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Le cheval est utile pour la traction, concuremment avec le boeuf, tous deux donnent aussi leur chair on ne saurait se passer de lait, d'oeufs, de poisson, etc.
Les charretiers, les bouviers, les agriculteurs, les pêcheurs, ainsi que les consommateurs des produits et les bénéficiaires de l'exploitation des animaux, ont généralement un sort peu enviable. La généralité des hommes souffre.
Et les animaux donc ! Y a-t-il un sort plus abominable que celui de cheval ou de boeuf de travail ?
Que penserait le cheval de fiacre s'il lisait " Soyez bons pour les animaux ! ". I1 penserait, sans doute, que l'homme est animé de bons sentiments, mais que sa vie ne permet pas leur application. Il penserait peut-être que nous sommes des blagueurs, des je m'enfichistes, doublés de faiseurs, car il sait, lui, combien une journée est longue, lui qui subit le martyr depuis le jour où il quitta la pampa, la prairie, pour venir agoniser sur le pavé d'une grande ville ; rompu, moulu, brisé, à bout, il faut qu'il coure, qu'il coure encore, chaque jour, de telle sorte que l'épuisement, l'usure amenés par la fatigue constante fait que sa vie est abrégée de moitié ; voyez dans quel état sont les membres des animaux usés par le travail !
Quel supplice, quelle écrasante fatigue, quel surmenage faut-il qu'un être subisse pour que ses jours soient diminués de moitié, pour qu'un adulte soit épuisé, usé comme un vieillard.
Les membres des animaux contournés, déformés par le travail accusent une souffrance qui n'a d'égale que celle que subit le rhumatisant perclus !
Le cheval est la plus noble conquête de l'homme.
Malheur aux conquis !
Et l'homme ose encore parler d'humanité, de frères inférieurs. Quelles crapules que les hommes ! Y a-t-il un animal qui sème plus de douleurs que l'homme ?
Les animaux carnassiers guettent leur proie, la poursuivent et la mettent à mort immédiatement. L'homme lui, créa l'esclavage, l'exploitation.
Quelle source de souffrance sera abolie le jour où l'humanité disparaîtra. La mort d'un hommeest un bienfait pour l'animalité.
L'individu supérieur étant celui qui, pour sa vie, demande aux autres la moins grande somme de souffrance, est donc supérieur celui qui demande à l'animalité le moindre concours ou un concours de moins en moins onéreux pour elle.
Mais je m'arrête sur ce sujet, je m'écarte tellement de l'opinion courante que je crains de déraisonner, cependant, je crois être dans la vérité. Mais la vérité que j'entrevois est tout autre que celle que les gens reconnaissent. On a l'argent nécessaire, on éprouve un besoin et l'on se sert des animaux, on les exploite, on les torture, on perpétue leur esclavage - et le sien.
Oui, lesclavage de l'homme provient de son besoin d'exploiter les animaux pour en avoir le lait, la chair, les oeufs, le travail. Pendant des milliers de siècles, l'homme ne consomma pas le lait des animaux l'animal qui n'est pas domestiqué n'a du lait que pendant l'allaitement du petit et en quantité juste nécessaire, ce n'est que par la suite d'une lente évolution, par suite d'entraînement voulu que l'homme est parvenu à faire de la vache et de la chèvre une véritable fabrique de lait. L'homme lui-même ne doit consommer du lait que tant que sa dentition n'est pas suffisante pour
consommer de la matière solide c'est par une véritable aberration que l'homme ayant des dents consomme du lait;d'ailleurs plus de la moitié de l'humanité ne consomme pas de laitage et est aussi vigoureuse que l'autre moitié.
Combien de millions d'hommes vivent parfaitement sans consommer de chair ? Nous avons la canine ! Et le chimpanzé aussi. Alors !
C'est encore par entraînement, par surnutrition, par protection que nous avons amené la poule et le canard à pondre énormément, aussi parce que nous poursuivons le système de les empêcher de couver - autre martyr - quand ils en éprouvent le besoin. En dehors du régime civilisé, l'homme n'avait que rarement occasion de consommer des oeufs, c'était purement accidentel, étant donné que les oiseaux libres pondent peu et qu'entre le moment où la couvée commence il ne s'écoule que quelques jours ; puis, les animaux étaient relativement peu nombreux, avant que l'homme ne les domestique.
Quel ravage ne fait pas dans un rayon de quelques kilomètres un couple de carnassiers, tigres, lions, loups, chats, blaireau, etc. Des pays comme l'Australie étaient parcourus par quelques milliers de faméliques, avant l'arrivée des blancs ; s'il y avait eu de la viande en masse, les habitants auraient été nombreux, tandis qu'aujourd'hui, l'Australie se peuple et exporte des montagnes de viande - et les habitants ne jouissent pas du bonheur pour cela, tant s'en faut !
L'automobilisme vient heureusement au secours de l'animalité, en supprimant sa demande de travail, et aussi mon développement à moi, mon développement mental, qui fait que je ne me sers de l'animal que dans la mesure où je ne peux pas l'éviter, parce que je comprends sa souffrance, parce que je cherche à lui donner, dans la mesure du possible, du bonheur, c'est-à-dire de la liberté, de l'espace, une bonne nourriture, des soins et peu de travail, parce que tout ce qui vit constitue ma famille, parce que je suis content quand un insensible meurt, j'y vois un peu de délivrance pour mes vieux frangins les animaux ; somme toute, la souffrance animale étant en raison directe du nombre des hommes.
Mon- guide, vis-à-vis des animaux, est si sûr qu'il correspond exactement au guide de ma personnalité. Qu'on calcule le prix de revient des calories produites par l'aliment végétal et par l'aliment carnivore, et l'on verra que le bonheur de l'homme est dépendant de celui de l'animal.
Et puis quelle place n'occupent pas les prairies, les cultures spéciales aux animaux : la moitié de cette immensité pourrait être reboisée. Les bois ! Richesse et régime normal des eaux assuré, voilà quelque chose d'intéressant pour l'humanité.
As-tu pensé à cela, boulot qui trime pour pouvoir te coller un bifteck, du lait, des oeufs, te payer un fiacre!
Si tu comprenais ! Si tu étais plus cultivé, tes enfants ne seraient pas de -la future viande à bagnes et tu construirais au plus tôt ta cabane à l'orée d'un bois, mais ...et puis il y a ta compagne, ô ta compagne...!
Alors, animalité souffre pour la compagne et la bestialité de l'homme.
G. Butaud
La Vie anarchiste, n°18 du 1er janvier 1914