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L’ambiance : une recette de Jean-Pierre Pernaut qui permet de compléter le « menu du jour » qu’il concocte propose quotidiennement sur TF1. (Voir : CPE : La tambouille de Jean-Pierre Pernaut sur TF1 (20 et 21 mars) )
I. Lundi 27 mars 2006 : en prévision du « mardi noir »
Jean-Pierre Pernaut commence « son » journal, par « les prévisions météo d’Evelyne Dhéliat qui nous revient en pleine forme » : « Les températures étaient douces ce matin, comme elle. [...] ».
« Et pour commencer ce journal, un projet qui va changer quelque chose d’important dans notre vie quotidienne », déclare JPP, reportage à la clé - « Un permis de conduire commun aux pays européens » - suivi de cette transition : « A propos de notre vie quotidienne : le médiateur de la République Jean-Paul Delevoye, vient de remettre son rapport. ». [...] Jean-Paul Delevoye souligne [...] l’empilement des textes et des paperasses [...] » [la « paperasse » est l’un des adversaires prioritaires du défenseur de « notre vie quotidienne »]. Ainsi est introduit un reportage qui, partant de l’exemple d’un litige entre un administré et l’Administration, soulève cette question qui hante l’actualité : « Qui est le médiateur de la République ? »
Après ces 4 minutes et 15 secondes consacrées à « notre vie quotidienne » (sans coupure publicitaire...), JPP enchaîne : « Et venons-en maintenant à la crise provoquée par l’adoption à l’Assemblée du Contrat Première Embauche ». Venons-en du même coup à quelques fragments du journalisme d’illustration.
Diagnostic : « Un mouvement toujours aussi fort [...] alors que les examens ne vont pas à tarder à commencer [sic]. » Ce n’est pas tout : Pernaut a aussi remarqué que « la tension est de plus en plus vive », et l’illustre par des incidents opposants grévistes et non grévistes, avant de poursuivre : « Avant de parler de la journée de manifestations de demain [...] l’atmosphère dans l’une de ces universités ce matin ». Reportage d’accompagnement : « CPE : ambiance à l’université de Lyon 2 ».
JPP : « [...] Certains étudiants souhaiteraient que le mouvement soit encore plus dur ». Et de « constater », dit-il, que les organisations étudiantes semblent « persuasives » puisque... les collèges sont touchés. Et quelques phrases plus loin : « Venons-en maintenant » aux grèves : « La plupart des organisations ont appelé à des grèves dures (sic) », décrète Pernaut, avant d’égrener la liste des secteurs qui risquent d’être « touchés ».
Ainsi est introduit le reportage suivant : « CPE : mardi noir sur l’hexagone ». Un reportage dont l’ouverture ne laisse aucun doute sur son propos : « Pas de doute ça va être la galère, à commencer par les transports en commun ». Suit l’exposé, sous cet angle, des préavis de grève. Puis : « Enfin, vu que 135 manifestations sont prévues [...], la circulation sera neutralisée dans les centre villes : embouteillages garantis. [...] Autre secteur touché : l’Ecole [...]. Enfin, évitez toute démarche administrative demain [...] » Bref, comme d’habitude, les « usagers » sont alertés et prévenus. Mais aucun salarié, aucun représentant des syndicats qui appellent à la grève ne sera, même fugitivement, interrogé sur leurs motifs. Curieux, non ?
Après ces 4 minutes et 30 secondes consacrées aux préparatifs du « mardi noir », il est temps de passer à autre chose : « A l’étranger maintenant [...] » : « Jérusalem : réactions à la veille des élections ». Après quoi, les téléspectateurs ont droit au fourre-tout habituel pour 30 minutes, environ [1] qui s’achève sur « L’art de la pêche à pied dans le Finistère » et « la découverte d’un refuge dans les Hautes-Alpes ».
Sur les enjeux de la mobilisation, rien. Ou seulement
quelques phrases qui entrecoupent à toute vitesse le (petit) flot des
reportages d’ambiance. Mais, c’est promis, après la grève et les
manifestations du lendemain, il sera temps de partir à la pêche dans le
Finistère ou de chercher un refuge dans les Hautes-Alpes.
Mardi 28 mars 2006 : le « mardi noir » à mi-journée
En ouverture, comme d’habitude, les prévisions météo, et : « Et d’abord, bien sûr, cette nouvelle journée de mobilisation des syndicats et des organisations syndicales contre le CPE. Il y a des perturbations un peu partout ce matin, mais moins que prévues cependant [...] Et comme chaque fois qu’il y a des grèves dans l’Education Nationale, c’est un peu la galère pour les parents ». Suit un reportage réalisé à Villeneuve d’Asq : « Jour de grèves, les parents s’organisent pour faire garder leurs enfants ». Quelques témoignages anecdotiques, et cette conclusion : « Dans l’ensemble, malgré les désagréments, les parents soutiennent le mouvement anti-CPE ». Ouf !
Puisque dans les Ecoles comme ailleurs, les perturbations sont « moins importantes que prévues », il aurait suffi de le dire. Mais que faire des reportages commandés la veille ou le matin même ? Il faut donc continuer...
« [...] C’est la quatrième journée d’action intersyndicale contre le CPE. Toujours lié à ce qui se passait ce matin dans les Ecoles - c’est le plus important - autre exemple de ce qui se passait ce matin dans une commune d’Eure-et-Loir » Reportage : « Grèves : les enseignants suivent le mouvement ». Résumé : tout se passe bien.
Et l’on enchaîne... « En tout cas, on l’a constaté, il y avait eu rarement autant d’appels à la grève », déclare JPP qui en fournit rapidement une longue liste avant de proposer, pour évaluer les « perturbations » dans les services publics, : un « Petit tour des services publics en grève à Nantes » : un reportage qui recueille de témoignages et dans lequel on entend, mais très fugitivement : « Ils font grève, il faut respecter le droit de grève. On fait savoir qu’on n’est pas content. On est très mécontents du gouvernement ».
« Et comme d’habitude à chaque fois qu’il ya un tel mouvement, c’est dans les transports en commun que l’on mesure l’impact d’une grève ». Conclusion d’un « petit tour » verbal des « perturbations » : « Pas trop de problèmes parce que les usagers avaient pris leurs précautions », déclare l’oracle avant de proposer selon sa propre expression, « un petit tour de Paris » : « Les transports en commun parisiens ralentis par la grève ». Tournée qui n’omet aucun moyen de transport (les péniches exceptées...) - trains, avions, métros et bus -, avec l’échantillon habituel de réactions de passagers. Et Pernaut de tirer la leçon de ce « petit tour de Paris » : « Assez peu de perturbations dans les transports, c’est vrai, ils ne sont pas concernés du tout par le CPE ». Une semaine auparavant (lire notre article), Pernaut nous avait prévenus : « La CGT de la SNCF qui n’est pourtant pas du tout concernée par le CPE a déposé un préavis de grève nationale pour le mardi 28. ». Pas assez corporatistes les cheminots, et tous célibataires sans enfants !
A peine Jean-Pierre Pernaut vient-il de défendre sa conception de l’intérêt général, que, sans reprendre son souffle, il choisit ce moment de grâce pour insérer à toute vitesse de brèves informations sur l’état du conflit proprement dit :
« Pour tenter de désamorcer la crise, le Premier Ministre avait proposé une nouvelle rencontre demain aux principales organisations syndicales. Il acceptait de discuter sur deux aménagements possibles du CPE : sa durée et les conditions de rupture des contrats. Eh bien, pas question de discuter ont déjà répondu la CGT, la CFDT et Force ouvrière qui n’iront pas à cette réunion de Matignon. Les syndicats veulent un retrait total de la loi et Dominique de Villepin a répété ce matin que s’il acceptait de discuter, il n’était toujours pas question de retirer ce texte. » Ces informations livrées au pas de charge (en moins de 30 secondes : essayez !) suffisent. C’était la séquence politique du journal...
Les « petit tours » peuvent reprendre immédiatement : « En attendant, à côté des grèves, il y a aussi des manifestations [...] Beaucoup de monde dans les rues [...] Deux fois plus de manifestants en général. »
Et après nous avoir proposé le « petit tour de Paris », puis un « Petit
tour des services publics en grève à Nantes » (bis), JPP annonce
(ter) : « Petit tour de France avec nos correspondants ».
Le reportage qui suit souligne fortement l’ampleur de la mobilisation
et la détermination des manifestants. Et Jean-Pierre Pernaut de
résumer : « Deux fois plus de manifestants en général
que la semaine précédentes qu’ils s’agisse des chiffres donnés par les
préfectures ou de ceux des syndicats : des chiffres que je ne vous donnerai pas car ils sont très différents donc n’ont pas d’intérêt » S’ils avaient été plus faibles, n’auraient-ils pas eu plus d’intérêt ?
Et hop, on passe aux facultés - « Des facultés où l’on s’organisait ce matin. A Metz par exemple ». Une fois achevé le reportage ad hoc, Pernaut enchaîne : « A Paris la manifestation débutera dans un peu plus d’une heure.[...] »,. Mais comme, « on craint que des bandes de casseurs se mêlent au cortège », le dernier reportage vient, fort à propos, clore la série : « Contrôles renforcés pour éviter les échauffourées dans les défilés anti-CPE ».
Fin du simulacre d’exhaustivité et de proximité qui mêle informations et anecdotes.
« Deuxième grand titre aujourd’hui dans l’actualité ; les élections en Israël » dont les enjeux sont présentés dans le reportage qui suit sous un « angle » très éclairant : « Les élections israéliennes vue par un ancien colon ». A quoi succède le « bric-à-brac » quotidien [2]. Bilan : environ 14 minutes sur un journal d’une durée totale 40 minutes auront été consacrées aux mobilisations contre le CPE. C’est malgré tout un record. Mais sur ces 14 minutes, 8 minutes sont consacrées aux effets (néfastes) de la grève pour les « usagers » et 6 minutes aux manifestations.
Les seules informations sur le sens et les enjeux du
conflit n’ont été livrées qu’en quelques phrases insérées fugitivement
et débitées à un rythme tellement accéléré que c’est à peine si les
téléspectateurs pouvaient en saisir le sens. Mais au passage, on aura
appris :
- que les salariés des transports ne sont pas concernés par les
mises en cause du droit du travail pour eux-mêmes et leurs enfants ;
- que les chiffres du nombre de manifestants ne méritent aucune
mention, à la différence de tous les autres chiffres que JPP distille
habituellement sans le moindre recul surtout s’ils sont fournis par les
Ministères.
Jean-Pierre Pernaut ne livre que des informations qui, pour lui, ont un sens. Un « bon sens », bien sûr, puisque c’est celui de Jean-Pierre Pernaut.
Alain Thorens
[1] Liste des reportages mentionnés sur le site de TF1 : « Santé : la Corse fortement touchée par la grippe » - « Santé : lutter contre les douleurs liées aux traitements » - « Retraites : les personnes invalides pour une refonte de la loi » - « Des habitants du Finistère exaspérés par la gendarmerie » - « Contre la démolition de l’église d’Arc-sur-Tille en Côte-d’Or » - « De nouveaux commerces à Viverols dans le Puy-de-Dôme » - « Rencontre avec les camelots de la Foire de Lyon » - « Course à l’ouverture des paillotes à la Grande-Motte » - « Nouvelle saison pour les passionnés de pétanque » - « Rendez-vous 50 ans après pour d’anciens élèves Haut-Marnais » - « L’art de la pêche à pied dans le Finistère » - « A la découverte d’un refuge dans les Hautes-Alpes ».
[2] Liste des reportages mentionnés sur le site de TF1) : « Deux escrocs à la carte bancaire arrêtés à Tours » - « La communication Internet au service des enfants hospitalisés » - « Automobiles : la mort programmée de la roue de secours » - « Angoulême : la capture des chats errants pose problème » - « Le boom des vacances à la ferme » - « Les risques des grandes marées dans la baie du Mont-Saint-Michel » - « Un couple du Cannet fête ses 70 ans de mariage » - « Les années 60 de retour sur scène » - « Lille : des rues transformées en galerie d’art » - « Le seigle de retour sur les toitures de l’habitat rural du Limousin ».
Commentaires :
panik |
rien de nouveau dans la petite lucarne.Tout le long du dernier conflit, l'ensemble des chaînes publiques et privés (hertziennes) n'ont pas brillées par leur indépendances et leur impartialité. TF1 étant dirigé par qui on sait, rien d'étonnant, par contre les autres, celles qui sont financées par le public ont été dans une autre mesure, autant si ce n'est plus dans le camp du pouvoir. Dernier fait en date l'état de certaines facs suite aux occupations par les étudiants. Pour sur qu'il y a quelques rénovations de peinture, (tous cela fera marcher les petites entreprises adeptes du CNE et partisanes du CPE, ils vont pas se plaindre), mais la façon dont l'info a été présentée et commentée donnait tout à penser, que les occupants durant les grèves ont totalement détruit les salles de cours, les seules images montrées(toutes les mêmes) faisait penser à des friches industrielles tagées et ravagées, pourtant lors des reportages traitant des AG malgré les querelles et débats vifs ont voyait pas voler les chaises à travers les airs.
Breton annonce quelques 100.000 euros de dégats par université, tout cela est démenti par les présidents de celles ci et même par ce couillon de Robien. Dans tous les cas l'info rapportée était exagérée j'ai éteint la télé, comme à chaque fois que je sens le mensonge poindre son nez. Donc les étudiants occupants sont des vandales, la marine nationale suit l'exemple, puisqu'ils ont foutu au fond de l'océan un sonar qui coute la bagatelle de 3 millions d'euros! mais on a pas les images! Secret d'état! Une petite consolation avec le 20ème anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, le traitement de l'info fut tel à l'époque, que hors récit des évènements, le mensonge d'état devient omniprésent dans tous les reportages qui sont consacré à ce drame. Il faut donc attendre 20 ans pour que les télévisions réagissent dans leur ensemble, pour nous informer sainement, comme c'est leur mission. Sauf TF1 qui à ma connaissance ne consacre pas d'émission particulière pour l'anniversaire de ce terrible accident, peut être à 3h du matin aprés les redifs et la chasse aux lapins à 3 oreilles et 6 pattes en Biélorussie. Bien à vous, éteignez vos télés, ou bien changez de chaîne. Panik Répondre à ce commentaire
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à 11:08