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Les régimes spéciaux de retraite
Les médias serveurs de soupe ayant docilement repris du collier, une première résistance consiste pour nous à poser quelques repères précis, afin de démystifier les mensonges, de refuser la culpabilisation ou la résignation et de préparer la lutte à venir. Les données qui suivent sont reprises d'une brochure SUD Rail et concernent donc le régime des cheminots, mais la logique est certainement transposable aux autres régimes spéciaux. Aux collègues de l'énergie, de la RATP, des mines, des marins, etc., de venir à leur tour exposer le leur dans ces colonnes, ou ailleurs.

Rappels historiques
1853: régime de retraite des fonctionnaires.
1930: régime général d'assurances sociales par capitalisation (le salarié investit dans les fonds de pension et le niveau de sa pension est déterminé par les spéculateurs).
1945 : régime général de Sécurité sociale, par répartition. Les actifs cotisent et versent aux retraités sous forme de pension, dont le niveau résulte d'une décision politique (en fonction du rapport de forces du moment entre le monde du travail et celui du capital). La représentation de la Seconde Guerre mondiale, avec ses armées et ses États, a tendance à occulter que 1945 porte précisément l'héritage des grands mouvements ouvriers de l'entre-deux-guerres, qui ont fortement ébranlé la société des possédants.
Or les régimes spéciaux créés tout au long du XIXe siècle, basés sur la répartition, offraient une meilleure protection. Ils sont alors conservés, dans l'attente d'être rattrapés par le régime général promis à amélioration. À noter, pour répondre au mensonge de la faillite du système, que, si l'économie ruinée de 1945 a pu mettre en place ce régime général par répartition, on a du mal à croire que celle des années 2000 ne soit pas capable de le maintenir!
Durant les années 50 et 60, le régime général s'améliore sans rattraper les régimes spéciaux. 1962 : mise en place d'un régime complémentaire, rendu obligatoire en 1982 (année du minimum de pension garanti au salarié ayant cotisé 37,5 ans, et de la retraite à 60 ans pour tous).
Depuis la fin des années 80, les possédants s'estiment libérés de tout compromis et organisent une sape (Balladur en 1993 pour le privé et Fillon en 2003 pour les fonctionnaires), qui n'aura pu être retardée que par la lutte déterminée de 1995.
Aujourd'hui, les régimes spéciaux représentent plus d'un million d'ayants droit et 6 % des retraites en montant. Ils concernent les mines (395 000 pensionnés), la SNCF (316000), l'énergie (144000), les marins (123 000), les clercs (47 000), la RATP (43 000), les chambres de commerce et d'industrie (2500), l'opéra (1500), les cultes en Alsace! (800), la Comédie-Française (350).
Le régime de la Banque de France (15 000 pensionnés) a basculé au régime général en 2007, après une faible résistance.
Et puis il existe un régime « très spécial », qui n'est jamais dans le collimateur des possédants: celui des parlementaires!

Derrière l'hallali médiatique

Fillon, Sarkozy, la Cour des comptes, des sondages orientés avec soin, Bayrou, les ténors du PS, et j'en passe: tous s'accordent sur la fin des régimes spéciaux... La direction de la SNCF abonde en affirmant que la retraite des cheminots la pénalise de 95 millions d'euros dans le compte de son activité fret (histoire de nourrir tous les catastrophismes possibles), voire même plomberait ses comptes globaux.
Attardons-nous sur ce point. Début 2007 rentraient en application de nouvelles normes comptables, dites « IFRS », dont le prétexte était l'harmonisation internationale selon les exigences des entreprises cotées en Bourse, par rapport à des réalités du système anglo-saxon, parmi lesquelles les scandales répétés de faillites type Enron, qui ruinèrent d'un coup des dizaines de milliers de pensionnés, sans aucun recours. A-t-on retiré la gestion des pensions aux patrons avides? Non! On a obligé les entreprises à provisionner les engagements futurs. Appliquée à la SNCF, cette règle exige de comptabiliser aujourd'hui une partie des retraites à payer aux cheminots jus
q'à la f
u in de leur vie. Résultat: plus de 100 milliards à provisionner! Solution: on a rendu juridiquement autonome la caisse de retraite, pour la sortir des comptes, par décret de mai dernier. Sur un plan d'outil collectif, c'est aussi pour l'État une manière de nationaliser la caisse des cheminots, après avoir nationalisé de fait la Sécu. La voie est libre pour trouver chaque année un « trou » qui appellera à la « responsabilisation » des pensionnés (décotes, durée de cotisation, etc.) et à « l'équité » (tous pauvres!). Et puis c'est l'idée même de solidarité immédiate entre salaires et pensions qui est sapée. D'ailleurs, pour la première fois, les pensions n'ont pas été discutées lors des négociations salariales annuelles en 2007.

Mensonge n° 1 : d'autres paient la retraite des cheminots

En 1974 fut instaurée une solidarité financière entre tous les régimes, corrigeant les écarts de capacité contributive, compte tenu de leurs démographies. C'est la compensation, qui prenait en compte les effectifs des plus de 65 ans, et les pensions directes (pas les réversions). Lés cheminots bénéficient ici, comme toutes les professions à forte baisse d'effectifs, d'une solidarité partielle. La SNCF reçoit 54 millions d'euros du régime général et verse 46 millions au régime des non-salariés.
En 1986 est instaurée la surcompensation, selon la même logique mais entre les régimes spéciaux, basée sur les effectifs des plus de 60 ans, sur pensions directes et réversions, et sur un calcul de la pension moyenne. La SNCF reçoit 327 millions d'euros pour compenser une petite partie (21 %) de la baisse du rapport actifs/retraités (passé de 2 à 0,7). Rappelons que c'est aussi l'effet d'une politique délibérée de réduction des effectifs (par non-renouvellement de postes, filialisation de pans entiers de l'activité de la SNCF, création de RFF).
Entre-temps, en 1983, l'Epic (Établissement public industriel et commercial) SNCF est créé pour succéder à ce qui était depuis 1938 une société anonyme à capitaux étatiques, et le cahier des charges précise sa participation au régime de retraite. La SNCF finance les particularités du régime sur une population normalisée (même rapport actifs/retraités que le régime général) tandis que l'État prend en charge le surcoût lié au déséquilibre démographique. Il ne s'agit donc toujours pas de tel ou tel avantage. Si l'État arrêtait de payer, ou bien si le régime spécial n'existait pas, le régime général verserait cette somme de 2 552 millions d'euros.

Mensonge n° 2 le départ cinq ans avant

L'âge réel de cessation d'activité des salariés du privé et des fonctionnaires est de 5 7 ans. La moitié des salariés du privé de 55 ans et plus sont préretraités ou chômeurs. Seulement 40 % travaillent lors de la liquidation de la retraite.
Quant à la question de la pénibilité, elle mériterait de longs développements car elle est mal posée aujourd'hui, tous régimes confondus. Notons toutefois que, lorsqu'il s'agit des forces de répression (police et armée), nos tyrans n'évoquent pas l'indignité de départs à 55 ans, 50 ans, voire plus tôt

Mensonge n° 3 :l'avantage du calcul sur le salaire des six derniers mois

Dans la logique de carrière de la SNCF, le dernier salaire est le plus élevé. Ce qui n'est plus le cas pour les salariés du privé (carrière irrégulière, chômage ou préretraite pour la majorité lors du départ à la retraite), pour lesquels la revendication juste serait au minimum un retour aux 10 meilleures années, voire une amélioration en prenant les 5 meilleures.

Mensonge n° 4 :l'avantage d'une pension au taux plein dès 37,5 ans de cotisation

Pour avoir ses 3 7 , 5 annuités, un cheminot doit être entré à 17 ans, ce qui est loin d'être le cas pour la majorité. à la liquidation, la durée moyenne est de 3 3 ans. En outre, le calcul se fait sans les indemnités et une partie des primes, et sur la base de 87,6 % du salaire et non 100 %. En moyenne, la pension du cheminot s'élève à 1 534 euros pour 1 713 dans le privé. Et, en bas de l'échelle, plus de 30 000 retraités (10 %) et 25000 pensionnés de réversion
touchent le minimum de pension, 1 023 euros.
Le COR (Conseil pour l'orientation des
retraites) indiquait en 2001 que le pourcentage de la retraite par rapport au salaire était de 84 % dans le privé (mais 10 % ont moins de 1 15 0 euros), de 7 7 % chez les fonctionnaires et de 67,5 % chez les cheminots. Taux qui tombe à 58 % si l'on rapporte au salaire y compris indemnités et primes.
On le voit, les cheminots payent leur « avantages » pendant toute la période d'activité. Ils cotisent plus. Pour 25,87 à 28,63 % dans le privé (selon le niveau de la complémentaire), c'est à la SNCF 42,30 % (30,34 %, fixé par décret pour assurer la retraite aux conditions du régime général, et 11,96 pour payer les départs avant 60 ans). Et ils gagnent moins, car la SNCF reprend d'une main ce qu'elle donne de l'autre en offrant des salaires moindres à qualification égale.
Il s'agit donc bien d'un choix collectif de modalités d'une solidarité entre actifs et retraités, dans une population particulière. Les anarchistes critiqueront à juste titre la manière avec laquelle ce choix est maîtrisé ou non par les travailleurs eux-mêmes, mais les principes de solidarité qui sont en jeu sont tout sauf « indignes ».
Au total, les cotisations se montent à 1,8 milliard d'euros, soit 38 % des ressources de la caisse des retraites. La contribution de l'État (2,5 milliards) en représente 54 %, et
compense le déséquilibre démographique. C'est certes important, mais c'est à comparer à d'autres interventions de l'État en faveur des entreprises, comme la compensation des mesures d'allégement de charges patronales (environ 25 milliards, en constante augmentation) et des aides aux possédants (droits de succession, boucher fiscal, etc.)

Mais alors pourquoi?

Pas pour faire travailler plus longtemps puisque les jeunes ont déjà du mal à entrer dans des emplois stables et que les anciens sont virés à l'occasion d'incessantes restructurations.
L'objectif est en fait la baisse mécanique des pensions, en allongeant la durée de base (40 ans aujourd'hui mais 45 annoncés demain), en annulant l'effet « meilleures années » (passées de 10 à 25), en désindexant les pensions des salaires, en sanctionnant le manque d'annuités par des décotes sévères, etc. Bref, on ne garantit, au titre de la solidarité, que la misère, et on fait place nette pour les retraites par capitalisation, fiscalement soutenues, qui accentuent les inégalités entre possédants et possédés (!), jusqu'à ce que quelques faillites frauduleuses ne rééquilibrent partiellement la donne en renvoyant un peu des classes dites moyennes dans la misère de celles qui auront toujours été pauvres... Entretemps, bien sûr, des gens « dignes » auront fait quelques profits.
C'est le mouvement observé depuis la réforme Balladur pour le privé, où les salariés vont perdre 20 % de pension d'ici à 2040
8 % du fait du calcul sur les 25 meilleures années, 8 % par l'indexation sur les prix et non les salaires, 4 % par le calcul sur 40 ans.
La question globale du partage des richesses
La stratégie de division a fonctionné. Après le privé, et les fonctionnaires, nos tyrans ont beau jeu de stigmatiser les nantis qui ne voudraient pas se laisser aligner (dans tous les sens du terme).
Il nous faut donc reposer le problème en termes généraux. A l'intérieur du système capitaliste tout d'abord, en rappelant qu'il s'agit de la reprise par le capital de la portion de « richesses » que les rapports de forces construits tout au long du XIXe et jusqu'aux années 1960 avaient permis d'attirer vers le travail. (les salaires représentaient encore 70
du PIB il y a vingt ans, 60 % aujourd'hui).
Dans une optique démographique générale ensuite, ce n'est pas le rapport actifs /retraités qu'il faut examiner, mais le rapport actifs/inactifs. S'il y a plus de retraités, il y a aussi moins de jeunes, et le rapport actifs/inactifs n'est pas appelé à chuter dans les quarante années à venir.
Au-delà, et sur un plan plus spécifiquement anarchiste, il nous faut reposer la question du type de société que nous voulons, débarrassée des instruments de domination, dont font partie le salariat et l'argent. Cela conduira nécessairement à revoir l'idée même de retraite, au profit de mécanismes de solidarité généraux qui, tout au long de la vie, demanderaient à chacun selon ses capacités (à développer et à partager) et accorderait à chacun selon ses besoins (à questionner selon qu'ils apparaissent vraiment émancipateurs ou au contraire aliénateurs d'autrui).
C'est dans cette perspective qu'il nous faut reprendre la lutte sur les régimes spéciaux. Non pour garantir à leurs seuls bénéficiaire de pouvoir encore se payer leurs « avantages », mais parce qu'ils portent un reste de la valeur de solidarité qui a été abandonnée au tyran dans les autres secteurs.
Certains, en d'autres temps et d'autres lieux, se sont battus jusqu'à la dernière barricade, jusqu'au dernier mur. Ce rappel n'est pas encourageant, mais ceux qui ont abandonné la lutte aux premières charges versaillaises ou phalangistes n'ont pas vu pour autant leur salut. La seule question est donc
celle-ci : comment construire un mouvement qui prenne appui sur ce mur auquel nous sommes adossés, pour repartir dans le sens de l'émancipation.

Sitta Neumayeur
milite au groupe Louise Michel de la FA et à Sud rail

Le Monde libertaire #1489 du 11 octobre 2007
Ecrit par libertad, à 11:32 dans la rubrique "Actualité".



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