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Lu sur Ecologie révolutionnaire : "Mon hypothèse est que l'amour libre n'a rien à voir pourtant avec une multiplication des rapports sexuels dans une répétition vite ennuyeuse, ni même avec l'épanouissement des corps ou le développement personnel, mais au contraire avec une authenticité et une continuité de relations multiples, un amour plus compréhensif, amour qui laisse l'autre libre et l'amour en question, tout en restant fidèle à son passé comme à ses enfants, prenant au sérieux la relation à l'autre autant que sa liberté. Nous avons besoin de plus de responsabilité envers nos amours, et du moins de cruauté possible, ce qui implique d'être conscient à quel point l'amour peut être cruel justement.
La libération sexuelle est bien rentrée dans les moeurs. On ne compte plus les livres sur le sujet et la pornographie nous envahit de plus en plus. En détachant la sexualité de la reproduction naturelle, le déclin du patriarcat a non seulement libéré la jouissance féminine mais constitué la sexualité en fait de culture, valorisant l'inventivité, la construction de soi et la négation de la nature, puisque la culture se pose toujours en opposition à la nature (le symbole doit se distinguer de sa matérialité). C'est bien ce côté contre-nature qui faisait pour les Grecs la supériorité de l'homosexualité comme fait de haute civilisation sans commune mesure avec la "bestialité" des rapports hétérosexuels. Aujourd'hui ce serait plutôt les transsexuels qui représentent l'aboutissement d'une sexualité construite. Ceci semble à peu près admis, au moins dans les médias. On va même jusqu'à suggérer que cela redonnerait leur dignité à toutes les sortes de pratiques sexuelles, ce qui est un peu léger et tombe sur la question de la liberté de l'autre, en particulier pour la pédérastie. On n'échappe jamais complètement à la norme (mâle). En tout cas du sexe, il y en a partout. On ne peut faire comme si la révolution sexuelle n'avait pas eu lieu, la libération de la femme, la psychanalyse, les communautés, les amours multiples depuis l'adolescence, même si, comme toujours, les anciens modèles persistent bien après avoir perdu leurs bases concrètes.
S'il fallait se délivrer de la névrose chrétienne et "cultiver" notre part sexuelle, si la tâche la plus considérable était d'abattre le patriarcat et sa domination des femmes, la véritable libération ce serait celle de l'amour. La question de la liberté en amour est ce qui nous passionne vraiment et reste notre actualité, l'exigence de s'engager dans un amour libre. Ce n'est certes pas aussi facile qu'on a pu le croire, mais c'est ce que l'époque nous force à résoudre dans notre vie amoureuse et le jeu en vaudrait bien la chandelle si on pouvait ranimer un peu la flamme d'un amour rayonnant. Qu'il vienne, qu'il vienne, le temps où l'on s'éprenne !
Contrairement à ce qu'on a pu croire, dans l'enthousiasme de Mai 68, il ne s'agit pas de multiplier les partenaires sans rien partager ni construire, sans compagnon pour vivre ensemble, de plus en plus seul et détaché de tous, mais il ne suffit pas d'en dresser un constat d'échec comme s'il suffisait de revenir en arrière et renoncer à ces folies de jeunesse, car nos pratiques amoureuses ont réellement changé, elles ont gagné en authenticité et chacun éprouve dans sa vie les contradictions des exigences d'un amour libre, sans arrêter de le pratiquer (mal). Il faudrait donc bien reprendre le projet d'une libération de l'amour qui ne s'épuise pas dans la dispersion et la solitude mais permette la continuité et la profondeur de fidélités multiples, au-delà des 6 semaines auxquelles Fourier limitait beaucoup trop la passion, en essayant de dépasser les rapports de domination, sinon des jalousies plus tenaces. L'amour libre, ce n'est pas faire n'importe quoi avec n'importe qui, mais faire l'amour vraiment entre personnes singulières, en sachant que lorsqu'on a aimé une fois, on aime pour toute la vie, et si on doit se quitter, rester des (anciens) amants, en maintenant une relation plus ou moins épisodique, comme d'une famille personnelle "recomposée" (dont les enfants sont souvent le lien). L'amour libre, c'est être libres ensemble comme dit François de Singly, c'est la liberté d'aimer, un amour qui reste libre et pour cela reste un véritable amour.
Je ne prétends pas du tout détenir la solution, seulement essayer de poser le problème, montrer que la question se pose et nous déchire. Ce n'est pas un sujet sur lequel on peut parler sans s'exposer et s'impliquer. Parler d'amour est une jouissance en soi, mais, il y a aussi un enjeu de connaissance à parler d'amour, et qui n'est pas mince. Les idées les plus folles courent sur la nature humaine, les plus éloignées de la réalité, de l'animal machine au calcul rationnel de l'homo oeconomicus, jusqu'à la sociobiologie et au darwinisme social, ou bien, à l'opposée, les visions angéliques morales, politiques ou religieuses d'une perfection idéale. Il est bien difficile d'intégrer les différents niveaux de notre humanité (matériel, animal, parlant, politique, historique). Ainsi, il est bien clair pour chacun que notre liberté nous constitue comme sujet et fonde notre dignité humaine, la valeur de notre témoignage, le poids de nos paroles mais aussi nos devoirs, nos engagements, et pourtant cette liberté se retrouve soit déniée au nom d'un déterminisme de principe (tout a une cause plaide l'avocat), soit prétendue totale, liberté religieuse absolue attachée aux idées de conversion ou de péché, d'une culpabilité personnelle (le coupable étant toujours libre pour le procureur qui veut lui ôter sa liberté). La question de la vérité provoque également bien des égarements entre un réalisme primaire et le plus complet relativisme, entre scientisme et mysticisme, entre dogmatisme et scepticisme. Il suffit pourtant de parler d'amour pour mettre tout le monde d'accord sur le fait que c'est un peu plus compliqué que cela, et s'introduire dans le monde des libertés contraignantes et des demi-vérités, des véritables relations humaines où ce qu'on dit importe moins que ce qu'on éprouve les uns pour les autres, ce qu'on attend d'un autre, dans l'instant présent (présence d'une absence). Enfin, Francesco Alberoni a montré ce qui reliait amour et révolution, bouleversements fondateurs d'institutions.
L'amour nous représente dans notre faiblesse et notre mystère, il oblige à penser ensemble non seulement nos pulsions animales, nos rapports sociaux, le jeux des paroles d'amour et des désirs, mais aussi les contradictions entre liberté souveraine et complète aliénation, entre communication et tromperies réciproques, entre boucles de rétroactions positives et dialogues de sourds. C'est le contraire d'un phénomène linéaire, d'une force constante, unique et simple, d'un instinct. A partir de l'amour on peut même comprendre la haine et le mensonge, leur nécessité, tout ce qui fait que le mal est dans le bien. Rien de plus évident ici.
La psychanalyse a été indispensable pour sortir de la normalisation et des bons sentiments, rendre compte des ratages de l'amour ainsi que de la division du sujet, des impasses d'un désir de désir qui reste jaloux et pervers. L'amour romantique peut d'ailleurs se délecter, jusqu'au morbide, de la prise de conscience de toute la distance entre l'amour idéalisé et sa cruauté quotidienne. Plutôt que de jouer les cyniques, on devrait pourtant en prendre la bonne mesure, ne pas se raconter d'histoire et, le sachant, refuser autant que possible de se faire du mal au lieu de se faire du bien. Car l'amour ne se réduit pas à ces jeux pervers, il y a réellement des amours partagés, des rencontres exceptionnelles. Certes, on ne peut rêver de supprimer toutes les souffrances de l'amour alors que ce sont des signes d'attachement, des manifestations de l'intériorité, de l'authenticité des sentiments et surtout l'exact envers des jouissances éprouvées, mais on ne doit pas pour autant se faire une raison de tous les crimes de l'amour ! La prise de conscience de la réalité est l'indispensable préalable à sa transformation. Il y a une tâche historique qui nous reste à accomplir, celle d'inventer du nouveau dans l'amour pour rejoindre notre présent, inventer un véritable amour libre et plus égalitaire, délivré des névroses infantiles et plus durable.
Si ce qui se dit de l'amour aujourd'hui ne me semble guère satisfaisant, je suis moi-même tellement ignorant en la matière, encore plus sans doute que dans les autres domaines où je m'aventure ! Je suis loin d'être un maître qui enseigne une quelconque sagesse de l'amour (comme certains veulent interpréter la philo-sophie). Ma conviction est plutôt que tout est encore à dire sur le sujet, on n'en est qu'aux préliminaires, c'est un savoir qui manque sur l'amour mais l'amour a sans doute à voir aussi avec ce manque de savoir... Je cherche donc à comprendre et ne prétends à rien qu'à rendre compte de mon expérience et de mes lectures car je n'ai à faire valoir que des contradictions, des désastres, une longue solitude et un grand trou dans le coeur, souvenir de bonheurs perdus et pourtant inoubliables. Il ne s'agit pas de la vie telle qu'on la voudrait, mais bien de la vraie vie telle que nous la vivons dans ce qu'elle peut avoir de cruel et de décevant.
Que ce chagrin d'amour me rapproche de tous les réprouvés, les mal aimés de la Terre et leurs trésors de tendresse délaissés, dans une commune solitude. Bien sûr, je ne suis pas seulement du côté des persécutés mais aussi des persécuteurs (quoique je fasse tout mon possible pour en alléger la peine). Je ne peux même pas dire que ce n'est pas ma faute, que je n'y suis pour rien, ce n'est pas pour me consoler !
Pour ceux que l'amour a comblé, tous mes voeux de bonheur, apprenez-nous donc comment nous y prendre. Pour ceux qui pensent pouvoir se passer d'amour, n'y voyant qu'enfantillage ou n'y trouvant pas leur compte, je n'ai rien à redire sinon qu'ils ne perdent rien pour attendre sans doute et si l'amour ne dure souvent qu'un instant, il marque la mémoire pour toujours. Sans lui nous ne serions rien. Il n'y a pas de raisons de vivre qui tiennent sans l'élan des corps, la jouissance de l'autre, l'amour au coeur. "Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines". Comme toute existence, l'amour est un improbable miracle, il reste l'exception et non la règle. C'est ce qui en fait un événement cosmique à chaque fois, où se joue l'avenir du monde. All you need is love !
Le sens de la vie est toujours à reconstruire, c'est toujours ce qui manque au moment de la rencontre de la logique et du lieu.
Aimer l'amour
Le temps de se dire qu'il est déjà trop tard, qu'on ne connaîtra plus l'amour et tout recommence à nouveau. Le corps rajeunit, on repart pour un tour. C'est le bonus, un cadeau qu'on n'attendait plus, sans retenu ni remords, plus innocent qu'on n'a jamais été. On se croyait au temps des dernières fois et voilà qu'on découvre tant de premières fois qu'on n'avait pas osé encore.
J'ai maudit l'amour avant de le connaître. J'étais hautain et fier de ma lucidité, l'âme tristement enfermée dans ma solitude. Puis, comme d'autres ont rencontré la présence d'un Dieu, j'ai rencontré une femme.
Quoi de plus ridicule que d'aimer. L'image de l'amoureux qui implore sa belle est l'image dégradante d'une déchéance, du fier chevalier qui a perdu toute dignité et substance en donnant son coeur à sa bien aimée. C'est une folie, une maladie d'amour, un défaut de communication sans doute car s'y éprouve toute l'opacité de l'autre, un désir qui veut se prouver et des souvenirs exaltés qui ne veulent pas mourir. Il ne semble pas qu'on y soit pour grand chose sinon de s'en délecter, emportés par nos émotions, précieuse maladie dont on ne veut pas guérir, corps saisi par une causalité externe qui le dépasse. "Il y a une plénitude de passion, il ne peut pas y avoir un commencement de réflexion", "L'on ne délibère point là-dessus, l'on y est porté, et l'on a le plaisir de se tromper quand on consulte" nous dit Pascal mais pourtant la raison n'en est pas absente, raison de nos folies car "c'est une précipitation de pensées qui se porte d'un côté sans bien examiner tout, mais c'est toujours une raison, et l'on ne doit et on ne peut souhaiter que ce soit autrement". José Ortega y Gasset précise que cette raison est une perfection, une excellence que l'on trouve chez l'être aimé, et qui nous enchante.
J'ai longtemps médit de l'amour. Ses aveuglements sont aveuglants. Les illusions de l'amour et ses promesses intenables sont responsables de tant de souffrances et de refoulements. Au nom de l'amour tant de crimes ont été commis, tant de pesantes hypocrisies, tant d'insondables bêtises. Le mal qu'on nous fait, c'est toujours pour notre bien. Mais le prix à payer a beau être si élevé, il n'y a rien de plus merveilleux que ces moments de rencontre des désirs qui donnent sens à la vie et au monde, à notre existence corporelle, au plaisir de la chair et de l'incarnation, d'un corps qui sait pourquoi il existe et pour qui. C'est une création du monde à chaque fois. Il n'y a pas de vérité objective qui tienne, ni de raison suffisante, histoire qui se ferait sans nous, c'est le désir de l'autre qui nous fait vivre. Nous avons besoin qu'un autre éveille la vitalité de notre corps pour donner sens à notre existence et l'inscrire dans une histoire collective, deux par deux, c'est-à-dire quelqu'un pour quelqu'un.
L'individualisme n'a plus de sens dans l'amour et une vie sans amour est une vie qui n'a pas de sens car la simple raison ne peut fonder aucune existence, ni animer un corps. On existe pour un autre, membre d'une communauté, condamné à être libre et à éprouver les contradictions d'une liberté bien différente d'une liberté théologique ou d'une complète indépendance, absence de tout lien qui nous condamnerait plutôt à une insupportable solitude (de quoi nous rendre fous).
L'origine du monde
Paroles, paroles, paroles. L'amour c'est ce qui nous fait parler à quelqu'un. On parle d'abord pour séduire (sub-ducere, conduire à ses fins, entraîner), autant dire qu'on ne fait appel à la vérité que pour tromper, charmer, capter l'attention. Les paroles d'amour ne tarissent jamais et pourtant nous trahissent dès les premiers mots, source du langage maternel, des jeux de la séduction et des premières jalousies, appel déchirant, témoignage de la douleur d'un manque, de la force d'attachement, du besoin de s'assurer de l'amour de la mère nourricière, phénomène de symbiose, d'incorporation d'un autre organisme, de mise en communication. L'amour est une relation totalitaire, relation singulière qui donne son sens à la vie humaine, l'inscrit dans une histoire, l'intègre dans une totalité qui le dépasse. Ce qui inscrit l'individu dans une communauté, c'est l'amour. Tout est communication dans l'amour, échange de signes d'approche et d'encouragement, pas à pas, boucle de rétroaction positive jusqu'à la transe sexuelle et la fusion des corps. Ces rencontres magiques se déroulent dans un climat de revalorisation narcissique réciproque où chacun se révèle possesseur d'une puissance qu'il ignorait. Comme il n'y a pas d'abolition des personnes, de la séparation des corps (de la séparation entre émetteur et récepteur), l'amour n'est jamais réciproque qu'au moment de la rencontre. Plus qu'une réciprocité, un donnant donnant, c'est plutôt un risque absolu et une surenchère, une surprise et un émerveillement, le contraire d'un échange marchand nous laissant quittes. Quand on aime, on ne compte pas (tant qu'on n'en est pas aux règlements de compte). La déclaration d'amour est donc toujours unilatérale même si elle a besoin de l'encouragement de l'autre. On dit que ce sont souvent les femmes qui choisissent leur partenaire, c'est pour cela que c'est l'homme qui doit faire la déclaration et qu'elles doivent jouer les indifférentes, exiger des preuves (pour te donner ce que je veux t'offrir, il me faudra le temps de réfléchir !). Ce sont les contraintes grammaticales de la compréhension mutuelle, de la signification du désir, de la décence sans laquelle aucun sens ne tient. La précipitation peut être fatale et rendre tout échange impossible (point de non-retour).
Dans l'amour on n'ose hasarder, parce que l'on craint de tout perdre ; il faut pourtant avancer, mais qui peut dire jusqu'où ? L'on tremble toujours jusqu'à ce que l'on ait trouvé ce point. La prudence ne fait rien pour s'y maintenir quand on l'a trouvé. Il n'y a rien de si embarrassant que d'être amant et de voir quelque chose en sa faveur sans l'oser croire ; l'on est également combattu de l'espérance et de la crainte. Mais enfin, la dernière devient victorieuse de l'autre.
Pascal, Discours sur les passions de l'amour
Seulement, l'amour ne se limite pas à la jouissance l'un de l'autre où chacun donne et reçoit le bonheur qu'il n'a pas. La souffrance aussi fait partie des signes d'amour. Il n'y a pas d'amour sans détresse ni souffrance, à chaque séparation au moins. Comme pour un deuil, la souffrance est une preuve d'amour, impossible de s'en passer (comment saurions-nous que nous sommes amoureux? On donne du prix à ce qui nous coûte ou ce qu'on risque de perdre). "Nous ne pouvons imaginer l'autre qu'à condition de le perdre; et la pensée, par conséquent, est une capacité d'absenter autrui de soi et de le reconstruire, de le faire exister dans la représentation, par-delà le deuil de cet abandon." (J. Kristeva, Colette p18). On peut même dire que toute souffrance est en son fond une souffrance d'amour car la douleur a toujours une dimension narcissique d'amour-propre ou de corps blessé, ravivant d'anciens traumatismes, mais surtout c'est un signal, un cri adressé à l'autre qui peut nous sauver, d'autant plus intense qu'on peut être entendu (dans le deuil c'est cette proximité que la douleur réactualise, la présence perdue). Il y a d'ailleurs des souffrances d'amour qui peuvent être délectables dans une certaine mesure (attendre l'aimée), mais elles peuvent être aussi absolument insupportables (se sentir trahi ou abandonné).
Dans l'amour on parle pour parler, pour recevoir des signes d'amour, entretenir la communication. Les paroles d'amour ne sont pas supposées dire la vérité mais seulement la force du désir (ce n'est pas le contenu qui compte mais la relation, l'interaction, le processus). Dès lors, la dissimulation est indispensable aux dialogues amoureux, alors même qu'ils jurent de tout se dire, et même d'autant plus ! C'est le jeu sournois de "la séduction et ses logiques de mascarade, de mime, d'artifice, de déni, de perversité, de mensonge - bref, d'imagination à la fois acide et salutaire, empoisonnante et jouissive" (J. Kristeva, Colette p21). Ce n'est pas le moindre des paradoxes de l'amour, entre coquetteries et serments, qui fait l'expérience d'un désir capricieux qui s'exhibe et se dérobe ainsi que de vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire (et plus je m'explique plus je m'enfonce). Pour séduire, on joue souvent sur ce que l'autre ne peut pas savoir mais d'un autre côté, c'est bien parce que les intentions de l'autre me sont inaccessibles que je peux croire qu'il me ballade, qu'il se moque de moi, qu'il fait exprès de ne pas comprendre. On peut même être accusé parfois de ne pas avoir compris le contraire de ce qui se disait pourtant (démenti par un regard peut-être). Je te dis que je ne t'aime plus pour que tu puisses reprendre ta liberté, avouer que tu ne m'aimes plus, mais en réalité, je t'aime toujours et voudrais que tu réaffirmes ton amour, ce que tu ne pourras faire car trop découragé par mon attitude, déclenchant ma colère, etc.
L'amour nous divise comme sujet et fait l'épreuve de notre inconscient qui nous surmène. Il faut faire avec, en prendre conscience mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'on ne contrôle pas grand chose. En tout cas, loin qu'on puisse s'en passer comme d'un enfantillage, une passion inutile, il semble bien que ce soit l'amour qui soit le créateur de notre monde, celui de la parole et de la tromperie, des contradictions d'un désir de désir jaloux, de la lutte pour la reconnaissance, de triomphes éphémères et de défaites innombrables, lumière du jour tout autant qu'angoisses de la nuit.
La cruauté de l'amour
Les 99 pour cent du mal parmi les hommes proviennent de ce faux sentiment qu'ils nomment l'amour. Tolstoï (de la vie 170)
Chantez l'amour des mères, chantez l'amour rêvé, mais le mal, et toute la cruauté du monde, vient de l'amour aussi, il vient de nous, de notre désir jaloux et de notre indifférence, de l'amour de Dieu ou de la patrie, de tous les ressentiments qui transforment l'amour en haine et nous rendent si malheureux. C'est à cause de l'amour que "tout le monde est malheureux, tout le temps". Aimer ce n'est pas toujours vouloir du bien à l'autre, ce n'est pas souvent un amour désintéressé, amor beneficentiae (Amare est gaudere félicitate alterius, Leibniz). Il y a aussi la part de l'amour captatif, dominateur, possessif jusqu'à la dévoration, amor concupiscentiae . L'aimé est si important pour nous qu'il provoque de trop grandes peines et notre amour devient vite ambivalent, chargé de colère et de reproches. On ne peut séparer l'amour de la haine, ce que Lacan appelait l'hainamoration, encore moins de la souffrance.
Plaisir d'amour ne dure qu'un instant, chagrin d'amour dure toute la vie...
Pire encore, on peut dire qu'il y a une prédominance du chagrin d'amour sur l'amour partagé tout simplement parce que l'attente de l'amour malheureux n'a pas de raison de s'arrêter et fixe le désir tout comme l'interdit alors que Platon remarquait déjà qu'on ne peut continuer à désirer ce qu'on possède déjà. L'amour partagé fait à chaque fois l'épreuve de sa satisfaction, de la finitude et des fluctuations du désir, alors que l'amour perdu ne fait que ressasser toujours les mêmes souvenirs, dans un temps où il ne se passe rien. De plus, il y a peu de chance qu'un amour qui n'est pas réciproque le devienne car le désir de l'autre n'y trouve pas de résistance, ni attente ni véritable échange qui lui permette d'exister. Il faut garder un risque, une attente incertaine, un enjeu à gagner pour que l'amour reste réciproque.
On ne peut réduire l'amour à la tromperie ou la séduction. Il y a une vérité de l'amour même si elle n'est pas de l'ordre de l'exactitude, ni d'une charité universelle mais de l'authenticité du désir. Et cette vérité qui lui donne corps est ce qui le rend cruel lorsqu'il n'est pas réciproque. Même si l'amour se nourrit d'illusions et de tromperies, ce n'est pas du tout une pure fiction. Il y a un enjeu de vérité absolument primordial. L'amour doit être vrai, c'est pour cela qu'on ne peut le commander, il doit plutôt même contredire le commandement pour paraître sincère. L'amour réduit au devoir est la pire des hypocrisies et des soumissions ("La violence qu'on se fait pour demeurer fidèle à ce qu'on aime ne vaut donc guère mieux qu'une infidélité" La Rochefoucauld, 381). C'est parce que l'amour doit être vrai et libre qu'il ne peut être ordonné ni garanti, événement à chaque fois improbable et renouvelé car l'amour donne lieu et corps, il est incarnation, moment d'éternité unique. L'amour ne peut jamais être un droit car il doit est libre et il s'adresse à une liberté qu'on ne peut ni acheter ni contraindre, mais c'est pour cela aussi qu'il est si cruel, d'une cruauté qu'on ne saurait tolérer ailleurs et qui peut aller jusqu'à mort d'homme, au nom d'une vérité supérieure, celle du sentiment ou du désir, de la liberté elle-même, liberté de choisir et de dire non. C'est peut-être le dernier domaine où chacun sait qu'on joue avec sa vie. Répétons-le, ne cherchez pas ailleurs l'origine du mal, de la haine, de l'injustice, de la domination (qui n'est pas toujours masculine mais celui qui domine, c'est celui qui aime le moins et c'est l'homme le plus souvent). Vérité et illusions, liberté et aliénation, amour et haine, joies et regrets sont complètement indissociables.
Liberté oblige
L'amour de l'autre reste toujours incertain (m'aime-t-elle?), la séparation entre l'amoureux et celle qu'il aime fait de son amour une question sans fin, jamais résolue que dans l'instant de la réponse. L'amour s'adresse à une liberté, c'est-à-dire à une intériorité autonome, son mystère inaccessible aux autres, liberté qu'il cherche en permanence à s'assurer, au mieux par l'échange de signes d'un encouragement mutuel, au pire par des serments éternels où la liberté semble se perdre mais qui au fond ne disent que l'éternité de l'instant et la force du désir qui marque la mémoire.
L'impossible à dire
Perdre le fil
Si la femme tombe amoureuse d'un autre homme, elle ne peut plus supporter le premier. Elle le chasse et, si elle le garde, c'est pour le faire souffrir, pour le torturer car, à ses yeux, il est coupable de l'avoir déçue. La femme blâme l'homme qu'elle n'aime plus et cherche à en annuler la présence. Elle veut détruire toutes les traces du passé car c'est la continuité de la relation qui compte pour elle. 101
L'homme sait qu'un jour ou l'autre, le désir peut renaître en lui, c'est pourquoi la femme est jalouse des anciennes maîtresses ou des ex-femmes de celui qu'elle aime. Ne serait-ce qu'en pensée, il les désire peut-être encore. Les femmes sont dans l'erreur, qui croient qu'un homme se souvient de la relation amoureuse ou du frisson de l'amour. Sur ce point, l'homme est semblable à la femme. S'il se souvient des émotions amoureuses, cela signifie qu'il est encore amoureux. Celui qui a cessé d'être amoureux ne se rappelle pas l'expérience amoureuse et ne saurait la faire revivre. La mémoire masculine est la mémoire de la rencontre érotique et de tout ce qui, alors, était lié à l'érotisme. [...] L'homme a tendance à oublier tout ce qui a été souffrance, conflit, abus de pouvoir, dans une relation amoureuse. Il ne conserve que des souvenirs érotiques. Lorsqu'elle n'aime plus, la femme hait ce morcellement de sa personne. Elle a horreur de s'entendre rappeler comment elle faisait l'amour, comment elle criait de plaisir, comment elle se jetait sur le sexe de son amant, car, à présent, elle ne l'aime plus, il ne l'intéresse plus ; elle ne coucherait avec lui pour rien au monde. Elle ne veut pas s'en souvenir et ne s'en souvient pas. 102Francesco Alberoni, L'érotisme, Pocket
Phénoménologie de l'amour, 08/03/04, 28k
Jean-Luc Marion, Le phénomène érotique, Grasset, 2003
Des amours multiples, 18/03/04, 27k
La déliaison amoureuse, De la fusion romantique au désir d'indépendance, Serge Chaumier, Payot
La révolution amoureuse, 29/03/04, 28k
Le choc amoureux, Francesco Alberoni, Pocket
Le choix amoureux, 25/04/04, 45k
Etudes sur l'amour, José Ortega y Gasset, Rivages
Le choix amoureux est largement inconscient mais c'est un véritable choix, manifestation de notre liberté, de nos préférences, de nos valeurs et de notre projet de vie, non pas d'une "cristallisation" illusoire. Dès lors, ce n'est pas le coup de foudre qui compte, ni la jouissance sexuelle, mais bien la vie commune, son institution, l'amour n'étant pas désir mais union active dans la vie quotidienne, projet commun conscient autant qu'accord inconscient.
La guerre des sexes, 17/05/04, 38k
Colette (Le génie féminin 3.), Julia Kristeva
Il fallait une intellectuelle reconnue comme Julia Kristeva pour réhabiliter le témoignage de Colette sur la libération féminine et la (bi)sexualité de la femme, identification incestueuse à la mère archaïque retrouvée, avec ses relations triangulaires, la guerre des sexes qui sépare inexorablement les amants d'hier, la malédiction de l'amour et de ses jeux pervers qui nous laissent de plus en plus solitaires...
Après l'amour (postface), 01/06/04, 56k,
Le couple inconcient, Paul-Laurent Assoun, Anthropos, 1992
L'amour et la littérature sont avec le foyer et les enfants des domaines où c'est la femme qui fait la loi. Le masochisme pourrait être l'aboutissement de l'amour courtois mais l'amour postfreudien serait condamné à la farce ou au crime. Dans son roman Adolphe, Benjamin Constant témoigne de son impossibilité à se soumettre à la loi féminine, déchiré entre son amour et son besoin de liberté. Lou Andreas-Salomé résoudra la question par la distance et la sublimation dans l'art ou le mysticisme de la nature. Ce n'est pas à ce prix pourtant que les promesses de retrouvailles de l'amour pourront être tenues, mais de pouvoir vivre ensemble durablement, avec assez d'humour. Il semble bien que la seule solution stable, c'est d'avoir deux amours, malgré qu'on en ait...
Annexe : La sexualité féminine, 16/04/04, 67k
Commentaires :
Ek |
l'amour est il mort?Hum gare à l'amalgame amour/sexualité...
Pour mettre des mots qui changent dans tout ca l'opinion de quelqun d'autre qui osait d'ailleur se prétendre anarchiste ;-) "[..] commence je gout, le désir de changer de secualité en changeant de "partenaire". La sexualité, des ce moment là, domine l'amour. [..] La sexualité, certe, est bien l'accomplissement de l'amour, mais confondre l'amour avec elle, c'est le détruire" [...] "Cette longue marche de l'amour vers l'amour entraine avec elle quelques suites qui ne sont pas sans valeur. Et d'abord cette certitude que l'amour pour la vie ne peut etre qu'unique.Le couple est un et ne peu rester qu'un, avec le deux même composants. On ne mene cette aventure, on ne construit ce palais royal ni avec une pluralité, ni en changeant de composants. Si vous changez en cours de route, vous etes assurés de ne pas avoir devant vous le temps qu'il vous faudra pour l'édifice de la vie (ndm: il met l'amour comme un sentiment qui se dev et evolue et qui pr lui est but) "mais apres tout qu'importe" dira-t-on. Assurément, qu'importe, qu'importe l'amour. Je me contenterai ceux qui l'entendent ainsi de, tout simplement, ne pas employer le mot amour. Ils doivent le rayer de leur vocabulaire, qu'ils parlent de plaisir, de jouissance, de gout du changement ou du besoin de recommencer. J'entends bien, tout cela fait partit de notre "nature", mais cessons de multiplier les références à l'amour. Car vous n'en connaitrez jamais qu'un commencement stérile et qui se flérit vite. Quand on a changé de partenaire une fois, il faut poursuivre dans cete voie. Des cer instant Don Juan a raison" etc etc Extrait de "l'amour pour une vie",extrait de "ce que je crois" d'ellul où il explique ce qu'il pense mais c'est super long la flegme d'en tapper plus là :P Comme tout extrait un extrait exprime pas super bien la pensée de l'auteur mais il a bcp réfléchit là dessus donc c'est interessant d'avoir un point de vue différent.. Répondre à ce commentaire
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Anonyme 23-06-04
à 17:54 |
L'amour libreTexte puissant, analyse extra ! Autre chose que ce j’ai pu lire sur le sujet ici (Sur le site…)
Répondre à ce commentaire
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Anonyme 23-06-04
à 17:56 |
Re: L'amour libreEn terme d’« analyse » interindividuelle...
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Anonyme 25-06-04
à 23:08 |
Re: Re: L'amour libremoi j'vais me mettre à lire jacques
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Yvan Grozny 27-06-04
à 16:52 |
Re: Re: Re: L'amour libreUn texte (évidemment) imparfait mais excellent. On est là dans une dimension qui se situe bien au-delà des habituelles conneries anarcho-antitrucistes d'inspirations plus militantes qu'intellectuelles. Et pour une fois, voilà un ton sans prétention. Mais de ce fait, un travail bien plus fourni, intéressant et constructif que les versets juvéniles écrits par les petits Polpot à peaux de moutons qui nous annoncent le mirage de l'homme nouveau en trois coup de cuillère et quinze minutes au micro-onde...
Bref, une lucidité certaine et une honnêteté rares, du moins à la première lecture. Répondre à ce commentaire
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Anonyme 27-06-04
à 23:03 |
Re: Re: Re: Re: L'amour libreHum hum Pourquoi évidement imparfait ? (Je ne l’ai pas lu dans ce sens)
Pour la dimension « humaine » et non pas réthoriquo-anar-anti-pasti connue, c’est exact et c’est ce qui en fait son charme puisque la « vision » proposée est plus proche de la réalité du rapport entre « moi et l’autre » que d’autre texte, disons plus « carré ». J’ai apprécié mon impression première et je pense que l’auteur place la valeur « amour » de manière horizontale « entre », un peu à la Cervantès et ses moulins. Ceci dit le texte me rappel aussi Gibran par l’approche philosophique. Rien n’est jamais acquis chantait Georges B. Ps : « Les petits Polpot à peaux de moutons » Lol ! Tu va chercher ça où ! Répondre à ce commentaire
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Yvan Grozny 27-06-04
à 23:28 |
Re: Re: Re: Re: Re: L'amour libreLa perfection n'existe pas dans le monde sensible...
Par exemple, sur le passage sur "L'érotisme" de Francesco Alberoni, on aurait volontiers relativisé un peu plus quant aux genres sexuelles, ou évoqué la présence des "pôles" masculin et féminin chez tout un chacun, pour rendre la démonstration moins catégorique à première vue. "« Les petits Polpot à peaux de moutons » Lol ! Tu va chercher ça où ! " A Châteauroux. Blague à part, c'est quand même pas tous les jours, sur ces thèmes, qu'on trouve un texte assez fourni et pertinent, méritant des relectures et de nombreuses réflexions. Quand tu remarques, très justement, que "la « vision » proposée est plus proche de la réalité du rapport entre « moi et l’autre » que d’autres textes", c'est d'autant plus percutant que parallèlement, ce texte dépasse profondément les réflexions (miroir) libertaires courantes, du moins rampantes. Répondre à ce commentaire
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Anonyme 29-06-04
à 15:33 |
Re: Re: Re: Re: Re: Re: L'amour libreJ’entrevois plus une conception sur le sens « amoureux », comme celle l’association entre deux (ou plusieurs et quelque que soit le sexe) personnes pour aller vers « un » « le » bonheur (sentiment) commun que d’être « ensemble » et de manière fusionnelle.
Par analogie sur le sujet, j’ai cité Cervantès l’écrivain (Pas le Conquistador et ses moulins de tortures), qui traite de la coopération de deux individus. (Le but n’est pas commun pour Don Quichotte de la Mancha et Sancho mais ils « fonctionnent » ensemble) Quel est l’intérêt de l’un pour l’autre et inversement. Quel est le sentiment qui anime l’un et l’autre, hors l’aspect sexué des personnages (Deux hommes) ? « Quels géants ? dit Sancho. — Ceux que tu vois là, répondit son maître, aux longs bras, et d'aucuns les ont quelquefois de deux lieues. — Regardez, monsieur, répondit Sancho, que ceux qui paraissent là ne sont pas des géants, mais des moulins à vent et ce qui semble des bras sont les ailes, lesquelles, tournées par le vent, font mouvoir la pierre du moulin. —II paraît bien, répondit don Quichotte, que tu n'es pas fort versé en ce qui est des aventures : ce sont des géants, et, si tu as peur, ôte-toi de là et te mets en oraison, tandis que je vais entrer avec eux en une furieuse et inégale bataille. Et, disant cela, il donna des éperons à son cheval Rossinante, sans s'amuser aux cris que son écuyer Sancho faisait, l'avertissant que sans aucun doute c'étaient des moulins à vent, et non pas des géants, qu'il allait attaquer. Mais il était tellement aheurté à cela que c'étaient des géants qu'il n'entendait pas les cris de son écuyer Sancho, ni ne s'apercevait pas de ce que c'était, encore qu'il en fut bien près, au contraire, il disait à haute voix : "Ne fuyez pas couardes et viles créatures, car c'est un seul chevalier qui vous attaque." Sur cela il se leva un peu de vent et les grandes ailes de ces moulins commencèrent à se mouvoir, ce que voyant don Quichotte, il dit : « Vous pourriez mouvoir plus de bras que ceux du géant Briarée : vous allez me le payer. Et, disant cela, il se recommanda de tout son coeur à sa dame Dulcinée, lui demandant qu'elle le secourut en ce danger, puis, bien couvert de sa rondache, et la lance en l'arrêt, il accourut, au grand galop de Rossinante, donner dans le premier moulin qui était devant lui, et lui porta un coup de lance en l'aile : le vent la fit tourner avec une telle violence qu'elle mit la lance en pièces, emmenant après soi le cheval et le chevalier, qui s'en furent rouler un bon espace parmi la plaine. » Je sais bien que c’est littéraire tout ça (Au dessus), mais cela fait un support de plus. Répondre à ce commentaire
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à 15:42