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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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Figures de la marche : La deuxième vie de Samira
Lu sur Macité femmes : "Elle a de grands yeux gris bleus. Son sourire est plein, très présent, désarmant.Elle, c'est Samira Bellil, médiatisée depuis la sortie de son livre, de son histoire, "Dans l'enfer des tournantes". Violée en réunion à deux reprises par des gars de sa cité, Samira a quatorze ans. Elle est victime d'un troisième viol collectif à dix-sept ans, marginalisée par les siens, lâchée par les institutions. Quinze ans plus tard, à vingt-neuf ans, la jeune femme témoigne, "pour les petites". "Pour qu'on commence à s'inquiéter d'elles, qu'on voit ce que nous, jeunes filles, vivons dans les cités."

Après l'isolement, la médiatisation. A tel point que, lorsque son livre est sorti, en octobre 2002, Samira avait peur des réactions. Mais il faut dire qu'on a exigé d'elle le déni ou la victimisation sauce voyeuriste. "Pendant des années, autour de moi, on me disait : qu'est-ce que tu racontes ? Les jeunes ou les vieux, tous étaient dans le déni." Alors, plus tard, elle décide de témoigner chez Delarue. Mais là encore, ça ne convient pas. "J'étais venue parler des viols collectifs, et ils n'ont pas voulu, sous prétexte que ça allait choquer, on allait me traiter de raciste… Et je ne voulais pas non plus montrer une Samira qui pleure, ça ne m'intéresse pas."

Ecrire pour vivre
C'est avec sa psy qu'elle s'est progressivement reconstruite. C'est elle aussi qui l'encourage à écrire un livre. Au départ, écrire pour soi. Plus tard, elle ira voir si son "histoire pouvait intéresser". "Pendant un an, j'ai gratté huit heures quotidiennes, un vrai cadre de vie, et je t'alignais dix à vingt pages par jour" Dans cette expérience inédite, Samira est aidée par une autre psy, qui lui fait ré-écrire des passages peu compréhensibles, lui corrige les fautes, la guide. "C'était très important d'être lucide, et de montrer que je l'étais. Parce que généralement, quand les gens souffrent, on met ce qu'ils disent sur le compte de la souffrance et de la haine. Ce que je dis est lucide, ça fait quinze ans que je réfléchis dessus, alors faut pas me taxer de vouloir donner une mauvaise image ou me dire que je ne sais pas de quoi je parle !"
Le ton est plus ferme, mais le décibel n'a pas bougé. Contraste avec celle qu'elle était avant, celle du livre et des violences. "Je me comportais comme un mec. J'ai eu beaucoup de mal à me sortir de cette pression, je niais ma féminité et il m'a fallu beaucoup d'efforts pour comprendre le mécanisme, le désamorcer." Alors, à travers son histoire, Samira veut aussi plaider pour les gamines. "Moi, je ne faisais pas partie des filles bien. Je ne faisais pas d'études, je fumais le bédot en bas avec les gars… Alors, j'ai voulu parler des filles qui michtonnent, qui font les 400 coups, je voulais mettre en lumière ces filles qu'on traite de putes, de filles faciles… Celles qui se maquillent, qui ne vont plus à l'école. Il me semblait important de les défendre." Un an pendant lequel elle replonge complètement dans ce passé. "Le temps d'écrire mon bouquin, je me suis sentie victime. Avant on ne m'en donnait pas le droit, on ne me regardait pas en tant que tel, je ne comprenais pas ce que c'était, une victime. Même au bout de cinq ans avec ma psy, les choses ne sortaient pas, je n'en voyais pas l'utilité. Et puis, il y a eu tellement de négligences dans ce dossier, que tu n'y crois plus."
Un livre, alors. "Pour moi, c'était un défi d'arriver à ça. J'ai quitté l'école à 15 ans." Un défi, pas un règlement de comptes. Ce qui importait, c'était mettre des mots sur les choses, les sentiments. La rédaction, douloureuse, a été libératrice. "Je savais déjà ce que je devais écrire, tout était dans ma tête. Mais ça a été très violent, très douloureux. Mon corps en a encore pris un coup, j'étais très malade. Certaines personnes ne se rendent pas compte du pouvoir de mots, je ne croyais pas que c'était aussi libérateur !"

Témoigner de l'insupportable
Aujourd'hui, Samira est sortie de tout ça. "Je ne me définis plus comme victime, c'est très important, c'était ça mon objectif quand j'ai commencé à faire ma thérapie." Elle fustige, au passage, le discours ambiant qui dit qu'une victime le restera toute sa vie.
Cette énergie, elle l'a trouvée, exploitée aussi grâce à la lecture d'un ouvrage, Le merveilleux malheur, de Boris Cyrulnik. "Il faut faire un travail thérapeutique avec la bonne personne, si on fournit cet effort, c'est possible. Et moi, quand on me dit que c'est possible j'y vais." Et ajoute : "et quand on me dit que c'est impossible, j'y vais quand même." Elle rit. Pourtant, elle regrette de ne pas pouvoir aller parler de son histoire, de son livre en banlieue. "Qui me protège ? Et puis, je n'ai pas envie d'essuyer les vannes à deux balles des petits mecs."
La banlieue, Samira y vit toujours. A Saint-Denis. "Moi, ça me gonfle, mais je garde certains réflexes, je baisse les yeux pour avoir la paix." De tout ça elle aimerait sortir aussi. D'ailleurs, elle se découvre d'autres attirances. "Les cailleras, je ne supporte plus, j'ai avancé. Je commence à être attirée par les gentils, les intellos, les gars bien." Elle sourit. Et évoque la notion d'affectif, trouble, quand elle était plus jeune. "On prend ce qu'il y a à prendre, on ne se dit pas qu'on peut faire un choix et dire non. La plupart des jeunes filles se disent qu'elles ne peuvent pas être plus exigeantes. Ça a été mon cas pendant longtemps."
Elle, elle a rencontré Jaïd, un caïd de la cité, à Garges-les-Gonesses à treize ans et pensait avoir trouvé l'amour. Sauf que Jaïd, pour se satisfaire, l'emmène dans la cave. Samira devient une "fille à cave", une "taspé". Réputation vite faite pour une fille qu'on massacre à coups de pieds et de poings avant de la violer, quand même. Histoire d'éteindre le dernier effort de résistance.
"Aujourd'hui, tout est réglé, les choses sont rangées. Mais je suis en colère par rapport à ce que j'entends, ce que je vois." Elle évoque le procès de Pontoise, et certaines des femmes couvrant la victime d'insultes. "Maintenant, je la ramène pour ces filles-là. C'est ma forme de militantisme." Un militantisme qu'elle a réussi à faire partager à sa mère, qui la soutient, aujourd'hui. "Elle a grandi avec moi. Mais ça lui a pris du temps, beaucoup de temps pour comprendre. Elle est même parfois plus virulente !"
Samira met en cause le poids de l'éducation subie, quand on est fille. Mais avec ses sœurs, sa mère a agi autrement. "Elles n'ont pas du tout eu la même vie que moi, et font des études." Avec le père, qui avait violemment réagi, rien n'a été dit. "C'est toujours de la pudeur, encore aujourd'hui, mais ce qui reste, c'est l'amour. Moi j'ai pas le temps de ressasser, j'ai eu suffisamment d'années pour ça. Aujourd'hui, j'ai fait ce que j'avais à faire, je suis bien avec moi." D'ailleurs, elle ne manque pas vraiment d'envies, entre l'écriture d'un nouveau livre et celle d'un one (wo)man show autour des filles et des banlieues. "Il y a beaucoup de choses à dire sur la manière dont on vit, sur la façon dont les mecs se comportent, à notre égard, entre eux… Je veux faire de tout ça une énergie positive et drôle. J'entame une deuxième vie."

Laurence Wurtz"
Ecrit par libertad, à 22:33 dans la rubrique "Le privé est politique".



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