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Quand j’étais
petit, mon grand père me racontait des histoires, des connues et des moins
connues.
Souvent ces
histoires avaient pour cadre les montagnes de notre Provence et du comté de
Nice
Aussi comme tous
les enfants, je connaissais celle des « Lettre de mon moulin » d’Alphonse
Daudet : Le secret de maître Cornille, Le coup de pied de la mule du Pape,
L’élèxir du révérend père Gaucher, Les trois messes basses, et surtout, La
chèvre de Monsieur Seguin .
Je suis sûr que la
plupart d’entre-vous connaissent l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin.
« Qué se batégue
tota la nuech, ei pi lo matin, lo loup la mangeat «
Eh bien , je vais
vous dire que cette version là, ce n’est pas la véritable histoire de la
blanchette à Seguin. La véritable histoire, c’est un vieux berger qui me la
raconté un jour de pluie à sa cabane.
Il y avait alors du
côté de la montagne de Lure , vers le Col de Valbelle, un hameau dont il ne
reste aujourd’hui plus aucune trace. Tous les habitants en étaient parti une
dizaine d’année après la guerre de 1870, sauf un , Hyacinthe Seguin, un vieux
chevrier, sans famille et sans descendance qui survivait dans un bout de maison
en partie détruite dans un hameau envahi par la ronce et l’ortie. Il cultivait
quelques légumes dans son jardin , un carré d’avoine et d’orge, et il élevait
une trentaine de poules et une dizaine de lapins. Il était par ailleurs un peu
braconnier et à la saison des grives descendait jusqu’à Sisteron pour vendre ses
prises aux hôteliers.
Un jour à la foire,
il remarqua une petite biquette toute blanche avec des petites cornes pointues.
Elle avait l’air à la fois tendre et rebelle et le regardait de ses grands yeux
cillés de noir.
Elle lui plaisait
cette biquette, et comme il avait quatre sous sur lui ; il marchanda et
repartit chez lui menant la chèvre par une cordelette. En remontant par le
chemin, il s’arrêta plusieurs fois, il la regardait et se disait, comme elle
est gracile cette biquette. Comme elle est belle cette chevrette. Et oui, «
couma era béou lo cabreta de mosiu Seguin ».
Il arrangea une
petite étable, jeta de la paille et du genêt secs sur le sol, remplie la
mangeoire de luzerne et de saint foin fleurit et lui passa autour du cou un
collier muni d’une clochette d’argent.
La journée, il la
menait au pré, il lui passait une longe qu’il attachait à un piquet fiché en
terre, puis il vaquait à ses occupations : le jardin, les ruches, le bois pour
l’hiver, l’herbe pour les lapins et bien d’autre chose encore.
Cette petite chèvre
blanche lui tenait compagnie, il lui parlait comme à une personne et elle
semblait le comprendre, réagir aux intonations de sa voix, comme le faisait
avant son vieux chien qui était mort voilà deux ans.
En plus elle était
câline cette petite chèvre, elle venait le gratter du sabot de sa patte pour
réclamer des caresses ou des gratous. Bref, il était heureux.
Mais la chèvre de
Monsieur Seguin regardait aussi vers les barres de la montagne au-dessus de la
forêt. De temps à autre elle y apercevait des chamois, libres et agiles se
découpant parmis les grands rochers au bord de l’abîme et elle avait envie d’y
aller voir.
Le père Seguin
faisait des projets en se disant « A l’automne, je la conduirais au bouc chez
le Saturnin du moulin et j’aurais le chevreau ou la chevrette, puis le lait
pour faire un peu de fromage et puis plus tard un petit troupeau….
Tous les matins, il
allait la chercher avec une poignée d’avoines ou d’orge. Il l’étrillait puis la
sortait au pré et l’attachait à la longe.
Mais la petite
chèvre s’ennuyait ; elle regardait vers la montagne et commençait à tirer sur
la longe. Elle se détacha plusieurs fois, mais fut arrêtée par la clôture du
pré.
Monsieur Seguin
s’aperçu que la petite chèvre n’était plus comme avant… ..Elle prenait moins de
plaisir à brouter l’herbe du pré, elle demandait moins de câlin, moins de
gratous.
Le soir, elle
rentrait en tirant la patte, et le matin, elle goûtait l’avoine du bout des
lèvres d’un air las.
Monsieur Seguin
tenta de la raisonner : » Tu es heureuse ici, biquette. Tu as tout ce qu’il te
faut, à manger, de l’eau fraîche, tu es peignée chaque jour, tu as mon
affection, je te parle…
Je sais que tu
regardes vers la montagne. Ne va pas croire que là-haut l’herbe est plus tendre
et meilleure qu’ici. En plus, là-haut, c’est le domaine du loup et seule, ils
ne feraient qu’une bouchée de toi. Ici tu as le gîte, le couvert, la sécurité
et l’affection, alors que là-bas. Quien sas ? »
Mais la petite
chèvre avait d’autres idées en tête….
Un soir Monsieur
Seguin referma mal la porte de l’étable et dés les lueurs de l’aube, la
chevrette se tourna, balança d’une ruade ses deux sabots arrière dans la porte
et celle-ci s’ouvrit. Elle s’élança , sauta par-dessus la clôture et couru en
direction de la montagne.
Là haut tout était
beau et l’herbe et les feuillages avaient le goût de la liberté. De là-haut la
maison de Monsieur Seguin était toute petite, comme le pré, comme tout ce qui semblait
faire la grandeur des hommes.
Au coin d’un
rocher, elle aperçu un chamois, elle se précipita pour lier connaissance, mais
celui-ci n’avait jamais vu de chèvre blanche et il s’escapa.
La journée se
passa, en exploration, et en cavalcade sauvage. Elle s’arrêtait seulement pour
se désaltérer à quelques sources qui jaillissaient glacée et limpide de la
roche.
Et le jour déclina,
les ombres s’étalaient créant des formes inquiétantes. La nuit arrivait, une
profonde nuit éclairée par une lune magique, tout le paysage était contrasté de
tache de lumière blanche bleue en zone d’ombre noire obscure.
La blanchette
s’étala en haut d’un promontoire pour admirer les derniers nuages rouges
orangés à l’ouest sur l’horizon. Puis elle tourna la tête vers le ciel pour
voir s’allumer les étoiles.
Un bruit de branche
cassé attira son attention. Elle se tourna vers l’origine du bruit et vis
d’autres lueurs scintillantes s’allumer : c’était les yeux des loups.
Et c’est là que
l’histoire diverge.
Ho, elle n’était
pas rassurée mais elle était déterminé, elle comptait sur ses cornes, ses
sabots et son agilité pour échapper aux loups.
Elle fonça droit
vers les barres de la falaise, elle y avait remarqué un passage vers un
surplomb. A ce moment là quelque chose sautât à côté d’elle, elle tourna
brutalement la tête et fonça droit devant. Ces cornes s’enfoncèrent dans
quelque chose de mou qui émit un cri strident. Elle sauta par-dessus la chose
qui se roulait par terre , arriva au passage, et suivit une corniche. Quelque
chose haletait juste derrière elle, elle s’arque bouta et envoya une ruade de
toutes ses forces, un autre cri retentit et une forme bascula dans le vide en
hurlant. Elle sauta de rocher en rocher au bord du précipice, grimpa sur une
dalle verticale et aboutit sur une plate-forme où se terminait un cône
d’éboulis. Tout d’un coup sortit dont on ne sait d’où, deux formes grises
grognant aux yeux brillants.
Elle escalada le
cône d’éboulis malgré les pierres qui se défilait sous ses sabots puis arrivé
en haut se mit à pousser sur ses pattes de manière à précipiter un maximum de
blocs sur ses poursuivants. Elle déclancha une avalanche de pierre. Elle
entendit des grognements et des couinement aigus. D’un bon, elle se rétablie
sur un amas de pierres instables et continua de grimper.
Les loups sont des
prédateurs intelligents, ils savent que la moindre blessure peut les conduire à
mourir de faim. Ainsi si leur proie présente une résistance dangereuse pour
leur survie, ils abandonnent la chasse.
La chevrette
chercha refuge sur une étroite corniche en surplomb et essoufflée et
tremblantes attendi la levée du nouveau jour.
Ainsi, les loups ne
mangèrent pas la chèvre de Monsieur Seguin.
Et que devint-elle
? Et bien elle appris à vivre libre en se contentant de peu dans les baous et
les rochers, en étant toujours sur ses gardes, comme les bouquetins ou les
chamois.
Et les loups
laissèrent en paix cette furie qui savait si bien se battre.
Elle rejoignit un
jour une harde de chamois femelles avec leurs petits qui finirent par accepter
sa présence. Un printemps, elle rencontra un beau chamois et ils eurent une
nombreuse descendance.
C’est pour cela
qu’aujourd’hui on rencontre des chèvres chamoisées et que de temps à autre des
bergers aperçoivent un chamois blanc.
Alors, pourquoi ne
raconte t-on pas aux enfants la véritable histoire de la chèvre de Monsieur
Seguin ?
Mais c’est très
simple pour leur faire craindre les libertés et les faire acquiescer à l’idée
que la sécurité et le confort dans la vie passe par l’acceptation de la
servitude.
Voilà la véritable
histoire de la chèvre de Monsieur Seguin.
« Qué se batégue
tota la nuech e viure libre lo maih de la su vida « .
Johan de Dina
Commentaires :
autruchette |
Excellent !!! A recopier et à raconter à nos enfants et petits enfants plutard ;o)
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Shirine 29-04-13
à 17:13 |
Dans la réalité, n'importe quel loup aurait fait une bouchée de n'importe quelle chèvre!
Affronter le loup de face, c'est du suicide pur! Essayons plutôt de bien connaître et de comprendre comment le loup s'y prend pour nous chasser et...plus de problèmes!Ce conte est très poétique,je me suis régalée à le lire. Répondre à ce commentaire
|
à 16:59