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L'En Dehors


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L'incapacité de la CNT (vignoles)
--> L’expérience des collectifs de solidarité parisiens. Une nouvelle étape : Considérations sur les grèves de Pizza Hut, de McDonald’s et des Frog Pubs
Lorsqu’en octobre 2001 une première grève est déclenchée au restaurant McDonald’s de Strasbourg-St. Denis, un collectif de solidarité se met en place, qui va permettre à la lutte de déboucher, cent quinze jours plus tard, sur une victoire, mais qui va aussi apporter un soutien à d’autres grèves, à la FNAC, à Virgin, à Eurodisney [1]... La dynamique qui naît à cette occasion ne s’épuise pas avec la fin de la grève des McDo et un collectif recoupant partiellement le premier se reconstitue autour de la grève des femmes de ménage d’Arcade.

Le 4 mars 2003, celles-ci reprennent le travail, au bout d’une grève d’un an qui s’est conclue par une victoire [2]. Le collectif se rencontre une dernière fois pour rédiger un court bilan de son action avant de se disperser, tout le monde étant épuisé par l’activité militante soutenue des derniers mois. Entre-temps une grève a éclaté au restaurant Pizza Hut situé au métro Bonne-Nouvelle et quelques-uns de ses membres sont allés rencontrer les grévistes.

Pizza Hut de Bonne-Nouvelle

La grève a démarré le 28 février, avec l’aide des salariés du McDonald’s de Strasbourg-St. Denis, situé à une centaine de mètres. Les grévistes sont très jeunes (nettement plus que ces derniers) et très inexpérimentés, l’aide apportée par les McDo leur est donc précieuse. L’UL CGT du Xe arrondissement leur fournit elle aussi une aide logistique, mais le soutien militant est faible. Le collectif qui, deux ans plus tôt, avait soutenu la grève du McDo-SSD peine à se reconstituer. Le comportement peu clair de la CGT y est pour quelque chose : veut-on notre aide ou pas ? Les quelques copains venus prendre contact ne sont certes pas les groupies de la CGT, mais ils aimeraient pouvoir donner un coup de main aux grévistes. Ainsi se constitue un petit noyau, formé de membres des collectifs qui ont soutenu les grèves de McDo en 2001 et d’Arcade ensuite.

Ce qui motive la grève, c’est d’abord le manque de respect de la hiérarchie envers les salariés (un des chefs a des comportements qui frisent le harcèlement et respirent le mépris), mais aussi des revendications portant sur le salaire, les conditions de travail et le retrait de toutes les sanctions prises contre le personnel [3].

La grève ne touche qu’une partie des salariés (une vingtaine tout au plus), mais amène rapidement le gérant à fermer le restaurant. Celui-ci sera occupé à plusieurs reprises, pendant des périodes assez courtes mais suffisantes pour mettre le patron sous pression et pour faire remonter le moral des grévistes, qui se relaient du matin au soir devant le restaurant et que la présence des soutiens et le concours des McDo d’à côté aident à ne pas lâcher. La presse - titillée par la série de grèves des deux années antérieures - parle de leur mouvement et par moments la direction fait semblant de négocier.

La grève se prolonge mais ne se délite pas, car un noyau dur tient bon et permet à la majorité des grévistes de résister aux pressions que l’employeur exerce par le biais des familles ou des copains.

Le 11 mars, les salariés du McDo-SSD entrent en grève à leur tour et, d’emblée, occupent leur restaurant, qui va rapidement devenir le lieu de ralliement de militants ayant connu la grève précédente. Rapidement des actions sont menées en commun contre des restaurants des deux chaînes, telle l’occupation du Pizza Hut et du McDo d’Opéra - dont les salariés manifestent une solidarité toute relative.

Plus d’une fois la direction de Pizza Hut tente de rouvrir le restaurant en faisant appel à des vigiles ou à la police, mais sans venir à bout de la détermination des grévistes. Ceux-ci profitent en effet de l’ouverture pour rentrer en force dans le restaurant et s’y maintenir seuls, dans un face-à-face avec huissier et vigiles.

La direction finit par ouvrir une négociation, non sans essayer à plusieurs reprises d’en écarter Abdel Mabrouki, que les grévistes ont choisi pour les représenter [4]. Le 28 mars 2003, un protocole de fin de conflit est signé entre la direction du restaurant et le représentant des grévistes. Ceux-ci ont obtenu : une prime de chaussures de 30 euros par an ; le remboursement du taxi (pour rentrer du travail la nuit) à hauteur de 15,24 euros ; les collants à disposition ; la construction dans le restaurant d’une douche et d’une salle de repos ; l’abandon de toutes les sanctions prises depuis l’arrivée, le 9 janvier précédent, du nouveau manager ; le gel des mutations pendant un an ; le paiement des jours de grève à hauteur de 50 % (le manque à gagner sera comblé par les collectes organisées par les soutiens).

L’accord, il faut le reconnaître, est loin de satisfaire toutes les revendications avancées, ce qui s’explique avant tout par le manque d’unité des salariés. Pourtant, dans l’ensemble, les grévistes semblent s’en contenter, même si certains se disent prêts à continuer pour obtenir plus, notamment sur le plan du salaire. Le fait d’avoir soutiré quelques concessions, même limitées, à la direction dans ce qui est leur première grève les autorise en effet à rentrer la tête haute.

Une partie des grévistes continuera à entretenir des liens et à se montrer solidaires des McDo en grève.

McDonald’s de Strasbourg-Saint-Denis

La grève, qui débute le 11 mars 2003, durera un an. Nous n’en ferons donc qu’une reconstitution schématique.

Pourquoi cette nouvelle grève treize mois après la fin victorieuse de la première ? Les salariés ont acquis la conviction que McDonald’s France veut fermer leur restaurant et a pour cela installé un “ nettoyeur ” en tant que franchisé : celui-ci a fait le nécessaire pour réduire le nombre de salariés (passés d’une cinquantaine deux ans plus tôt à une trentaine au mois de mars), a trafiqué les comptes pour prouver que le restaurant n’est pas rentable et justifier ainsi sa fermeture pour raisons économiques. Mais la goutte qui fait déborder le vase, c’est la disparition de denrées et de fournitures, rapidement suivie du licenciement de Tino, vice-directeur du restaurant et délégué syndical CGC, qui a choisi de s’opposer aux manigances du franchisé et de dénoncer officiellement la chose. Ainsi commence la grève avec occupation.

Une fois le restaurant occupé, le franchisé introduit un référé en justice pour obtenir l’évacuation des locaux, mais - fait rarissime, dont le mérite revient aux conseillers juridiques de la CGT - les grévistes obtiennent de pouvoir poursuivre l’occupation. Le patron essaiera à plusieurs reprises de répondre par la force (présence imposée de vigiles, coupure de l’arrivée d’eau et tentative de faire couper l’électricité), ce qui n’aura pour résultat que de renforcer chaque fois la détermination des occupants et d’amplifier le soutien.

Cette occupation va avoir un effet décisif sur toute la conduite de la grève. Au départ, elle est indiscutablement un élément de force, que ce soit sur le plan de l’action concrète - les salariés ne sont plus condamnés à se geler dehors des mois durant, comme ce fut le cas deux ans auparavant - ou sur le plan symbolique - la décision du tribunal est une façon de reconnaître la légitimité de leur action. Il serait possible de transformer ces locaux occupés en lieu de rencontre de toutes les luttes et initiatives en cours sur Paris et sa région, mais les grévistes semblent guidés par une grande prudence : cette suggestion faite par le collectif de solidarité ne sera acceptée que du bout des lèvres, sans grand enthousiasme, et finira par tomber dans l’oubli, faute de volonté du côté des occupants.

Ces derniers savent qu’ils doivent s’attendre à une grève longue et dure : la direction de McDonald’s a la mémoire longue et a décidé de se débarrasser de ce restaurant qui fait obstacle à sa stratégie. Ils investissent donc beaucoup d’énergie dans la tenue de l’occupation. Mais c’est là qu’apparaît le revers de la médaille. Ceux qui étaient autrefois les plus actifs passent leurs nuits dans les locaux et se retrouvent épuisés dans la journée. Cette difficulté, ajoutée au fait que plusieurs grévistes se voient contraints de chercher des petits boulots pour résister financièrement, restreint les énergies disponibles pour d’autres types d’actions, pourtant nécessaires pour éviter que la grève ne perde en visibilité. Or c’est sa visibilité qui avait fait la force de la grève précédente, en s’en prenant à l’image de McDonald’s en plein centre d’une grande ville touristique : chaque touriste devenait un vecteur de diffusion internationale par le seul fait de faire connaître la grève autour de lui.

Un autre élément de faiblesse apparaîtra assez rapidement : la difficulté à élargir le mouvement aux salariés d’autres restaurants de la chaîne. Lors de la grève précédente, l’une des activités qui avaient le plus déplu à la direction de McDonald’s avait été l’agitation portée dans les autres restaurants de la chaîne, où les problèmes ne manquaient pas. Cette tactique avait en effet permis d’associer l’expression de la solidarité vis-à-vis des grévistes de McDo-SSD à des revendications portant sur des problèmes spécifiques à chaque restaurant, et fini par pousser les différents franchisés (majoritaires dans la chaîne) à faire pression sur la direction de McDonald’s France pour qu’elle règle le problème. Or, cette fois, la tâche se révèle nettement plus difficile - du moins les grévistes le perçoivent-ils ainsi. Les contacts établis dans les premiers mois avec les salariés d’autres restaurants qui s’étaient adressés à eux pour obtenir du soutien - ceux de l’avenue Parmentier (qui appartient au même franchisé), mais aussi de Montreuil, Saint-Cloud et Boulogne - n’ont pas porté beaucoup de fruits : la volonté de lutte y est vite retombée, suscitant l’amertume des grévistes de McDo-SSD. Dans d’autres restaurants qui autrefois avaient été la cible d’actions communes, les salariés les plus actifs sont partis d’eux-mêmes ou ont été licenciés en raison de leur attitude remuante. Résultat : les grévistes se sentent isolés, face à un mur, ce qui les conduit à se replier sur eux-mêmes, convaincus qu’ils ne pourront faire seuls le boulot que leur syndicat ne fait pas.

En revanche, ils croient pouvoir faire plier McDo France avec quelques coups d’éclat bien orchestrés, comme le blocage répété de la plate-forme LR Services, qui fournit les restaurants de toute l’Île-de-France, ou l’occupation du McDo des Champs-Élysées, le plus grand d’Europe. Mais ils ne se rendent pas compte qu’ils deviennent ainsi dépendants du bon vouloir et de la disponibilité du SO de la CGT, le seul à pouvoir leur fournir l’infrastructure et le nombre nécessaires à ces blocages nocturnes - alors que, dans la grève précédente, c’était bien la “ concurrence ” d’autres soutiens qui avait obligé la CGT à s’activer et à faire preuve d’une ouverture dont elle n’est pas coutumière.

Si la fédération du Commerce CGT ne refuse pas son soutien financier, l’aide de la Confédération semble cette fois plus modeste, conséquence de la moindre visibilité médiatique de la grève. Les collectes effectuées devant le restaurant occupé continuent, ainsi que les ventes de T-shirts à toutes les manifs qui ponctuent le printemps 2003, mais la faiblesse des actions de blocage des restaurants parisiens enclenche une spirale descendante : les rendez-vous du samedi, point de ralliement des militants, se font plus rares et les actions sont repoussées d’une fois sur l’autre. Du coup, la dynamique d’élargissement observée en 2001-2002 ne peut fonctionner, et le petit collectif de solidarité a bien du mal à mener une action efficace de popularisation du conflit. D’ailleurs, les structures locales de la CGT qui, dans les premiers mois, assurent une certaine présence - laissant espérer aux grévistes que cette aide va durer jusqu’au bout, ce qui bien sûr ne se vérifiera pas, ces structures étant incapables d’une action militante de longue haleine - ne semblent pas souffrir de sa concurrence. Les avocats du syndicat poursuivent leur stratégie juridico-politique dans leur coin, en en informant certains des grévistes, mais sans quasiment faire le lien avec les actions menées sur le terrain. Les grévistes seront donc plus d’une fois mis dans l’embarras, obligés de jongler entre des instances (avocats, structures CGT et collectif de solidarité) qui travaillent chacune de leur côté dans une remarquable absence de communication, mettant en œuvre des stratégies différentes et parfois contradictoires. Tout le contraire, là aussi, de ce qui s’était produit pendant la grève précédente, où tous se retrouvaient régulièrement autour de la même table, ce qui neutralisait les tendances centrifuges. Les grévistes ont en outre du mal à se réunir et discuter entre eux, ce qui rend certaines décisions collectives peu transparentes et alimente les tensions internes. Au point que plusieurs membres du collectif se demanderont ouvertement plus d’une fois si la faible participation des grévistes n’engendre pas une forme de substitution dans la prise en charge de la grève.

Néanmoins, un noyau dur de grévistes résiste, maintient les contacts avec les différents soutiens, cherche parfois à faire le lien avec les luttes d’autres secteurs. C’est ainsi que les intermittents du spectacle seront associés à des actions coups de poing exigeant de nombreux participants.

L’occupation des locaux, compte tenu du fait que McDonald’s France a les épaules assez solides pour se permettre de laisser pourrir la grève, a un autre effet négatif : les derniers résistants sont enfermés dans leur petit village gaulois bardé de tracts, affiches et banderoles, mais restent incapables de porter atteinte à l’image de l’entreprise et surtout aux bénéfices qu’elle continue imperturbablement d’engranger.

Mais reprenons le fil des événements. Dans la première quinzaine, la grève se développe de façon très active : le soutien apporté aux grévistes de Pizza Hut a non seulement mis en jambes les McDo-SSD avant même le déclenchement de leur grève, mais s’est traduit en retour par le soutien des premiers et a permis que se reconstitue le noyau dur du collectif autour de quelques militants ayant soutenu les conflits précédents. Cette dynamique perdure tout au long des mois d’avril et mai. Les UL IIe et Xe et l’UD parisienne de la CGT apportent un soutien logistique et financier précieux. Entre-temps, le mouvement des enseignants et contre la réforme des retraites commence à prendre de l’ampleur et les manifestations se multiplient. Ce seront autant d’occasions pour les grévistes de faire appel à la solidarité financière d’un mouvement qui, composé essentiellement de salariés du public, voient avec sympathie la présence dans les manifestations d’une lutte du secteur privé aussi symbolique que celle de McDo. La faiblesse de ces liens reste cependant manifeste à un observateur attentif : les contacts se bornent aux manifs, à travers des collectes et des ventes de soutien, mais sans engagement solidaire dans l’action concrète, ce qui donne le sentiment, assez largement partagé, que les grévistes de McDo sont des “ consommateurs de solidarité ”, incapables d’établir des liens de réciprocité.

Le 23 avril, des grévistes des Frog Pubs participent à la réunion du collectif de solidarité accompagnés de membres de leur comité de soutien, pour faire connaître leur grève qui vient de commencer et tenter d’en élargir le soutien. Ils sont très dynamiques et souhaitent mener des actions communes, d’autant qu’ils relèvent du même secteur d’activité. Le fait que leur appartenance syndicale (CNT [VIGNOLES]) soit différente de celle des McDo ne pose de problème à personne. Dès la semaine suivante, la collaboration se concrétise par une participation groupée aux manifestations du mouvement du printemps, même si l’appel à soutien financier se fait de façon séparée. Cette collaboration se poursuivra, avant l’été, par des actions menées en commun par les deux groupes de grévistes et leurs comités de soutien respectifs, qui se recoupent en partie, puis par l’organisation de quelques concerts de soutien communs, dont les recettes seront équitablement partagées. Ces actions communes, qui prennent pour cibles les restaurants des deux chaînes, très proches géographiquement parfois, ne plairont pas à tout le monde [5].

L’arrestation de Ryad pour outrage à agent et rébellion à la suite de l’occupation, le 30 mai, du McDo de Boulogne, faite à la demande des salariés du lieu qui s’étaient mis en grève, portera un coup au moral des grévistes. Ryad sera libéré après trente heures de garde à vue et sera condamné le 2 juillet, au terme de son procès, à une amende.

Entre l’été et l’automne 2003, la retombée des mouvements de lutte ne fait qu’accentuer le sentiment de lassitude et de difficulté à faire preuve de combativité. Les actions seront de plus en plus espacées, remplacées par quelques blocages surprise de LR Services, où les intermittents en lutte prendront le relais d’un SO de la CGT pas toujours disponible.

Au mois de novembre, la tenue en région parisienne du Forum social européen permet de rassembler des forces suffisantes pour refaire pression sur McDonald’s France (en allant notamment bloquer le restaurant des Champs-Élysées) et pour lancer une journée internationale de solidarité avec la grève de SSD. Le succès de celle-ci sera tout relatif, mais cela fera naître l’idée, plus tard, d’activer les contacts internationaux disponibles pour obtenir des actions de soutien dans d’autres pays - ce qui sera suivi d’effets dans les derniers mois de grève, en Colombie, en Allemagne et en Italie.

Vers la fin de l’année, les actions de blocage des restaurants du centre-ville reprennent, mettant fin à une longue période de découragement des grévistes. Cette reprise s’inscrit dans une période - celle des fêtes d’abord, des soldes ensuite - favorable à une modification des rapports de forces dans le secteur du commerce, mais aussi dans un contexte de regain de combativité dans ce même secteur. Plusieurs grèves ont ainsi éclaté au mois de décembre, dont certaines ont gagné [6] : à la librairie Flammarion du Centre Pompidou, les salariées réclament un 13e mois et l’obtiennent au bout d’un mois de grève (par répercussion, bien que dépendant d’un autre employeur, les employés des vestiaires du Centre se mobilisent sur la question du travail du dimanche et des augmentations de salaire) ; à Planète Hollywood, la grève déclenchée pour des augmentations de salaire semble pouvoir profiter du rapport de forces favorable que crée l’approche des fêtes ; à Chicago Pizza Paille, les salariés obtiennent des augmentations d’environ 10 % pour les salaires les plus bas et de 5 % pour les salaires moyens, ainsi que des améliorations de leurs conditions de travail ; à Virgin, la solidarité contre le licenciement de Cédric, délégué syndical CGT, pour “ harcèlement moral envers son supérieur ” s’organise [7] (deux rassemblements de soutien ont lieu devant des magasins et devant le siège) : à Go Sport, boîte traditionnellement tranquille et bien encadrée par des syndicats à la botte du patron, la CGT fait une percée inhabituelle lors des élections syndicales, qui commence à inquiéter la direction ; à Pizza Hut, la grève des directeurs des restaurants, déclenchée le 29 novembre par le licenciement d’un superviseur, ne s’essouffle pas et obtient le soutien de bon nombre d’équipiers - cette grève inhabituelle, liée de toute évidence à la généralisation de conditions de travail dégradées à des catégories jusque-là épargnées, montre au grand jour que les patrons n’ont que faire de la fidélité des cadres : comme le petit personnel, ceux-ci sont condamnés à être jetés après avoir été pressés comme des citrons [8].

Ajoutons au tableau que les intermittents du spectacle restent mobilisés, et ont même assez de ressort pour donner un coup de pouce à d’autres salariés en grève - ainsi interviennent-ils massivement à la BNF le 13 décembre, lors d’une inauguration d’exposition en présence du ministre de la Culture, ce qui a très concrètement aidé les agents de sécurité de la société sous-traitante Securitas, en grève mais interdits de piquets par la justice.

À l’approche du premier anniversaire de la grève, les négociations avec McDonald’s France reprennent et s’intensifient. Et, au bout de 363 jours de grève, on peut enfin parler de victoire [9].

Les grévistes obtiennent : le départ du franchisé qui a essayé de couler le restaurant et l’arrivée d’un nouveau, que les salariés connaissent et qui leur semble correct ; la réintégration de Tino dans un autre restaurant de la même franchise pendant huit mois, puis de nouveau à Strasbourg-Saint-Denis ; le paiement des jours de grève à hauteur de 35 % ; des embauches supplémentaires dont le nombre reste indéterminé ; des garanties concernant les conditions de reprise du travail : il n’y aura pas de nouveaux managers et la progression interne sera favorisée ; les salariés continueront à avoir un droit de regard sur l’embauche de nouveaux salariés et sur l’organisation des plannings.

En revanche, aucune avancée n’est enregistrée sur la question des salaires. Quant aux heures supplémentaires faites avant la grève et non payées, les salariés envisagent, si le problème ne peut être réglé autrement, de porter l’affaire devant les prud’hommes en remontant sur les cinq dernières années. Mais malgré ces réserves, on peut considérer que les salariés ont gagné sur les points essentiels qui avaient motivé la grève [10].

Parallèlement aux tractations portant sur le conflit, cinq salariés (dont le licenciement en octobre 2001 avait été annulé à l’issue de 115 jours de grève) ont négocié leur départ contre des indemnités conséquentes. Cette négociation a sans doute pesé dans l’issue favorable du conflit, vu la fixation que McDonald’s France avait faite sur leur cas (la plainte déposée contre eux à l’automne 2001 est enfin retirée) ; s’étant faite au grand jour, sous les yeux des autres salariés, elle n’a pas affaibli la lutte en étant été source de division. Notons que la CGT, culturellement incapable, sans doute, de donner raison à des salariés qui quittent un boulot qui ne les satisfait pas, a préféré faire silence sur ce point de la négociation, alors même que tout se passait au vu et au su des parties concernées.

Le texte de l’accord n’a pas été remis aux salariés après signature. Le collectif s’est donc posé des questions : Le texte signé était-il un protocole de fin de grève en bonne et due forme ou bien un accord entre avocats ? Une clause de confidentialité empêchait-elle les salariés d’obtenir ce texte pour en faire respecter les clauses ? Force est de constater que la CGT comme les avocats ont préféré se livrer à une conférence de presse (et plus généralement réserver à des journalistes la primeur de leurs informations) plutôt que mettre directement au courant l’ensemble des salariés et ceux qui les avaient soutenus activement pendant des mois. Mais ce n’est là que la suite logique de leur comportement pendant la grève.

Lors de sa dernière réunion, le collectif de solidarité a dressé, avec quelques-uns des grévistes, un bilan rapide de la grève, où il s’est interrogé sur son rôle dans la grève, reconnaissant ouvertement ses insuffisances et ses ratés. Voici un extrait du bulletin rapportant une synthèse de ce bilan :

“ Mais quel a été le rôle du collectif de solidarité dans le soutien à cette grève ?

. Comme dans les grèves qui l’ont précédée (première grève McDo, Virgin, Fnac, Arcade, Frog, etc.), nous avons essayé avec nos petits moyens de modifier les rapports de forces sur le terrain. Nous avons parfois obtenu des bons résultats, notamment quand les franchisés ont fait pression sur McDo pour obtenir que les blocages cessent de les prendre pour cibles (et que la maison mère assume ses responsabilités), ou bien quand McDo, après avoir pensé que les grévistes étaient épuisés, a dû demander que nos actions sur ses restos cessent comme préalable à la reprise des négociations.

. Le collectif a souvent été perçu par le syndicat comme une épine dans le pied. Mais cette épine a permis que les grévistes continuent à se sentir soutenus dans des moments où leur syndicat aurait eu naturellement tendance à les lâcher, comme cela s’est vérifié un nombre incalculable de fois dans d’autres grèves. Son action a aidé à la popularisation de la grève, à son rayonnement, à soutenir le moral des grévistes (qui parfois en avaient bien besoin). Il n’a jamais atteint l’ampleur de l’activité déployée par le collectif qui s’était mis en place à la première grève, pour des raisons que nous avons essayé de cerner plus haut. Il n’a pu donner à la dynamique de grève la force qui lui a manqué parfois. En effet, il ne pouvait se substituer à elle ; il ne pouvait que la soutenir et fonctionner comme amplificateur, sauf quand il n’y avait pas grand-chose à amplifier.

. Malgré toutes les faiblesses que nous reconnaissons franchement ici afin que d’autres ne se découragent pas dans des situations similaires, signalons que rien n’aurait été possible sans la ténacité des grévistes. Ils ont parfois donné l’impression de ne pas avoir assez confiance en eux-mêmes et ont cherché à se rassurer en s’adressant au grand frère syndical. Lequel n’est aujourd’hui pas en mesure de permettre à une grève de gagner - et aurait difficilement supporté l’existence d’un collectif hétéroclite et disparate comme le nôtre s’il n’avait pas été conscient de ce fait. Ce qui n’empêche qu’une juste méfiance vis-à-vis de certaines structures CGT s’est développée et a fait son chemin. ”

Que dire de l’importance de cette grève ? Certes, comme la première, elle a pu bénéficier d’une popularité quasiment “ naturelle ”, liée à la force d’un certain antiaméricanisme et au fait que McDonald’s est devenu le symbole de la malbouffe. Mais l’enjeu essentiel n’est pas là. L’existence même de cette grève longue, comme de celle de l’année précédente, est une attaque portée au modèle McDonald’s de gestion du personnel, modèle qui fait école dans la restauration rapide, mais qui joue aussi un rôle croissant dans le monde du travail en général. La solidarité d’équipe sur laquelle jouent les directions des restaurants pour obtenir une disponibilité et un rendement maximaux s’est en effet retournée en solidarité dans la lutte, faisant fi des frontières entre statuts. Et, plus généralement, c’est “ l’éducation au travail ” - entendre par là l’apprentissage de la soumission aux exigences de flexibilité de l’entreprise - qui montre ses limites, alors même que pour bien des patrons cette éducation semble avoir avantageusement remplacé le travail de mise au pas assuré auparavant par l’armée.

Outre ces aspects communs aux deux grèves successives, il en est un autre, spécifique à celle dont il a été question ici : en s’opposant aux agissements du patron, en déclarant que, pour fonctionner correctement, le restaurant avait besoin de plus de bras, les salariés ont posé sans détours le problème du pouvoir dans l’entreprise : qui décide de ce qui est viable, indispensable, utile pour que le travail soit correctement exécuté ? de ce que signifient concrètement des conditions de travail acceptables ? et même du but à atteindre dans le cadre de l’entreprise ? Si le patron ne peut plus décider de couler sa propre boîte sans que ses salariés s’en mêlent, où va-t-on ?

Les Frog Pubs de Paris -Une entreprise “ moderne ”

Les quatre pubs Frog de Paris - de style anglais, où l’on sert de la bière fabriquée sur place dans des fûts et où l’on sert aussi à manger pour fixer la clientèle - sont situés rue Saint-Denis, rue Princesse à Saint-Germain-des-Prés, près de la Bibliothèque nationale et, pour le plus grand et le plus rentable, à Bercy Village. Ils font partie des sept établissements créés dans le cadre de la société anonyme Frog Pubs (les trois autres se situant à Toulouse, Bordeaux et Lisbonne). Bien qu’ils fassent signer aux cuisiniers des contrats leur imposant une certaine mobilité entre pubs en cas de besoin, les patrons refusent de reconnaître qu’il s’agit d’une seule et même entreprise, dans le but évident d’éviter une implantation syndicale que favoriseraient les contraintes légales imposées aux entreprises de plus de 50 salariés.

On a affaire à une PME typique, où la pression des patrons s’exerce de façon forte et directe, beaucoup plus en tout cas que les entreprises où règne une hiérarchie de type bureaucratique. D’où la brutalité des méthodes de gestion du personnel, et parfois des affrontements. Et pourtant nous sommes dans le cadre d’une entreprise “ moderne ”, gérée par deux patrons sortis d’une école de commerce, pour qui le produit qu’ils vendent n’a de valeur que commerciale. Et la clientèle est à l’unisson : ces pubs sont fréquentés par des consommateurs au plein sens du terme - des gens venus “ passer un moment tranquilles ”, “ entre copains ”, “ pour se détendre ”, et qui généralement n’ont “ pas envie de se prendre la tête ” en se posant des questions, et surtout pas sur les conditions faites à ceux qui travaillent dans le lieu dans lequel ils viennent consommer - phénomène qui prend des proportions caricaturales les soirs de match, où les fanas de foot, attirés dans les lieux par la présence d’écrans géants, n’ont plus rien d’autre dans les yeux et les oreilles.

Les cuisiniers travaillent dans des cuisines minuscules (12 m² au Café Frog de Bercy, qui fait lui-même 450 m² et où l’on sert chaque jour des centaines de couverts) et insuffisamment aérées. Leurs salaires sont très modestes : entre le SMIC pour un plongeur et 1 200 euros pour un cuisinier ou chef cuisinier. Leurs horaires de travail et l’attribution des congés sont à la discrétion du patron, imposés sans discussion. Il n’y a pas de pointeuse, ce qui permet d’oublier de payer les heures supplémentaires. L’attribution officielle des postes en fonction des qualifications, telle qu’elle apparaît dans les contrats de travail, n’est pas respectée. Lorsqu’ils sont contraints de finir leur service trop tard le soir pour prendre le dernier métro, les frais de taxi ne sont pas remboursés, alors que tous habitent en banlieue. Il n’existe pas de vestiaire pour eux : c’est dans les escaliers qu’ils doivent se changer (sauf à ne pas se changer du tout...). Et les conditions d’hygiène ne sont pas meilleures.

De tout cela, on comprend surtout une chose : sous leur air affable, ces patrons modernes se foutent des hommes dont ils exploitent le travail, mais aussi des consommateurs dont ils exploitent le porte-monnaie ; les uns et les autres ne sont que des rouages dans la machine à faire du profit.

Et, face à des serveurs pour la plupart britanniques, trop heureux d’avoir trouvé du travail dans un environnement culturel familier, et des cuisiniers tamouls recrutés selon une filière ethnique, parlant mal ou pas du tout français, fragiles comme tous les immigrés qui se trouvent contraints de se faire difficilement une place dans une société d’accueil pas si accueillante que ça, sans doute pensent-ils n’avoir aucun souci à se faire...

Les premiers signes d’une volonté de lutte

À la mi-novembre 2002, des cuisiniers des pubs Frog entrent pour la première fois en contact avec la CNT [VIGNOLES]-F, en vue, au départ, d’organiser des cours de français pour étrangers. Mais, à la même époque, ils cherchent aussi un syndicat pour se protéger : ils se renseignent auprès de la CGT, de SUD puis de la CNT [VIGNOLES]. En janvier 2003, quelques étudiants de l’université Paris VIII mettent en place des cours d’alphabétisation au bénéfice de salariés étrangers de la restauration et du nettoyage, auxquels participent trois des cuisiniers de Frog. C’est ce noyau-là qui donnera vie au comité de soutien. Les cours se maintiendront jusqu’au déclenchement de la grève, en avril.

Les cuisiniers des pubs Frog sont tous recrutés dans la communauté tamoule par un homme, tamoul lui-même, qui joue un rôle double : agent recruteur, bras droit des patrons, propriétaire, semble-t-il, de parts dans l’entreprise, il joue aussi le rôle d’interface entre ceux-ci et les cuisiniers. C’est lui qui gère les plannings de travail, qui contrôle les retards et prend des sanctions, c’est lui qui donne son avis sur les demandes d’augmentation salariales. Étant le seul Tamoul salarié de Frog à parler couramment français, il joue en outre constamment le rôle de médiateur : quand les cuisiniers ont un problème, les patrons n’acceptent de discuter qu’en sa présence, voire avec lui seul. Mais il est aussi l’interlocuteur obligé de cuisiniers très dépendants de lui, au point que ceux-ci finiront par le désigner comme délégué.

Pourtant, plusieurs cuisiniers commencent à envisager une forme de défense collective (au départ pour se protéger du médiateur plus encore que du patron), et adhèrent à la CNT [VIGNOLES] : trois en février, et une bonne vingtaine en avril. La première intervention du syndicat se traduit par une visite, annoncée, de l’inspecteur du travail au pub de Bercy Village, qui restera sans effet. Suit une série d’incidents entre le patron et les cuisiniers, qui fait monter la tension au point que 31 avertissements sont adressés aux cuisiniers entre le 5 mars et le 16 avril.

De son côté, la CNT [VIGNOLES] entame les procédures visant à informer la direction de la nomination d’un délégué et à faire reconnaître l’existence de sections dans l’entreprise. L’idée est qu’il faut obtenir la reconnaissance de l’unité économique et sociale des quatre restaurants et y organiser des élections. Jeudi 10 avril, l’agent recruteur, devenu délégué et porte-parole des cuisiniers, est licencié. Les salariés, jugeant qu’il ne faut pas laisser le patron libre d’agir, prennent sa défense, même s’il n’est pas leur ami.

Dimanche 13 avril, la grève est donc votée à l’unanimité. Le lundi 15, un cuisinier qui a refusé de faire un travail ne correspondant pas à la qualification inscrite dans son contrat se voit signifier une mise à pied, qui se transformera en licenciement quelques jours plus tard.

Les cuisiniers ne connaissent que le travail, ils n’ont pas d’expérience de lutte en France, c’est leur première adhésion syndicale et leur première grève. Ils n’ont guère de moyens de juger de la forme que pourrait prendre la grève, de ce qu’il est possible et légal de faire, ni de la capacité réelle du syndicat à les soutenir. Ils doivent se contenter des explications très sommaires et quelque peu fanfaronnes de la CNT [VIGNOLES], qui leur donnent l’impression qu’elle est capable de venir à bout des résistances du patron en deux temps, trois mouvements.

De surcroît, ils ne peuvent compter sur le soutien des autres salariés des pubs, car la division classique entre personnel de salle et personnel de cuisine est, dans ce cas, encore renforcée par la division “ ethnique ”, instaurée et exploitée par les patrons, entre serveurs britanniques et cuisiniers tamouls. Une division que ceux-ci ne sauront pas surmonter au moment du déclenchement de la grève ni après : pendant toute la durée du mouvement, les serveurs leur resteront majoritairement hostiles. Mais il est vrai aussi que le caractère ethnique de la mobilisation des cuisiniers est ce qui permettra à la grève de naître et de se maintenir dans une certaine cohésion, tout au moins pendant quelques mois.

Des débuts offensifs

Le 16 avril, la grève devient effective, et 28 des 29 cuisiniers de la chaîne y prennent part. Si l’élément déclencheur est le licenciement abusif du responsable des cuisines, les revendications deviennent l’enjeu. Les grévistes se mettent d’accord pour exiger : l’arrêt des procédures de licenciement, l’annulation de toutes les sanctions ; le respect des contrats de travail ; de meilleures conditions d’hygiène et de sécurité (toilettes distinctes de celles des clients, douches, casiers séparés des stocks secs, etc.) ; le paiement des heures supplémentaires quand elles ne peuvent pas être évitées ; la mise en place des élections des délégués du personnel sur les quatre restaurants parisiens ; le respect du droit aux congés payés, le remboursement intégral de la carte Orange ; une prime pour les salariés finissant de travailler après minuit ; une majoration de 100 % pour le travail de nuit ; le versement d’un treizième mois ; l’accès au 1 % patronal ; une meilleure organisation du travail réduisant au maximum les coupures dans la journée et permettant un retour du soir par les transports en commun ; l’augmentation des salaires ; le respect de la liberté syndicale.

Dès le premier jour, le patron affiche la couleur : il n’y a rien à négocier, restez aussi longtemps que vous voulez devant les restaurants, ça m’est égal. De toute évidence, il n’imagine pas que la grève puisse gêner ses affaires : ces étrangers qui ne savent rien du droit français ne feront jamais le poids. Pendant la première semaine, il s’en tient à cette position de totale fermeture, et, convaincu d’avoir la loi à son service, fait rapidement appel au tribunal. Et obtient effectivement une ordonnance censée interdire à la CNT [VIGNOLES] et aux grévistes de rentrer dans les restaurants et d’en bloquer les accès.

Les grévistes se rendent rapidement compte qu’une diffusion régulière de tracts et la tenue de simples piquets devant les restaurants ne suffiront pas à les faire gagner face à un patron de choc qui rejette toute négociation. Les clients prennent les tracts, certes, mais continuent à rentrer pour consommer, et bientôt aussi leur repas, puisque, dès le deuxième jour, le patron commence à remplacer les grévistes en faisant travailler les serveurs aux cuisines puis en embauchant sous CDI.

Les grévistes cherchent alors d’autres moyens de bloquer la bonne marche des pubs-restaurants. La CNT [VIGNOLES] refuse de pénétrer dans les établissements, en raison des ordonnances du tribunal qui lui en interdisent l’accès. On discute de boules puantes et autres actions musclées, mais rien n’est suivi d’effet. Les premiers doutes quant à la puissance réelle du syndicat commencent à se faire jour...

C’est dans ce contexte que les grévistes décident de faire appel au collectif qui soutient la lutte des McDo. Quelques-uns se présentent à sa réunion du 23 avril. Le 1er mai, un début de collaboration se concrétise par une présence commune des Frog et des McDo à la manifestation, suivie de l’invasion du pub de Bercy par une soixantaine de personnes contactées dans le cortège - l’opération tourne assez vite court du fait de l’agressivité des serveurs et de l’hésitation des grévistes, qui n’ont pas compris le sens exact des ordonnances. Samedi 3 mai, après une courte réunion commune, Frog et McDo s’associent et, accompagnés de nombreux soutiens, envahissent d’abord le pub de la rue Saint-Denis - d’où des accrochages avec le patron et certains serveurs, qui portent visiblement un gros coup au moral du premier - puis vont bloquer le McDo des Halles, face à la fontaine des Innocents.

Les grévistes ont le moral, ils voudraient continuer sur leur lancée, mais dimanche 4, à la réunion du SHRT, dont le secrétaire est absent [11], des membres influents de la CNT [VIGNOLES] insistent pour qu’ils n’entrent pas dans les restaurants, invoquant le risque d’amendes que font courir les ordonnances du tribunal.

Mercredi 7, après la réunion conjointe avec les grévistes de McDo, le pub de la rue Saint-Denis fait l’objet d’une nouvelle occupation, et le patron, plus agressif que jamais, enferme dans le pub clients, grévistes et soutiens jusqu’à l’arrivée de la police. Celle-ci non seulement impose l’ouverture des portes et négocie une sortie sans heurts, mais, irritée d’être régulièrement dérangée par un patron jouant la carte de l’intransigeance, fait pression pour qu’il ouvre des négociations. Le patron s’y dit prêt et promet aux grévistes de se manifester le lendemain. Mais il n’en fera rien.

Les divergences de logiques deviennent manifestes

Les grévistes souhaitent maintenir la pression pour le pousser à négocier. La CNT [VIGNOLES] accepte leur point de vue et décide d’une nouvelle occupation le 8 mai, rue Princesse, au terme de laquelle le patron s’engage par écrit à ouvrir des négociations.

C’est à l’occasion de cette occupation, à laquelle la CNT [VIGNOLES] a évité de convier les soutiens non cénétistes, que l’on voit pour la première fois se manifester au grand jour la guerre interne à la CNT [VIGNOLES] entre clans désireux chacun de chapeauter la grève [12]. Et que la stratégie de visibilité maximale de l’organisation - déploiement de drapeaux, affichage de badges et autocollants, tracts invitant en bonne place à contacter la CNT [VIGNOLES] - devient particulièrement évidente.

Pendant toute la durée du conflit, et quel que soit le clan alors dominant, on pourra constater que la CNT [VIGNOLES] se sert de la grève pour accroître sa visibilité plus qu’elle ne met l’organisation au service de la grève. Là est au fond la différence essentielle entre sa logique et celle du collectif de solidarité, qui s’est constitué autour des grévistes et a pour seul but de les aider à gagner.

Or cette stratégie de la visibilité a un prix : le syndicat devient vite la cible des huissiers et des policiers chargés de faire appliquer les ordonnances du tribunal, ce qui rend toute occupation périlleuse, étant donné le risque de fortes amendes. Cette stratégie deviendra donc vite un handicap dans l’action de terrain : la CNT [VIGNOLES] ne peut s’afficher sans courir de risques financiers, mais, si elle se montre peu, ses militants ne sont plus assez motivés pour venir sur le lieux de l’affrontement. C’est ainsi que l’on pourra bientôt compter sur les doigts d’une seule main les cénétistes qui choisiront de s’investir dans un soutien régulier à la grève.

Les diverses promesses de négociation soutirées au patron sous la pression s’évanouissant aussitôt après, il apparaît rapidement que les “ actions graves ”, comme disent les grévistes, sont le seul moyen, dès lors que le travail est assuré par d’autres, de le contraindre à se mettre à la table des négociations. Dans ce cadre, les divergences de méthodes entre collectif de solidarité et CNT [VIGNOLES] se font plus perceptibles, et les grévistes s’en ressentent. Ils insistent pour que des réunions communes entre grévistes, collectif et syndicat se mettent en place, ce à quoi la CNT [VIGNOLES] tentera aussi longtemps que possible d’échapper.

Le 10 mai, un première rencontre de négociation ne donne rien, et le soir le pub de Bercy est à nouveau envahi. Un incident se produit alors, suite auquel un serveur porte plainte contre deux grévistes. Ce qui servira de prétexte au patron pour licencier pour faute grave un troisième cuisinier.

Le 16 mai, trois grévistes sont convoqués par le TGI, à la suite de la tenue des piquets. C’est à ce moment que naît l’idée de demander au juge une médiation. Le principe en est accepté par les deux parties. L’avocat et la CNT [VIGNOLES] font savoir que cela suppose de suspendre toute action sur les restaurants. Pourtant, au même moment, les grévistes envisagent une nouvelle occupation, qu’ils voudraient voir durer au moins trois jours cette fois. Le soir du 23 mai, grévistes, membres de la CNT [VIGNOLES] et soutiens investissent le restaurant de Bercy. Vers 22 heures, le secrétaire du SHRT décide de partir, entraînant derrière lui les membres de la CNT [VIGNOLES] ; grévistes et soutiens ne peuvent que suivre et le local est évacué sous la menace d’une intervention de la BAC. L’avis des grévistes n’est pas pris en compte.

Le 5 juin, le président du tribunal fait le point sur la médiation et, faute de résultats, l’avocat de la CNT [VIGNOLES] demande sa prolongation, qui est accordée jusqu’au 18. Un genre de modus vivendi s’instaurera dès lors : les occupations seront de fait suspendues jusqu’à la fin de la médiation, et les efforts porteront sur le fait d’assurer une présence active et régulière devant les pubs, pour populariser la grève par voie de tracts et surtout pour dissuader les clients d’entrer et de consommer. Mais, chez les grévistes et les soutiens, le désir de revenir par moments à des actions plus dures renaîtra régulièrement.

Une petite grève dans un grand mouvement

Pendant de longues semaines, le mouvement contre la “ réforme ” des retraites sert de toile de fond à la grève. La faible présence du secteur privé dans ce mouvement donne aux petites grèves en cours une visibilité inespérée. La présence des grévistes de Frog et de McDo est bien perçue dans les manifestations : elle semble en quelque sorte matérialiser la tension unitaire du mouvement et sa capacité à élargir son horizon aux exigences d’autres secteurs du monde du travail moins bien lotis, et notamment à la lutte contre la précarité.

Le collectif de soutien incite les grévistes de Frog à exploiter ces occasions pour se faire connaître et renflouer leur caisse de grève. Mais, les manifestants étant eux-mêmes pour la plupart en grève, le choix est fait d’organiser à chaque manifestation, en un point stratégique du parcours, des ventes de sandwiches et de boissons, accompagnées de diffusion de tracts. Ce seront des occasions de rencontre et de popularisation de la lutte particulièrement riches, qui donneront quasiment physiquement le sentiment de participer, à partir d’une position spécifique, à une vaste lutte commune, et qui offriront aux grévistes comme aux soutiens le plaisir de l’effort partagé pour un résultat concret immédiatement tangible.

Mardi 27 mai, une manifestation des établissements scolaires en lutte est organisée au départ de la place d’Italie, et, faute de temps et de bras, le collectif et les grévistes choisissent de faire, en un point stratégique, une simple diffusion de tracts avec collecte de solidarité, puis de se joindre au défilé. À mi-parcours, des militants de la CNT [VIGNOLES] de la Pitié-Salpêtrière se joignent à nous, brandissant leurs drapeaux. Puis l’on se rend à la Bourse du travail, à l’assemblée des établissements en grève d’Île-de-France, où un gréviste réussit à prendre la parole.

L’épuisement du mouvement contre la réforme des retraites ne mettra pas totalement fin aux tentatives de jonction avec d’autres luttes. En juillet et août, des membres du collectif participeront aux assemblées de la “ commission interpro ” de la coordination des intermittents du spectacle et à certaines de leurs actions (Paris-Plage et pyramide du Louvre), et essaieront en retour d’intéresser ceux-ci à la lutte des Frog. Avec un succès limité : un soir du mois d’août, une quinzaine d’intermittents et de profs entreront dans le pub de Bercy Village pour jouer le rôle de consommateurs mécontents des conditions de travail faites aux cuisiniers et désireux d’obtenir des explications du patron. L’opération, difficile et à moitié réussie, ne se répétera pas.

Un énorme dérapage syndical

Le soir du 27 mai, le secrétaire du SHRT-CNT [VIGNOLES], qui a assisté à la prise de parole d’un gréviste à l’AG des établissements en lutte, s’adresse aux grévistes en marge de l’AG pour leur dire sa désapprobation et sa colère. Ceux-ci sont surpris mais n’en font pas grand cas. Pourtant, le lendemain ils découvrent l’invraisemblable : de la bouche de leur patron rayonnant, ils apprennent que le secrétaire du SHRT lui a téléphoné pour lui faire savoir que la CNT [VIGNOLES] a dé-mandaté leur délégué, dé-mandaté leur avocat et ne couvre plus la grève. Et cela alors même que la médiation est en cours !

Les arguments avancés par son auteur [13] pour justifier un acte dont on aurait du mal à trouver beaucoup d’antécédents, y compris dans les syndicats institutionnels, montrent clairement que l’objet de cette colère est le fait de voir remis en cause le monopole qu’il exerçait sur l’organisation de la grève ; et que le comité de soutien, tenu pour responsable (les grévistes ne pouvant être qu’une masse de manœuvre...), est perçu comme un concurrent. En d’autres termes, l’auteur est tellement dominé par la logique groupusculaire qu’il imagine qu’elle est aussi le moteur d’un collectif constitué en réalité d’individus aux opinions et appartenances très diverses et unis par une seule volonté commune : aider la grève à gagner.

Pourtant, très rapidement, plusieurs membres de la CNT [VIGNOLES] prennent position contre ce scandale. Le secrétaire du SHRT est écarté de ses fonctions, les pièces du dossier sont récupérées par le bureau conféderal et le suivi de la grève est confié au syndicat “ interco ” de la région parisienne, selon une procédure d’urgence. Peu à peu la situation se décrispe entre le collectif et la CNT [VIGNOLES], grâce aux efforts faits de part et d’autre, et un minimum de travail commun avec les grévistes redevient possible. Pourtant, il ne se fera jamais dans un climat de camaraderie et de confiance, même si une certaine règle de transparence réciproque sera respectée. De toute évidence, au sein de la CNT [VIGNOLES], le collectif est désormais perçu et traité par (presque) tous comme une force concurrente avec laquelle il faut par la force des choses composer. Si, donc, les morceaux sont recollés tant bien que mal, il n’en reste pas moins que cet épisode aura des effets fortement négatifs. Sur le moral des grévistes d’abord, qui finissent par comprendre clairement les limites du soutien qu’ils peuvent espérer de leur syndicat - ce qui n’aura pourtant pas l’air de préoccuper beaucoup les ténors de la CNT [VIGNOLES]. Mais aussi sur l’engagement des militants cénétistes dans la lutte : l’information concernant la grève aura désormais bien du mal à circuler au sein de la CNT [VIGNOLES] [14] et ce seront toujours les mêmes rares militants que l’on retrouvera sur les piquets - ce que l’arrivée des vacances d’été ne fera qu’aggraver.

Lutte juridique, lutte de terrain : une articulation conflictuelle

Quand la médiation se termine vers la mi-juin sans avoir débouché sur aucun résultat concret, le mouvement contre la réforme des retraites s’est éteint et l’été approche : la période la plus favorable à l’amplification du soutien à la grève est passée. La médiation a donc bel et bien eu un effet démobilisateur. Du côté de la CNT [VIGNOLES], à la suite de l’étouffement de la stratégie de visibilité de l’organisation et au passage de relais dans le suivi de la grève, un tournant s’amorce et l’action juridique prend définitivement le pas sur l’action de terrain. Les objectifs sont de trois ordres : faire reconnaître la légitimité de la grève en réclamant devant les prud’hommes le paiement des heures supplémentaires non payées ; faire reconnaître par les tribunaux de première instance l’unité économique et sociale de l’entreprise et contraindre celle-ci à organiser des élections de délégués du personnel ; défendre les salariés contre lesquels des sanctions ont été prises (avertissements, licenciements, plaintes au cours des occupations) [15]. L’avocat est indiscutablement compétent, il a fait ses preuves dans d’autres conflits. Mais le problème, crucial, c’est que la stratégie juridique, au lieu d’accompagner les actions de terrain et de s’adapter au fur et à mesure à la modification des rapports de forces [16], devient dès lors, pour la CNT [VIGNOLES], la seule dimension offensive.

De son côté, le collectif, faisant le constat d’un resserrement des possibilités de popularisation, décide début juillet de simplifier l’organisation des piquets : un rendez-vous quotidien est fixé dans un lieu central (la place du Châtelet) et la cible du soir est choisie en fonction du nombre des présents. La quasi-absence de la CNT [VIGNOLES] sur les piquets, à l’exception de deux ou trois militants convaincus, et la non-circulation de l’information au sein de l’organisation sont désormais des données stables du problème. La question de la poursuite de la mobilisation pendant la période d’été, où les forces militantes sont dispersées mais où celles qui restent sont aussi plus disponibles, fait l’objet de discussions renouvelées.

Le climat des relations avec la CNT [VIGNOLES] semble s’améliorer, ne serait-ce que parce que le collectif ne remet pas en cause le monopole du syndicat sur la négociation [17]ni sur la gestion des activités juridiques. Un partage des tâches s’installe dans les faits où nous est réservé le travail de terrain, que la CNT [VIGNOLES] serait de toute façon incapable désormais d’assumer. Mais le problème est que, par souci d’éviter toute rupture avec le syndicat dont la grève aurait immédiatement fait les frais, nous serons amenés à accepter, à contre-cœur et plus ou moins consciemment, de subordonner l’action de terrain à l’action juridique, alors que c’est l’inverse qui aurait été nécessaire pour faire gagner la grève. Subordination d’autant plus gênante que la CNT [VIGNOLES] ne transmet jamais aucune photocopie des documents provenant des tribunaux et de l’avocat, ni même des ordonnances, pourtant indispensables pour pouvoir argumenter avec les policiers sur les piquets.

L’effort suivi de soutien financier

Les ventes de sandwiches et de boissons lors des manifestations du mouvement de mai-juin a rempli efficacement la caisse de grève pendant quelques semaines. Mais il faut ensuite trouver d’autres ressources. Les chèques qui nous parviennent suite aux distributions de tracts, les collectes faites régulièrement sur les piquets de grève - où il arrive que des passants manifestent leur solidarité en donnant un billet, voire un chèque - les repas servis à la Rôtisserie (petit local associatif mis à la disposition de collectifs moyennant cotisation) dans le cadre de plusieurs soirées de soutien aux grévistes et les quelques concerts de soutien organisés à partir de l’été, en exploitant les contacts et les savoir-faire acquis dans le soutien aux grèves antérieures, nous permettent de collecter environ 14 000 euros au total. La CNT [VIGNOLES] pour sa part couvre les frais d’avocat et du suivi juridique et, dans les derniers mois, verse aux grévistes l’argent provenant des souscriptions de ses syndicats.

Pourtant, l’ensemble de ces sommes est loin de pouvoir couvrir sur plusieurs mois les besoins minimaux d’une vingtaine de grévistes. Certains d’entre eux se voient donc contraints de trouver des petits boulots provisoires pour faire face aux dépenses les plus urgentes, ce qui réduit d’autant leur participation à la tenue des piquets de grève. Au point que, pour éviter tout risque de “ substitutisme ”, le collectif de solidarité est amené à se fixer une règle claire : aucun piquet ne doit se tenir sans au moins un gréviste présent. Il arrivera ainsi plus d’une fois, dans la partie finale de la grève, que les soutiens venus au rendez-vous repartent après un simple moment d’échange.

Le patient “ travail ” de tenue des piquets

L’épuisement du mouvement contre la réforme des retraites, en réduisant la visibilité de la grève, recentre les efforts des grévistes et du collectif sur les pubs, au profit d’une action plus constante de pression sur la clientèle, invitée à faire preuve de solidarité en renonçant à entrer et consommer dans les lieux. Le plus grand et le plus rentable des pubs Frog est celui de Bercy Village. Il devient donc notre cible privilégiée, celle que l’on choisit, le soir, chaque fois que l’on est assez nombreux pour assurer efficacement un piquet. Cet immense pub a deux entrées : une côté parc, faiblement fréquentée, une autre côté “ village ” - la voie baptisée cour Saint-Emilion et considérée par les propriétaires et les responsables de la sécurité comme privée, où ils se pensent donc autorisés à nous interdire de diffuser des tracts. Cette entrée deviendra un enjeu de résistance face aux patrons du pub, mais aussi face aux responsables de la sécurité du “ village ” : les uns et les autres feront sans cesse appel à huissiers et policiers pour tenter de contrer nos interventions auprès des clients qui cherchent à rentrer ; sans cesse nous leur opposerons que nous agissons dans le cadre d’un conflit du travail, que si “ trouble ” il y a, il est d’abord le fait de patrons négriers qui refusent de négocier, et que la voie prétendument privée est de fait on ne peut plus publique. Ce “ travail ” exige une grande persévérance, car chaque point marqué un soir risque d’être remis en cause le lendemain. Mais il est aussi très stimulant, car, outre la richesse du tableau qui se dessine à travers la variété des réactions des clients que nous interpellons, il nous oblige à jouer habilement sur les hésitations et les contradictions du camp d’en face. Petit à petit, nous gagnons le droit de rester sur les lieux, en repoussant de fait les limites de la légalité.

Vers la fin de l’été, force est de constater que l’effort a fini par payer aussi sur le plan des rapports de forces : ce restaurant jusque-là parmi les plus fréquentés du “ village ” est quasiment déserté. Au point que, lors des négociations finales, le patron se plaindra d’avoir perdu environ 500 000 euros sur son chiffre d’affaires.

Le pub Frog proche de la Bibliothèque nationale, fréquenté essentiellement à midi par des employés, et celui de Saint-Germain-des-Prés, situé dans une petite rue peu fréquentée, feront nettement moins souvent l’objet de nos efforts de dissuasion que celui de la rue Saint-Denis, fréquenté par une clientèle d’habitués copinant avec les patrons, mais aussi par des touristes, des jeunes branchés et quelques gens du coin. Les réactions souvent hostiles des clients sont en effet largement compensées par la sympathie manifestée par d’autres, mais aussi par les passants et les habitants d’un quartier parmi les plus composites et les plus vivants de Paris. Des employés d’une entreprise toute proche qui se rendaient parfois au pub décident collectivement de le boycotter. Deux copropriétaires de l’immeuble abritant le pub nous font part des nuisances qu’il leur cause (inondations des caves, remontées de cafards, bruits nocturnes, etc.) et nous tenterons de relayer les démarches entreprises par eux auprès des autorités de contrôle de l’hygiène.

Signalons aussi les contacts pris à Toulouse, Bordeaux et Lisbonne pour organiser des diffusions de tracts et collage d’affiches autour des pubs Frog qui s’y trouvent. Le seul cuisinier du pub de Bordeaux en profitera pour obtenir une augmentation.

Le patron trouve la faille

Parallèlement, l’attitude du patron se durcit. On comprendra par la suite pourquoi. Contrairement à la CNT [VIGNOLES], lui ne se contente pas de gérer le conflit sur le plan juridique. Non seulement il continue à recourir aux flics et aux vigiles chaque fois qu’il peut - avec un succès limité, on l’a vu - mais au début de l’été il trouve un contact avec l’organisation nationaliste des Tigres, qui domine la communauté tamoule, et lui demande de faire pression sur ses membres grévistes pour qu’ils reprennent le travail, arguant du fait que la grève porte tort à l’image de marque de la communauté en France. Il en sera d’ailleurs si fier qu’il finira par se vanter devant ses salariés d’en avoir obtenu la promesse du bureau de l’organisation.

Tout cela, nous ne l’apprenons que plus tard, lorsque les grévistes se décident peu à peu à briser le tabou qui plane sur ces questions. Nous sommes alors amenés à tenter de comprendre les divisions, voire les affrontements, qui règnent au sein de la communauté tamoule, et à tenir compte du fait que le passé politique des grévistes continue, loin de leur terre d’origine, à avoir des répercussions que nous ne soupçonnions pas. Mais il est alors trop tard pour contrer l’offensive, le mal est fait : la division s’est installée parmi les grévistes. Par la suite, nous serons tenus régulièrement au courant de menaces lourdes et réitérées pesant sur l’un des grévistes les plus combatifs. Dans l’impossibilité d’en saisir le sens et l’origine réelle, le collectif cherchera les moyens de faire comprendre indirectement aux responsables de ces menaces que toute agression contre un gréviste fera du bruit dans le monde militant et au-delà, et ne pourra donc que nuire à ceux qui l’ont exercée. Le message sera lent à passer, mais il atteindra finalement son but.

Le patron, lui, sent qu’il a trouvé la faille et l’exploite : il commence à harceler les grévistes individuellement au téléphone, pour les inciter à quitter leur emploi contre de l’argent, tout en les menaçant des pires représailles s’ils osent se représenter au travail. Plusieurs d’entre eux finiront par craquer, mais les difficultés de langue, la réserve des grévistes, la crainte d’être mal jugés par ceux qui les soutiennent, retarderont d’autant notre compréhension du problème. Entre-temps, plusieurs grévistes auront déjà fait le choix d’accepter les propositions du patron.

La grève s’épuise

À la mi-septembre, sur les vingt-huit grévistes du début, huit ont repris le travail, onze ont accepté de démissionner sur la base d’arrangements individuels et huit sont toujours en grève, dont trois font l’objet d’un licenciement contesté devant les tribunaux. Ce noyau dur tient bon, mais le découragement progresse. Au fur et à mesure que les défections se multiplient et que les forces présentes sur le terrain décroissent, l’action juridique gagne en importance et subordonne à elle toutes les initiatives. Ce qui ne fait qu’accentuer, chez les grévistes restants, le sentiment qu’ils ne peuvent compter sur le soutien de leur syndicat.

Fin septembre, ceux-ci surmontent leurs réticences et nous font part ouvertement de leur désir de négocier leur départ contre de l’argent. Nous comprenons enfin clairement qu’il leur semble désormais impossible de reprendre le travail dans un climat de tension extrême, convaincus qu’ils sont que les patrons exploiteront la première anicroche pour obtenir de les licencier. Nous leur réaffirmons notre estime et notre soutien, en leur conseillant de se serrer les coudes pour obtenir, par une négociation groupée, les conditions de départ les plus avantageuses. Ce qui n’empêchera pas deux d’entre eux de signer des arrangements individuels et de disparaître de la scène du conflit.

Pendant la première quinzaine d’octobre, conscients que la seule chose que nous puissions faire désormais, c’est d’aider les derniers grévistes à négocier des indemnités de départ conséquentes et à obtenir le paiement au moins partiel des jours de grève, nous maintenons les piquets, sur Bercy essentiellement. Il reste en effet un moyen de pression : le patron semble pressé de conclure, craignant les décisions du tribunal concernant la reconnaissance de l’unité économique et sociale de son entreprise d’une part, de la CNT [VIGNOLES] d’autre part (ce qui ne l’empêche pas de commettre une bourde en présentant au tribunal une pétition commune des salariés de ses quatre restaurants, signée par 70 d’entre eux sur 120...).

Dimanche 19 octobre, la négociation débute, sur la base de l’offre de 5 000 euros par départ faite par le patron début juillet, alors refusée et à présent acceptée par les grévistes. Les piquets sont suspendus comme gage de bonne volonté. Le 3 novembre, un accord confidentiel négocié entre avocats et signé par les parties met fin au conflit : les derniers grévistes acceptent d’être licenciés contre 5 000 euros d’indemnité (2 000 pour les deux d’entre eux qui venaient d’être embauchés au départ de la grève), auxquels s’ajoutent les congés payés ; une somme de 10 000 euros revient à la CNT [VIGNOLES], qui la leur reversera intégralement - ils choisiront de se la partager de façon égalitaire. Toutes les actions juridiques entreprises par les deux parties sont abandonnées.

Ainsi les derniers grévistes sortent-ils collectivement du conflit en prouvant à ceux qui avaient choisi d’en sortir par un arrangement individuel que le fait de rester unis est payant.

De son côté, le patron, qui croyait s’en sortir à moindres frais, a sans doute sous-estimé les effets à long terme du travail effectué pendant des mois par le collectif auprès de sa clientèle, puisque ses pubs autrefois fort animés sont aujourd’hui encore à moitié déserts...

Quelques éléments de conclusion... provisoire

Ces expériences de soutien à trois grèves successives confirment certaines des constatations et des hypothèses que nous avions pu faire à la fin de la grève d’Arcade :

Si ces grèves ont pu exister et résister, et pour certaines d’entre elles gagner, c’est bien sûr d’abord grâce à la ténacité des grévistes, mais aussi au fait que ceux-ci ont toujours conservé la maîtrise de leur grève : les objectifs qu’ils se sont fixés correspondaient à leurs exigences profondes mais aussi à leur perception des rapports de forces - ce qui excluait tout plaquage de plates-formes concoctées par des forces extérieures, de militants ou de spécialistes de la politique.

Les tentatives de convergences avec d’autres luttes se sont faites en fonction des possibilités offertes par des luttes réelles, et en fonction des disponibilités des grévistes à y prendre part [18]. La question de la solidarité réciproque dans la lutte s’est posée plus d’une fois, et les militants présents dans les collectifs ont essayé à plusieurs reprises de pousser dans cette direction ; mais la volonté des grévistes restait déterminante et les conditions n’étaient pas toujours mûres pour cela. Parfois, comme dans le cas des Frog, les grévistes ont cherché d’eux-mêmes le contact avec d’autres luttes, par besoin de soutien mais aussi conscients de la nécessité de la réciprocité dans la solidarité. Dans les liens entre grévistes de Pizza Hut et de McDo, la proximité géographique, générationnelle, des conditions de vie et de travail, a été un facteur déterminant, mais la solidarité n’a pas toujours été perçue par les grévistes comme indispensable à la poursuite de leur action.

Les militants qui ont contribué au soutien de ces grèves étaient en général étrangers aux pratiques groupusculaires, ils ne cherchaient donc pas à imposer leur vision du monde et de la lutte, mais respectaient le point de vue des grévistes. S’ils n’ont pas toujours pleinement réussi à comprendre les motivations et les difficultés de ceux-ci, notamment quand la barrière des langues était s’avérait un gros obstacle, comme dans les grèves d’Arcade ou de Frog, du moins ont-ils cherché activement à s’en donner les moyens. .
Soutenir des grèves, c’est aussi aider les salariés qui se mettent en lutte à s’approprier les éléments d’information et d’analyse qui leur permettent de comprendre la société dans laquelle ils sont amenés à vivre et à se battre. Il faut pour cela dépasser l’horizon de la lutte spécifique et prendre en compte la dynamique d’ensemble. Or celle-ci, loin de prendre la forme d’une organisation structurée, comme à l’époque des syndicats révolutionnaires, semble plutôt s’appuyer sur une diffusion des comportements antagoniques, sur la sédimentation d’une “ culture ” de lutte, sur la mise en place de réseaux de solidarité, d’entraide, de formation, d’information, d’échange. Cette dynamique ne marginalise pas forcément les organisations politiques, syndicales, associatives existantes, mais a sa logique propre - une logique, pour faire court, plus proche de celle des mouvements que de celle des organisations.

Nous avons eu récemment plusieurs occasions de constater une tendance, dans certaines structures, à s’approprier, ouvertement ou discrètement, le succès des luttes que les collectifs de solidarité ont soutenues ces trois dernières années. Cela est particulièrement visible dans le cas de la grève des femmes de ménage d’Arcade, qui, à son époque, a souffert de la faiblesse du soutien des forces militantes et qui, aujourd’hui, fait l’objet de récupérations multiples. N’ayant pas de chapelle à défendre, nous ne nous soucions guère de faire reconnaître la paternité de nos actions ; mais nous tenons à dire que ces récupérations font toutes l’impasse sur la somme de travail qu’il a fallu mettre en œuvre et sur toutes les difficultés que la grève a dû affronter, et préfèrent mettre l’accent sur sa dimension sympathique et sur la victoire finale [19]. Or plusieurs événements récents, tels le licenciement de Cédric par la direction de Virgin ou l’impasse de la grève de Maxi-Livres à la gare de Lyon, sont là pour nous montrer que l’indignation ne peut tenir lieu de soutien efficace et que, pour modifier un rapport de forces défavorable, il faut quelque chose de plus sérieux qu’une couverture médiatique, une appartenance syndicale affichée et quelques copains prêts à venir à des rassemblements de protestation.

À la fin de la première grève des McDo, en mai 2002, le collectif avait dressé un bilan sommaire de son action, qui s’achevait sur cette exhortation en forme de clin d’œil : “ Que cent, mille, collectifs de solidarité fleurissent à travers le monde. ” Or, même si ce vœu n’a pas été exaucé, nous ne pouvons que constater que l’existence et l’activité du premier collectif ont laissé des traces, que cela a permis la constitution de collectifs en partie différents sur d’autres luttes, qui parfois se sont croisées. En d’autres termes, une même logique de solidarité a été assumée par des gens divers, dans des circonstances et face à des problèmes divers. Si, dans la première phase, l’accent pouvait être mis sur la continuité de cette dynamique - nous avions alors parlé d’un collectif de solidarité - après cette deuxième étape nous ne pouvons qu’utiliser le pluriel. Preuve, peut-être, du fait que la solidarité est capable de faire des petits.

G. Soriano

(avril 2004)



La partie de cet article qui concerne la grève des Frog Pubs est le condensé d’un travail de bilan effectué sous forme de discussions enregistrées par les membres du collectif de solidarité, et qui devraient être prochainement regroupées sous forme de brochure, accompagnées d’un historique détaillé de la grève. J’en profite pour remercier tous ceux qui m’ont aidé à le rédiger, et notamment Palani et Nicole.



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[1] Sur ces grèves et l’expérience de soutien dont elles ont bénéficié, cf. G. Soriano, “ McDonalds, Fnac, Virgin, Eurodisney, Arcade, etc. - “ Une expérience parisienne un peu particulière : le collectif de solidarité ”. Cet article qui retrace l’expérience de ce regroupement hétéroclite est paru dans Les Temps maudits n° 15, janvier-avril 2003, précédé d’un texte de Damien Cartron portant sur la méthode McDonald’s de gestion du personnel, “ Travailler au fast-food ”. Puis il a été repris, accompagné d’un texte de N. Thé sur le même sujet et de l’article de bilan du collectif de solidarité avec les grévistes d’Arcade, dans Sans patrie ni frontières, n° 6-7, nov. 2003-janv. 2004.

[2] Le collectif de solidarité a tiré un bilan de cette grève dans un texte paru dans le bulletin Infos Luttes sociales n° 45 - récupérable en ligne sur le site d’AC ! à l’adresse suivante : http://www.ac.eu.org/article.php3?i...- puis publié à la fois par Le Monde libertaire (n° 1312, 20-26 mars 2003) et par Courant alternatif (mai 2003, p.5-7). Sur le site d’AC ! on trouvera aussi les bulletins des collectifs de solidarité rédigés de semaine en semaine jusqu’à la fin de la deuxième grève des McDo, en avril 2004.

[3] Voici leurs revendications, sur la base de leur tract : une augmentation de 10 % des salaires, le versement d’un 13e mois, le remboursement intégral des taxis pour ceux qui rentrent la nuit, un service d’entretien distinct de la cuisine et du service aux tables, une prime de renouvellement de chaussures et collants de 40 euros, double paie dès l’embauche pour les jours fériés travaillés, une mutuelle adaptée, le paiement intégral des jours de grève et une prime de reprise du travail, l’annulation de toutes les sanctions contre les salariés.

[4] Voir à ce sujet le témoignage d’Abdel dans son livre Génération précaire, Paris, Le Cherche-Midi, 2004, p. 109-110.

[5] Le secrétaire du SHRT de la CNT [VIGNOLES], qui avait manifesté son hostilité à la première grève des McDo SSD, percevra comme une attaque personnelle le blocage du McDo où il travaille.

[6] Je reprends ici les informations et les évaluations fournies dans le bulletin Infos Luttes sociales, n° 68, récupérable sur http://www.ac.eu.org/article.php3?i...

[7] Début avril, le ministère du Travail a accepté ce licenciement, mais depuis Cédric a fait appel à la justice et la procédure est en cours.

[8] Elle s’achèvera sur une victoire, après 32 jours de grève. Les grévistes obtiendront : le retrait de tous les licenciements (y compris de celui qui a déclenché la grève) et des mesures répressives et disciplinaires prises par la direction ; pas de sanctions ni de mutations pendant un an ; le paiement des jours de grève à hauteur de 50 % ; une prime d’ancienneté annuelle de 500 F à partir de la troisième année (voir Infos Luttes sociales n° 70 du 30.12.2003).

[9] La partie finale de ce chapitre reprend les termes du bilan de la grève établi par le collectif de solidarité dans Infos Luttes sociales n° 78.

[10] Aux concessions faites officiellement il faut ajouter un mois de congés payés obtenu de fait : la reprise, prévue pour le 29 mars, se fera en réalité le 3 mai en raison des travaux de réaménagement nécessaires à la reprise de l’activité.

[11] Il semblerait qu’il ait donné sa démission à la suite de l’occupation du McDo des Halles la veille et que cette démission ait été refusée.

[12] Un des facteurs qui a le plus handicapé cette grève est l’affrontement, au sein de la CNT [VIGNOLES], entre clans rivaux qui règlent leurs comptes par grève interposée et dont les grévistes font les frais sans toujours comprendre ce qui est en train de se passer. Ces affrontements interindividuels prennent, dans une petite organisation telle que la CNT [VIGNOLES], une importance qu’ils ne peuvent avoir dans une organisation plus importante fonctionnant sur un mode bureaucratique classique. Faute de débats politiques explicites qui pourraient tirer au clair les divergences d’analyse ou de tactique que recouvrent ces affrontements, tout le monde reculant devant de tels débats, ces différends sont traités soit comme autant de problèmes de “ fonctionnement ”, en invoquant des statuts que chacun interprète à sa manière, soit comme des différences “ idéologiques ” sans rapport direct avec les situations concrètes de lutte - le dernier exemple en date étant l’opposition supposée entre syndicalistes révolutionnaires et anarcho-syndicalistes.

[13] Après avoir reproché “ l’annulation pure et simple par les grévistes (qui s’étaient déjà réunis sans informer le syndicat... ? !) de la réunion de la section en vue de la négociation ”, il poursuit : “ À l’heure prévue de ladite réunion ils formèrent un cortège des grévistes (non badgés CNT [VIGNOLES]) dans la manifestation du 27/05/03, derrière une banderole du comité de soutien et diffant les tracts de ce dernier ! [...] Le soir même ils intervenaient à l’AG interpro à la BT introduits par ce même comité de soutien. ” Puis vient la conclusion logique : “ Dès lors, la section ne fonctionnant plus dans le cadre CNT [VIGNOLES] et niant toute la stratégie syndicale définie collectivement, le SHRT-RP refuse d’être le “jouet” d’un comité dont le seul but est l’activisme à tout prix et l’antisyndicalisme ”. La responsabilité des tensions est rejetée en bloc sur un comité de soutien responsable d’“ une manipulation omniprésente qui rend le travail de coordination de la lutte très lourd et quasi impossible à gérer ”. Pas un mot sur le fait que cette gestion a consisté à éviter toute discussion commune entre grévistes, soutiens et syndicat sur les moyens de faire gagner la grève.

[14] Le site Web de la CNT [VIGNOLES] restera muet sur l’évolution de la lutte pendant plusieurs mois, et Le Combat syndicaliste se contentera de publier parfois quelques informations très générales, alors même que les bulletins rédigés de semaine en semaine par le collectif de solidarité sont régulièrement transmis aux membres de la CNT [VIGNOLES] présents aux réunions communes. Si l’on ajoute à cela le fait que les rares militants CNT [VIGNOLES] qui essaieront de pallier ce déficit en se proposant pour assumer cette tâche se retrouveront isolés et marginalisés, on peut parler sans exagération de black-out organisé.

[15] Parallèlement, des initiatives seront aussi prises pour tenter de faire intervenir d’autres autorités : inspection du travail, Association nationale de prévention de l’alcoolisme, services de contrôle de l’hygiène, mais sans résultats.

[16] Avis qui semble partagé par l’avocat de la CNT [VIGNOLES] lui-même ! (Voir ses propos à l’émission de bilan de la lutte sur Radio libertaire, le 12 janvier 2004.)

[17] La personne qui a joué, tout au long du conflit, le rôle crucial de traducteur et de conseiller des grévistes a été écartée de la médiation par le représentant de la CNT [VIGNOLES], qui ne supportait pas sa présence. Ce qui revenait, de fait, à interdire aux grévistes tout contrôle sur le contenu decettemédiation.

[18] Logique inverse de celle qui domine les “ convergences des luttes ” organisées actuellement sur le mode symbolique, et qui ne sont en fait qu’une convergence de militants d’organisations politiques et syndicales préférant l’agitation sur ce thème à l’investissement dans des luttes concrètes - luttes dont l’existence est pourtant la première condition d’une convergence véritablement susceptible de transformer les rapports de forces.

[19] Voir notamment le livre d’Abdel Mabrouki, Génération précaire, p. 121, et celui de Gisèle Ginsberg, Je hais les patrons, p. 214-215.

La Question sociale

c/o Librairie Publico, 145, rue Amelot, 75011 Paris

laquestionsociale(a)hotmail.com
Ecrit par , à 22:26 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Anonyme
04-02-05
à 13:09

le titre sent à plein né la critique de l'AIT envers sa soeur tant détestée. Mais peut-être que eux savent mieux mener une grève? Encore faut-il qu'il mène un jour une grève!
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  libertad
04-02-05
à 16:30

Re:

Je ne sais pas si l'auteur du texte est à la CNT-AIT mais sa critique me semble reposer sur une pratique, celle du comité de soutien aux luttes sociales qui publie "Infos luttes sociales" et dont le bilan en matière de pratique d'appui aux grèves  me semble assez positif, cela dépasse donc grandement la question de l'éternelle querelle entre les deux CNT, réduire celà à ce conflit me semble assez réducteur.
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  ibubolo
04-02-05
à 16:36

Re: Re:

je suis totalement d'accord, de plus l'on peut critiquer sans avoir "mené" de grève... hein, les syndicalistes de base !?
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  Yvan
05-02-05
à 00:09

Allons-y Franco!

Ca fait bien 65 ans que la CNT n'est plus capable de grand-chose, non?
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  Anonyme
05-02-05
à 02:22

Re: Allons-y Franco!

2005 - 1946 = 59

Il y a comme un problème, ou alors faut-il dire "faille-cénété" ?
Répondre à ce commentaire

  a
05-02-05
à 10:00

Re: Re: Allons-y Franco!

pour le premier commentaire il faut lire des fois jusqu'au bout. Ce n'est pas l'Ait mais c'est :

"La Question sociale

c/o Librairie Publico, 145, rue Amelot, 75011 Paris

laquestionsociale(a)hotmail.com"

La Question Sociale est une revue qui a moins d'un an, 2 (ou 3) numéros sont sortis. Le deuxième traitait des luttes de collectifs de précaires, et l'article fait parti de ce dossier.

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  Anonyme
06-02-05
à 05:33

Re: Re: Re: Allons-y Franco!

59 ou 65 années, il y a toujours comme un problème...

Cénétien. adj.: qui préfère s'intéresser aux mouvements « des idées » !?
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  G. Soriano
07-02-05
à 12:56

Re: Quelques précisions

« La Question Sociale » a publié son premier numéro en juin dernier, dont le dossier central était consacré au « Droit (et pratiques) de grève en France, Espagne, Italie, Etats-Unis, Brésil ». Parmi les autres articles il en avait un qui portait sur l’expérience des collectifs de solidarité parisiens. Là dedans il n’y avait aucune polémique mais le récit de trois grèves et quelques réflexions, comme dans les articles qui l’ont précédé, sur le même sujet. On peut les retrouver sur plusieurs sites.
Le termes [Vignoles] couplé à celui de la CNT-F, ainsi que le titre qui a été attribué à l’article, ne viennent pas de « La Question Sociale » et lui donnent un coté polémique que l’article n’avait pas. Il suffit de lire le texte pour constater que les préoccupations de l’auteur sont toutes autres que de régler des comptes.
Le deuxième numéro de « La Question Sociale » vient d’être imprimé et vous le trouverez en librairie à la fin de cette semaine. Une présentation du numéro aura lieu sur Radio Libertaire samedi à 11h30 à l’émission « Chroniques syndicales ». Le dossier central porte sur « Le syndicalisme institutionnel : France, Espagne, Italie ».
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  ibubolo
07-02-05
à 13:01

Re: Re: Quelques précisions

je pense qu'un syndicat de base a les moyens que la base lui donne... dans ce cas, pas beaucoup...
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  Anonyme
20-04-05
à 00:07

Oui, ca sent encore l'AIT , la critique facile et les inventions ...  Bon, globalement l'issue de la grève est plutot positive meme si c'était perdu d'avance.
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  Anonyme
20-04-05
à 19:11

RE:

Pourquoi toujours ce [VIGNOLES] accolé a CNT ?? A ma connaissance, il n'y a qu'une CNT sur le terrain en France ... ?

Dans ma boite, j'ai des délégués Cfdt qui signe avex le patron et se payent des promotions pour leur trahisons a répétition.

Vous trouvez vraiment rien d'autre à faire que de dénigrer l'action de la CNT ??

Meme si parfois, l'auto organisation et l'absent de hiérarchie structurelle voit naitre des petits chef auto-proclamés et incompétents ... C'est quand la seule voit d'émancipation qui vaille la peine de mener un combat. La CNT est jeune, elle fait des erreurs surement mais elle ne trahit PAS !
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