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L'En Dehors


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La route des inconduites.
Lu sur Oulala.net "Comme chaque été au mois d'août, nos journaux désoeuvrés titrent sur l'hécatombe routière.Qu'en est-il vraiment ?Il m'est arrivé plusieurs fois, en remontant d'Espagne après un long séjour en Afrique du Nord, de me trouver soudainement surpris, après le passage de la frontière, par l'agressivité d'automobilistes français qui, notamment, talonnent dangereusement la voiture qui les précède pour qu'on les laisse doubler. « Ah, c'est vrai, me dis-je à chaque fois, j'avais oublié qu'en France, on n'est pas sur la route mais en guerre ».

Cette manière de se comporter, qui relève d'une inconduite sociale notoire, n'est pas un épiphénomène, mais un symptôme. Comme le soulignait une campagne de la Prévention Routière, « on se conduit, comme on conduit ». Ce n'est pas seulement la façon de conduire sa voiture qui est en cause dans ce phénomène, mais une conduite plus générale qu'on pourrait qualifier d'asociale.

Dans un pays comme la France, l'économie du moteur à essence est devenue un des principaux moteurs de l'économie (production d'automobiles, d'essence, de routes, d'autoroutes, d'équipements routiers). Mêmes les accidents augmentent le PIB (assurances, soins hospitaliers, aide aux handicapés). C'est dire que la voiture est le « fleuron » du capitalisme, surtout dans le pays qui a vu inventer les premiers chars à traction interne.

Mais il doit y avoir une spécificité culturelle française en ce domaine, puisque c'est dans ce pays d'Europe que la conduite routière apparaît aujourd'hui la plus dangereuse. Le trait qui, à mon sens, éclaire ce particularisme est l' « arrogance » des élites. On peut observer en France, comme si c'était une une règle historique, un mépris fondamental des politiciens, de droite ou de gauche, pour les citoyens ordinaires, juste bons à éduquer, surveiller ou punir, rarement à écouter. Le même mépris existe chez les dirigeants d'entreprise, patrons ou P.D.G., pour qui les personnels ne sont guère que des gêneurs et des facteurs d'amputation des bénéfices (cela explique pourquoi ils ne négocient en général que sous la menace). Cette arrogance n'est pas naturelle, et il n'existe aucun gène gaulois qui en justifie la présence chez les enfants. Il faut donc à tout petit Français en faire l'apprentissage. Notamment à l'école, où les meilleurs écrasent les moins bons. Par un mode asocial d'entrée dans la vie active. Par le désir d'être le meilleur. Etc. Toutes règles d'inconduite qui sont de plus en plus amplifiées par la publicité, notamment pour les automobiles.

La route, métaphore de la vie, devient alors un terrain de compétition. On ne la partage pas : on se la dispute. Au sommet de la société, dans leurs salons dorés, les élites justifient leur supériorité en la présentant comme prime de leur réussite dans la compétition, elle-même célébrée comme moteur de la dynamique sociale. Ceux qui ont gagné étaient les meilleurs. On devient donc le meilleur en gagnant la course. Le cocorico qui annonce la victoire est l'estampille culturelle de ce satisfecit.

Le discours sur l'excellence des élites vise à cacher le fait que le jeu est truqué : ceux qui ont les bonnes places distribuent les cartes, déterminent les règles et assurent les mises, si bien qu'évidement, ils ramassent tous les gains. C'est un secret pour personne que les fils d'énarques, de médecins, de P.D.G. ou d'avocats, réussissent mieux que les fils de gens ordinaires, surtout d'origine immigrée. Mais, pour faire croire que le jeu est valable à tous les niveaux de la société, on en célèbre les valeurs par tous les moyens : « cours ! dit-on au jeune fils de citoyen moyen, tu as des chances d'arriver premier ! » Et peu importe si en courant, il s'essouffle, s'épuise, tombe malade ou se tue.

Dans les entreprises, l'excellence des cadres est souvent mesurée au modèle de leur voiture, à tel point que les fabriquants déterminent l'échelle de leurs modèles en fonction de l'échelle des hiérarchies (les voitures de fonction sont attribuées en fonction du grade). Etre doublé par quelqu'un de supérieur fait partie des règles de bienséance, mais si la voiture qui me double est d'un modèle inférieur au mien, j'ai le droit de me sentir humilié et de la redoubler. C'est une question de fierté.

Lorsque la vie en société est ainsi conçue comme une guerre permanente, il n'est pas surprenant que, comme dans toutes les batailles, ce soient les jeunes de vingt ans qui meurent les premiers. Comme le montrent les statistiques, ce sont eux paient le plus lourd tribu à l'automobile. Lorsque domine le darwinisme social prônant l'élimination des faibles, ils s'appliquent à eux-mêmes les lois de la sélection dite naturelle, selon lesquelles seul subsiste le plus fort.

« On va voir ce qu'elle a sous le capot » est un propos fréquent de celui dont l'excellence se mesure à la cylindrée de son véhicule. Dans cette logique, on est le meilleur, non par ses actes, mais ce qu'on possède. On admire le pilote pour sa machine plus que pour son art du pilotage (« tu as vu l'engin ! » est le cri d'admiration à son passage). L'habit ne fait pas le moine, mais la pourpre fait le cardinal.

La manière de boire, d'où vient l'ivresse fréquente des conducteurs ayant causé des accidents, est évidemment liée à la façon de se conduire socialement. Dans la grande majorité des cas, il s'agit d'individus qui ont bu en groupe, non pour le plaisir de boire de bons alcools, mais par principe, parce que « plus on peut encaisser d'alcool, plus on est fort ». Il suffit d'écouter le lendemain en quels termes on raconte la « fête », le récit de la cuite qu'on a prise, pour voir à quel point la soumission à la force de l'alcool (ou de toute autre drogue) y est célébrée comme une victoire. Conduire en état d'ivresse n'est qu'un détail dans ce cérémonial. Pour une large part, de telles soirées ne sont guère des moments de bonheur, mais d'étourdissement (acheté sur mesure à des propriétaires de boîte qui se soucient peu du bien-être réel de leurs clients), et y boire de l'alcool une question de fierté. Il y a bien sûr une ressemblance entre cette façon de boire et le suicide. Que la mort soit au bout du chemin fait partie du jeu faussé dont les jeunes consommateurs de loisirs alcoolisés sont les victimes autant que les acteurs.

Attribuer la « responsabilité » des accidents de la route à la fatigue, à la consommation d'alcool, ou encore au brouillard, à la vitesse, au mauvais état de la chaussée, déresponsabilise un peu plus les participants (conducteur, passagers, patrons de boîte, police, etc.), et accentue les causes de ce malheur généralisé qui noie son mal de vivre jusqu'à en mourir. Car être « responsable » c'est assumer les choix qu'on fait. Encore faut-il en avoir pris la décision. Ce qui n'est pas le cas de la plupart des acteurs de ce jeu lamentable, renouvelé de week-ends en vacances scolaires, qui fait se précipiter les perdants du système sur une piste où leur survie se joue au hasard. Les riches, en général, ont leur chauffeur, dont la moindre des compétences est de ne pas boire.

Conduire en état d'ivresse, de surcroît en transportant des passagers (complices, victimes ou incitateurs) est évidemment un acte de délinquance aux risques plus grands que voler dans un supermarché. Mais très curieusement ni les médias ni les politiciens n'abordent sous cet angle le problème. On fait chorus sur l'incivilité des petits voyous de quartier, mais on fait silence sur l'incivilité bien plus grande des chauffards qui prennent la route pour un manège de foire ou un ring. Il serait évidemment facile, si l'on contrôlait l'état d'alcoolémie des conducteurs à la sortie des boîtes (dont on suppose l'emplacement connu par les services de sécurité), de diminuer grandement les risques d'accidents dans de telles situations. Mais les missions de répression confiées d'habitude à la police leur interdisent de se présenter avec bienveillance dans des lieux fréquentés par les mêmes jeunes avec qui ils entretiennent des relations plus proches de la chasse au petit gibier que de l'assistance à personnes en danger.

Dans la course au profit qui est la morale du capitalisme, on invite les concurrents à « dépasser leurs limites ». C'est ce que font tant de jeunes, en buvant à l'excès, en se battant pour des peccadilles et en roulant à tombeau ouvert en état d'ivresse. Chacun sait ce qui se trouve au-delà des limites, surtout le petit soldat qu'on envoie au front passer la ligne de démarcation. Dans la bataille organisée par le système productiviste, les accidentés de la route sont un détail de la fin de l'Histoire. A tout combat, il faut des perdants. Mais la vie n'est pas un combat, et c'est elle qu'on perd dans la lutte pour le pouvoir.

D'autres fêtes que les loisirs planifiés par les marchands de mort sont bonnes à célébrer. Ceux qui aiment la vie aiment aussi en goûter les plaisirs, y compris d'alcool ou de vitesse, hors des entraves de la marchandise. Il y a d'autres choix que la mort programmée dans un tas de ferraille ou la mort à petit feu dans les rouages de l'économie. Les libres choix sont ceux que créent les acteurs du social. En dehors des routes de l'inconduite tracées par les maîtres de l'antijeu.

Paul Castella"
Ecrit par libertad, à 22:14 dans la rubrique "Pour comprendre".



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