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Le n°13 d'A trop courber l'échine, Bulletin acrate est disponible à l'adresse suivante :
STA
B.P. 1021
76171 ROUEN cedex 1
FRANCE
Ce bulletin est gratuit. Il ne vit que de la bonne volonté de son rédacteur et des dons de ses lecteurs. Vous pouvez envoyer des timbres ou des sous
(Rouen CCP 6 591 39 J). Reproduction et diffusion encouragées.
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Lutte anti-industrielle et lutte de classes
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Il faut reprendre l'étude du mouvement ouvrier classique d'une manière désabusée, et d'abord désabusée quant à ses diverses sortes d'héritiers
politiques ou pseudo-théoriques, car ils ne possèdent que l'héritage de son échec.
Les succès apparents de ce mouvement sont ses échecs fondamentaux (le réformisme ou l'installation au pouvoir d'une bureaucratie étatique) et
ses échecs (la Commune ou la révolte des Asturies) sont jusqu'ici ses succès ouverts, pour nous et pour l'avenir.
Internationale situationniste, n° 7
Prolétaire, quand tu penses comme un bourgeois, tu vis comme un esclave !
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Parmi les détracteurs du point de vue anti-industriel, il en est qui nous objectent que seule la lutte de classes est importante et suffit à éclairer
tous les évènements. Mais encore faut-il s'entendre sur les mots et développer ce que nous mettons derrière cette notion de lutte des classes,
car les partisans de celle-ci désignent des réalités bien différentes les unes des autres.
Disons sommairement que ce concept peut désigner un état de fait inhérent au capitalisme ou bien un effort volontaire de la part des classes en question. Bref, la lutte de classes est présentée soit comme un facteur historique qui apparaîtrait mécaniquement, soit comme un ensemble d'évènements résultant d'une révolte consciente face à la domination et à l'injustice.
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Mais aujourd'hui, quelle réalité avons-nous devant les yeux ? Voyons-nous une classe se battre afin de construire réellement son histoire ? N'en
déplaise à certains, la notion de classe est de moins en moins valide pour éclairer nos analyses et pour guider nos actions. Nous constatons en effet
qu'au sein des pays les plus riches et les plus industrialisés, la plupart de nos contemporains ne se reconnaissent plus dans l'appartenance à une
classe sociale. C'est au contraire l'aspiration à vouloir "grimper les échelons" qui se rencontre le plus souvent. Comment définirons-nous le
prolétaire d'aujourd'hui ? Comme un salarié qui ne dispose que de ses bras et de son cerveau à louer à un exploiteur ? Dans ce cas, moult flics,
vigiles, sous-chefs, contrôleurs, cadres supérieurs, fayots, jaunes, collabos et même directeurs d'entreprise sont des prolétaires !
Faut-il prendre en considération le salaire ? Certains travailleurs ont des salaires relativement élevés, sont-ils encore à classer parmi les prolos ?
Et d'ailleurs, n'y a-t-il de prolétaires que pauvres ? Et lorsque nous employons le terme d'ouvrier, celui-ci recouvre-t-il encore la même réalité
qu'hier ? Convient-il vraiment à celui dont la tâche consiste à appuyer sur quelques boutons pour faire fonctionner un robot dans une usine ? Allons
même plus loin : est-ce que les chômeurs doivent être comptabilisés parmi la classe laborieuse ? (il est d'ailleurs notable que les actions les plus
radicales des ces dernières années ont été le fait de chômeurs et de personnes agissant en dehors du terrain habituel qu'est le monde du travail)
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De la même manière, s'imaginer que les mouvements revendicatifs actuels ont quelque chose de commun avec l'ancien mouvement ouvrier révolutionnaire est une supercherie. La vision mécaniste de l'Histoire, toujours associée avec la croyance ridicule en un progrès constant et perpétuel, voudrait pourtant démontrer une continuité entre ces deux phénomènes. Mais ce qui fait défaut à l'essentiel de ces mouvements actuels c'est exactement ce qui caractérisait l'ancien mouvement révolutionnaire : une conscience, une éthique et une volonté déterminée à changer radicalement le monde. Ces
révolutionnaires-là étaient d'entrée de jeu des hors-la-loi, ils étaient et voulaient être incompatibles avec l'ennemi qu'ils combattaient.
Quoi de commun en effet entre une grève de 24 heures pour réclamer une augmentation de salaire de 1 % et les actes accomplis par le prolétariat
révolutionnaire ? Rien. Il n'y a pas continuité tout simplement parce que le capitalisme a su jouer à la fois de la répression et de l'intégration envers
ce mouvement révolutionnaire défunt. La délégation de pouvoir, la bureaucratisation et la cogestion sont faites pour désarmer les prolétaires.
La consommation comme le travail sont faits pour détruire notre conscience et obtenir notre collaboration de manière encore plus subtile au monde qui
pourtant nous asservit. C'est pourquoi de nos jours la plupart des inégalités sont vécues comme "normales", avec toujours un espoir de les
atténuer grâce aux diverses aides, aux progrès de la technique et de la science, au retour du plein emploi ou bien aux gains du loto. Jadis l'on
mourrait pour la liberté et la justice, aujourd'hui on courbe l'échine en attendant un sort meilleur. Hier nos prédécesseurs voulaient faire la
révolution sociale, aujourd'hui l'on considère qu'il faut gérer les intérêts antagoniques au sein d'un système qui est supposé indépassable.
Oui, dans le monde entier des travailleurs sont en grève. Oui leurs intérêts divergent de ceux de leurs exploiteurs. Oui les inégalités sont toujours
bien réelles ! Mais dans la mesure où partout – à de rares exceptions près – ces divergences ne sont pas considérées comme inconciliables, nulle
volonté de briser le statu quo n'émerge. On se bat pour reprendre un peu de ce que le pouvoir nous a pris. Bref, c'est Sisyphe roulant son rocher… Dans un tel contexte, tout ce qui à l'apparence d'une victoire ou d'une avancée s'avère être au bout du compte une approbation du système de domination. Les "acquis sociaux" sont synonymes de paix sociale, d'exploitation acceptable, donc de résignation. Aujourd'hui, la défense des travailleurs revient à défendre le salariat. Avec en prime la défense de l'Etat comme garant mythique de la justice puisque tout doit être inscrit dans la loi ! Quant à la prétendue répartition égalitaire des richesses, elle ne consiste en fait qu'en une répartition des marchandises et de l'aliénation qui va fatalement avec. Du bas au haut de l'échelle sociale, les mêmes aspirations égoïstes triomphent. La quantité et la qualité des marchandises consommées varient en fonction du pouvoir d'achat, mais c'est finalement la même aliénation qui réunit le PDG et la femme de ménage qui nettoie son bureau.
Quand un prolo crane devant ses semblables sitôt qu'il en a l'occasion en exhibant des gadgets et quand il considère qu'il est normal qu'un patron
gagne plus de fric que lui, cela signifie que sa mentalité s'est embourgeoisée. Quand un cadre supérieur se fait virer car son entreprise doit se restructurer, cela signifie que la condition des valets du système s'est précarisée. En vérité, la puissance de l'économie et de l'industrie n'ont pas seulement balayé la conscience de classe mais la conscience tout court. Dans un monde de concurrence et de consommation, les plus pauvres n'en sont pas simplement réduits à singer les comportements des plus riches et à désirer les mêmes choses qu'eux. Quand nous y songeons un peu, nous
voyons bien que si l'ancien prolétariat révolutionnaire est laminé, c'est parce que notre sensibilité et notre intelligence – lesquelles sont
indispensables pour toute prise de conscience et donc pour toute révolte conséquente - sont complètement atrophiées par les conditions modernes de
survie qu'impose le monde de la domination. Chaque jour, la société industrielle ne cherche qu'une chose : nous rendre compatible à son
fonctionnement normal, et nous satisfaire de cette compatibilité octroyée par tous les moyens. Voyez l'enseignement dispensé dans les écoles (1).
Voyez les jouets vendus pour amuser les enfants (2)…
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Pourquoi formuler alors un point de vue qui s'oppose à l'industrialisation du monde et à sa technologie ? D'abord parce que cette industrialisation
s'est présentée comme bienfaitrice de l'humanité, en apportant le confort et la santé. C'est sans doute la raison pour laquelle la majeure partie du
prolétariat s'est bornée à proposer l'expropriation des moyens de productions aux mains des capitalistes afin de gérer elle-même ces moyens.
En somme, on voulait bien changer les musiciens mais on voulait toujours jouer la même musique !
Ensuite, parce que la domestication et la pacification s'opèrent d'autant plus facilement qu'elles sont obtenues techniquement et industriellement.
Quelle est par exemple l'arme privilégiée du spectacle pour anesthésier les consciences et uniformiser les comportements, si ce n'est la télévision ?
Moyen moderne de "communication" présent sur la planète entière, la télé c'est le contrôle social dans chaque habitation. Et le développement
technologique continu – à grands coups de satellites - lui permet d'accroître sans cesse cette présence, jusque dans les bistrots et les écoles. Partout les écrans nous hypnotisent et nous désarment : télévision, automates, ordinateurs, (Internet c'est l'aliénation à haut débit !) téléphones mobiles, jeux vidéos, cinéma... Dans le même sens, la technologie dote le pouvoir de moyens de contrôle et de répression jamais connus auparavant. Nous sommes sous surveillance en permanence. L'armement des polices et des militaires n'a jamais été autant sophistiqué.
Enfin, cette industrialisation ne s'est pas accomplie en laminant seulement – si l'on peut dire – les consciences et les volontés. Elle détruit aussi les bases biologiques de notre existence. Elle qui prétendait apporter confort et santé alors qu'elle sème la mort, la maladie et la souffrance en faisant croître le désert. Nul besoin de décrire encore et encore la longue chaîne des catastrophes et des accidents, des pollutions et des destructions. Il suffit d'ouvrir les yeux. Voilà les raisons pour lesquelles nous mettons l'accent sur l'aspect industriel et technologique de la domination. Il ne s'agit pas de substituer un nouvel ennemi - la société industrielle - à l'ancien - le capitalisme. Il s'agit de dire quel est le visage de l'ennemi de toujours. Le capitalisme est avant tout industriel et technologique. Cela lui permet d'ailleurs un camouflage plus subtil qu'auparavant : le pouvoir, parce qu'il n'a plus de tête, voudrait faire
croire qu'il n'existe pas. Le point de vue anti-industriel n'est donc pas une nouvelle idéologie, ce n'est pas un sésame susceptible de tout expliquer, ce n'est pas non-plus un réductionnisme étriqué. C'est simplement la manifestation lucide de la prise en compte de l'incompatibilité totale entre ce monde et nos aspirations profondes. Car rien n'est à récupérer au sein d'un tel système.
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Nous sommes les héritiers de l'ancien mouvement révolutionnaire. Nous en avons conservé les moyens d'actions et d'organisation essentiels tels le
sabotage, l'internationalisme, l'auto-organisation et l'action directe. Nous en avons surtout gardé le projet : le communisme. La lutte continue. Mais
cette lutte ne doit plus se tromper d'objet. Elle doit repartir de la réalité qui est là devant nous. Elle ne doit plus dépendre des critères et des valeurs imposées par la domination, elle ne doit plus chercher à continuer de faire tourner ce monde qu'on nous impose mais a en établir de nouveaux. Cela implique que l'une de nos tâches essentielles consiste à être capables de définir quels seraient les vrais besoins d'une société libre. Ce qui revient donc à clarifier ce qui se dissimule derrière cette notion lorsqu'elle est utilisée par le capitalisme. Ce dernier crée des besoins de toute pièce, et la technologie industrielle lui facilite grandement la tâche. A tel point que chaque revendication – même la plus radicale – se change fatalement en aménagement du système.
L'important réside dans le sens que nous donnons à nos propos et à nos actes. C'est la raison pour laquelle chaque construction de notre part prend
l'apparence d'une destruction de ce monde et réciproquement. C'est ce que nous signifions lorsque nous déclarons vouloir sortir de ce monde sans le
laisser en paix. L'enjeu est de créer une force révolutionnaire capable d'acquérir la plus large autonomie possible par rapport au système ennemi tout en se dotant d'une capacité de destruction de celui-ci.
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Si l'on veut bien considérer que « l'auto-émancipation doit être l'œuvre de la classe qui est capable d'être la dissolution de toutes les classes en amenant tout le pouvoir à la forme désaliénante de la démocratie réalisée, le conseil dans lequel la théorie pratique se contrôle elle-même et voit son action. Là seulement où les individus sont directement liés à l'histoire universelle, là où seulement le dialogue s'est armé pour faire vaincre ses propres conditions » (Guy Debord, La société du spectacle) alors nous devons également considérer qu'il est nécessaire de nous sortir de la condition qui nous est faite par ce monde. Autrement dit, nous devons nous définir et agir en fonction de nos motivations réelles, et non pas en fonction de ce que le capitalisme fait ou veut faire de nous. Cela signifie concrètement que nous n'avons pas à nous solidariser avec une grève par réflexe, parce que la grève serait une arme traditionnelle utilisée par les révolutionnaires.
Certes, nous sommes bien évidemment favorables à tout ce qui peut nuire à ce système- et une grève peut effectivement représenter un moyen de nuisance. Mais seul compte le sens donné à ce genre d'initiative. Il y a donc une contradiction à plaider d'une part pour la "décroissance" et, d'autre part, soutenir un mouvement de grève au seul motif qu'il se distingue par sa durée dans le temps.
Ainsi, nous voyons des anarchistes qui viennent de prendre conscience de la dangereuse absurdité du développement économique soutenir dans le même temps les salariés de l'entreprise STMicroelectronic qui vont être licenciés. Cette entreprise est spécialisée dans la haute technologie. Elle ne produit que de la merde. Ce que nous proposons est la destruction de ces usines. Et ce que nous disons aux salariés qui y travaillent, c'est de faire grève non pas pour obtenir une reconversion ou pour sauvegarder leur emploi, mais plutôt pour prendre un maximum d'argent afin de l'utiliser pour accroître leur autonomie et lutter contre le capitalisme. Trop de luttes, pour n'avoir pas su décrypter la logique infernale du système, combattent aujourd'hui des fantômes, se condamnant à l'impuissance ou, pire, à renforcer le pouvoir même si leur intention était de l'affaiblir.
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Nous sommes opposés à la société industrielle parce qu'elle nous empêche de vivre librement, parce qu'elle nous fait mal. A l'instar de nos prédécesseurs qui avaient compris que l'Etat, l'argent, le salariat, la marchandise, le spectacle étaient nocifs pour eux, nous voulons nous débarrasser des infrastructures industrielles, des usines aux caméras de surveillance, des parcs de loisirs aux aéroports. C'est ainsi que nous entendons continuer la lutte qu'ils avaient commencée.
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Notes :
(1) : cf. L'enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes de Jean-Claude Michéa, éditions Climats.
(2) : cf. Le vieux monde et l'enfant, Le Monde à l'envers n°3, éditions Ressouvenances ( 3 rue de la Cidrerie – 02600 Coeuvres et Valséry)
Commentaires :
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à 07:11