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Les grands esprits pensent comme Val
Vu sur PLPL  À califourchon sur Montaigne et Spinoza, Philippe Val cultive le racisme social. Son engrais ? Le pédantisme.

Troubadour libertaire qui chantonnait L’Autogestion avec Patrick Font en 1977, Philippe Val pense à présent qu’« il ne peut y avoir de démocratie sans marché » [1]. Le dictateur du NEM (Non-Événement du mercredi, alias Charlie hebdo) œuvre à « légitimer le titre aux yeux des gens qui constituent le milieu de l’information et avec qui j’entretiens des rapports cordiaux » [2]. Une réussite. Mais qui fut une gageure ; Philippe en a convenu :

« Je suis très limité [...]. Je ne suis pas un grand analyste politique, je ne suis pas un professionnel du journalisme. » [3]

Charitable, Laurent Joffrin-Mouchard confia un jour à son ami Philippe le secret des plumassiers parisiens : citer à tout bout de champ des génies pour dissimuler son incurie. Et Mouchard, qui s’y connaît, glissa sous l’épaule la béquille qui soutient la pensée boiteuse de tous les pitres pantelants de la presse : un jeu de fiches de lecture résumant l’œuvre des grands esprits des trois derniers millénaires. Val a piaillé de joie et tout appris par cœur. Écrivains, artistes et penseurs illustres sont désormais mobilisés au service de la « pensée Val-Tse-toung » [4]. Au meilleur de sa forme, le grand timonier peut citer dans un seul entretien Kundera, Machiavel, La Boétie, Parménide, Stanislavski, Platon, Hobbes et Hegel ! [5] Les médecins légistes de PLPL ont autopsié 48 des 53 éditoriaux valiens publiés dans le NEM en 2002. Bilan : 120 évocations artistiques et littéraires, soit une moyenne de 2,5 par éditorial, avec des pointes à 10 [6], voire 11 [7]. Val frissonne :

« Tout le monde a droit à une phrase de Shakespeare, de Nietzsche, de Dante, de Borges, de Montaigne. » [8]

Les lecteurs, eux, sont plus partagés :

« L’équipe de Charlie hebdo organise à Rennes une rencontre avec les lecteurs. Par sa condescendance envers les membres de l’assistance (ses lecteurs, donc), Philippe Val, le rédacteur en chef, arrive en deux heures à perdre tout le crédit dont il jouissait encore. » [9]

Contre les « ploucs humains »

Se grimer en savantasse comporte pourtant beaucoup d’avantages. D’abord, le dictateur du NEM peut dégoiser les pires âneries sous l’autorité de Spinoza avec l’assurance que ce dernier n’enverra pas de droit de réponse. Conscient que nul ne sera pris de vertige en s’asseyant sur son œuvre, il peut aussi se présenter comme le défenseur des aigles de l’esprit à la hauteur desquels il tente de se hisser - du haut de son perchoir de perroquet :

« Je suis pour que les lettrés reviennent sur le devant de la scène, c’est mon combat. » [10]

Même les semaines où Philippe ne cite aucun nom de la Pléiade, la distinction reste au rendez-vous : il conte sa rencontre avec le pianiste Arturo Benedetto Michelangeli [11], évoque une pièce de théâtre, et finalement soupire :

« Combien de fois ai-je vu se lever le jour en lisant Les Mille et Une Nuits ? » [12]

Le monde selon Val se divise en deux : d’un côté, ceux qui lisent Montesquieu et les éditoriaux de Philippe Val citant Montesquieu ; de l’autre, la populace imbécile qui aime le foot et les corridas, qui boit de la bière et regarde TF1. Cette deuxième catégorie forme à ses yeux l’écume de l’humanité. Elle a des loisirs « vulgaires » qui offusquent ses prétentions au califat de l’Intelligence :

« Même quand j’étais gamin, le sport m’ennuyait. Un match de foot me remplissait d’une espèce d’état migraineux, de déprime qui ne m’a pas quitté depuis ».

Philippe Val, défenseur du social ? Trois fois oui-oui, mais à la condition expresse de n’avoir aucun contact avec un peuple qu’il décrit tantôt comme une bande de « pochtrons du bistrot, torse nu, bourrés comme des coings » [13], tantôt comme un tas de « ploucs humains obtus, rendus courageux par la vinasse ou la bière locale qui leur gargouille dans le bide » [14]. Au fond, les dominés n’ont que ce qu’ils méritent. Le dictateur du NEM fustige leur « servitude volontaire » plutôt que l’exploitation capitaliste qui les asservit. « S’ils n’aimaient pas se faire niquer, a-t-il tranché, ils ne seraient peut-être pas si pauvres » [15]. L’humaniste a parlé.

Quiconque réplique en évoquant le problème de l’accès inégal à la culture déchaîne les foudres valiennes. Les prolos, « ils s’en foutent. Ils préfèrent le foot et le Loft et autre chose demain, d’aussi con, ou d’encore plus con... ». Leur cervelle serait « gavée au crottin médiatique », « habituée à réfléchir comme au foot », perpétuellement « à la ramasse » [16]. « Hélas, larmoie Val, ce ne sont pas les fines analyses des lettrés qui font l’opinion » [17].

Le Précieux ridicule

Quand Philippe défend la « démocratie », il pense d’abord à son droit de « débattre » avec Franz-Olivier Giesbert [18] ou Arlette Chabot [19] et de vendre ses livres chez Ardisson (23.10.04)3. « Qu’avez-vous réussi de mieux dans la vie ? », lui demande L’Express-mag  [20]. Réponse :

« Mon dernier livre et mon dernier disque, en vente partout. »

Le reste lui donne la nausée :

« C’est dur de faire de la politique. Il faut en serrer, des mains pas toujours appétissantes, en boire, des verres de piquette en faisant hummm excellent, en embrasser, des gamins tendus à bout de bras par des rougeauds imbéciles. » Il faut aussi « renoncer à ses goûts, à tout ce qui a bâti en soi-même de la finesse, de la nuance, de la subtilité, et caricaturer le gros consensus, en faire un drapeau imbécile auquel se rallieront les plus bornés, [...] s’abaisser de façon à être entendu par la partie la plus obtuse de la population. » [21]

Inlassablement il repart au « combat » contre les gueux, dont les manières offusquent ses goûts raffinés. « Cette semaine, je feuilletterai un volume de La Pléiade » [22]. Prendre de l’altitude, enfin, loin de « ce bon gros sens d’en bas, auquel on doit à la fois l’éternel camembert à la louche et l’éternelle épuration ethnique. » [23]. La persécution, les camps, le fascisme, Val peut en parler en connaissance de cause :

« Quand j’étais petit, mes parents m’envoyaient en vacances dans un petit village, tellement petit qu’il n’y avait ni épicerie ni boulangerie. »

Le devoir de mémoire est absolu :

« Je n’ai jamais oublié, je n’oublierai jamais. [...] Au pensionnat, il faut faire preuve d’une force d’esprit hors du commun [sic], accomplir des efforts terribles [...]. C’est bien de torture qu’il s’agit, je l’ai éprouvé moi-même. » [24].

Mais, même dans la tourmente, un moment de grâce peut effacer ce passé épouvantable et lui rappeler Mozart [25] : Val est enfin reconnu des Grands. Ainsi, quelques jours après la victoire du « non », au cours d’un « débat » télévisé avec un Raymond Barre crépusculaire [26], l’ancien Premier ministre s’est un peu redressé, et dans un râle (presque) final a laissé gargouiller cette ultime bénédiction :

« Je voudrais dire un mot dans le sens de M. Val. »

Vu sur PLPL

Ecrit par didier2, à 17:39 dans la rubrique "Culture".

Commentaires :

  jeanvaljean
13-08-05
à 20:11

cool, coco...

Vas y doucement quand même ...

Parce que le jour ou on aura tous une puce gréffée dans le crane pour recevoir Charlie directement dans le cortex, l'esprit de Phillipe Val déclenchera peut-être la grande révolution cybernétique prophétisée dans Matrix.

Vas savoir...

Les "lettrés" comme tu dis, survivent au monde electronique, et fort heureusement pour nos esprits billgatisés...

Franck.

Répondre à ce commentaire

  Woot
19-08-05
à 05:54

Hum

Heil Val.

L'alternative électronique existe : Linux, Mozilla...

Et les lettrés sont des cons, regarde moi.

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