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L'En Dehors


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Le degré zéro de la tolérance
Lu sur Oulala.net : "Ce qu'est la "tolérance zéro" et à quoi ça sert.« Tolérance zéro », dernier label à la mode en matière de « sécurité publique », ressemble à un slogan pour rêves néo-fascistes. En d'autres temps, quand les bordels s'appelaient « maisons de tolérance », le très réactionnaire Paul Claudel avait émis cette boutade : « La tolérance ? Il y a des maisons pour ça ».

L'origine du slogan est facile à trouver : il s'agit d'une variante du « zéro défaut », critère de conservation ou de rejet d'un élément produit en série, signifiant qu'il ne comporte aucun écart significatif de fabrication avec le modèle standard. Comprenez : « Je ne tolérerai aucun écart » - Autrement dit : qui n'est pas entièrement pour moi, est contre moi. La moindre critique sera considérée comme une déclaration d'hostilité.

Cela s'appelle aussi : rester dans le rang, ne pas se faire remarquer, marcher droit, et autres métaphores qui puisent dans la discipline militaire. « Je ne veux voir qu'une seule tête » (de préférence vide). Toute herbe folle, tout rejet sauvageon, sera impitoyablement arraché, pour que les jardins « à la française » respirent l'ordre et la sérénité. Une bonne conduite servira d'uniforme aux comportements, modélisés par l'éducation, les séries télévisées et la publicité.

Pour une partie des employeurs, l'objectif reste le même qu'aux débuts du capitalisme industriel : enrégimenter les travailleurs à la façon d'une armée. C'était aussi le but des staliniens qui, à la suite de Trotsky, entendaient organiser « la marche cadencée des bataillons de fer du prolétariat ». La « tolérance zéro » n'est évidemment pas une arme contre les grands bandits, mais l'instauration d'un état d'urgence en direction des gens ordinaires.

Le bûcher pour les déviants, les hérétiques et les pédérastes, comme aux bons vieux temps de la Sainte Inquisition. La guillotine pour les voleurs de portables, les arracheurs de sacs à main et les détrousseurs de cartes bancaires. Le fouet pour les impertinents, les malpolis et autres sauvageons. On pendait bien les voleurs de chevaux au Far-West, pourquoi pas ceux qui piquent des voitures et des autoradios ?

Restent encore le piloris, le supplice de la roue, l'écartèlement, la chaise électrique, la chambre à gaz, et divers supplices chinois, à distribuer entre les pickpockets, les mineurs prostitués, les petits dealers, les blasphémateurs, les exhibitionnistes, les faussaires, les tricheurs, et autres délinquants. Et puisqu'il faut rouvrir les centres de redressement, pourquoi pas les bagnes et les galères ?

Mais encore faudra-t-il passer au pilon tous les livres qui célèbrent des actes délictueux, ou simplement les considèrent avec tolérance. On détruira évidemment les oeuvres du bandit François Villon et celles de Victor Hugo, suspect de tendresse pour les forçats et les gavroches jeteurs de pavés, et de Baudelaire, trop tendre pour les fumeurs de drogue et trop attentif aux tendresses des jeunes collégiennes. Gauthier, Rimbaud, et quelques autres, déviants sexuels ou camés notoires, iront flamber dans les autodafés. Evidemment, on éliminera les textes, poèmes et chansons de Georges Darien, Maurice Leblanc, Aristide Bruant, comme tous ceux qui ont célébré les voyous, ainsi que Gide, Montherlant, Tournier, et autres pédérastes, dont on ne saurait supporter qu'ils narguent les bonnes moeurs. Des enquêtes approfondies devront vérifier les rumeurs concernant les autres célébrités dont les bonnes manières ne sont peut-être pas exemptes de reproches. La « tolérance zéro » appliquée à la littérature, au cinéma, à la peinture, ne laissera pas foule d'oeuvres dans les bibliothèques, les filmothèques et les musées. Mais quelle pureté ! Quelle fraîcheur de vivre ! Un monde parfait de citoyens modèles à l'image des pubs pour produits sains...

Petits de coeur, étroits d'esprit et méchants d'humeur, les bigots seront rois, quelle que soit leur religion, prêts à envoyer au feu de l'enfer ceux qui ne partagent pas leurs croyances. On sera revenu aux époques sombres qui ont précédé la Révolution. Le chevalier de la Barre condamné à mort pour n'avoir pas salué une procession, ou telle jeune servante pendue en place publique pour avoir dérobé les fils d'or qui brodaient les draps de ses maîtres. On envoyait le voleur de pommes au bagne, et ceux qui pillaient le bien commun se gambergeaient à leurs tables bien garnies.

« Tolérer », bien sûr, ne veut pas dire aimer. Celui qui déclarerait « je tolère les nègres » ne fournirait pas un exemple glorieux d'antiracisme. C'est d'ailleurs pour cela qu'on nommait les bordels « maisons de tolérance ». La tolérance n'est que le degré zéro de la compréhension mutuelle. En deçà commence la barbarie. C'est-à-dire le refus d'accepter la différence de l'autre.

L'intolérance nourrit la haine qui, à son tour, suscite l'intolérance. Rappelons-nous qu'au dix-neuvième siècle, dans les rues de Paris, en même temps qu'on envoyait le petit voleur dans des bagnes pour enfants, d'autres surinaient le bourgeois pour lui faucher son portefeuille. Quand on punit le larcin plus que le crime, le miséreux n'a d'autre choix que de devenir un criminel. Tout porte à penser que c'est là l'objectif de ceux qui veulent creuser une tranchée sécuritaire entre les privilégiés et le peuple des gens qu'ils appellent « défavorisés ». Pour eux, il semblerait que « pauvre » soit synonyme de « dangereux ». Les quartiers populaires deviennent alors des zones « à risque », où règne le « non-droit ». Grâce à cette pirouette sémantique, on laisse les gangsters faire régner la loi du plus fort dans ces zones devenues « sensibles », et on y applique l'absence de justice en mettant en oeuvre le principe de « tolérance zéro », qui permet de frapper le petit rebelle à la place du caïd. La même tactique est utilisée pour pousser des populations entières à soutenir le « terrorisme » : plongés par la guerre dans la plus sinistre des misères, ils n'ont d'autre choix que subir la loi de bandes armées qui, agissant en leur nom, justifient les forces de l'ordre à maintenir l'état de guerre, et à réprimer n'importe quelle personne qui leur en refuse le droit. La même logique qui a prévalu dans le Chicago des années trente, éclaire l'interminable guerre du Liban, les conflits de l'ex-Yougoslavie, la guerre civile en Algérie, ou même le génocide au Rwanda.

La « tolérance zéro »est un idéal pour fanatiques. Elle nécessite une loi intangible et immuable qui partage le monde entre bons sans reproches et mauvais sans excuses, ainsi que des gardiens de la vertu pour trancher chaque fois que quelqu'un transgresse un tant soit peu la loi. C'est précisément l'organisation qu'avaient installée en Afghanistan les Talibans. Logiques avec eux-mêmes, ils ont également interdit la chanson, le cinéma et la littérature.

Stade ultime de l'intolérance, la « tolérance zéro » est un concept paranoïaque. Elle flatte l'ego de mégalomanes qui distillent leurs délires dans l'intention de transformer le monde en champ de bataille entre le Bien et le Mal. Mais la vie n'est pas une série télévisée de propagande. Les prisons qui se multiplient et les camps de rétention pour diverses catégories d'indésirables risquent de devenir le cauchemar des « braves gens » qui ont choisi de mettre au pouvoir les bandes organisées chargées de les remplir. Car très vite, il faudra des supplétifs à la police, et des supplétifs à ces supplétifs, dans une organisation de plus en plus militarisée, dont les chefs deviendront les nouveaux tyrans, terrorisant alors ceux qui avaient cru s'abriter derrière eux. Comme si l'histoire des dictatures n'avait servi à rien...

Pousser les pauvres au crime et les pays appauvris à l'action terroriste, pour mieux garnir les prisons et justifier les guerres qui renverront dans leurs déserts les peuples affamés, la tactique est simple, mais elle ne conduira jamais à bâtir une humanité. Et c'est là que la bât blesse les maîtres de la marchandise qui, finançant les projets répressifs destinés à assurer la sécurité de leurs opérations lucratives, mettent en place les barrières qui empêchent la libre circulation des biens et des personnes, condition essentielle à la libre concurrence et au développement de l'économie marchande. La guerre sociale est mauvaise pour le commerce. La « tolérance zéro » en matière d'ordre public risque fort d'aboutir à une croissance zéro dans le domaine économique. Ce qui n'est pas une mince contradiction...

Ni les Savonarole et autres pourfendeurs du vice au nom de la vertu, ni les Robespierre, ni les pères fouettards, ne feront jamais avancer le monde sur les voies du progrès. Laissons donc les aigris réclamer des gardes-chiourmes pour les battre, et occupons-nous de nous comprendre, en attendant, peut-être, de nous aimer.

Paul Castella"
Ecrit par libertad, à 23:11 dans la rubrique "Pour comprendre".



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