Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





Crée le 18 mai 2002

Pour nous contacter : endehors(a)no-log.org



D'où venons-nous ?


Nos références
( archives par thèmes )


Vous pouvez nous soutenir en commandant nos brochures :

Les éditions de L'En Dehors



Index des rubriques

Les collaborateurs et collaboratrices de l'En Dehors

Liens

A noter

Recherche

Archive : tous les articles

Session
Nom d'utilisateur
Mot de passe

Mot de passe oublié ?

Gribouille capitaliste
L'ÉCONOMISTE MODERNE n'a que la bave de Futilité aux lèvres. Et pourtant l'on va voir qu'il sert contrefiche, car pour lui utile signifie solvable et monétaire. Rien ne montre mieux ses mensonges intéressés que les faux débats sur la durée du travail. Le capitaliste, justifié par l'économiste libéral, se bat pour l'extension de la durée du travail à tous les horizons de temps: journalier, hebdomadaire, annuel et sur toute la durée de vie du salarié. Élémentaire mon cher Watson; un des moyens de produire au moindre coût est de faire travailler davantage pour la même production, ce qui permet de diminuer les effectifs. D'où le slogan de Tsarkozy: travailler plus pour gagner plus, mais uniquement avec les heures supplémentaires. Évidemment, on pourrait travailler plus pour produire plus à salaire égal. Mais cette solution suppose que la demande solvable augmente; or elle ne le peut puisque les salariés ne gagnent pas plus ou guère plus avec les heures-sup. Quoi qu'il en soit, l'intérêt à court terme du capitaliste aux écus est de faire suer le burnous au maximum. D'où le grand succès des pays où il n'y a pas de limites légales à l'extorsion de surtravail non payé ou si peu.

Mais c'est de la politique de Gribouille à plus long terme. En effet, ce qui est ratiboisé par l'utilitarisme du capital c'est le temps libre pour faire autre chose. C'est aussi une méconnaissance profonde des technologies modernes qui permettent la gratuité du savoir et promeuvent l'économie non monétaire de la connaissance.
Car le temps libre, hors bagne industriel ou commercial, ce n'est pas seulement un temps de loisir où les émules du détestable esprit de Mai 1968 (Tsarko dixit) se livrent au stupre et à la fornication, à la drogue, au bistrot (c'est ce que disait déjà l'ordre moral il y a un siècle pour ces salauds d'ouvriers qui buvaient leur paye avec des dames de petite vertu). Le temps libre a une immense utilité sociale, mais un énorme défaut aux yeux des exploiteurs tels les capitalistes, les rentiers, les actionnaires et les politicards qui s'engraissent dans des sinécures: il n'est pas monétarisable. A quoi peut-il servir?
A se réparer, se reposer, se restaurer, à s'autosoigner après la journée de travail pour y revenir en meilleure forme, donc plus productif, ce qui est une revendication essentielle des patrons. Revenir à la journée de 12 heures de travail, à la semaine de 7 jours (on y vient avec l'autorisation annoncée du travail le dimanche), à la retraite à 70 ans ou à pas de retraite du tout (il y de nombreux pays < très compétitifs » qui y sont et font donc une concurrence déloyale, heureusement éliminée par les délocalisations) risque fort d'abaisser la productivité et la créativité et donc de revenir en boomerang dans la gueule enfarinée des patrons.
À éduquer, socialiser, former les enfants, donc les futures générations actives. Si leurs parents triment à mort et ne reviennent dans leur taudis que pour se jeter au pieu, gageons qu'ils n'éduqueront pas leurs enfants à la morale, même productiviste, qu'ils ne leur fourniront pas les compétences si utiles dans la « société de la connaissance ». Vous me direz qu'il y a l'école, mais celle-ci ne forme pas les tout-petits, n'éduque guère, notamment parce que le patronat veut une formation rentable, opératoire, utilitaire et non une éducation civique, morale et générale. Et puis l'école de masse est un coût insupportable pour le pays; donc il faut des écoles privées pour les riches parents et des garderies pour les enfants du peuple.
À s'occuper des vieux parents malades, plutôt que de les mettre à l'hospice. Donc augmenter le temps de travail, c'est pousser les vieux pauvres vers des mouroirs et offrir aux vieux riches de superbes maisons médicalisées très onéreuses et très rentables aux seules personnes âgées solvables. En même temps, s'il n'y a que de très vieux retraités, ces derniers ne pourront pas s'occuper de leurs petits-enfants, ce qui diminuera la disponibilité des travailleurs. Tant mieux disent les traditionalistes; enfin le retour des femmes au foyer. Ils oublient quelques détails: les femmes l'accepteront-elles? Et il y a la vieille loi d'airain des revenus, ex-salaires: il faudra de toute façon que le revenu du foyer permette la reproduction de la force de travail, donc le salaire restant devra être calibré à due proportion. Et, hélas pour le capital, s'occuper de sa famille ne donne pas lieu à des échanges monétaires. Il vaut mieux le faire disparaître grâce à l'augmentation du temps de travail.
À se former, à apprendre, à se cultiver à développer son savoir et ses compétences, ce qui, évidemment, bien que les patrons l'oublient, sert aussi à être plus performant, plus adaptable, plus imaginatif, plus communicatif. C'est le contraire du court-termisme si cher à la rentabilité financière immédiate. À moins que le capital ait seulement besoin d'esclaves vissés à une tache d'exécution répétitive. Ce serait fort peu compatible avec les aspects désormais largement immatériels et cognitifs de la production moderne. Et il y a un risque: que les travailleurs, voyant que leur savoir leur permet de gérer aussi bien que les patrons et les ingénieurs, pourraient bien se mettre à créer des coopératives et se passer d'eux; ou encore s'organiser pour revendiquer... C'est pourquoi le patronat a toujours milité pour le minimum de formation générale et surtout tient à l'ignorance du plus grand nombre. Ce qui est contraire au principe de justice du libéralisme utilitariste: faire le bonheur du plus grand nombre.
À faire des rencontres, à communiquer, à échanger des idées, à « frotter sa cervelle contre celle d'autrui »; ce qui développe l'imagination, stimule la créativité, rend apte à la discussion, procure des idées que sans cela le travailleur n'aurait pas eues. Oh, la, la! Et si ces salauds en profitaient pour se bourrer le mou de pensées démocratiques, républicaines, solidaristes ? Tout ça n'est pas très « corpo » (on peut fluidifier les relations sociales avec une mentalité corpo chez les partenaires sociaux), pas très atomisant et favorable au bon vieux «diviser pour régner».
À être solidaire des autres, à s'investir dans des associations, à faire du bénévolat, toutes choses qui développent le lien social et sont nuisibles à l'individualisme consumériste et ostentatoire que propage la publicité pour vendre d'inutiles produits « dernier cri ». La réduction du temps du travail est un immense danger pour le capital. Les loisirs peuvent servir à utiliser « son temps de cerveau disponible » dans des actes contraires à l'atomisation individualiste du salariat et à la compétition par la consommation. Mais cela présente un énorme défaut aux yeux presbytes du patronat (presque bites, car le capital a les yeux de cette forme): ce n'est pas monétarisé, financiarisé, vendable.
À faire de l'autoproduction (potagers, bricolage, repas faits maison, ménage, etc.) en vue de l'autoconsommation familiale ou entre amis et voisins, à renforcer les relations de voisinage et de proximité. Heureusement, avec le travail à 18 heures par jour, le ménage ne pourra plus être fait et l'on reverra les taudis, la mort des bébés victimes de l'insalubrité et des maladies comme la tuberculose, ce qui diminuera le nombre de travailleurs disponibles. Et la mort du bricolage, outre la mort des boîtes comme Leroy Merlin, entraînera la disparition d'une source d'invention. Combien d'idées sont issues de bricoleurs du dimanche à la sauce concours Lépine? (C)Ouille dans le capital: on n'irait plus tout le temps se faire arnaquer dans les supermarchés. Ça ne produit pas, là encore, de la demande monétaire de biens ou de services. Pensez donc: ces salopards d'oisifs pourraient même en profiter pour monter des systèmes d'échanges locaux avec leur propre monnaie d'échanges de services! Et tout cela est gratuit, ô horreur!
À faire de l'innovation gratuite comme les logiciels libres (comme Linux et à l'origine Napster), à faire circuler des idées et inventions entre internautes, à augmenter la connaissance socialisée stockée sur les fichiers informatiques ouverts à tous et que chacun peut renforcer. Mais c'est gratuit et, en outre, la porte est ouverte au piratage et à la violation des brevets et droits d'auteur.
À faire ce que le capital a gratuitement reporté sur les personnes: retraits bancaires automatiques, tri des déchets ménagers, libre service dans les hypermarchés, etc. Si on n'a plus le temps de le faire, le capital ne pourra plus supprimer les emplois correspondants et bénéficier de ce travail gratuit.
À se rendre dans la nature au lieu d'être vissé devant sa télévision; ce qui fera prendre conscience à tous que le capital chimique et l'agriculture productiviste ont détruit l'environnement et la diversité des espèces.
À voyager pour aller à la rencontre d'autres cultures et ainsi s'enrichir mutuellement tout en favorisant l'industrie aérienne, enrichissement mutuel lui-même source d'innovation et de diversité.
Etc. Voilà autant d'exemples de l'énorme utilité sociale et gratuite du temps hors travail; du reste ce temps est déjà exploité par les entreprises: télétravail à domicile et disponibilité totale du travailleur une fois rentré chez lui, en rendant indistincts les temps de travail et de loisirs, à grand renfort de portables en tout genre.
Comme il vient d'être concrètement démontré, l'enjeu du temps de travail n'est pas seulement économique. Il relève aussi d'une conception des rapports sociaux, de l'utilité sociale, des projets de vie. L'individualisme se nourrit de son augmentation alors que la solidarité et la coopération exigent sa diminution. Les intérêts à court terme du capital sont tout à fait contraires à ceux de long terme du salariat, des familles, de la société. Revenir au temps de travail du XIXe siècle est donc un des moyens de restaurer une société sans solidarité. Est-ce bien raisonnable au XXIe siècle quand le savoir, l'échange, la rencontre, la discussion sont devenues les « forces productives » gratuites les plus importantes dans l'économie planétarisée? Eh oui, M. Tsarkozy, vos idées sentent le rance, le vieux, la régression (et non la rupture). Votre modèle de société est très clair: il faut en revenir à la toute-puissance du patronat. Avec vos excellents liens avec le Medef, vous êtes en bonne
voie.

Jacques Langlois

Le Monde libertaire # 1499 du 20 décembre 2007
Ecrit par libertad, à 09:01 dans la rubrique "Economie".



Modèle de mise en page par Milouse - Version  XML   atom