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L'En Dehors


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Culture libertaire - Combo Quilombo : Blues not dead !
Lu sur A voix autre : "Combo Quilombo, la bande-son idéale pour en finir avec l’exploitation de l’homme par l’homme. Un bon plan musique sans droits d’auteur à télécharger et à écouter sans modération. La révolution sera aussi artistique.

Combo Quilombo, quatuor de blues, puise dans la musique noire une force de rébellion. Entretien avec Pascal, un des auteur-chanteur-guitariste-compositeur du groupe.

- Peux-tu présenter le projet, en revenant sur sa genèse ?
- Il s’agissait dans un premier temps d’enregistrer une poignée de chansons de lutte ou « chanson-tract », abordant des thèmes comme le salariat, l’exclusion ou la liberté de circulation, par exemple, à travers des situations de la vie quotidienne. Comme on est aussi musicien, on y a glissé quelques instrumentaux, électriques et acoustiques.

- Et qu’est-ce que tu entends par « chanson-tract » ?
- La chanson-tract est un concept intéressant dans la mesure où il induit le don, l’offre, c’est-à-dire la gratuité en esquivant tout rapport à l’argent. L’idée principale était de mettre ces chansons à disposition de tou-te-s, pour des compils de soutien, ou les sound-system, les bandes son de concerts, de manifs ou de tables de presse. Donc, sans Sacem [1], ni droits d’auteur !

- Le titre du premier morceau de l’album fait écho au « Tout pour tous, rien pour nous » zapatiste [2] et dans RATP, on entend quelques notes de « A las Barricadas » [3], pourquoi ces allusions musicales ?
- Parce que nous nous inscrivons dans une histoire de lutte ! Personnellement, j’éprouve un réel plaisir à faire résonner ces notes aujourd’hui. Bien évidemment pour ce qu’elles représentent, mais aussi plus simplement parce qu’elles sont belles ; nos idées sont belles et elles ne demandent qu’à être partagées... A nous de les faire entendre. Personne ne le fera à notre place ! C’est la raison pour laquelle le mouvement la « réappropriation de la mémoire » qui mobilise tant d’énergie en ce moment en Espagne [sur la guerre civile de 1936-1939 et ses conséquences. NdAVA] ] [4] qui me semble si important.

- Tu te sens impliqué ?
- Et comment ! Je suis en train de mettre la dernière main à une traduction d’une des oeuvres d’Eduardo de Guzmán qui raconte les 3 premiers et les 3 derniers jours de la guerre d’Espagne [5] : « La Mort de l’Espérance ».

- Vous êtes tous militants, dans le groupe ? D’ailleurs, d’où vient-il, ce groupe ?
- Tout le monde n’est pas militant dans le groupe, mais tout le monde a bénévolement mis à la disposition de ce projet son énergie, son temps, son matériel et son talent et quand je parle du « groupe », je veux parler du groupe au sens large en incluant notre « webmaster » sans qui notre projet n’aurait jamais gagné sa dimension « internautique ». Elle est fondamentale, puisque c’est justement elle qui met les morceaux à disposition de (presque) tou-te-s.

Pour répondre à ta seconde question, on s’est rencontré à Niamey, au Niger et c’est là-bas, au club Masaki, qu’on a enregistré les titres, en trois jours, en prises directes et sans retouche. Nous sommes belges, béninois, français et nigériens, ce qui ajoute une véritable dimension internationale à notre combo.

- Est-ce qu’on peut dire que c’est un groupe virtuel, vu qu’il existe essentiellement à travers le site web ? Aura-t-on l’occasion de vous voir en concert un jour, pour ceux qui n’étaient pas au club Masaki ?
- Non, on ne peut pas encore dire que Combo Quilombo soit un groupe « virtuel ». On envisage d’ailleurs un tournée pour cet été avec plusieurs dates, à commencer par celle d’un grand festival de blues du sud-ouest de la France, si on arrive à obtenir des financements pour les billets d’avion et les frais de séjours de tous les musiciens et surtout... les visas pour Karim et Emmanuel.

Pour répondre à ta question sur le site, je dirais qu’il est plus un prolongement de l’album. Tu vois, outre tous les titres à télécharger (gratuitement !), ainsi que des inédits, des photos, des vidéos de concert, les textes des chansons et leur présentation, on y a mis aussi des liens, des analyses et des idées sur des thèmes de société qui nous semblent importants (la lutte anti-fasciste, la technoscience, les transports gratuits, l’ordre sécuritaire...) ainsi que des tracts et des affiches. Attention, ce n’est pas un site d’information ! Juste une sorte de « table de presse virtuelle », un espace « libre et gratuit » qui complète nos chansons. L’idée principale étant toujours de tout mettre à la portée de tou-te-s !

- Pourquoi le nom « Quilombo » ?
- Depuis le XVIeme siècle, où l’esclavage a été intégré à l’industrie, des femmes et des hommes ont fui leurs conditions d’existence (et de travail !) pour essayer de construire un « autre futur »... Au Brésil, dans l’immensité de la forêt amazonienne et bien que de façon précaire, certain(e)s ont pu se retrouver et s’organiser pour construire un monde libre, ou tout au moins libéré de la servitude de l’exploiteur. On les appelait « Quilombos » au Brésil, mais aussi « mocambos », « îlets à cordes » ou « cabildos » ailleurs. C’est pour cette idée à la fois de laboratoire social et de refus de la servitude (notamment salariale !) que ce nom a été retenu.

- C’est pour ça aussi que vous faites du blues, musique d’esclaves par excellence ?
- Euh, oui. Disons que ce nom fait parfaitement le lien entre d’un côté, le contenu social des textes et de l’autre, la musique qu’on joue par affinité. Disons pour être plus juste, qu’on essaie de s’exprimer en jouant du blues parce ça nous plaît et qu’il se trouve que ce courant musical s’inscrit dans un courant de lutte historique que nous revendiquons et que nous tentons par notre démarche de réhabiliter.

- Y a-t-il un autre disque de prévu ?
- Peut-être, comme « Entr’aide » a été plutôt bien accueilli dans le monde du blues-francophone, on s’est senti encouragé. Il faut qu’on voit dans quelle mesure on pourrait enregistrer un nouvel album, peut-être l’année prochaine, avec toujours du « Blues Radical » mais aussi plus de métissage dans la musique.

- Tu parlais de la Sacem, en disant que vous n’étiez pas adhérents. C’est un refus de voir la création comme une marchandise ?
- Exactement ! Tout pour tous ! Tu connais ce slogan zapatiste, n’est-ce pas ? Nous l’avons repris pour l’instrumental qui ouvre l’album. Tu l’auras compris, la gratuité est un des piliers de ce projet et le site en est le vecteur : tout est en libre service ! La gratuité est un puissant levier dans la mesure où non seulement le don empoisonne le capitalisme, mais en plus elle permet de se questionner : Pourquoi est-ce qu’on travaille ? A quoi ce travail nous donne-t-il accès ? Qui produit les richesses ? Pour qui ? Dans quelles conditions professionnelles, sociales, environnementales ? Qui choisit la production ? En fonction de quoi est-elle déterminée ? Comment est-elle répartie ? Quel est le rôle des services publics ? Et si tous nos emplois étaient des « services publics » ? Et si tout était gratuit ? En fin de compte, elle nous fait nous interroger sur la place qu’on occupe dans le monde dans lequel on vit... Bien sûr qu’on ne veut pas que la création devienne une marchandise. Création et profit nous conduisent tout droit au marketing et au formatage de la culture. C’est la fin de la diversité culturelle. C’est une logique de mort. Nous nous inscrivons au contraire dans une démarche de réappropriation de la culture. Si effectivement on chante « Tout est à nous » ou « Tout pour tou-te-s », alors il faut qu’on se débrouille pour mettre concrètement cette culture à la portée de chacun-e, à plus forte raison lorsqu’on essaie de forger des outils de lutte ! Internet, même si tout le monde n’est pas connecté, nous en donne les moyens... Et pour finir de répondre à ta question, dans un souci de cohérence, on serait bien malvenus de chercher à faire du fric avec des chansons qui prônent la disparition de l’argent... !

 

Si vous n’êtes pas des professionnels, vous faites quoi d’autres dans la vie ?

C'est vrai, on n'est pas tous des professionnels de la musique dans le groupe, mais certains le sont... on bosse tous à côté ! C'est la raison pour laquelle, cet album est véritablement une création militante, car chacun y a mis ce qu'il pouvait, en fonction de ses moyens (car bien que gratuit par volonté, cet album a néanmoins un coût) et toujours en plus de ces heures de travail !



[Propos recueillis par Bastien – CNT Culture Spectacle] dans « Le Combat syndicaliste » de la CNT de juin 2007.

http://comboquilombo.online.fr/

Contact : comboquilombo@free.fr









Notes

[1] Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques. Organisation française qui veille au respect des droits d’auteur. NdAVA

[2] Né en 1997, le mouvement zapatiste né au Chiapas, Etat du Mexique, souhaite que les peuples indigènes puissent s’autogérer et milite pour le respect des ressources naturelles. Une armée insurgée, l’EZLN, défend ce mouvement contre les troupes officielles. NdAVA

[3] Chanson phare de la Révolution sociale espagnole 1936-1939

[4] La société civile espagnole a entrepris un travail de mémoire sur la lutte antifasciste menée contre Franco à partir de 1936 et sur la Révolution sociale, très fortement imprégnée d’idées libertaires, qui y est liée jusqu’à son écrasement en 1939. NdAVA

[5] 1936-1939. Confère note précédente

Ecrit par libertad, à 21:36 dans la rubrique "Culture".



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