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Lu sur l'Humanité : "Près d’un an après le vote de la loi, le Conseil d’orientation des retraites souligne la fragilité du plan gouvernemental : à défaut d’actions fortes permettant le retour au plein-emploi, l’avenir des régimes par répartition ne sera pas garanti.
Près d’un an après l’adoption de la loi Fillon, le Conseil d’orientation des retraites (COR) se livre, dans son dernier rapport, à de " premières évaluations chiffrées " de l’impact de la réforme. Son verdict est, implicitement, sévère pour ceux qui ont conçu et défendu jusqu’au bout un projet en prétendant que, moyennant quelques sacrifices, il " sauverait " la retraite par répartition. Le COR exprime en effet sans ambages ses doutes sur la viabilité financière du plan gouvernemental. Les données du problème sont connues : pour faire face à des dépenses accrues, entraînées par les évolutions démographiques et l’augmentation de l’espérance de vie, le régime général de retraite sera confronté, à l’horizon 2020, à un besoin global de financement évalué à 15,5 milliards d’euros. Les mesures prévues par la réforme Fillon, en particulier les économies attendues de l’allongement de la durée de cotisation obligatoire, en couvriront seulement un tiers (de 4,3 à 5,3 milliards d’euros), explique le COR. Le reste ? Il viendrait du " redéploiement des cotisations chômage " (transfert des excédents de l’UNEDIC sur les régimes de retraite) " qui serait possible en cas de retour au plein-emploi en 2010 ". Pour le Conseil, un tel montage financier " soulève plusieurs interrogations : l’hypothèse économique retenue est-elle réaliste ? Que se passera-t-il si elle ne se vérifie pas ? "
La baisse massive du chômage n’est pas seulement décisive pour l’équilibre financier des régimes : elle conditionne la possibilité, pour les salariés, de travailler effectivement plus longtemps et, ainsi, de bénéficier, le moment venu, d’une retraite complète. " Il s’agit simultanément de réussir le retour au plein-emploi et de parvenir à combler l’écart d’environ 2,5 ans qui sépare aujourd’hui, dans le secteur privé, le moment où l’on cesse son activité de celui où l’on fait liquider sa retraite ", explique le COR, chiffrant à 3,1 millions le nombre d’emplois à créer d’ici 2010 pour atteindre ces objectifs.
Ce " scénario volontariste " suppose que des " actions fortes pour développer l’emploi " soient engagées, prévient le Conseil. Avant d’avertir : " Si l’amélioration prévue ne se produisait pas, le choix serait alors ouvert entre un accroissement des recettes allouées aux régimes " (augmentation des cotisations) et " un ajustement des droits à pension " (moindre revalorisation, modification du mode de calcul.), autrement dit de nouveaux reculs du niveau de pension. Dans ce contexte, le COR met l’accent sur " l’enjeu stratégique " que représente l’augmentation de l’emploi des seniors. En dépit d’une légère hausse dans la dernière période, le taux d’emploi des 55-64 ans reste faible (39,3 %). Les patrons continuent massivement d’utiliser les seniors comme variable d’ajustement de leurs effectifs et de réduction de leurs coûts salariaux. Soulignant l’insuffisance des mesures juridiques prévues par la loi (recul de l’âge du droit de mise à la retraite d’un salarié par son employeur, resserrement des dispositifs de préretraite, etc.), le rappelle souhaite " une grande mobilisation " et prône, en particulier, des " incitations fortes " pour les employeurs à " conserver les salariés seniors dans l’emploi dans des conditions satisfaisantes ". François Fillon avait promis d’ouvrir des négociations sur cette question : les syndicats les attendent toujours. Tout comme, d’ailleurs, les pourparlers qui avaient aussi été annoncés sur la prise en compte, pour la retraite, de la pénibilité du travail.
À la lecture de ce rapport, la réforme Fillon est " en passe d’apparaître pour ce qu’elle est, un marché de dupes ", comme l’observe le syndicat UNSA. Le financement à moyen terme des régimes n’est pas du tout assuré, la retraite par répartition n’est donc pas " sauvée ", mais il est en revanche certain que les droits à la retraite des assurés vont reculer. Le COR rappelle à ce propos que la réforme Balladur de 1993 conduit à une baisse du niveau relatif des pensions en 2020. Et note que la réforme Fillon va en rajouter : plusieurs dispositions de la loi d’août 2003 auront " une incidence non négligeable pour certaines catégories ". C’est le cas, notamment, des personnes ayant des carrières incomplètes " et donc plutôt des femmes ", touchées par la modification du calcul de la pension, basé sur une durée de cotisation de 160 trimestres. Quant à la hausse de la pension minimale, à 85 % du SMIC, d’ici à 2008, dont le gouvernement fait grand cas, le COR en relativise la portée en précisant que cette garantie " ne joue qu’au moment de la liquidation (de la retraite) et plus par la suite ". Le rapport pointe également la modification du système des avantages familiaux : la bonification de durée de cotisation pour enfant élevé est désormais accordée aux fonctionnaires à la condition qu’ils aient cessé leur activité. Ce qui " introduit une différence de traitement " avec le privé, où cette condition n’est pas posée.
Au total, cette première évaluation de la réforme, formulée par une instance indépendante et pluraliste (le COR regroupe des représentants du Parlement, des syndicats, du patronat, d’associations, des personnalités qualifiées), confirme le bien-fondé de la demande, réaffirmée par Jean-Christophe Le Duigou au nom de la CGT, de réouverture de négociations sur l’ensemble du dossier afin de garantir effectivement l’avenir du système de retraite.
Yves Housson