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Universités, usines à précarité

La politique de précarisation de l'emploi et de marginalisation sociale mise en place depuis vingt ans touche aujourd'hui l'écrasante majorité de la jeunesse. Les plus durement frappés sont les non-diplômés. Mais nombre de diplômés le sont aussi. Quant aux jeunes qui ont la chance de décrocher un CDI, la situation réelle de leur travail est souvent extrêmement dégradée : ils subissent le contrecoup de la précarisation généralisée. De fait, ils sont souvent privés des droits théoriquement attribués, subissent des pressions et des cadences infernales, ou doivent faire des travaux sans rapport avec leur mission, des tâches absurdes. La peur de subir des représailles et de se retrouver jeté à son tour parmi la masse des précaires est une muselière qui rend caduc tout contrat formellement signé.

Seule une petite minorité de la jeunesse, issue de milieux privilégiés, est épargnée. Elle passe par les très «grandes écoles», qui reproduisent l'élite du pays ­ celle, précisément, qui chante les louanges du contrat première embauche. Le pouvoir de cette aristocratie s'est renforcé grâce à la précarisation de ceux sur qui elle règne.

A nous tous, la masse des précaires et des marginalisés, ce qu'on signifie, c'est que nous ne sommes rien, nous sommes superflus, interchangeables et éjectables. Nous sommes la poussière de la société : vulnérables aux caprices du vent et aux coups de balai. Nous sommes des résidus sur lesquels les dominants peuvent marcher et cracher sans souci. Si on nous remarque, on nous jette.

A cette situation sociale dramatique s'est ajouté le sentiment de la disparition de la faculté de révolte. On la pensait noyée dans une passivité embarrassée et un isolement morose. Quant aux rares individus qui voulaient encore se battre sincèrement, leur ardeur s'est usée tant est devenu manifeste le caractère stérile et contre-productif des rituels protestation-délégation-négociation-élection du «dialogue» institutionnel.

A contrario, comme nous le présagions (Libération du 17 novembre 2004), cette généralisation de la précarité a provoqué la multiplication de «chahuts insurrectionnels» de la part de la jeunesse dans les lycées, dans les quartiers populaires, et maintenant dans les universités. Ces actions de désobéissance et de perturbation ont montré une même vitalité à s'opposer à certains rouages de la société dominante.

Aujourd'hui, au moyen d'assemblées générales massives, d'actions (elles aussi menées massivement) de blocage des universités, de perturbation de la circulation ou d'occupations, une partie importante des étudiants et des jeunes précaires s'oppose de façon directe à la politique qu'on veut lui imposer.

Quand on n'est plus rien, on ressent d'autant plus la valeur de l'action collective horizontale. Elle seule permet de surmonter l'état de vulnérabilité intrinsèque à l'individu-poussière. En outre, la solidarité fraternelle qu'apportent ces mobilisations offre une bouffée d'oxygène dans une société plombée par l'individualisme. Ces actions manifestent un intense désir de vivre et de s'organiser collectivement. Ce type d'organisation de la base, directe et massive, ébauche la possibilité d'un autre rapport de force sociale.

En 1789, certains sans-culottes écrivaient : «Vous vous foutez de nous ? Vous ne vous en foutrez plus longtemps...» Et effectivement, quand on perturbe l'usine universitaire, quand les étudiants osent s'arroger le droit de s'organiser par eux-mêmes, ceux qui se foutent de nous sortent du bois. Les réactions grotesques de certains notables politico-universitaires sont un excellent révélateur du système qu'ils veulent maintenir en place.

Tel «président» d'une université scientifique parisienne accuse les étudiants d'empêcher les chercheurs de travailler, alors que tout le campus sait qu'ils peuvent accéder à leur laboratoire. Tel autre dénonce une infime minorité d'extrémistes, alors que toute personne qui est allée dans les assemblées générales étudiantes (qui rassemblent régulièrement plus d'un millier d'étudiants) peut constater le contraire. Quant au ministre, il n'hésite pas à dire que les occupants de la Sorbonne ont dégradé des oeuvres du «patrimoine national», ce qui est formellement réfuté par une dépêche de l'AFP.

Outre la marque du mépris complet que ces personnalités ont pour ceux qu'ils prétendent instruire, les manoeuvres de ces gardiens du temple en pantoufles sont à l'image de ce qui est l'essentiel de leur «métier» : organiser des intrigues de palais et complaire aux pouvoirs en place.

Enfin, une plaisanterie régulièrement reprise par certains serait que «le retrait du CPE ne concerne pas l'université». Ces grands savants ignorent-ils que plus de 50 % des étudiants travaillent pour payer leurs études ? Ignorent-ils que l'emploi précaire sera la norme dans les pôles de compétitivité destinés à employer leurs étudiants ? Ignorent-ils que plus d'un tiers des jeunes diplômés sont encore précaires ou chômeurs trois ans après la fin de leurs études ? Ignorent-ils aussi que plus d'un tiers des personnels de l'université est précaire ?

L'ignorance de ces gardiens du silence est peut-être le révélateur d'une fonction de l'université actuelle : en absence quasi complète de moyens d'une pédagogie réelle, ces lieux ne sont-ils pas de simples lieux de rétention, destinés à canaliser temporairement la jeunesse ? Cette population captive est ainsi utilement soustraite aux chiffres du chômage. De plus, occuper la jeunesse en lui contant des histoires savantes permet d'éviter qu'elle s'interroge trop sur sa situation sociale. Interrogations qui mèneraient à des découvertes qui, elles, risqueraient de troubler l'ordre social dominant.

Enfin, on peut aussi se demander si la tendance manifeste au sein de l'université vers la multiplication des sanctions et vers l'exacerbation de la compétition scolaire ne dicte pas une nouvelle fonction à cette usine universitaire, véritable fabrique de la précarité : surveiller et discipliner ceux qu'on prépare à être de dociles employés anxieux, isolés, méprisés et pulvérisables à tout instant.

Sidonie Lebel et Emmanuel Jollet porte-parole du collectif des jeunes chercheurs contre la précarité (1).

(1) jccp.ouvaton.org

jccp@ouvaton.org
Ecrit par Cercamon, à 18:29 dans la rubrique "Pour comprendre".



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