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Lu sur RA-Forum :
H.Arvon a publié, il y a quarante ans, un choix de textes accompagné d’une présentation de la pensée de Bakounine intitulé Bakounine ou la vie contre la science [1].
Malgré le titre de l’ouvrage, le thème, pourtant récurrent chez
Bakounine, d’une critique du gouvernement par la science, n’est pas
véritablement traité. A notre connaissance, d’ailleurs, il n’existe
aucune étude qui ait été consacrée à la conception de la science que
développe Bakounine.
Ce que nous allons essayer de montrer dans cette courte étude est que le discours de Bakounine sur la science est l’un des fondements philosophiques de son opposition à Marx. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les textes de Bakounine écrits entre 1867 et 1873 [2], sachant que la période de la controverse avec Marx au sein de la première Internationale se situe entre 1871 et 1872.
Le problème général dans lequel se situe la réflexion de Bakounine est celui de la tension entre compétence et démocratie. L’originalité de Bakounine tient à ce que, contrairement à beaucoup d’auteurs de son époque et particulièrement Marx et Comte, Bakounine refuse tout gouvernement par la science au nom de l’idée que la science ne peut rendre compte de l’individuel. Néanmoins, sa critique de la logique hégélienne et du positivisme d’A.Comte, si elle se fait, comme chez Nietzsche, au nom d’une philosophie vitaliste, ne prend pas les accents d’un discours opposé à la science.
Le discours de Bakounine semble être pris dans une tension qu’il essaye de résoudre. D’une part la science constitue un moyen d’émancipation du peuple, en particulier contre la religion. Mais d’autre part, le fait que le peuple n’ait pas accès, au moins pour l’instant à cette science, semble conduire à un gouvernement par « l’aristocratie de l’intelligence ». Le problème que se pose Bakounine semble donc être le suivant : comment peut-on maintenir à la science son rôle d’émancipation de l’humanité tout en empêchant qu’elle se transforme en instrument d’oppression aux mains d’une minorité ?
Bakounine semble donc anticiper des thèmes liés au bio-pouvoir, à l’utilisation du savoir comme pouvoir [3], mais aussi une critique de la technocratie, mais sans que jamais cela ne prenne chez lui, contrairement à certains auteurs contemporains, les accents d’un discours anti-science. En ce sens, la réflexion de Bakounine semble à la fois héritière des Lumières tout en faisant une critique de la croyance en une émancipation politique par un gouvernement de savants.
L’une des originalités de la pensée de Bakounine est de mettre en place les éléments d’une sociologie des sciences. Cette attention portée à la sociologie s’explique par la place que Bakounine, sous l’influence de Comte, accorde à cette science débutante. C’est le cas en particulier dans deux articles parus au cours de l’année 1869 dans le journal l’Egalité [4].
La science apparaît comme un instrument puissant d’émancipation. Cependant, ses progrès, loin de profiter à tous, sont des facteurs qui accentuent l’inégalité sociale et qui servent d’instrument de domination à la bourgeoisie. La science est non seulement un instrument d’inégalité économique, mais aussi un instrument de pouvoir. En effet, elle apparaît comme un auxiliaire du pouvoir étatique qui lui permet de justifier son oppression, comme un instrument idéologique au service du pouvoir [5]. Cette science au service de l’Etat apparaît comme l’instrument d’un bio-pouvoir qui permet de « tondre les troupeaux populaires sans trop les faire crier et quand ils commencent à crier, science de leur imposer, la patience et l’obéissance par une force scientifiquement organisée [6] ». Telle est la science politique.
Cette inégalité peut être jugée, non d’après les progrès du prolétariat, mais d’après l’accroissement de l’inégalité entre lui et la classe dominante.
Mais la science est aussi un instrument d’émancipation dont le peuple doit s’emparer. Bakounine rejette la thèse de Marx selon laquelle le prolétariat doit s’emparer de cet instrument de domination qu’est l’Etat afin de s’émanciper. A la différence de l’Etat, qui ne peut être qu’un instrument d’oppression, même entre les mains du prolétariat, la science ne peut contribuer à l’oppression que dans la mesure où elle est entre les mains de la bourgeoisie. Les sciences qui sont particulièrement aptes à être des instruments d’oppression sont les sciences qui reposent sur la métaphysique, qu’il s’agisse de la théologie ou du droit. Au contraire, les sciences naturelles, qui sont des sciences empiriques, sont des sciences démocratiques qui reposent sur l’expérience combinée de tout le monde. Ces sciences sont des instruments d’émancipation car elles constituent par leur méthode même un instrument de critique de la métaphysique. Or l’homme ne peut être libre pour Bakounine qu’en connaissant les lois immanentes de la nature humaine et de la société. Or les sciences enseignées dans les universités et les écoles sont pour la plupart perverties par les sciences métaphysiques et idéales (ou normatives). Ainsi, Bakounine constate que les étudiants en sciences naturelles ont tendance à être plus révolutionnaires que ceux qui étudient les sciences idéales. Bakounine esquisse ainsi une sociologie des idées politiques.
Bakounine prône donc « l’instruction intégrale et égale pour tout le monde » [7]. Cette instruction permet ainsi d’atténuer les effets de la division du travail social. « Tout le monde doit travailler et tout le monde doit être instruit » [8]. En effet, l’instruction de l’ouvrier permet la mise en place d’une économie plus efficace et le travail du savant lui permet de ne pas être coupé de la réalité sociale.
Bakounine et le positivisme d’Auguste Comte .
Bakounine lecteur d’Auguste Comte.
Bakounine, contrairement à Marx, est un admirateur de la philosophie positive d’Auguste Comte. Alors que Marx méprise A.Comte qu’il considère comme étant bien inférieur à Hegel, Bakounine considère qu’il est avec Hegel le plus grand philosophe de son siècle [9]. C’est dans la troisième partie de Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme, en 1867, que Bakounine rend son hommage le plus appuyé à A.Comte. En effet, Bakounine voit dans la philosophie de Comte une opposition à la métaphysique et les germes d’une philosophie matérialiste. Au contraire, non seulement Hegel est un philosophe idéaliste, mais il est celui qui a poussé le plus loin la métaphysique. Ainsi est-il qualifié par Bakounine « de plus grand métaphysicien de tous les temps » [10]. Si Bakounine a été dans sa jeunesse un admirateur de Hegel, il adopte vis-à-vis de Hegel et de l’hégélianisme une position de plus en plus critique [11].
Mais si Bakounine est un admirateur de la philosophie d’A.Comte, pour le moins doit-on constater qu’il a une lecture tout à fait personnelle de cet auteur. Ainsi, ce qu’il admire le plus chez Comte, c’est qu’il a su rompre avec la métaphysique. Mais alors que ce que critique Comte dans la métaphysique, c’est la recherche des causes premières et finales [12], ce que Bakounine critique le plus dans la métaphysique, c’est sa tendance à développer des systèmes que ne s’appuient pas sur l’expérience sensible. Par conséquent, il semble que la critique de la métaphysique que fait Bakounine doive plus à Kant, dont on sait qu’il l’a étudié [13], qu’à Comte. Il semble que Bakounine subisse dans sa critique de la métaphysique l’influence de l’empirisme anglais via Kant.
L’autre particularité de la lecture de Bakounine est de considérer Comte, en particulier dans Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme », comme un auteur matérialiste. « Tandis que Hegel a spiritualisé la matière et la nature en les faisant procéder de la logique c’est-à-dire de l’esprit, A.Comte a tout au contraire matérialisé l’esprit en le fondant uniquement sur la matière » [14]. Pourquoi Bakounine voit-il dans la philosophie de Comte les prémisses d’une authentique philosophie matérialiste ? C’est que la psychologie, dans le système des sciences d’A.Comte, n’a d’autre base que la physiologie. A contrario, il est important de noter que Bakounine voit dans la logique de Hegel le fondement même de son idéalisme. L’épistémologie comtienne est en outre une épistémologie matérialiste car elle pose une unité de la science qui a pour corollaire pour Bakounine un monisme matérialiste : l’univers est donc une totalité matérielle. Au sommet de ce système unifié des sciences se trouve bien sûr la sociologie [15].
Dans Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme et l’appendice de l’Empire knouto-germanique, Bakounine développe une épistémologie dont il lui semble qu’A.Comte est celui qui a su le mieux l’exposer. La science part des faits, de l’expérience. Mais l’empirisme de Bakounine ne se fonde pas sur l’expérience individuelle, mais sur l’expérience inter-subjective. Par conséquent, un premier rapport s’établit entre la science et la politique. La science, dans sa méthode, est fondamentalement démocratique. En effet, elle fait intervenir l’expérience et la critique de tous et tous doivent parvenir aux même résultats. Le principe de la critique est ce qui fait que la science est fondamentalement opposée à la foi, en particulier religieuse, qu’elle constitue un instrument de lutte contre la religion et d’émancipation du peuple. La critique représente « le grand principe de révolte de la science » [16]. Ce principe de critique permanente conduit Bakounine à énoncer le principe d’une épistémologie discontinuiste, procédant en quelque sorte par révolutions. En outre, la méthode empiriste de la science fait qu’elle procède du bas vers le haut, tandis que la métaphysique est organisée à la manière des « Etats centralisés » [17] car elle procède du haut vers le bas à partir de principes transcendants. La science, de par sa méthode, élimine donc l’idée de Dieu. Bakounine établit donc un lien entre méthode scientifique, athéisme et démocratie.
Bakounine critique d’A.Comte
Mais dans l’appendice de l’Empire Knouto-germanique, en 1870, Bakounine se montre plus critique à l’égard de Comte. Il reproche au positivisme de réintroduire, sous couvert de sa neutralité métaphysique, la Métaphysique. Les positivistes soutiennent en effet qu’il n’est pas possible de savoir si Dieu existe ou non, s’il y a ou non une cause première, si la matière existe ou les rapports de causalité ou s’il est possible de connaître l’être intime des choses. A cela Bakounine leur oppose une position matérialiste, réaliste et athée.
D’une part, il reproche à Comte de limiter a priori la connaissance humaine. Certes, la science ne peut pas tout connaître car elle est un produit de la totalité et ne peut donc connaître la totalité dont elle n’est qu’une partie. Son incapacité à tout connaître s’explique donc, non par le fait qu’elle est limitée a priori, mais par le caractère infini de l’univers.
Par ailleurs, Bakounine reproche aux positivistes de ne pas être cohérents avec leurs propres principes. La démonstration que la science, du fait même de sa méthode empiriste, ne peut s’appuyer sur l’idée de Dieu, ne doit pas conduire à douter de l’existence de Dieu, mais à la nier totalement. La méthode immanentiste de la science conduit a contrario, selon Bakounine, a affirmer que Dieu n’existe pas, qu’il n’y a pas de cause première, que la matière existe et que les relations de causalité lui sont immanentes. En effet, tout cela est la conséquence logique de ce qu’est l’univers tel que le décrit la science : une totalité matérielle éternelle et auto-organisée. Dire que l’être intime des choses ne peut être connu, c’est selon Bakounine, réintroduire un absolu inaccessible aux sens et accessible seulement à la pensée. Aux positivistes, Bakounine oppose l’argument que Hegel oppose à Kant à propos de la chose en soi : « aucune chose ne peut avoir réellement en son intérieur [une nature] qui ne soit manifestée en son extérieur [18] ».
En effet, comment expliquer qu’alors que la philosophie de Comte constitue le cadre d’une véritable philosophie matérialiste des sciences et de l’athéisme, les positivistes ne se déclarent pas ouvertement matérialistes et athées ? Cela s’explique par trois raisons selon Bakounine. Les positivistes craignent des représailles de la part du pouvoir en place. Ils sont fondamentalement conservateurs de par leur philosophie de l’histoire qui les fait considérer que chaque gouvernement est un moment « nécessaire et salutaire [19] ». Ils sont persuadés que leur statut d’élite scientifique les appelle à gouverner et ils ont donc le respect des gouvernements établis. Le rôle que Comte fait jouer aux savants et à la science a pour corollaire sa conception inégalitaire de la nature humaine. Il pense en effet que « la majorité des hommes sont impropres à se gouverner eux-mêmes parce que la nature les a créés ainsi. La vile multitude n’est point appelée à jouir de la liberté, elle éprouve le besoin d’être commandée [20] ».
Bakounine essaie donc de développer une épistémologie empiriste et anti-métaphysique, mais, contrairement au positivisme, réaliste et matérialiste. La seule limite que connaisse la science est liée à l’infinité de l’univers. Mais contrairement à celle des positivistes, la conception de Bakounine de la science est fondamentalement démocratique. La méthode scientifique est celle de la communauté démocratique.
Les premiers éléments d’une critique
Dès 1867, dans Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme, alors même que Bakounine semble vouer une admiration sans nuance à A.Comte, apparaissent les éléments d’une critique du gouvernement par la science. Néanmoins, cette critique n’est pas dirigée explicitement contre Comte.
Bakounine commence par affirmer l’utilité pratique de la science : seule la connaissance des lois de la nature nous permet de réaliser notre liberté et il ne peut y avoir de transformation viable de la société sans observation de ces lois.
Mais alors se posent deux problèmes. S’agit-il d’attendre que la sociologie, science à peine née, ait établi les lois de la société pour faire la révolution ? L’organisation de la société peut-elle se réduire à une organisation scientifique ?
La position de Bakounine est claire : certes, la science a un rôle à jouer mais elle ne peut rendre compte de la totalité de la vie. La science étant elle-même un produit de la totalité, (que Bakounine appelle « nature » ou « vie »), elle ne peut saisir son infinie complexité, d’autant plus que la vie est un processus créatif qui fonctionne à partir de combinaisons aléatoires dont la science est incapable de rendre compte.
Par conséquent, l’opposition de Bakounine au gouvernement par la science est sous-tendue par une conception de l’univers comme totalité vivante qui crée de l’organisation à partir du hasard.
Il s’ensuit, comme l’affirme Bakounine en 1870 dans La science et la question sociale de la révolution, que l’instruction ne peut être la condition de la révolution car cela aurait pour conséquence de repousser à l’infini l’insurrection du peuple. Mais cela ne signifie pas pour autant que le peuple insurgé, pour Bakounine, soit un peuple ignorant. En effet, Bakounine distingue deux types de science : une science théorique que seuls maîtrisent les savants et une science pratique, issue de la vie, que le peuple acquiert par l’expérience des luttes sociales. C’est sur cette science que Bakounine compte dans l’action révolutionnaire.
On peut donc constater que les notions de science et de vie recouvrent chacune pour Bakounine deux acceptions : une science théorique, enseignée dans les universités, et qui se subdivise en deux branches, les sciences métaphysiques et les sciences expérimentales et une science pratique issue de l’expérience quotidienne. La vie désigne la nature dans sa totalité pour Bakounine. La science, qu’elle soit théorique ou pratique, est issue de la totalité vivante. Elle est un phénomène qui a une origine immanente à la vie. La science pratique a pour origine plus spécifiquement la vie au sens de la vie quotidienne.
La vie et la science
Mais c’est en 1870 que Bakounine expose le plus largement son opposition au gouvernement par la science, dans L’Empire Knouto-germanique , et plus précisément dans la partie intitulée « Sophismes historiques de l’école doctrinaire des communistes allemands ».
Les trois raisons exposées par Bakounine sont les suivantes : la science humaine est toujours imparfaite, une législation qui serait imposée aux hommes sans qu’ils la comprennent ferait d’eux des brutes et enfin, les savants, en tant que privilégiés, finiraient par se corromprent. Ce dernier principe est pour Bakounine une loi sociale : le pouvoir étatique finit toujours par corrompre celui qui l’exerce. Mais cela ne signifie pas qu’il s’agit de refuser toute autorité scientifique. L’autorité liée à la division sociale du travail est une autorité rationnelle, donc légitime.
Cependant, Bakounine énonce dans ce texte ce qui pour lui constitue la raison épistémologique fondamentale d’un refus d’un gouvernement par la science. L’épistémologie de Bakounine est fondamentalement anti-hégélienne et foncièrement empiriste. La science induit à partir de l’expérience, par un phénomène d’abstraction, des lois générales. Ce processus d’abstraction constitue pour Bakounine ce qui caractérise l’être humain par rapport à l’animal. En cela, l’épistémologie de Bakounine se rapproche de l’empirisme de XVIII ème siècle.
L’abstraction et la généralisation sont des opérations qui conduisent à négliger le particulier et l’individuel. A ce titre, la science est fondamentalement incapable de saisir la singularité. Or Bakounine est fondamentalement nominaliste [21] : pour lui, seuls les individus sont réels. Il prend ainsi l’exemple de la dissection d’un lapin. La description du lapin fournie par le scientifique n’est pas celle du lapin particulier qu’il a devant lui, mais celle du lapin en général.. Or Bakounine est anti-platonicien. Ce qu’il considère comme réel ce n’est pas l’idée générale de lapin, mais le lapin individuel. Par conséquent, l’épistémologie de Bakounine reste fidèle à cette idée d’Aristote selon laquelle il ne peut y avoir de science de l’individuel, mais seulement du général.
Par conséquent, Bakounine s’oppose à la conception de Hegel selon laquelle le concept est plus concret que l’expérience immédiate. En soutenant que la science ne peut saisir la vie, il adopte une position vitaliste proche de celle de Nietzsche [22] et une vision critique de la philosophie hégélienne du concept au nom de la vie. La vie est insaisissable par la pensée car elle est en perpétuel devenir : elle n’est que le surgissement d’événements à chaque fois singuliers. « La science est immuable, impersonnelle, générale, abstraite, insensible comme les lois dont elle est la reproduction idéale. La vie est toute fugitive est passagère, mais aussi toute palpitante de réalité et d’individualité [23] ». La vie est création, alors que la science est seulement capable de constater les créations de la vie. La science est pour Bakounine le produit de la pensée qui est elle-même un produit de la vie. Mais la science est incapable de saisir la réalité car elle ne saisit jamais que la pensée de la réalité. De même que le langage, selon Bakounine, est incapable de saisir l’individuel, il ne rend compte que du général.
La science, à la différence de ce que soutient Hegel, est donc pour Bakounine inférieure à l’art. Certes, l’art, tout comme la science, n’a affaire qu’à des types généraux. Par conséquent, il est inférieur à la vie. Mais il est supérieur à la science dans la mesure où il provoque dans notre imagination le souvenir de la vie en individualisant les types qu’il conçoit. « L’art est en quelque sorte le retour de l’abstraction dans la vie [24] ».
Ce que Bakounine craint, en réalité, c’est l’exercice d’un bio-pouvoir de la science sur les hommes. Le risque, c’est qu’un gouvernement par la science se traduise par un rapport de savoir/pouvoir : le corps social deviendrait, tout comme le corps disséqué du lapin, l’objet d’une expérience qui serait à la fois un rapport de savoir et un rapport de pouvoir. Au nom d’une prétendue science de la société, on immolerait les individus réels sur l’autel des idéaux et des abstractions. La science, comme l’Etat et la théologie, produit des idées abstraites auxquelles elle est tentée de soumettre les hommes. La critique de l’Etat et l’athéisme présuppose le nominalisme. Il existe certes pour Bakounine une différence fondamentale entre les abstractions de la théologie et celles de la science : les abstractions de la science sont des abstractions vraies. Mais cela ne justifie pas le fait que la science puisse se substituer au mouvement créateur immanent et auto-organisateur de la vie. La science, en tant qu’elle énonce des lois immanentes, rend possible la disparition des rapports hiérarchiques de pouvoir au profit d’une auto-organisation immanente. En revanche, l’idée d’une société dirigée par une élite dont le pouvoir est légitimé par la science constitue au contraire l’introduction d’une conception aristocratique et anti-démocratique de l’organisation de la société. Ce que refuse Bakounine, c’est toute transcendance du pouvoir. La science doit au contraire permettre de mettre en place un mode de gouvernement immanent reposant sur une connaissance « relative mais réelle » [25].
Par conséquent, la science ne peut que constater les lois générales du monde naturel et social. Elle ne peut gouverner la vie. Il y a toujours une pratique vivante qui est nécessaire pour adapter la loi générale au cas particulier. « La science ne peut prendre en compte les conditions particulières d’un individu particulier, sa mission est de s’occuper des conditions générales de l’existence [26] ». Non seulement la science est incapable de gouverner la société, mais ce n’est en plus jamais la science elle-même qui gouverne la société mais ses représentants, les savants. Or les savants, en tant qu’individus, ont des intérêts réels auxquels ils risquent de sacrifier les gouvernés. Parmi les lois générales et les causes générales de la souffrance humaine que la science peut dégager réside l’immolation des individus aux généralités abstraites.
Par conséquent, comme l’écrit Bakounine il ne s’agit pas de détruire la science, mais de prôner « la révolte de la vie […] contre le gouvernement de la science [27] ». La solution qu’il propose passe là aussi par « l’instruction générale égale pour tous et pour toutes [28] ». En effet, selon une analyse sociologique qu’effectue Bakounine, le danger d’une dictature par la science provient du fait que les scientifiques constituent un corps social séparé. Ils ont, par conséquent, tendance à se comporter comme un corps sacerdotal. Comme les prêtres, ils risquent par conséquent d’ériger leur abstraction en idéal auquel la société doit se soumettre. « Tant qu’il forme une région séparée représentée par le corps des savants, ce monde idéal menace de prendre, vis-à-vis du monde réel, la place du bon dieu et ses représentants, la place des prêtres. Il faut donc que la science soit diffusée dans les masses populaires et qu’ainsi elle se fonde dans le fait de la vie immédiate et réelle de tous les individus [29] ».
En attendant qu’une telle instruction intégrale se réalise, il est hors de question pour Bakounine que soit mis en place un gouvernement des savants. Ce gouvernement même est en effet une contradiction dans la mesure où il pérenniserait la situation d’ignorance du peuple. Les savants auraient en effet besoin de cette ignorance pour justifier et maintenir leur pouvoir. Seul donc le mouvement immanent de la vie en tant que processus de création peut amener à la révolution, révolution dont l’action repose sur la compétence pratique acquise par le peuple au cours de son histoire.
Bakounine souligne donc la formation d’une caste sacerdotale de savants qui fonde son monopole du pouvoir politique sur son monopole du savoir scientifique. La foi dans la science et ses représentants devient une idéologie qui sous-tend un mode de gouvernement fondé sur la domination de ceux qui savent sur ceux qui ne savent pas encore.
Bakounine s’oppose donc nommément non seulement au positivisme d’Auguste Comte mais également à l’école doctrinaire du communisme allemand représentée par Marx.
Bakounine critique de Marx
Les enjeux de la controverse entre Marx et Bakounine n’ont été étudiés à notre connaissance que sous deux angles. Selon un premier angle historique et psychologique, la controverse entre Marx et Bakounine tiendrait à une opposition de personnes et à des stratégies de pouvoir au sein de la première Internationale. Le second angle est politique : il explique la controverse entre les deux hommes par la différence d’analyse qu’ils font du rôle de l’action politique de l’Etat et de la dictature du prolétariat. Pour l’anarchiste Bakounine, l’Etat est l’un des fondements de l’oppression, fondement qui ne peut être réduit à des rapports économiques. Il s’ensuit que toute action politique faisant intervenir l’Etat, comme la dictature du prolétariat par l’intermédiaire d’un Etat populaire, ne peut qu’être refusée dans la mesure où l’Etat, quel que soit le contexte, est toujours oppressif.
Mais il est un point que Bakounine ne cesse de rappeler et qui ne semble pas avoir été réellement pris en compte jusqu’ici. Dans les textes écrits entre 1870 et 1871, au cours de la controverse avec Marx, Bakounine lui reproche à plusieurs reprises de vouloir organiser les masses scientifiquement. Dans Rapports personnels avec Marx, il écrit que ce dernier est poussé par une passion, l’ambition « scientifique et doctrinaire », « le besoin de gouverner, d’éduquer et d’organiser les masses [à son] idée… Marx est présenté comme
« un communiste autoritaire et partisan de l’émancipation et de l’organisation nouvelle du prolétariat par l’Etat, par conséquent de haut en bas, par l’intelligence et la science d’une minorité éclairée, professant naturellement des opinions socialistes, et exerçant, pour le bien-être même des masses ignorantes et stupides, une autorité légitimes sur elles [30] ».Par conséquent, Bakounine semble établir un lien entre le rôle que fait tenir Marx à la science et la dictature du prolétariat et donc le maintien d’un Etat, fusse-t-il populaire. En effet, Marx induirait à tort l’idée que le matérialisme historique constitue une science à partir de laquelle on pourrait gouverner la société du fait de l’idée de dictature du prolétariat. En effet, cette idée suppose l’existence d’une minorité de savants qui exercerait une dictature au nom du prolétariat par l’intermédiaire de l’appareil d’Etat. Pour Bakounine, c’est parce que Marx, comme Hegel, pense que la science peut rendre compte de la totalité de la réalité et non pas seulement des relations générales que Marx croit pouvoir organiser la société grâce à la dictature du prolétariat qui serait en réalité celle des savants matérialistes historique au moyen de l’Etat. En outre, Marx induit de sa science de l’histoire que la dictature du prolétariat est une phase nécessaire de la révolution [31]. Par conséquent, Bakounine semble anticiper que l’idée léniniste « d’avant garde du prolétariat » est contenue en germe dans l’idée de dictature du prolétariat et dans l’épistémologie de Marx. La notion d’« avant garde du prolétariat » serait le lien logique entre le socialisme scientifique et la dictature du prolétariat.
Bakounine ne conteste pas le caractère scientifique du matérialisme historique de Marx. Il avait lui-même entrepris de traduire en russe Le Capital en 1869. Dans l’Empire knouto-germanique et la révolution sociale, il écrit que Marx a formulé les principes scientifiques du socialisme. Ceux-ci sont l’absolu opposé des principes idéalistes. Le matérialisme scientifique considère que les faits donnent naissance aux idées.
Mais Bakounine reproche à Marx son matérialisme mécaniste. Dans une « Lettre du 5 octobre 1872 » à la rédaction de La Liberté, il écrit :
« Les marxiens n’admettent d’émancipations que celles qu’ils attendent de leur Etat populaire. Marx ne voit point que l’établissement d’une dictature universelle, dictature qui serait une sorte de besogne d’un ingénieur en chef de la Révolution mondiale, réglant et dirigeant le mouvement insurrectionnel des masses comme on dirige une machine, suffirait pour paralyser la révolution et fausser tous les mouvements populaires ».C’est parce que Marx se fait une idée mécaniste, et non vitaliste, de l’histoire des sociétés qu’il peut imaginer organiser scientifiquement la société. Alors que le matérialisme vitaliste de Bakounine laisse une place à une créativité de la vie, le matérialisme mécaniste de Marx considère la réalité comme déterminée par des lois que la science peut dégager et qui lui permettent de connaître l’évolution des sociétés.
Mais la critique de l’épistémologie de Marx par Bakounine va plus loin encore. Bakounine lui reproche en effet en 1873, dans Etatisme et Anarchisme, d’adhérer, faute d’une véritable remise en cause de la logique hégélienne, à une épistémologie idéaliste. Certes, Marx affirme avoir remis à l’endroit la dialectique de Hegel qui marchait sur la tête [32], mais Bakounine lui reproche de ne pas avoir abandonné la logique hégélienne elle-même, restant ainsi prisonnier d’une démarche abstraite et métaphysique. En effet, pour Bakounine, la seule démarche qui ne soit pas métaphysique est l’empirisme, qui consiste non pas à imposer une logique inflexible à la réalité, mais à induire la logique des choses à partir de l’expérience. Or, au lieu d’aller de la vie à l’idée, Marx va de l’idée à la vie. Il ne peut donc pas rompre avec l’idéalisme hégélien puisque la dialectique comme loi imposée à l’histoire par la pensée présuppose une démarche où l’idée préexiste à la vie. En effet, Bakounine n’adhère pas à l’idée selon laquelle la dialectique serait la logique des choses et quand bien même cela serait le cas, il faudrait pouvoir l’induire de l’expérience. Il ne s’agirait donc dans tous les cas que d’une loi générale et non universelle.
De même dans le domaine pratique, l’action politique matérialiste est empiriste. Elle consiste à partir de « la vie sociale à la manière la plus rationnelle d’organiser celle-ci conformément aux exigences plus ou moins passionnées de la vie elle-même [33]. » Le socialisme autoritaire trouve son origine dans la dialectique hégélienne qui présuppose un rapport idéaliste à la vie et donc à l’histoire. Au contraire, l’anarchisme présuppose une épistémologie empiriste.
La logique hégélienne conduit Marx, tout comme Comte par une autre voie, à diviniser la science. En effet, cette divinisation de la science présuppose en effet un primat de la pensée sur la vie. Ce primat accordé à la pensée spéculative conduit à mettre en place une philosophie de l’histoire déterministe qui suppose que la vie puisse être réduite à la pensée et qui supprime toute créativité de la vie. La conception de Bakounine le conduit à refuser tout idéal. Or ceux qui gouvernent par la science sont des idéalistes qui veulent soumettre la vie aux idées abstraites de la science et qui pensent donc que l’idée précède la vie. Une telle conception les conduisent donc à maintenir pour exercer leur pouvoir la transcendance du pouvoir par l’intermédiaire de l’Etat.
Par conséquent si Bakounine admet le caractère scientifique du matérialisme historique dont il reconnaît le mérite à Marx contre Proudhon, il refuse la « méthode dialectique [34] ».
Dans un texte de 1873, Où aller et que faire ?, qui pourrait être considéré comme un anti-Que faire ? de Lénine avant l’heure, Bakounine finit par séparer théorie et pratique. Il rend d’ailleurs hommage dans ce texte à Kant, qui bien qu’il eût de la sympathie pour la révolution française, s’était contenté d’être un savant sans jamais se mêler d’aller jouer les révolutionnaires. Activités théorique et pratique apparaissent désormais à Bakounine comme deux mondes incompatibles qui ne peuvent se partager le même individu. Ainsi, celui qui veut être un révolutionnaire doit renoncer à être un savant car ce sont là deux méthodes différentes.
La science repose sur la critique et le doute tandis que l’action révolutionnaire se fonde sur l’analyse froide et la passion.Le savant étudie la science pour la science et celle-ci ne peut donc dans son souci purement théorique être d’aucune utilité pour la pratique. Les révolutionnaires peuvent être des hommes instruits mais non des savants. La spécialisation créée par la division sociale du travail semble donc constituer un fossé de plus en plus profond entre la vie, l’existence pratique, et la science. Bakounine semble même en venir à douter que la transformation de la société puisse remettre en cause cet état de fait. Après la Révolution, écrit-il dans Anarchisme et Etatisme, « la science restera l’une des nombreuses spécialisations sociales ». Tout le monde ne sera donc pas savant au même degré. Ce qui deviendra commun à tous, c’est cette instruction, cette formation scientifique que constitue la méthode empiriste de la science qui consiste, contrairement à la métaphysique, à toujours partir de l’expérience, de la vie.
Irène Pereira
Bibliographie :
Œuvres où Bakounine développe sa conception de la science :
Bakounine M., « L’anti-théologisme », Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme, (1867), Stock, 1867.
Bakounine M., « Les Endormeurs », L’égalité, n° 23 à 27 (26 juin- 24 juillet 1869), Edition numérisée sur le site Bibliolib, http://bibliolib.free.fr/article.php3 ?id_article=10
Bakounine M., « L’instruction intégrale », L’égalité, n° 28-31 (31 juillet- 21 août 1869), Edition numérisée sur le site Bibliolib, http://bibliolib.free.fr/article.php3 ?id_article=7
Bakounine M., « La science et la question sociale de la révolution » (1870), Œuvres Complètes de Bakounine M., t.VI, Michel Bakounine et ses relations slaves (1870-1875), Ed. du Champ libre, 1967
Bakounine M., « Sophismes historiques de l’Ecole doctrinaire des communistes allemands » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, Archives Bakounine, vol.7, E.J/Brill, 1967.
Bakounine M., « Philosophie, science, Appendice Considération sur le fantôme divin, sur le monde réel et sur l’homme » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, Archives Bakounine, vol.7, E.J/Brill, 1967.
Bakounine M., La commune de Paris et la notion de l’Etat (1870), in Œuvres, t.IV, Stock, 1895
Bakounine M., « Rapport personnel avec Marx » (1871), in Socialisme autoritaire ou libertaire ?, vol.1, 10/18, 1975.
Bakounine M., « Lettre à la rédaction de la Liberté du 5 octobre 1872 », in Socialisme autoritaire ou libertaire ?, vol.1, 10/18, 1975.
Bakounine M., Etatisme et anarchisme (1873), Archives Bakounine, t.3, E.J/Brill, 1967. Bakounine M., Où aller et que faire ? (1873), Archives Bakounine, t.3, E.J/Brill, 1967.
Etudes en langue française sur Bakounine :
Arvon H, Michel Bakounine ou La vie contre la science, Seghers, 1966.
Arvon H., Bakounine, absolu et révolution, Ed.du Cerf, 1972.
Dave V., Michel Bakounine et Karl Marx, Publico, 1972.
Duclos J., Bakounine et Marx : ombre et lumière, Plon, 1966.
Hepner B., Bakounine et le panslavisme révolutionnaire, M.Rivière, 1950.
Grawitz M., Michel Bakounine, Plon, 1990.
Ouvrages complémentaires :
Aristote, Livre I, Organon IV (Les seconds analytiques), Vrin, 1979.
Balibar E, La philosophie de Marx, La découverte, 2001.
Comte A, Cours de philosophie positive, Hermann, 1997.
Dir. Bensussan G.,Article « science » in Dictionnaire critique du marxisme, PUF, 1999.
Dir. Bensussan G., Article « Dictature du prolétariat », in Dictionnaire critique du Marxisme, PUF, 1999.
Engels F., Socialisme scientifique et socialisme utopique (1880), Ed. sociales, 1977.
Engels F., L’anti-Duhring, (1878), Edition numérisée sur le site Archives internet des marxistes, http://www.marxists.org/francais/engels/works/1878/06/fe18780611.htm
Hegel, Science de la logique, Encyclopédie des sciences philosophiques, Vrin, 1970.
Kant E, Critique de la raison pure, PUF, 1984.
Lenine V., Que faire ?, Edition numérisée sur le site archive internet des marxistes, http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1902/02/19020200.htm
Marx, « Extraits de la postface de la seconde édition allemande du Capital (1873) », in Philosophie, Gallimard, 1982.
Marx K., « Annotations sur Etatisme et Anarchisme de Bakounine », in Socialisme autoritaire ou libertaire ?, vol.1, 10/18, 1975.
Nietzsche F., « Vérité et mensonge au sens extra-moral » in Le livre des philosophes, Garnier Flammarion, 1991.
[1] H.Arvon, Bakounine ou la vie contre la science , Seghers, 1966.
[2] Ce découpage temporel correspond à la période allant de Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme à Etatisme et anarchisme.
[3] En ce sens, Bakounine semble anticiper certaines analyses de Foucault sur le rapport entre science et pouvoir.
[4] Bakounine M., « Les Endormeurs », L’Egalité, n° 23 à 27 (26 juin- 24 juillet 1869). Bakounine M., « L’instruction intégrale », L’Egalité, n° 28-31 (31 juillet- 21 août 1869).
[5] Bakounine semble anticiper ici certains thèmes qui seront développés par Habermas dans La technique et la science comme idéologie.
[6] Bakounine M., « L’instruction intégrale », L’Egalité, n° 28-31 (31 juillet- 21 août 1869).
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Bakounine, « Appendice, Philosophie, science », in L’empire Knouto-germanique et la révolution sociale.
[10] Bakounine M., « L’anti-théologisme », Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme, (1867), Stock, 1867.
[11] Ainsi, contrairement à ce qu’affirment certains auteurs qui ont travaillé sur Bakounine, tels que Avron, ce dernier rompt non seulement au moins en partie avec la philosophie de Hegel, mais plus encore dans Anarchisme et Etatisme, qui date de 1873, avec la logique hégélienne.
[12] Voir par exemple à ce propos la première leçon du Cours de philosophie positive d’A.Comte.
[13] Pour ce qui est des études philosophiques de Bakounine et de son étude de Kant, Fichte et Hegel, on peut se référer à Hepner dans Bakounine et le panslavisme révolutionnaire ou à H.Avron dans Bakounine ou la science contre la vie.
[14] Bakounine M., « L’anti-théologisme », Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme, (1867), Stock, 1867.
[15] La sociologie au sens de Comte est la recherche des lois sociales. Cette connaissance des lois immanentes à la société permettrait ainsi, selon Bakounine, aux hommes d’accéder à la liberté.
[16] Bakounine M., « Philosophie, science, Appendice Considération sur le fantôme divin, sur le monde réel et sur l’homme » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, , vol.7, E.J/Brill, Archives Bakounine,1967.
[17] Bakounine M., « III-L’anti-théologisme », Fédéralisme, socialisme et anti-théologisme, (1867), Stock, 1895.
[18] Bakounine M., « Philosophie, science, Appendice Considération sur le fantôme divin, sur le monde réel et sur l’homme » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, Archives Bakounine, vol.7, E.J/Brill, 1967.
[19] Ibid.
[20] Bakounine M., « Philosophie, science, Appendice Considération sur le fantôme divin, sur le monde réel et sur l’homme » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, vol.7, E.J/Brill, Archives Bakounine, 1967.
[21] Néanmoins, il ne faut pas se méprendre le nominalisme de Bakounine n’est pas un individualisme libéral. Ainsi écrit-il, par exemple, dans L’Empire Knouto-germanique : « Dans le système des matérialistes, qui est le seul naturel et logique, la société, loin d’amoindrir et de limiter, crée au contraire la liberté des individus humains ». C’est une idée récurrente de la définition de la liberté par Bakounine que l’on retrouve dans de nombreux textes que l’idée selon laquelle l’homme ne réalise sa liberté que par autrui.
[22] Nietzsche, par exemple, dans Vérité et mensonge au sens extra-moral, montre que le concept ne peut rendre compte de la réalité qu’en éliminant l’individuel, en généralisant. Mais la critique de Nietzsche de la science est plus radicale que celle de Bakounine. En effet, dans le Gai Savoir, par exemple, Nietzsche n’hésite pas à faire porter sa critique sur « les vérités scientifiques » elles-mêmes. Pour Bakounine, les abstractions de la science sont des abstractions vraies alors que pour Nietzsche elles sont le produit d’un ensemble d’erreurs accumulées au cours du temps.
[23] Bakounine M., « Sophismes historiques de l’Ecole doctrinaire des communistes allemands » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, vol.7, E.J/Brill, Archives Bakounine, 1967.
[24] Bakounine M., « Sophismes historiques de l’Ecole doctrinaire des communistes allemands » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, vol.7, E.J/Brill, Archives Bakounine, 1967.
[25] Bakounine M., « Sophismes historiques de l’Ecole doctrinaire des communistes allemands » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, vol.7, E.J/Brill, Archives Bakounine, 1967.
[26] Bakounine M., « Sophismes historiques de l’Ecole doctrinaire des communistes allemands » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, vol.7, E.J/Brill, Archives Bakounine, 1967.
[27] Bakounine M., « Sophismes historiques de l’Ecole doctrinaire des communistes allemands » (1870), in L’empire knouto-germanique et la révolution sociale, vol.7, E.J/Brill, Archives Bakounine, 1967.
[28] Ibid.
[29] Ibid.
[30] Bakounine M., « Rapport personnel avec Marx » (1871), in Socialisme autoritaire ou libertaire ?, vol.1, 10/18, 1975.
On pourrait aussi citer ce passage de La commune de Paris et la notion d’Etat :
« Les communistes sont les partisans du principe et de la pratique de l’autorité, les socialistes révolutionnaires n’ont de confiance que dans la liberté. Les uns et les autres également partisans de la science […] les premiers voudraient l’imposer ; les autres s’efforceront de la propager, afin que les groupes humains, convaincus, s’organisent et se fédèrent spontanément, librement, de bas en haut, par leur mouvement propre et conformément à leurs réels intérêts mais jamais d’après un plan tracé d’avance et imposé aux masses ignorantes par quelques intelligences supérieures ».
[31] « La lutte des classes conduit nécessairement à la dictature du prolétariat » ( Marx, « Lettre à Weydemeyer de 5 mars 1852 », citée dans l’article « Dictature du prolétariat » du Dictionnaire critique du marxisme).
[32] « Pour Hegel, le mouvement de la pensée qu’il personnifie sous le nom d’Idée, est le démiurge de la réalité, laquelle n’est que la forme phénoménale de l’Idée. Pour moi, au contraire, le mouvement de la pensée n’est que la réflexion du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l’homme ». (Marx, Postface de la seconde édition allemande du Capital). Ce texte paraît au début de l’année 1873, la même année où Bakounine rédige Anarchisme et Etatisme. Dans la lecture que Bakounine fait de Marx, il considère que la philosophie de Marx repose sur la dialectique de Hegel. Nous savons que ce point est un sujet de controverse parmi les spécialistes de Marx. Il ne nous appartient pas de trancher ce problème. En effet, pour un certain nombre de commentateurs, le matérialisme dialectique développé par Lénine est inspiré de Engels. D’une manière ou d’une autre, les textes de Engels, tel que L’anti-Duhring ou Socialisme utopique et socialisme scientifique qui ont eu une postérité importante dans le bolchevisme, mais dont l’influence négative sur la lecture de l’œuvre de Marx est critiquée par un certain nombre de commentateurs de Marx, sont postérieurs non seulement à la controverse entre Marx et Bakounine, mais également à la mort de Bakounine en 1876.
[33] Bakounine M., Etatisme et anarchisme (1873), Archives Bakounine, t.3, E.J/Brill, 1967
[34] Marx, « Postface de la seconde édition allemande » du Capital