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L'En Dehors


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Une question de vie ou de mort
--> De (I)An-ok Ta Chai
Trois de mes amis sont décédés cette année. Tous les trois ont été en quelque sorte tués par la Civilisation (cancer, accident de voiture, et suicide suite à une grave dépression). Aucun de mes proches n’étant jusqu’à présent décédé, c’est ainsi que je fus subitement confrontée à la mort.
Beaucoup de personnes lorsqu’elles sont confrontées à l’approche Green Anarchiste la rejettent parce qu’elles la voient comme la cause potentielle de la mort de nombreuses personnes travers le monde. Ces gens constatent notre dépendance actuelle aux choses telles que l’agriculture moderne, les moyens de transport et le système de protection social et ils concluent que la disparition de la Civilisation précipiterait la mort de plusieurs millions de personnes. Ces deux exemples, parmi d’autres, m’ont conduit à réfléchir sur la mort et la Civilisation, ou par opposition sur la vie et la nature. A de nombreuses reprises par le passé, il a été dit que la mort faisait partie de la vie. A l’instant même où nous venons au monde, nous avons tous une date d’expiration, même si normalement nous ne la connaissons pas. Tout meurt, que ce soit les végétaux ou les animaux, le système solaire ou les organismes microscopiques, ou les personnes – aussi bien jeunes que vieilles. Des gens sont morts soudainement et sans qu’on s’y attende aussi bien avant qu’après l’avènement de la Civilisation.
Malgré cela, la peur de la mort le plus souvent nous hante, consciemment ou inconsciemment. En aucun cas nous ne voulons mourir, et nous sommes prêts à faire n’importe quoi pour y échapper.

Je crois que notre peur de la mort nous asservit et consolide la Civilisation elle-même. La peur de la famine et d’être sans abris nous conduit à sans cesse encourager la culture de la consommation et l’esclavage rémunéré. La peur de la maladie nous conduit à sans cesse encourager le système médical et industriel aliénant. La peur du meurtre et des agressions nous conduit à encourager sans cesse les institutions policières, militaires et pénitentiaires. La peur de mourir dans un futur incertain nous conduit à encourager sans cesse les institutions en charge de l’éducation. La peur de mourir des mains de l’Etat nous conduit à ne pas nous soulever dans un mouvement de révolte.
La peur de la mort est l’unique explication sous-jacente possible que je vois à cela. Ce n’est pas la peur de souffrir : la Civilisation et l’Autorité ont déversé sur nous pléthores d’abominables souffrances dont chacun d’entre nous avons déjà fait l’expérience et cela sans considération de notre obéissance. La mort elle-même apparaît comme le mystérieux croque-mitaine auquel nous obéissons par peur. Et malheureusement, à notre propre crédit, nous avons été tellement profondément endoctrinés, domestiqués et aveuglés par la peur que bien souvent nous ne pouvons pas penser à une autre façon de survivre quand bien même nous le voulons vraiment !
Ainsi nous nous retrouvons à courir frénétiquement çà et là – allons au travail pour gagner de quoi payer les factures, surmonter les obstacles dans le but d’échapper aux sanctions mortelles. Dans notre hâte, nous laissons nos âmes derrière nous. Nous devenons des morts-vivants. Des zombies, dans le sens propre du terme – inconscients de nos propres actions, coupés du sentiment de notre propre souffrance, asservis par nos propres pensées et sentiments, débitant inconsciemment les mantras des autres qui nous entourent. C’est cela qui détermine la distinction classique entre « vivre » vraiment et tout juste « survivre ».
Cependant, demeure toujours en chacun de nous au moins une étincelle de vie – un peu d’espoir. Je pense que la Green anarchie est la façon la plus naturelle de vivre dans ce monde, et dans le but de vivre en harmonie et en connexion avec la vie telle qu’elle est conçu par ce mouvement, toutes les formes de vie ont en elles une tendance à l’autonomie, à l’authenticité, à la coopération et à l’autoréalisation. Nous pouvons abattre, refreiner, ignorer et nous éloigner de ce que nous sommes à la base, mais temps que nous vivons, existe toujours le potentiel de nature et de révolution. Et dans le but de vivre réellement, une question se pose alors – de quelle manière nourrissons-nous notre tendance innée pour l’anarchie et l’autoréalisation ? C’est une question fondamentale et importante à laquelle il faut répondre – et à laquelle il est le mieux répondu lorsque tu regardes en toi et te la pose à toi-même, en toute honnêteté.
Lorsque quelqu’un meurt physiquement, il y a de nombreuses façons de prendre la chose. Personnellement, l’expérience autour de la mort qui m’a le plus aidée à m’assumer est arrivée en début de cette année, avec deux de ces amis que j’ai mentionnés en début de cet article. Ces deux personnes faisaient parties de sorte de communautés locales dont les membres se souciaient réellement d’eux, et suite à leur décès, ces communautés se sont réunies pour aborder le sujet. Ce qui fut abordé fut comment ces gens, par leurs actions, ont contribué au cours de leur vie aux principes d’autonomie, de conscience, de connexion, d’inspiration et autres grâce auxquelles l’anarchisme évolue et sur lesquelles il repose. Nous avons aussi discuté des fois où ces qualités leur faisaient défaut. Cette dernière partie fut un effort pour nous beaucoup plus dur à fournir, étant donné le processus de socialisation que nous avons tous subis dans la Civilisation qui nous mène à « être poli » et à « respecter les morts ». De manière très importante, nous avons tous parlé ouvertement de la manière dont chacun d’entre nous vivions ces décès. Bien trop souvent, lorsque quelqu’un meurt, ceux qui restent et leurs expériences sont mises de côté dans le but de faire éloge à la mémoire du défunt. Ce n’était pas le cas.
La façon habituelle dont nous traitons la mort dans notre société est selon moi révélatrice de l’aspect « mort-vivant » actuel de la Civilisation. L’achat et la vente de cercueils, de services funéraires à domicile, de lieu de sépulture, les rituels standardisés et les rôles institutionnalisés, les masques et les façades polis et gentils, l’invitation de tout le monde et de n’importe qui à l’enterrement, sans que soit prêté attention au degré de proximité que ces gens avaient avec le défunt, dans le but de créer un appel de masse – comment est-ce que celui-ci pourrait soulager la marchandisation, la standardisation, l’hypocrisie, et le caractère impersonnel et massifié de la société qui nous entoure ? Tout cela contribue à entretenir l’image d’une Civilisation à laquelle on ne peut vraiment pas échapper – que même dans la mort nous devons entretenir des rapports aussi peu naturels. Ainsi qu’en est-il de la mort de millions de personnes que pourrait engendrer l’effondrement de la Civilisation ? Comment traiter une telle catastrophe ? C’est très facile de dépersonnaliser ce genre de chose, en particulier lorsqu’il est question d’un évènement cataclysmique à l’échelle mondiale. Pour paraphraser Joseph Staline, une personne qui meurt est une tragédie, une centaine est une statistique.
Je pense qu’il est essentiel de garder toujours à l’esprit que chaque personne qui décède, a également des amis, de la famille, des personnes qu’elle aime et des personnes affectées. L’impact émotionnel, psychologique et social et les ramifications de ce décès peuvent conduire à des changements et des gestes complètement imprévisibles, qu’ils soient bons ou mauvais. Si nous ne gardons pas ceci à l’esprit, et ne prenons pas de précautions à cet égard, j’ai peur de songer à ce à quoi cela nous mènera. C’est pour cette raison que je crois que deux pratiques et changements sont nécessaires. Nous devons apprendre à faire notre deuil d’une manière porteuse de sens et émotionnellement apaisante et nous devons apprendre à nous soutenir réellement les uns les autres et à être là les uns pour les autres. Apprendre à faire son deuil n’est pas une leçon qu’il faut appliquer uniquement lorsqu’une grande tragédie arrive pour continuer à avancer dans nos vies. Chaque jour, nous sommes confrontés à des injustices que le gouvernement commet partout, à l’extinction d’espèces causée par le développement industriel, à des mensonges flagrants répandus par la presse capitaliste. Ou même dans nos vies personnelles – descendre une rue dans une grande ville peut être une cause de deuil – avec ces immenses panneaux publicitaires, la pollution et l’aliénation sociale. Ou nous pouvons constater en nous combien nos propres âmes sont en grande partie mortes – combien nous sommes trop domestiqués et coupés du flux de vie. Ainsi apprendre à faire réellement deuil est essentiel à la vie – autrement nous pouvons être paralysés par la dépression, abattus par le désespoir, ravagés par le pessimisme, ou simplement submergés par la propre énormité de tout cela.
Se soutenir les uns les autres et être là les uns pour les autres recoupent les principes anarchistes classiques « d’aide mutuelle » et de « solidarité » - toutefois je me concentre ici sur un domaine souvent négligé dans lequel ces principes peuvent être appliqués, l’émotionnel et le psychologique. Cruciaux afin que soit fondées communautés et cohésions d’ensemble, faire en sorte que des associations libres fonctionnent harmonieusement et permettant aux individus de s’épanouir comme un être autonome en trouvant les manières dont on peut réellement être un soutien l’un pour l’autre dans ces domaines personnels et sensibles. Ce n’est en aucun cas une tâche aisée, dans la mesure où nous sommes tous conditionnés à voir et à traiter autrui comme s’il était conditionné ou une mention statistique et non comme une complexité ou une subtilité individuelle autonome, et les nuances que tout cela implique. Mais je suis certaine que cela peut être fait, si nous tapotions seulement dans la part de nous qui est la plus innée et naturelle – notre nous profond. Si nous pouvions faire cela, je suis convaincue que nous pourrions immanquablement découvrir que nous sommes profondément réels et en harmonie avec ce qui se trouve en nous, que nous sommes vivement conscients et attentif à ceux qui nous entoure et que nous apprécions réellement la vie présente en ceux qui nous entourent. A partir de tout cela, nous découvririons que nous évoluerions dans des relations sincères et solidaires.
Je pourrais ici polémiquer sur combien la Civilisation et l’Autorité sont beaucoup plus meurtrières que l’effondrement de le Civilisation ne le sera jamais, sur le fait que chaque jour durant lequel la Civilisation demeure le nombre de personnes qui va probablement mourir de ce fait augmente, et sur le fait que la Civilisation est essentiellement fondée sur la mort et la destruction, mais je ne le ferai pas. A la place je trouve plus utile et personnellement plus porteur de sens de parler des dynamiques relationnelles et des processus vitaux de la « vie » et de la « mort » à la fois dans le cadre et en dehors du contexte de la Civilisation. Je réalise que réfléchir ce que cela signifie vraiment d’être en vie et de ne pas être un zombi et penser à la manière dont nous établissons des rapports avec la mort à la fois avant et après que celle-ci arrive est radicalement subjectif et parfois un sujet intimement personnel.
Je peux seulement espérer qu’ici j’aurais aidé à trouver quelques points de références et l’inspiration afin que tu puisses faire ta propre exploration de ces sujets en dehors du royaume de la domestication et dans l’inné.

Traduction par Anaïs d'un texte paru dans Green anarchy #20 été 2005

Ecrit par libertad, à 22:04 dans la rubrique "Pour comprendre".



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