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Argentine : Histoire des premiers piquetes (des piqueteros)
Extrait de "Du piquete au mouvement" (des origines au 20 décembre 2001) de Mariano Pacheco, publié par les Cahiers de la Fondation d'Investigations Sociales et politiques (FISYP), janvier 2004.



Traduit par Fab (santelmo@no-log.org), avril 2005.

"Ce travail constitue une narration "depuis l'intérieur" du procesus de
luttes et de discussions qui a donné lieu à la formation d'un secteur du
mouvement de travailleurs sans emploi, de ses débuts jusqu'à la veille du 20
décembre 2001. (...) Mariano Pacheco est un militant, membre des Mouvements
de Travailleurs sans emploi (MTD) qui se dévelloppèrent surtout dans le sud
du Grand Buenos Aires(...)", Daniel Campione.


Les premiers barrages de routes dans l'intérieur du pays

En juin 1996, il s'est produit un évènement de vitale importance pour le
futur de l'Argentine. A Cutral-Co, un village pétrolier de la province de
Neuquen, dévasté par les politiques néolibérales iniciées par la Dictature
Militaire (1976-1983) et approfondies durant le gouvernement de Carlos
Menem, s'est produit ce que nous pourrions appeler "le premier piquete" (1).
Le piquete est un moyen de lutte utilisé par les travailleurs depuis plus
d'un siècle. Historiquement, ils avaient recours à celui-ci lors des grèves,
quand les patrons tentaient de les casser et de briser la volonté des
travailleurs en recourrant aux "carneros" (travailleurs extérieurs à
l'entreprise ou non-grévistes) pour "couvrir" l'activité suspendue par les
travailleurs et garantir la continuité de la production. Quand cela avait
lieu, le piquet de grève s'installait aux entrées du lieu de travail pour
que personne ne puisse y entrer, cherchant de cette manière à garantir les
objectifs de la lutte.
Néanmoins, dans la province du sud de l'Argentine, le recours au piquete ne
chercha pas à garantir les objectifs d'une action orientée à interférer dans
la production et mettre la pression sur la bourgeoisie. Le piquete de
Cutral-Co, au contraire, avait comme axe principal l'exigence de travail.
Produit de l'échec des expériences révolutionnaires de la décennie 70, notre
pays s'est vu soumis à un modèle économique, politique, social et culturel
qui s'est dévelloppé en détruisant les bases de la matrice industrielle et
de l'Etat de bien-être et, parrallèlement, les droits essentiels des
travailleurs. Droits qui ont été conquis au long de décennies, avec de dures
luttes qui souillèrent notre patrie de sang ouvrier.
Avec le processus de privatisations et l'abandon de la part de l'Etat de ses
fonctions traditionnelles, des millions d'argentins se sont retrouvés
submergés dans la misère. La faim et l'impossibilité de satisfaire les
nécessités de base ont cessé d'être considérées comme un mal passager, comme
une circonstance accidentelle produit d'une crise (situation typique dans le
cadre de l'antérieur modèle d'accumulation basé dans l'industrialisation
substitutive). Le concept classique de l'armée industrielle de réserve ne
fonctionnait plus. Nous étions face à une nouvelle réalité, devant un
problème structurel.
Ainsi, dans le piquete de Cutral-Co est apparu dans la scène publique la
figure du chômeur, jusqu'à ce moment un "disparu social" (2), un "non
sujet". Ce "piquete" est bien distint du piquete historique, bien que dans
un certain sens il le récupère et le reformule comme a l'habitude de le
faire le peuple avec les meilleures traditions de lutte. Il est différent,
en premier lieu, par sa composition sociale : bien que la majorité de ceux
qui ont occupé la route en juin 1996 avaient travaillé à YPF, ce n'était
plus le cas. De plus, ils étaient sortis sur la route se battre avec femmes
et enfants, le noyau familial assumait l'engagement de la lutte.
En second lieu, le lieu où se dévelloppait le conflit n'était plus le même :
ce n'est pas la porte de la fabrique dans laquelle se produisent les
richesses. Maintenant, le cadre du piquete est la route, lieu au travers
duquel ces richesses circulent. C'est une donnée essentielle parce que la
route, dans la majorité des premiers piquetes, est proche du lieu où
résident ceux qui réalisent la protestation, c'est même l'unique voie de
communication avec le reste du pays et du monde, par conséquent, le
"territoire" commencera à s'ériger comme scénario des conflits et à acquérir
une nouvelle signification. Finalement, et comme nous le signalions, un
autre trait distinctif de ces luttes est la revendication qui motive
l'action : l'exigence de travail.
Ces aspects singuliers, mis en évidence dans le conflit (base sociale,
scénario, axe revendicatif, méthode de lutte), avec l'intransigeance face
aux autorités (4), et la forme d'organisation naissante qui s'adoptait
spontanément à la chaleur du conflit (assemblées ouvertes sur la route qui
utilisaient la démocratie directe, qui choississaient des délégués ou des
portes-parole avec mandat révocable pour des tâches ponctuelles), sont d'une
importance fondamentale au moment d'analyser les premières expériences des
piqueteros.
Une autre composante que Cutral-Co a mis en évidence a été la ferme décision
de résister aux forces de sécurité (dans ce cas, la Gendarmerie). A Neuquen
comme dans le reste des provinces qui ont été le scénario des premiers
barrages de routes, le fait que, d'un côté, ce fut toute une population qui
se soit décidée à lutter et, d'un autre côté, le rôle joué par ces
personnes, jeunes dans leur majorité qui passaient la nuit avec les pneus
incendiés, avec leurs visages encagoulés et qui lancaient des pierres -à la
main ou avec un lance-pierres- et montaient des barricades face à l'avancée
des forces répressives, a été d'une importance vitale. Ces groupes jouaient
un vrai protagonisme au moment de retarder l'avancée des forces de
répression, en permettant que les groupes qui se préparaient à résister
puissent se regrouper après les premières charges et surtout en deplacant la
Gendarmerie vers un terrain inconnu, c'est à dire, sur le territoire de ceux
qui réalisaient la protestation : les quartiers pauvres les plus proches de
la route.
Il faut faire remarquer qu'à plusieures reprises, la massivité et la
légitimité de la réclamation n'étaient pas des raisons suffisantes pour que
celle ci soit prise en compte. C'est seulement après la confrontation avec
les forces répressives que les médias massifs de communication daignaient
informer du conflit, ce qui obligeait le gouvernement à apporter une
réponse. Ce sera une caractéristique constante lors des premiers piquetes,
tous à l'intérieur du pays (c'est à dire hors capitale fédérale et province
de Buenos Aires) : Neuquen, Cordoba, Salta, Jujuy, Tucuman.
Une autre caractéristique partagée par ces premiers barrages de routes est
qu'aucun d'entre eux n'a été convoqué par une organisation et/ou institution
: aucune église, aucun syndicat, aucun parti politique. Ce n'est pas une
donnée mineure, vu que cela reflète une critique lucide de la part de la
population : les églises, les syndicats et les partis (avec des peu
abondantes et honorables exceptions) ont été co-responsables de la situation
d'injustice.
A partir du second "Cutralcazo", le 12 avril 1997, où est assassinée Teresa
Rodriguez, le piquete a commencé à s'étendre dans tout le pays, et bien que
sans connexion entre elles, les luttes commenceront à partager les
caractéristiques que nous avons signalées. Il est aussi important de
signaler qu'à partir de ces expériences ont été créés les plans d'assistance
sociale pour les chômeurs (comme le Plan Travailler), une partie de la
stratégie de l'Etat pour répondre au phénomène du chômage structurel et à la
protestation sociale. Contenir le conflit social, qui à ce moment commencait
à s'étendre rapidemment dans tout le pays, a été l'objectif principal du
gouvernement.
De fait, dans le cadre de ces premiers piquetes, il est difficile de trouver
une forme d'organisation qui permette de soutenir la lutte dans la durée. Il
ne s'agit pas de retirer une importance au fait que les plans sociaux du
gouvernement ont été le fruit direct de ces luttes. Sans elles aucun type de
plan social n'aurait été mis en application. Mais ce n'est pas pour cela que
nous ne devons pas reconnaître les limites de ces expériences fondatrices.
Le spontanné a été une des constantes de la période et la cooptation de
l'Etat, une autre. Les deux, c'est certain, ont rendu impossible le
dévelloppement d'une expérience d'organisation populaire dans ces lieux (5).
Cependant, cette mesure de l'Etat pour contenir le conflit social a été la
mèche qui a mis le feu aux poudres.


NOTES

1- Piquete : barrage de route. Appelé ainsi en référence au "piquet de
grève". (NdT).
2- Référente 30 000 "disparus" de la dernière dictature militaire.
3- Yacimientos Petroliferos Fiscales, ancienne entreprise publique de
pétrole, privatisée dans les années 90, elle est maintenant contrôlée par
Repsol.
4- Dans le barrage de Cutral-Co, les piqueteros ne voulaient pas dialoguer
avec n'importe quelle autorité, seulement avec le Gouverneur en personne et
refusaient de lever le barrage s'ils ne visualisaient pas de solutions
concrètes à leurs revendications.
5- Je relativiserai cette position en signalant d'une part que dans la
province de Salta l'Union des Travailleurs sans emploi (UTD) de Mosconi a su
construire une organisation qui rivalise avec les pouvoirs locaux et tend
même à les remplacer et que d'autre part il n'est pas prouvé que le
spontannéisme empêche l'organisation. (NdT).
Ecrit par libertad, à 13:28 dans la rubrique "International".



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