Alors que le printemps, cette saison associée à la vie et la joie, arrive dans le monde, au Guatemala s'installe l'intolérance. Mardi 24 (mars 2015) au matin, Rigoberto Juárez et Domingo Baltazar, leader du peuple Q'anjob'al de Huehuetenango, ont été arrêtés dans la capitale du pays.
Avec ces arrestations le nombre de leaders sociaux et communautaires et
de membres de l'autorité maya qui sont en prison augmente, à travers des
processus qui les criminalisent illégalement. Rogelio Velásquez et Saul
Méndez avaient déjà été envoyés en prison pour un délit qu'ils n'ont
pas commis. Sont aussi en prison Sotero Villatoro, Fransisco Palás et
Arturo Pablo, tous de Huehuetenango. Depuis l'an dernier la leader
kaqchikel Bárbara Díaz est en prison elle aussi accusée d'un délit
qu'elle n'a pas commis
Le dénominateur commun à tous est leur participation aux luttes
communautaires pour la défense du territoire, action sociale qu'ils
impulsent comme mécanisme de protection face aux nombreuses concessions
octroyées par le Gouvernement à des entreprises privées nationales et
internationales en vue de l’exploitation des ressources naturelles .
Dans certains cas il s'agit de licences d'exploitation minières pour
l'extraction de métaux comme le nickel, l'or et l'argent. Dans d'autres
cas de licences pour l'installation de centrales hydroélectriques ou
d'exploration pétrolière.
Le discours mensonger de ceux qui veulent extraire le dernier gramme de
ressources naturelles est que leur activité favorise le développement et
que ceux qui s'y opposent prônent le retour en arrière. Rien n'est plus
éloigné de la vérité. Par exemple, le cas des hydroélectriques. Il est
faux que la seule installation de l'une d'elles garantisse
l'approvisionnement en énergie pour la localité où elle s'installe. Elle
ne peut pas le faire, du fait des conséquences de la privatisation de
l'électricité décidée par le gouvernement de Álvaro Arzú.
Bien que la Convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail
(OIT) oblige le Gouvernement à consulter les peuples concernés, celui-ci
a fermé les yeux. Il n'a pas tenu compte du fait que pas une seule des
consultations réalisées sur initiative communautaire ne se soit déclarée
pour un projet d'exploitation de ressources. Le "non" a été catégorique
et majoritaire, quasiment unanime, contre l'installation de projets qui
feront un usage irrationnel des ressources naturelles ou dont
l'activité affectera négativement le territoire.
C'est la lutte entreprise par les défenseuses et les défenseurs du droit
à la vie communautaire qui défendent l'espace vital où se trouvent
leurs communautés. C'est pour cela qu'ils ont été criminalisés,
c'est-à-dire qu'on a utilisé indûment le droit pénal pour empêcher
qu'ils ne continuent leur leadership et leur travail de défense
communautaire. Ce sont les prisonniers politiques du XXIè siècle, car
leur conviction de défense du territoire est vue comme une menace par le
Gouvernement et par les intérêts bâtards qu'il défend et protège.
Au poids de l'incarcération politique d'un leader s'ajoute la fragilité
dans laquelle se retrouvent les familles. Le soutien cesse d'arriver, et
au manque de ressources s'ajoute aussi le besoin de plus de ressources,
pour assurer la défense et la durabilité de leurs parents en prison.
Si les menaces lancées par des groupes néofascistes au service des
entreprises exploitant des ressources se concrétisent, il y aura de
nouveaux enlèvements de leaders dont le délit est de penser à la défense
du territoire et de l'espace communautaire. Et de la sorte, le
Guatemala se convertira peu à peu en une prison pour ceux qui défendent
les droits fondamentaux et une cour de récréation pour les criminels qui
les violentent.
http://www.plazapublica.com.gt/content/una-carcel-llamada-guatemala