Que dieu bénisse l'Amérique répète à qui veut l'entendre le Président Bush. D'autres disent qu'il ne faut
pas oublier leur prophète. Nous n'oublions personne, aucun dieu, aucun prophète, nous tenons notre liste à jour, et les tribunaux aussi commencent probablement à informatiser les listes de divinités et prophéties. Ce défilé de plaignants, cette procession
devant les autels judiciaires, c’est effrayant, apocalyptique. L'athée a parfois envie de demander grâce, que l'on abrège son martyre, car si l'on ne peut plus parler ici-bas, et que donc l'enfer existe, on pourrait au moins
nous fournir l'adresse exacte du paradis, que l'on s'y rende sans plus tarder.
Toutes ces
exultations sacrées finissent par pousser les athées vers les temples de la
justice. En se frayant un chemin dans la foule des fidèles et des outragés, cette
foule qui va de salle d'audience en
salle d'audience pour y interdire qui un livre, qui un dessin, une chanson, une
pensée, là-bas tout au bout du couloir, on appercoit le valeureux Luigi
Cascioli, lequel a décidé de demander à l'Eglise, par juges interposés,
quelques explications au sujet du dénommé Jésus Christ, prophète de son
état.
Si elle n'était
point judiciaire - mais comment peut-on accabler quelqu'un qui ne fait que se
plier aux coutumes des temps - l'idée de Luigi Cascioli serait excellente. En
effet depuis le temps que les religions nous demandent, et pas toujours
poliment, d'acheter leurs marchandises, elles pourraient peut-être faire
l'effort de nous fournir enfin quelques renseignements un peu plus convaincants
sur les produits proposés. Mais les palais de justice sont-ils l'endroit
approprié pour cela ?
Les religions ont
toujours senti cette quête de rationnel chez l'homme, et entre deux miracles,
après quelques apparitions, au milieu de toutes ces créatures et créations
fantastiques, les religions tentent parfois de nous distribuer un peu de
nourriture comestible. On creuse les déserts à la recherche de vieux morceaux
de bois, la moindre caverne est investie de spéléologues en mission, les
cancérologues bienveillants examinent les guérisons. Evidemment on ne trouve
jamais rien de bien appétissant, l'athée en reste toujours sur sa faim. Les
plus ingénieux remettent le rationnel aux lendemains qui chantent, et
comme la terre n'a plus beaucoup de
secrets à livrer, c'est dans l'espace que se situent les preuves, et alors oui
le divin existe , on peut le toucher de ses mains, mais il faut d'abord
attendre, se préparer, cotiser, mais il est là, et si vous scrutez bien le ciel
par une nuit sans pollution et bien vous verrez vous aussi ces points lumineux
d'ou nous parviennent recommandations et injonctions. Mais nous on ne voit
jamais rien, et les belles nuits étoilées sont si rares maintenant.
Luigi Cascioli
n'est pas tombé dans le piège, l’ailleurs qui se calcule en kilomètres ne
l’intéresse pas, il n'a pas demandé a ce que les juges aillent dans la voie lactée pour vérifier
s'il y a des entités qui traînent dans le coin, non, il n'est pas tombé dans ce
piège là, il s'est intéressé à une vieille religion, qui date des temps ou on
ne soupçonnait pas encore toutes les ressources de l'humain sceptique ou du
prolétaire matérialiste, du temps ou on ne faisait pas dans le détail, un temps
ou sur terre se passaient toutes sortes de phénomènes les plus merveilleux, le
temps d'avant les tsunamis et les tremblements de terre.
Luigi Cascioli
s'inscrit dans une démarche nécéssaire, celle de la révolte du consommateur
contre la marchandise. Tout comme les marchands de tabac qui sont maintenant
obligés de mettre quelques précisions sur les emballages, les marchands des
temples devront peut-être un jour inscrire sur leurs devantures :
"Attention, ce produit contient des fariboles et provoque des
hallucinations et des aliénations".
Et la brigade des
stups finirait de régler le problème, car les substances opiacées sont
interdites en France. Loi contestable, mais la loi est la loi, et nul n’est
censé l’ignorer.
Ce qui est
admirable chez les vendeurs de divin, c'est leur capacité à s'adapter aux
époques, et aux lieux aussi. Mais cette capacité nous la trouvons frustrante,
efficace oui, mais surtout frustrante. Car enfin les athées sont comme tout le
monde, eux aussi aimeraient bien admirer de belles créatures ailées qui flottent
dans les cieux, eux aussi aimeraient voir des mers qui s'entrouvrent, toutes
ces choses qui apparaissent, disparaissent, se transforment, s'illuminent,
pleuvent, ressurgissent. Pourquoi sommes nous condamnés a de lamentables
ouragans de force 4 ou 5 ou a d'exécrables invasions de sauterelles qui
dévorent les récoltes, alors qu'autrefois tout était si beau et merveilleux
? Les athées n'ont jamais droit à toutes
ces belles choses. Quelques-uns oui, parfois, mais souvent on les envoie à
l'hôpital ou au commissariat. Un athée qui voit une magnifique bête ailée est
soit un fou soit un drogué, alors qu'autrefois la chose était courante et
pouvait même vous faire accéder à la postérité. Entendre une voix qui vous
raconte des histoires ne vous vaut que des ennuis aujourd'hui, sauf si vous
avez un enregistrement de qualité témoignant de votre bonne foi, tandis qu'il
fut un temps ou dans les campagnes on
entendait beaucoup de choses, et souvent, et quand vous le racontiez autour de vous ça ne vous attirait
pas que des soucis, même si c'était parfois déjà le cas en ces temps pourtant
féeriques.
Mais Luigi
Cascioli est plus modeste, il ne demande pas au tribunal de lui apporter des
preuves de l'existence des créatures ailées - les juges lui diraient d'ailleurs
de regarder par la fenêtre pour en voir, et Luigi Cascioli en verrait puisqu'en
Italie les pigeons aiment les vieux bâtiments, même ceux des palais de justice
- il demande simplement à savoir si Jésus Christ a bien existé. Pour le moment
le tribunal écoute les parties en présence, l'affaire est à suivre, et même si
on est très fatigués par cette mode des procès et procédures, on peut bien
faire quelques exceptions. Si l’accusé est condamné pour escroquerie, il sera
toujours temps ensuite de réfléchir à l’opportunité ou non d’exiger sa
libération, mais sous conditions, car il a tendance à la récidive.
Si demain les
athées n'ont plus le droit de critiquer publiquement la religion, et si les
tribunaux deviennent les derniers lieux de France ou on peut encore causer, et
bien il faudra songer à hâter l'ascension collective vers le paradis, car il n'y
aura plus de temps à perdre, et tant pis si on est pas surs de l'adresse car on
a bien quand même une petite idée du chemin.
http://www.luigicascioli.it/
http://www.atheisme.org/
http://www.bibliotek-at.com/
Rokakpuos
à 21:16