Lu sur Indymédia Paris : "Extrait du rapport " FRANCE : Pour une véritable justice Mettre fin à l'impunité de fait des agents de la force publique dans des cas de coups de feu, de morts en garde à vue, de torture et autres mauvais traitements " publié le 6 avril 2005 - Index AI : EUR 21/001/2005
Source et rapport complet
7. Recommandations
Amnesty International formule les recommandations suivantes :
a) À propos du droit à la vie Le gouvernement français devrait :
-
veiller à ce que l'interprétation par les autorités des principes de
« légitime défense » et d'« état de nécessité » en matière de recours à
la force ne soit pas favorable aux agents des forces de l'ordre et
respecte les dispositions du droit international et des normes
internationales ;
- abroger ou modifier le décret
du 20 mai 1903 sur l'usage des armes à feu par la Gendarmerie
nationale, modifié par le décret de 1943, pour le mettre en conformité
avec les normes internationales sur l'utilisation des armes à feu et
harmoniser les pouvoirs de la Gendarmerie et de la police.
b) À propos de l'interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements
Le ministre de la Justice devrait :
-
intégrer dans le Code pénal une définition exhaustive de la torture
conforme à celle qui figure dans la Convention des Nations Unies contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants ;
- mettre en place des garanties contre les violations des droits humains en garde à vue, notamment en veillant à ce que :
- tous les gardés à vue puissent contacter un avocat dès le début de leur garde à vue,
-
les interrogatoires policiers de gardés à vue adultes soient filmés
dans tous les postes de police, ainsi que les couloirs et les autres
lieux,
- le droit des gardés à vue d'être examinés par un médecin de leur choix soit respecté,
- les gardés à vue puissent, comme ils en ont le droit, faire prévenir leurs proches dans les plus brefs délais.
Le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Défense devraient :
-
donner pour instruction aux policiers et aux gendarmes de haut rang de
faire clairement savoir à leurs subordonnés que la torture, les mauvais
traitements et tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant
contre des personnes privées de libertés, ainsi que les menaces de
recourir à de tels traitements, sont absolument interdits et totalement
inacceptables et seront punis de sanctions pénales et disciplinaires
sévères ;
- donner pour instruction aux policiers
et aux gendarmes d'un grade supérieur de publier régulièrement des
circulaires internes informant leurs subordonnés que le non-respect des
normes relatives à la garde à vue sera puni de sanctions
disciplinaires, voire de sanctions pénales. c) À propos du racisme
Le gouvernement français devrait : -
signer et ratifier le Protocole n° 12 à la Convention de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui contient une
interdiction générale de la discrimination, y compris de la
discrimination par les autorités publiques, quelles qu'elles soient ;
- signer et ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
Le ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur devraient :
- appliquer les lois existantes qui interdisent les violences racistes et surveiller la mise en œuvre de ces lois. Les parquets et les tribunaux devraient :
-
veiller à ce que les dispositions qui font des mobiles racistes une
circonstance aggravante d'une infraction soient pleinement appliquées.
Le ministre de l'Intérieur et le ministre de la défense devraient :
-
revoir les procédures et les lignes directrices relatives aux contrôles
d'identité, ainsi que la manière dont elles sont mises en œuvre, afin
que ces contrôles ne soient pas discriminatoires. d) À propos des plaintes
Le gouvernement français devrait :
-
veiller à ce que la CNDS dispose de ressources et de moyens
institutionnels suffisants pour recevoir, enregistrer et instruire les
plaintes déposées directement par des particuliers ;
-
donner à la CNDS les pouvoirs nécessaires pour instruire une plainte
quand le plaignant n'est pas satisfait des résultats de l'information
judiciaire. Le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Défense
devraient :
- mettre en place des mécanismes
efficaces pour que les victimes de violations des droits humains
commises par des agents de la force publique ne soient empêchées en
aucune manière de porter plainte dans un poste de police ;
-
veiller à ce que les instructions sur les procédures de plainte soient
affichées bien en vue et dans plusieurs langues dans tous les postes de
police et les gendarmeries. Le ministre de la Justice devrait :
-
adopter et mettre en œuvre des mesures efficaces pour protéger de toute
intimidation les personnes qui portent plainte contre des agents de la
force publique pour violations des droits humains. Le parquet devrait
notamment examiner avec soin les accusations des policiers selon
lesquelles le gardé à vue a résisté à l'autorité publique (par exemple
les allégations d'outrage ou de rébellion), en particulier si celles-ci
ont été formulées seulement après le dépôt d'une plainte pour mauvais
traitements ;
- lorsque des plaintes sont déposées
simultanément par un gardé à vue pour violations des droits humains et
par des policiers pour rébellion, veiller à ce qu'aucune des deux
plaintes ne soit utilisée pour décrédibiliser l'autre.
e) À propos des enquêtes sur les allégations de graves violations des droits humains imputées à des agents de la force publique
Le gouvernement français devrait :
-
créer un organisme indépendant disposant de ressources suffisantes pour
enquêter sur toutes les allégations de graves violations des droits
humains imputées à des agents de la force publique, telles que les
morts en garde à vue, les homicides (notamment par balle), la torture,
les mauvais traitements, le racisme et tout autre traitement cruel,
inhumain ou dégradant. Cet organisme devrait avoir le pouvoir
d'ordonner l'ouverture d'une procédure disciplinaire contre les agents
de la force publique mis en cause, ainsi que de saisir directement le
parquet pour qu'il décide de l'opportunité d'ouvrir une procédure
pénale. Il devrait à terme remplacer l'IGPN, l'IGS ou l'IGN dans les
enquêtes sur les affaires de violations graves des droits humains ;
-
signer et ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants et créer un mécanisme national efficace
d'inspection de tous les lieux où des personnes sont détenues ou
gardées à vue en France.
Le ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur devraient :
-
veiller à ce que des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales
soient menées dans les plus brefs délais sur toutes les allégations de
graves violations des droits humains imputées à des agents de la force
publique, telles que les morts en garde à vue, les homicides (notamment
par balle), la torture, les mauvais traitements, le racisme et tout
autre traitement cruel, inhumain ou dégradant, conformément aux normes
internationales ;
- ouvrir immédiatement des
procédures pénale et disciplinaire contre tout policier, quel que soit
son rang, soupçonné de manière plausible d'avoir commis une grave
violation des droits humains. Les syndicats de policiers devraient :
-
encourager leurs membres à coopérer pleinement aux enquêtes
indépendantes et aux enquêtes internes menées sur de graves violations
des droits humains.
Le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Défense devraient :
-
suspendre les agents de la force publique qui font l'objet d'une
enquête pour de graves violations des droits humains en attendant les
conclusions des procédures disciplinaires et judiciaires engagées
contre eux.
f) À propos des poursuites pénales dans
les affaires d'allégations de graves violations imputées à des agents
de la force publique
Le ministre de la Justice devrait :
-
abroger le système de détermination de l'« opportunité des poursuites »
afin que des poursuites judiciaires soient systématiquement engagées
contre les auteurs présumés de graves violations des droits humains dès
lors qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'un acte illégal
a été commis ;
- veiller à ce que le ministère
public interroge lui-même la victime, les auteurs présumés et tout
autre témoin et, si nécessaire, examine tous les autres éléments de
preuve appropriés ;
- faire en sorte que des
mesures soient prises par le ministère public pour raccourcir le
processus d'instruction pénale sur les allégations de graves violations
des droits humains, qui est beaucoup trop long ;
-
veiller à ce que les représentants du parquet ne se transforment pas, à
l'audience, en « avocats de la défense » pour les policiers accusés de
graves violations des droits humains ;
- faire en
sorte que les victimes ou leurs proches aient pleinement accès aux
informations nécessaires pour engager une procédure pénale et soient
tenus informés des progrès de l'enquête, qu'ils se soient ou non
constitués partie civile ;
- veiller à ce que les
conclusions de toutes les procédures pénales, disciplinaires et
administratives concernant des violations présumées des droits humains
soient rendues publiques dans les plus brefs délais une fois l'enquête
terminée ; en cas de classement sans suite, le parquet devrait en
informer directement le plaignant et justifier sa décision par des
motifs clairs et détaillés, afin que le plaignant puisse engager
d'autres démarches s'il le souhaite ; 30. veiller à ce que toutes les
personnes soupçonnées pour des raisons plausibles d'avoir commis de
graves violations des droits humains soient poursuivies dans le cadre
de procédures conformes aux normes internationales d'équité. g) À
propos des condamnations dans les affaires de graves violations des
droits humains imputées à des agents de la force publique Le ministre
de la Justice devrait : 31. veiller à ce que les condamnations soient
proportionnelles à la gravité des crimes commis. h) À propos des
réparations Le gouvernement français devrait : 32. veiller à ce que les
victimes de violations des droits humains ou leurs familles obtiennent
restitution, bénéficient d'une indemnisation équitable et adéquate et,
si besoin, reçoivent les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus
complète possible. i) À propos des statistiques concernant les plaintes
pour fautes policières Le gouvernement français devrait : 33.
recueillir et publier des statistiques régulières, uniformisées et
exhaustives sur les plaintes pour fautes déposées contre des policiers
ou des gendarmes, notamment sur les plaintes pour mauvais traitements.
Ces statistiques devraient inclure : des informations sur le nombre de
plaintes pour mauvais traitements déposées contre des policiers sur une
période définie, les mesures prises en réponse à chaque plainte et les
conclusions des éventuelles enquêtes pénales et disciplinaires menées à
propos des mauvais traitements présumés ; des chiffres sur les
allégations de violences racistes ; des données statistiques sur la
nationalité et l'origine ethnique des plaignants. j) À propos de la
formation et de l'éducation aux droits humains Le ministre de
l'Intérieur et le ministre de la Défense devraient :
-
veiller à ce que l'éducation aux droits humains fasse partie intégrante
de la formation de base et des formations régulières de tous les agents
de la force publique. La formation des policiers, en particulier des
policiers de rang intermédiaire, étant organisée en interne au sein de
la police, des spécialistes et des formateurs extérieurs devraient être
engagés pour former les policiers dans le domaine des droits humains.
Des représentants d'organismes sociaux et humanitaires devraient aussi
participer à la formation des policiers et des rencontres directes
devraient être organisées avec des personnes appartenant à des
minorités, ainsi qu'avec des représentants d'organisations de défense
des réfugiés, des demandeurs d'asile et des droits humains ;
-
veiller à ce que l'éducation aux normes relatives aux droits humains
fasse partie intégrante de la formation dans tous les domaines du
maintien de l'ordre, par exemple en ce qui concerne les opérations de
police, la stratégie, la criminologie et le droit ;
-
faire en sorte que la formation juridique des agents de la force
publique insiste aussi sur l'importance des traités internationaux
relatifs aux droits humains et sur les obligations qui en découlent
pour la France, notamment la Convention européenne des droits de
l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme, la Convention des Nations unies contre la torture et le PIDCP ;
-
faire en sorte que la formation à l'application concrète des normes
internationales soit un élément fondamental de la formation de tous les
agents de la force publique, dès leur recrutement ; il s'agit notamment
de les former à l'application du Code de conduite des Nations Unies
pour les responsables de l'application des lois et des Principes de
base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des
armes à feu par les responsables de l'application des lois, ainsi que
du code de déontologie de la police, en particulier lors des
arrestations difficiles ;
- veiller à ce que les
agents de la force publique soient formés aux normes juridiques
nationales et internationales relatives à l'usage légitime et
proportionné de la force ;
- revoir les programmes
de formation afin d'améliorer les compétences des policiers en matière
d'utilisation des armes à feu ainsi que des armes « non létales » ;
-
veiller à ce que tous les policiers soient formés aux méthodes de
contrainte utilisables et sensibilisés au risque mortel inhérent à
certaines de ces méthodes ;
- accorder une place
centrale, dans les programmes de formation, aux procédures et aux
mécanismes de plainte permettant aux policiers d'alerter leurs
supérieurs en cas de comportements contraires aux normes reconnues en
matière de maintien de l'ordre. Les policiers qui portent plainte
contre des collègues pour violation des lois nationales et des normes
internationales relatives aux droits humains ne doivent pas être
sanctionnés ni subir de ce fait un contrecoup négatif.