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L'En Dehors


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La vérité si tu mens
Lu sur Indymédia Paris ! "Il est 6h10, ce jeudi 14 avril lorsqu'une centaine de CRS et policiers investissent l'amphithéâtre A1, occupé par une vingtaine d'étudiants depuis le 21 mars. A l'origine de cette action, il y a la mort programmée du département d'anthropologie à Paris 8 sous le couvert de la réforme LMD. L'occupation de l'amphi A1 est un geste spontané en réponse aux diverses tentatives de manipulation entretenues par la présidence de l'université.


En effet, jusqu'au 21 mars, Pierre Lunel avait toujours minimiser son rôle et sa capacité d'action. Or, ce jour là, suite à une manifestation devant le ministère de l'éducation, une délégation estudiantine est reçue par le représentant de l'enseignement supérieur. A cette occasion, les anthropologues apprennent avec consternation que la clé du problème n'est pas du ressort du ministère mais bien du pouvoir local de l'université. Pour les étudiants, la coupe est pleine, elle s'épanchera sur les bancs de l'ampli A1. Rapidement, ce lieu prend le nom de « Zone libérée ». Dans les faits, il s'agit d'un véritable laboratoire social. Ainsi, ceux que Pierre Lunel appelle lycéens, sans papier ou dealers ne sont autres que des jeunes qui tentent d'avoir prise sur une époque qui leur échappe. Ce que Pierre Lunel nomme dérives nous le considérons comme expérimental. En tant qu'anthropologue, il aurait été mal venu de notre part d'effectuer un contrôle au faciès à l'entrée. Autant dire, que dans cette zone libérée, nous étions tous anthropologues. Il n'empêche que cette zone dérange. La menace d'une intervention policière se faisant de plus en plus pressante, un blocage de l'université est orchestré le mercredi 13 avril à l'aube. Lien de causalité ou pas, un rendez-vous est obtenu le jour même avec Pierre Lunel. Celui-ci pose alors l'ultimatum suivant : son intervention auprès du ministère contre la fin de l'occupation. Réunis peu après en assemblée extraordinaire, les étudiants restent dans l'expectative, ayant jusque là joué le jeu de la légitimité, les voilà contraints à choisir entre une légalité soit disant vouée à l'échec et la parole d'un homme providentiel dont l'intégrité reste à démontrer. En tout état de cause, sa proposition vise ni plus ni moins qu'à outrepasser la souveraineté des conseils centraux. Le dilemme est cornélien. Les insurgés décident de remettre leur réponse au lendemain, tablant sur le fait que la nuit porte conseil. Comme l'avenir le dira, ils n'auront pas ce loisir. Si les positions entre la présidence et les étudiants d'anthropologie semblent inconciliables, il y a en revanche un point qui fait l'unanimité : Il est inconcevable que les forces de l'ordre fassent irruption dans l'enceinte d'une université. Sans jouer les démagogues, il est évident que des gens qui prétendent faire preuve de raison scientifique, se doivent d'être raisonnables dans leur manière d'agir, quelque soit leur degré de divergences avec leurs détracteurs (surtout lorsque ces derniers ne sont autres que leur semblable). C'est en tout cas l'argument qu'utiliseront les occupants de l'amphi A1. Un argument qui leur réussira puisque se sont bien des centaines d'étudiants, tous départements confondus, qui ont bloqué le président de l'université dans ses locaux, repris l'amphi A1 surveillé par des vigiles et envahi le poste de sécurité pour protester contre l'instrumentalisation des agents de surveillance (intimidations, représailles, manipulations intempestives des systèmes d'alarme). De cette situation confuse a découlé une décision injustifiée : la fermeture de l'université Vincennes Saint Denis. A notre sens, cette succession d'évènements n'est que le reflet du disfonctionnement de l'université. Que penser d'autre quand une seule personne décide pour tous à l'encontre des intérêts de ceux qu'il est censé représenter. Que dire également de la réforme LMD qui menace l'existence même de certaines disciplines. Dans l'immédiat, il paraît primordial que soit reconnu l'illégitimité de l'intervention policière du jeudi 14 avril.

Autour de la « Zone libérée »
 

Le concept de zone libérée n'a jamais prétendu représenter une société parfaite car la lucidité nous empêche de sombrer dans l'utopie. Les anthropologues n'ont jamais voulu rentrer dans le jeu politique institutionnel qui se nourrit des manipulations. Chacun de nous, jeunes ou enseignants, a été assez lucide pour comprendre les jeux de pouvoir. C'est pourquoi, les jeux étaient innés dans la zone libérée. La zone libérée se voulait être une reconstitution microcosmique de notre société. Par le terme « libérée », il fallait entendre l'échange et la vie humaine simple sans fioriture. Le vol de matériel, dès la première nuit d'occupation, a d'ailleurs fait très vite comprendre aux anthropologues qu'il fallait aller au contact de l'Autre, débarrasser au maximum de tout ce qui pouvait motiver la misère du désir. Cela a quelque part permis aux habitants de la zone libérée de se présenter tel qu'ils étaient. En passant un séjour dans cette microsociété, les locaux curieux, les étudiants, chercheurs, professeurs, marginaux ont ainsi pu se confronter les uns aux autres avec pour seule limite : la violence physique. Alors, bien sur, d'un point de vue pseudo éthique, la présence dans la faculté de sujets ayant des us et coutumes différents a pu poser un problème. Mais pour de vrais anthropologues motivés par la compréhension de l'Autre, cela a présenté un intérêt scientifique, politique, social et psychologique surtout en cette période. La première grande question était : comment rassembler un large panel de jeunes, de personnes issus de milieux sociaux, de nationalités et de pensés différentes ? Comment bien agir sans pour autant fausser l'expérience par une pensée analytique. Il fallait abaisser les consignes de sécurité de manière à partager des sentiments bruts et non l'apparence et la fuite. L'expérience de la zone libérée était à notre avis un préalable à la cohésion sociale. En effet, notre société est malade d'égoïsme, d'individualisme et d'égocentrisme. Avant même de parler de changement général, l'amélioration ne devrait-elle pas être intérieure ? Un débridage des préjugés qui empêche notre jeunesse de savoir, de comprendre réellement ce qu'elle cherche par sa révolte. Comprendre qui nous sommes dans l'ensemble, ce vers quoi on veut tendre et déterminer des moyens communs d'actions et l'élaboration commune de notre société idéale (fusse t'elle utopique). Il s'agit donc là d'un travail d'anthropologues mais aussi d'ingénieurs. La zone libérée n'a pas connu que des heures faciles, mais chaque nuit, chaque jour, chaque heure, à travers chaque échange, nous partagions et changions avec un peu plus de réalisme la réalité de notre société et de ses anomies.

Expression vaut plus que revendication

Concernant les tags, nous rions de la bêtise et de l'ignorance de nos chers gouvernants et leurs sbires. Leurs vulgaires déclarations sont la preuve de leurs obsolescences. En effet, ce qu'il y a sur les murs ne sont pas des tags. Ceci étant un symbole de notre société capitaliste puisque le taggeur marque les surfaces de son empreinte, son nom, sa marque et cela d'une manière esthétique que beaucoup d'entre nous, voire l'ensemble apprécie par ailleurs. Sur les murs de Paris 8, on a très peu de présence de réels tag-fresques à la hauteur de réels taggeurs. La question est la suivante : Comment réunir les gens ? Par les communications certes, mais nous en conviendrons, l'écart est parfois très grand et les gens ne se connaissent pas eux même. C'est pourquoi, l'écriture automatique sur les murs (free style), les questionnements, coups de gueules, dessins, symboles ont permis à beaucoup de faire ressortir leur profondeur, leur inconscient. L'un d'entre nous a pris le premier cette initiative. Son premier problème posé : « Grève institutionnelle ! Tu veux pas que je te demande l'autorisation d'écrire sur les murs, non plus ? ». Il a consciemment écrit sur les façades des choses qu'il avait pris le temps de mettre en lumière, éclairé par l'école philosophique moderne : les paradoxes, les tabous, les rêveries, les pulsions humaines, les idées. Lui-même s'est d'ailleurs fait prendre à ce jeu puisque il ignorait qu'il était capable de dessiner. Ce que cette expérience nous a révélé, c'est aussi la puissance et les apports de cette « transgression positive » et non cette déviance tolérée qui s'oppose à la violence qui nourrit certain. Pour exemple, ce jeune qui écrit en peignant d'une manière artistique un banc en écrivant « Nique la France, à bat les bâtards », lui-même ignore que dans sa création par la nuance de couleur entre « Nique la France » et « A bat les batards », il dévoile ses propres contradictions, se révélant à lui-même comme un bâtard de la France. On peut aussi citer cette œuvre collective qui s'achève par le dessin d'une lycéenne : « L'union fait la force » mais également la réalisation de ce jeune dont l'inconscient est occupé par les symboles d'une manette playstation et du symbole tamazight, ou encore les dessins de Djobai, sans papier, arrêté, dont nous sommes sans nouvelle actuellement. Si nous nous consumons et qu'en plus nous nous bouffons entre nous parce que c'est ce qui se passe, pourquoi ne pas canaliser ces dissensions et en faire un même faisceau positif. C'est ce que quelque part nous avons réussi faire. Niquer par le bas

Il est accablant de voir l'influence qu'exerce le tertiaire sur notre société. Dans la continuité d'Anna Arendt nous observons avec tristesse que ce sont les opprimés eux-mêmes qui empêchent tout changement et qui entravent la révolte. Par ailleurs nous avons eu très peu de soutien de la part des professeurs comme des autres universités. Nous avons également été confronté au conservatisme d'étudiants qui ne rêvent plus.

M.H. remercit l'université de Paris 8 pour l'accueil dans ses locaux d'une expérience inédite et moderne.


Ecrit par libertad, à 13:47 dans la rubrique "Actualité".



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