confirme que le nombre de sanctions pour refus d'offre est infime: 13672 sur un total de 563 680 radiations, de janvier à novembre 2007, soit 2,4 %. Sans doute, pour exciper de ces fameux « 500000 emplois non pourvus », le troll à talonnettes a-t-il utilisé le barème qu'il s'est appliqué pour augmenter son salaire de bonimenteur suprême, car, toujours selon la direction de l'ANPE, les offres d'emplois non pourvus en 2005 s'élevaient à 200000, or, depuis 2 ans, ce volume est resté sensiblement identique.
Le mots ne sont jamais neutres, surtout quand ils sortent de telle ou telle bouche, en vue d'atteindre tel ou tel dessein. Le testeur des prestations logistiques et hôtelières de Bolloré (et autres parasites immensément fortunés) use sciemment de la formule « deux offres d'emploi acceptables », car si intrinsèquement le mot « acceptable » ne veut strictement rien dire, le Medef la CGPME ont parfaitement compris le sens qu'en donne l'agité du bulbe. Aussi, grands et petits patrons applaudissent-ils à deux mains, puisque leur en passe d'être exaucé: tout chômeur indemnisé sera tenu d'accepter tout emploi qui lui sera proposé, faute de quoi sa radiation interviendra sur le champ.
Pan après pan, gouvernement et patronat poursuivent un objectif clair comme de l'eau de roche: aboutir à une déréglementation généralisée du droit du travail. Cette énième brutale déclaration de guerre aux chômeurs implique la mise à mort de la durée légale du temps de travail (à cet égard, Fillon a livré dernièrement un secret de Polichinelle) et, dans la foulée, la suppression des u salaires minimum ». À supposer l'accomplissement de cette besogne sinistre, que se produirait-il alors? Nous assisterions alors à la terrible mise en concurrence de ces nouveaux déclassés avec les centaines de milliers de personnes qui occupent déjà nombre d'emplois faussement non pourvus » . Nous évoquons ici tous les travailleurs, hommes ou femmes, Français ou immigrés qui, à l'heure actuelle - parce que placés dans des conditions de grande précarité - sont contraints d'accepter des rémunérations souvent inférieures au SMIC, sans toujours être déclarés d'ailleurs, car nombre de patrons (et de particuliers!) ne s'encombrent pas de telles peccadilles, sachant que l'État ferme complaisamment les yeux sur leurs agissements de purs malfrats.
L'hypocrisie est donc totale, puisque, répétons-le, le but ultime des possédants et de leurs empressés domestiques est de précariser encore plus des pans entiers du salariat, et de créer les conditions d'une compétition hyper exacerbée entre les travailleurs eux-mêmes.
Ceci étant, il faut bien savoir que cette duplicité est parfaitement cohérente avec l'idéologie de la droite (ne parlons pas de la gauche vu qu'elle est plongée dans un coma dépassé). En effet son antienne majeure postule que le travail, au-delà de sa nécessité pour produire des richesses, est en outre une valeur morale pour éviter aux personnes de tomber dans « l'infamie » de l'assistanat.
Partant de là, l'expansion du précariat et la naturalisation de formes dégradées d'emploi, quand bien même sont-elles génératrices de souffrance et de misère chez des millions d'individus, ne sont que de simples et nécessaires pénitences pour viser au respect du dogme.
Le capital, ce dieu Moloch qui exige sempiternellement de nouveaux sacrifices, est fertile dans l'invention langagière. En voulez-vous la preuve? Ainsi il en est de l'expression « les intérêts de la France », incantation que ses prêtres hallucinés et fortement intéressés prononcent avec des trémolos dans la voix côté cour, puis, côté jardin, provoque chez les mêmes d'irrépressibles fous rires.
Sami Chemin
Le Monde libertaire #1500 du 17 janvier 2008