Il s’agit en fait d’une seule et même conception – seule, différencie ces deux notions, la violence de l’adjectif employé.
Concernant l’immigration, là aussi, nous revenons aux fondamentaux du système marchand (voir l’article « MARCHANDISE : LE RETOUR AUX FONDAMENTAUX »). Or, un retour aux fondamentaux, nous l’avons vu, dépouille le système de tout l’habillage qui pouvait lui donner un aspect « humain » ou plutôt, « humaniste » et laisse apparaître ce qu’il est en réalité : un système d’exploitation qui n’a qu’un seul et unique objectif : valoriser le capital.
L’immigration
ne fait pas exception car, qu’est ce que l’immigration ?
SALARIAT
ET IMMIGRATION
L’arrivée
d’immigrés dans un pays ne peut se faire que de deux manières, : soit ils
arrivent volontairement pour diverses raisons, politiques et économiques, soit
on les fait venir, généralement pour des raisons économiques – excluons le
déplacement forcé (commerce d’esclaves et/ou déportation).
La
saignée des guerres, et en particulier la 1er Guerre Mondiale et la
période des « Trente Glorieuses », gourmades en main d’œuvre,
illustrent parfaitement la manière dont les grands pays industriels ont, au 20e
siècle, fait appel à l’immigration pour compenser leur déficit en force de
travail.
La
démarche est tout à fait logique, quantitativement et qualitativement :
- quantitativement :
le manque de main d’œuvre dans l’agriculture en particulier, dans le 1er
cas, dans l’industrie dans le 2e ;
- qualitativement :
dans le 1er cas, l’immigration italienne essentiellement paysanne
remplace les paysans tués lors du conflit (la moitié des disparus étaient des
paysans), dans le 2e cas, les immigrés sont sans formation donc
adaptables aux besoins industriels du moment – travail à la chaîne.
Leur
présence ne va pas sans problèmes mais ceux-ci restent dans les limites
acceptables socialement et politiquement. En effet, même considérés comme des
concurrents, la situation économique est telle que chacun, et globalement… tout
le monde, « y trouve son compte » - l’exploitation politique de
« l’immigration » ne peut pas avoir lieu ou du moins demeure
marginale. Par contre, dès que les immigrés vont être moins utiles du
fait des restructurations industrielles et du développement de l’automatisation,
alors l’immigration va devenir un «problème».
Ainsi,
ce ne sont pas les immigrés qui font problème, mais les conditions
économiques et sociales du fonctionnement du système marchand.
UTILITARISME
ET HUMANISME
La
motivation du recrutement d’immigrés n’a donc rien d’humanitaire même si, par
omission, le système laisse planer cette croyance – il suffit pour s’en
convaincre de se souvenir de l’accueil fait aux réfugiés Républicains espagnols
à la fin des années 1930 et de l’accueil des immigrés dans les années 1950 –
indifférence dans le meilleur des cas.
L’immigré
est somme toute une « force de travail » et est considéré
comme telle. C’est une force de travail d’autant plus intéressante qu’elle
n’est pas chère et facilement manipulable.
Dans
un système d’exploitation tel que l’est le système marchand, le salariat ,
la main d’œuvre immigrée est doublement pénalisée :
- par
l’employeur lui-même qui l’embauche parce qu’il en a besoin et surtout parce
qu’elle permet de substantielles économies de coûts au regard du salaire des
nationaux ;
- par
les autres salariés qui peuvent voir, et voient souvent, une forme de
concurrence, ce qu’elle est, du fait des motivations des employeurs.
L’humanisme
à l’égard de l’immigré est donc une valeur parfaitement étrangère au système
marchand qui n’a pas plus d’égard au regard des « étrangers » que de
ses propres nationaux, sinon que ces derniers ont plus de droits donc plus de
poids dans un rapport de force.
Le
salariat donne le statut marchandise à la force de travail immigrée,
comme toute force de travail dans ce système : « j’ai besoin
j’achète, je n’ai pas besoin je ne prend pas ou je licencie ».
Tout
le discours pseudo humaniste du système est une pure hypocrisie ; le
système ne remettra jamais en question ses principes pour une simple question
morale.
LE
CYNISME DE L’IMMIGRATION CHOISIE
L’immigration
choisie à au moins une qualité incontestable, elle est sincère. Elle dit
exactement ce qu’elle pense : je te considère parce que tu m’es utile …
On ne peut pas être plus clair !
Le
drame, dans cette affaire, c’est que ce raisonnement fonctionne parfaitement
pour la plupart des individus. Ils trouvent tout à fait logique que l’économie
de leur pays choisisse les individus en fonction de ses besoins, ne voyant
absolument pas ce qui se joue de sordide dans cette pseudo « ouverture à
l’étranger ». Un tel comportement signifie que les mécanismes
d’exploitation et de ségrégation sont tout à fait intégrés par le plus grand
nombre, pour eux, comme pour les autres. D’ailleurs celles et ceux qui
adhèrent à cette solution sont tout à fait surpris quand on leur explique le
véritable sens de cette politique.
La
question serait sensiblement différente s’il s’agissait de rapport entre pays
sensiblement identiques quand aux richesses et aux conditions sociales. Or le rapport
d’immigration qui existe aujourd’hui se fait entre pays
« riches » et pays « pauvres »… et ce sont les
« riches » qui choisissent et leur choix est évidemment fondé sur
leurs propres intérêts. Ainsi, alors que dans les années 50-60 ils
« choisissaient » une force de travail déqualifiée, convenant
parfaitement au travail à la chaîne et autre processus de travail déqualifié
(systèmes aujourd’hui disparus ou délocalisés), ils choisissent aujourd’hui une
main d’œuvre très qualifiée ; ce faisant ils privent les pays
« pauvres » d’un potentiel de formation qui pourrait leur être utile.
L’écart
entre pays riches et pays pauvres va s’accroître, ces derniers se voyant
« siphonner » une partie de leur main d’œuvre formée au bénéfice de
pays riches.
Ainsi
le système marchand fait désormais les choses « proprement ». Au lieu
de procéder à un tri sur le territoire au risque d’exposer aux yeux du public
des drames humains inévitables dans ce genre de situation, il va procéder
préventivement et rationnellement en ouvrant généreusement ses portes à celles
et ceux dont il a besoin, assorties de mesures drastiques limitant le
regroupement familial (une force de travail n’a pas de famille c’est bien
connu !) et en laissant la misère loin des regards.
Les
intérêts sont assurés et les apparences sont sauves.
Patrick
MIGNARD
Janvier 2008
Voir
également les articles :
« MARCHANDISE :
LE RETOUR AUX FONDAMENTAUX »
« LE
FAUX HUMANISME DE LA MARCHANDISE »