Lu sur
CQFD : "Comme dans la chanson de Ferré, en Russie y en a pas un sur cent, et pourtant ils exiiisteuh, les anarchiiisteuh. Avant d’être la patrie de Staline, la Russie fut le berceau des apatrides Bakounine et Kropotkine. Après une longue hibernation, l’ours rouge et noir est de retour et il n’est pas content. Mais à l’inverse de la chanson de Brassens, le 23 février, il ne reste pas dans son lit douillet, il descend dans la rue pour pisser sur les bottes des nouveaux maîtres du Kremlin. Du temps de l’URSS, ce jour-là, on fêtait l’Armée Rouge.
En 2004, Poutine transforme ça en « jour du défenseur de la patrie ». Il pousse la bonté jusqu’à en faire un jour férié mais, sacrilège, les anars détournent cette pieuse initiative, qu’ils rebaptisent « jour du déserteur ».
Depuis, de Moscou à Vladivostok en passant par Irkoutsk, les murs des centres de recrutement se couvrent de graffitis pacifistes et les places résonnent de slogans peu orthodoxes, tels que « notre patrie, c’est toute l’humanité » et « liberté, égalité et anarcho-communisme ». Pfff.
Souvent moins nombreux que les flics, les manifestants sont filmés comme si du cheptel d’une émission de télé-réalité il s’agissait. Pas par les médias occidentaux, mais par les caméras de la police, qui tient ses fichiers à jour.
Nos preux chevaliers des libertés démocratiques ont l’indignation sélective : on prend la défense d’un oligarque mafieux malmené par Poutine, mais pas question de parler de ces vilains petits anars. Quand il s’agit d’eux, c’est l’union sacrée de l’Atlantique à l’Oural. Presque comme dans le vieux tube de Marx : un spectre hante le monde, l’Anarchie !
Publié dans CQFD n°54, mars 2008.