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Si le milieu avait sur l'individu une si grande influence qu'on a coutume de le dire, comme tous les individus vivent dans un milieu à propriété individuelle, nous devrions tous être à peu près semblables les uns aux autres. Or, nous sommes tous bien plus dissemblables moralement que physiquement:les uns sont doux, d'autres violents les uns sobres, les autres intempérants, etc.
Reconnaître que la propriété individuelle est une cause de crimes, de souffrances, qu'elle consacre l'iniquité, qu'elle engendre la lutte entre les individus, les familles, les nations, ce sont des constatations qui nous blessent douloureusement, nous les communistes et aussi quantité de gens qui ne se laissent pas tromper par ce dicton que la propriété est le fruit du travail". Mais, reconnaissons aussi que la propriété individuelle est un fait, un résultat. Résultat d'une lente accumulation, de l'accaparement du produit
du travail d'une classe nombreuse par une classe peu nombreuse, en partie parasitaire ? Oui.
Mais les individus des deux classes en opposition sont ils différents, ont ils quelque caractère spécial à leur classe ? Non.
Les deux classes fussent elles fondues en une seule la propriété continuerait d'être la base de la société. La Révolution sociale peut elle créer un nouveau mode d'appropriation ? Non, car la propriété individuelle a sa justification dans la nature des hommes d'aujourd'hui. Et j'en veux donner la preuve formelle, irrécusable.
On parle de communisme, la foule applaudit aux tirades d'orateurs qui parlent de justice économique, nombre de gens pensent que si la fortune n'était pas concentrée en quelques mains la vie serait facile parce qu'armé, outillé pour la production le peuple produirait facilement pour sa consommation dès lors qu'il n'aurait plus à produire pour la foule des parasites. Or, il est des millions de petits propriétaires qui n'auraient qu'à réunir leurs propriétés pour constituer immédiatement le communisme rêvé par les penseurs.
Mais les paysans ne sont pas des penseurs, ils n'ont aucune idée du communisme, ils ne le croient pas possible.
Et ce ne sont pas les penseurs qui écrivent dans les journ aux, qui tiennent des discours, ce ne sont pas les ouvriers des villes qui savent si l'on peut faire du communisme dans les campagnes.
Ceux qui le savent, ceux qui seuls peuvent le savoir, ce sont les paysans. Pour juger de la possibilité de l'application d'une théorie, il faut beaucoup moins s'intéresser à la théorie elle même qu'aux gens chargés de mettre cette théorie en application.
La théorie du communisme comportant cette simple application de la mise et de la prise au tas, il faut se placer individuellement en fonction de communisme, voir quelles ressources on a à sa disposition et quelles gens appliqueront le communisme, en un mot, avec qui soi même on va s'associer et ce qu'on aura comme biens, comme outillage, comme bestiaux.
Eh bien, je juge de suite que je ne vois presque personne de mes voisins avec qui je pourrais m'associer
nous n'avons pas les mêmes façons de comprendre la vie dans son sens général, et aussi dans la foule des détails. Si je passe en revue la cinquantaine de gens qui ont du bien dans mon hameau, je vois de suite que je suis obligé d'en éliminer la moitié. Et dans l'autre moitié je sens bien que ce n'est pas l'amour du travail, de la sobriété, de la simplicité qui fait que les gens sont travailleurs, sobres et simples, mais que c'est l'intérêt personnel qui pousse vers ces vertus paysannes. Comme les gens du commun ne connaissent pas l'intérêt général, du jour où l'intérêt personnel disparaît, fondue dans le communisme, la vertu s'évanouit.
Que l'on n'aille pas me dire que les gens sont naturellement travailleurs, sobres et simples. Les gens sont autrement que M. et Mme Pognon, parce qu'ils n'ont pas comme eux possibilité d'avoir auto, château, table et cave de choix!
I1 y a dans tous les pays, villes ou campagnes, du bon monde, c'est un fait, mais le développement de chacun est insuffisant pour que tous les hommes assemblassent leur avoir, leurs qualités, leurs défauts et qu'ils vivent fraternellement. I1 y a trop de goujats parmi eux ou plutôt nous sommes tous trop goujats pour former une société générale fraternelle. Cependant, c'est, malgré tout, en créant des sociétés comme celle de St Maur que nous faciliterons la transformation de la société tout entière et des individus.
I1 est évident que la société est antérieure à notre individu, mais n'oublions pas que la société n'est pas autre chose qu'une réunion d'individus. La réunion d'un nombre quelconque de nègres ne constituera jamais une société blanche, ce sera toujours une société noire.
La société crapuleuse actuelle n'est autre que la réunion de gens crapuleux. Dire aux autres ne cherchons pas en nous mêmes quelles sont nos tares, nos vices, nos préjugés, nos erreurs et d'autre part s'élever contre la société viciée d'aujourd'hui, c'est parler pour parler, c'est "amuser le tapis" et c'est quelquefois le "faire à la chanson".
Certes, être sévère pour soi même plus que pour les autres, manifester une volonté de fer, c'est d'un exemple qui risque d'avoir peu d'imitateurs ou de suiveurs, mais c'est seulement par là qu'on est utile. Ce n'est pas en bavardant qu'on s'améliore, c'est en s'améliorant qu'ainsi on propagande;il est erroné de croire qu'on peut agir sur les .autres sans avoir agi sur soi même.
Propagander, c'est faire des semblables à soi.
Et propager le communisme, c'est seulement quand on est soi même un élément propre au communisme. A quoi aboutiront révolutionnaires ou individualistes communistes s'ils laissaient subsister en eux les causes de la propriété individuelle? A la logomachie.
La propriété, résultante d'individus sales, disparaîtra quand les individus seront devenus propres.
Les idées générales fausses, comme l'idée de patrie, en disparaissant faciliteront l'application du communisme parce que cela libérera l'individu d'une lourde charge, mais n'oublions pas qu'au fur et à mesure du développement du progrès, de la civilisation l'homme se transforme, se spécialise et acquiert des habitudes dispendieuses qui l'éloignent de la simplicité. Et souvent je me demande si je ne lutte pas en vain à vouloir ramener certains de mes concitoyens à une vie plus naturelle qui seule permettra la constitution de sociétés communistes. Est ce que nous allons vers le communisme, allons nous au contraire vers la complication plus grande de la vie ? C'est peut être un peu osé de poser une telle question. A qui s'adresse t elle au juste parmi les millions de terriens ?
Qu'importe, je constate que je suis d'autant plus libre que ma vie est plus simple et que du même coup je suis plus prêt à vivre le communisme. Ce qui est bizarre, c'est qu'il y a 20 ans j'étais déjà communiste, et farouchement communiste encore, n'empêche qu'aujourd'hui je constate qu'à cette époque je n'étais nullement préparé à vivre le communisme et qu'une société faite de semblables communistes n'aurait guère eu de chances de succès.
Cependant je n'étais pas plus mauvais diable à cette époque qu'aujourd'hui, mais j'étais AUTRE. Ainsi, pour moi, le communisme est une question d'évolution individuelle, comme toute la question sociale d'ailleurs.
Transformes toi, tu transformeras le monde.
G. BUTAUD , in LA VIE ANARCHISTE , n° 21, 25 févier 1914.