En période électorale le peuple de gôche parle politique et potins présidentiels.
Il est toujours de gôche, d´ailleurs, ce peuple, par conviction autant que par nature.
Parmi les candidats qui se présentent à ses suffrages il reconnaît tout de suite ses ennemis,
les menteurs, les faux-frères, bonimenteurs et judas en tous genres,
qu´il ne confond pas avec les honnêtes gens, ceux pour qui il va voter...
Mais partout où il se trouve, ce bon peuple, il faut qu´il cause, qu´il cause pour dire le fond de sa pensée.
Au bureau, à l´usine, devant l´église, au marché,
au supermarché, à la ville, au champ, à l´écurie,
il tourne en rond, s´explique, s´engueule, ronchonne et cherche ses ennemis...
LE PEUPLE
montrant un de ses voisins : Regardez-le, lui là-bas ! C´est sûr qu´il vote Sarkosy !
L´ÂNE : Pourquoi ?
LE PEUPLE
rouge de colère et ulcéré : A cause de son col blanc !
Regardez comme il est habillé ! Une chemise blanche, bien boutonnée, un pantalon soigné et repassé...
Ca c´est pas un ouvrier !
L´ÂNE
que personne ne semble écouter : Oui, mais ca n´en fait pas un rentier.
LE PEUPLE
écumant et trépignant : Regardez ! Avec sa petite femme cachée derrière lui ! C´est bien la loi du mâle, ca.
On les reconnaît, ces animaux-là... Quel macho ! Pour sûr qu´il l´écrase et qu´il la bat !
L´ÂNE : Vous êtes tous les mêmes dans vos cuisines, vos lits d´amour, vos canapés.
LE PEUPLE
vert de rage et gesticulant : Ah, le salaud ! Comme il regarde les jeunes... et les Arabes de l´épicerie du quartier !
Il est plein de haine. Il doit préparer un mauvais coup ! Il va certainement appeler la police !
L´ÂNE : Peut-être qu´il est seulement curieux ou que le bruit de la rue l´aura dérangé.
LE PEUPLE
livide, sifflant entre ses dents : Il aime l´ordre...
L´ÂNE : Autant que tous vos candidats. Ca n´en fait pas un négrier.
LE PEUPLE
criant à destination du voisin : Bandit ! Bourgeois ! Suppôt du grand patronnat !
L´ÂNE
se demandant vraiment si quelqu´un l´entend : Ce ne sont plus des valeurs de droite.
LE PEUPLE
violet, s´époumonnant, à la limite de l´asphyxie : Faudrait au moins le pendre ! Ou lui donner une bonne raclée ! Avant de lui coller une bonne rouste électorale...
L´ÂNE
continuant au moins pour lui-même : Excusez-moi, braves gens. Vous méritez un bonnet d´âne. Vous êtes plus sots et plus aveugles que mon ancêtre Hibou Ricot, l´idiot du troupeau.
LE PEUPLE
certains se retournent vers lui et lui font les gros yeux : Toi, tu vas finir en saucisson !
Et l´âne s´arrête de parler.
L´histoire ne dit pas ce qu´a fait ou n´a pas fait le peuple à son voisin tant détesté.
Mais le lendemain on peut voir un panneau accroché sur le balcon du voisin.
Un grand panneau aux lettres rondes faites avec amour et determination.
Un grand panneau fait pour être vu de tout le monde.
Un grand panneau disant : " SARKO = FACHO".
Aucun de ses voisins n´en a fait autant.
Par contre, quelques jours après, le peuple va voter...