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La loi prévoyait notamment :
des établissements pénitentiaires pour mineurs,
des centres éducatifs fermés (CEF) [1].
En 2003, le projet prévoyait l’ouverture d’une soixantaine de structures en trois ans. Début 2007, seuls 18 avaient été ouverts, 20 sont prévus en 2007 et 8 en 2008 [2]... à moins que...
Le premier CEF de la région Sud-Est a été inauguré le 24 janvier 2007 à Brignoles. Il ouvrira ses portes le 1er février 2007. Trois autres doivent voir le jour à Cagnes, Marseille et dans le Vaucluse [3].
Les CEF, c’est tout simplement la remise en route des « maisons de correction », supprimées par A. Peyrefitte en 1979 pour leur inefficacité. Les CEF, c’est un lieu « fermé », où chaque manquement peut se solder par la prison, qu’avec remords on présente comme « éducatif » et comme « la dernière chance avant l’incarcération » pour des mineurs délinquants ! Le principe du centre fermé est contesté par de nombreux professionnels et associations : la privation de liberté pour les mineurs (et notamment ce qu’elle induit : l’éloignement de la cellule familiale) ne peut avoir que des effets pervers pour la réinsertion.
Le retour des maisons de correction, le retour de la peine d’enfermement pour les mineurs délinquants, c’est un grave constat d’échec sur les capacités de nos sociétés à réinsérer et éduquer ses enfants [4].
C’est sur un domaine à l’écart de la ville, route des vins à Brignoles, que la Protection judiciaire de la jeunesse a décidé d’ouvrir le premier Centre éducatif fermé (CEF) public de la région. Un terrain qui, depuis longtemps, a vocation à accueillir des jeunes en difficulté : le foyer « La Farigoule » était jusqu’en décembre 2005, en activité ici. Et bien avant, un immense centre pour mineurs a existé, fermé depuis 20 ans. A la veille de la journée portes ouvertes organisée demain, qui réunira aussi bien les élus que les personnalités de la magistrature et le voisinage, les travaux de finition vont bon train. Car dès le 1er février, dix jeunes mineurs délinquants seront placés dans ce centre, encadrés par une équipe de 25 personnes [5].
Placement judiciaire
L’ouverture des CEF, actée dans la loi PERBEN I, est présentée comme une alternative à l’incarcération des mineurs : « Nous accueillerons dix jeunes délinquants multirécidivistes âgés de 15 à 18 ans, qui font l’objet d’un placement judiciaire : contrôle judiciaire, sursis, mise à l’épreuve ou liberté conditionnelle », explique le directeur Benoît Belvalette. Ils séjourneront au moins six mois dans l’établissement, renouvelables une fois. Le placement en CEF est avant tout une sanction : le jeune y est envoyé sous la contrainte.
Il ne peut en sortir sans autorisation. D’ailleurs, si l’établissement n’est pas entouré de miradors mais d’un simple grillage « de jardin » de 2,5 mètres de haut, les barreaux aux fenêtres des chambres sont là pour le lui rappeler, de même que le système de vidéosurveillance. Les visites de la famille sont autorisées sur rendez-vous, et le mineur a droit à deux coups de fil par semaine. Téléphone portable, tabac, stupéfiants et relations sexuelles sont interdits dans l’enceinte de l’établissement. On ne plaisante pas avec le règlement. Et tout manquement à celui-ci peut conduire le jeune directement en prison. Mais, tempère le directeur, l’objectif du centre est de « s’appuyer sur la contrainte pour gagner l’adhésion du jeune ».
Accompagnement éducatif
Cette adhésion, l’équipe éducative veut la conquérir grâce au programme personnalisé mis en oeuvre pour accompagner les mineurs. Quatre pôles d’activité ont été définis : la scolarité, par le biais d’un partenariat avec l’Education nationale ; le pôle professionnel avec une activité horticole dans l’enceinte du centre et un chantier d’insertion mis en place avec le concours de l’Office national des forêts ; le sport, notamment en extérieur ; et l’expression artistique et culturelle avec des ateliers radio, vidéo, écriture, musique, arts du cirque, etc.
De 9h à 17h, les jeunes auront obligation de participer à ces activités. Le soir, des veillées seront organisées. Et même, une fois par mois, des week-ends à thème. « La plupart de ces jeunes sont en situation d’échec et la délinquance est une façon pour eux de se valoriser. Le but, c’est de leur montrer qu’on peut le faire autrement », souligne Benoît Belvalette. Selon lui, « près d’un jeune sur deux est réinséré à la sortie d’un CEF ». Le syndicat majoritaire de la PJJ, lui, y voit plutôt un retour « des anciennes maisons de correction ».
« Les CEF sont un leurre »
L’ouverture du CEF de Brignoles est loin de faire l’unanimité dans le milieu éducatif et notamment syndical. Pour le SNPES-PJJ, l’institution des CEF « rappelle les anciennes maisons de correction ». « On va enfermer des jeunes dans un centre qu’on appelle éducatif avec une équipe de la PJJ pour se déculpabiliser. Mais en réalité, c’est un habillage éducatif », estime Karine Molinier, secrétaire régionale et membre de la section varoise du syndicat. selon elle, « les CEF sont un leurre, car un placement ne peut se faire qu’avec l’adhésion du jeune ». Or, « la contrainte judiciaire a pour objet d’assurer l’effectivité de la mesure éducative de placement en permettant de sanctionner fermement le non-respect de celle-ci ». En clair, la menace de sanction est le moteur des CEF.
« Il y a un déni de la conception même de l’adolescent. Le mineur n’est plus défini comme un adolescent en difficulté mais sous main de justice », explique Karine Molinier. Dans ce contexte, le syndicat juge qu’« il n’est pas proposé au mineur de se reconstruire et d’évoluer mais de construire un projet dans un climat d’obligations, de contraintes et de menaces de sanction ».
A l’inverse, les foyers traditionnels et les milieux ouverts qui existent déjà représentent à son sens « une solution alternative qui a fait ses preuves ». « Mais la PJJ ne donne pas assez de moyens pour qu’ils fonctionnent », précise la syndicaliste. Les CEF, eux, bénéficient d’un budget important. « Dans un foyer traditionnel, la prise en charge d’un jeune coûte 150 euros par jour. En CEF, c’est 650 ! », conclut Karine Molinier.
Marielle Valmalette
D’ici trois ans, la France se dotera de soixante structures dites fermées pour les mineurs délinquants. Nombre de détracteurs stigmatisent leur principe reposant sur la contrainte juridique.
Promesses électorales obligent. Comme le président Chirac s’y était engagé, la politique intérieure du pays passe par le prisme du sécuritaire. L’ouverture des centres éducatifs fermés (CEF), l’une des mesures phares de la loi de programmation et d’orientation du garde des Sceaux, Dominique Perben, adoptée l’été dernier, s’inscrit dans le contrat présidentiel. Quatre CEF sont pour le moment entrés en fonction. D’ici trois ans, le gouvernement a prévu la création d’une soixantaine de ces structures (soit 600 places), sur la base d’une pour deux départements, vouées à accueillir pour des modules de six mois renouvelable une fois, des mineurs délinquants multirécidivistes à partir de l’âge de treize ans et jusqu’à dix-huit ans.
Toutefois, précise-t-on à la chancellerie, " le mot " fermé " ne signifie pas l’enfermement physique, mais l’interdiction de sortir sans être accompagné d’un adulte ". Si la loi ne prévoit pas, en effet, de barreaux aux fenêtres ou de gardiens pour surveiller les pensionnaires de ces centres, elle dispose toutefois que " la violation des obligations auxquelles le mineur est astreint (...) peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l’emprisonnement ". C’est donc la menace d’une incarcération qui doit permettre d’éviter que les jeunes placés ne quittent leur centre du jour au lendemain, une menace ainsi résumée par Dominique Perben : " S’ils sortent, ils vont en prison. "
Le système fait ainsi peser la contrainte juridique, telle une épée de Damoclès, sur la tête de chaque mineur. Ces derniers, placés dans le CEF, soit sous contrôle judiciaire, c’est-à-dire dans l’attente de leur comparution, soit après une condamnation avec sursis et mise à l’épreuve, ne devront jamais déroger aux injonctions du juge, en fuguant par exemple, sous peine de se voir conduire directement en prison. En effet, la loi Perben, outre le fait qu’elle pose le principe de la création de ces structures, permet également de mettre en détention provisoire les adolescents dès l’âge de treize ans.
Pour gérer ces centres : des associations éducatives agréées auprès du ministère ou de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Pour encadrer ces groupes de jeunes, huit au maximum par centre, vingt-sept adultes : psychologues, éducateurs, enseignants, personnels soignants... Le CEF serait la dernière chance avant la prison. Le pari éducatif et les moyens donnés à cette ambition - la prise en charge quotidienne d’un jeune s’élèvera à 600 euros et le coût d’une unité à 1,7 million d’euros par an - n’effacent pas pour autant le chantage à l’incarcération qui les accompagne. " Comment pourra-t-on travailler sérieusement avec ces jeunes dans ce contexte de chantage ? " interroge un éducateur. Et de désespérer que " la confiance, base essentielle de la relation à mettre en place, soit biaisée d’avance ".
" Projet trop coercitif ", estime-t-on à la PJJ, principale force contestataire du système. " Nous disposons déjà de centres de placements immédiats (CIP) et de centres éducatifs renforcés (CER). On aurait pu améliorer le fonctionnement de ces structures qui n’ont pas bénéficié de véritables moyens, dénonce ainsi un directeur départemental de la PJJ. Je ne vois dans les CEF que les succursales des prisons pour mineurs. Car qui peut penser sérieusement que ces jeunes, souvent en manque total de références, vont se soumettre à une contrainte juridique qu’ils sont incapables d’entendre. Ils finiront forcément derrière les barreaux. " Huit établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs (EPSM) sont d’ailleurs actuellement en chantier. Le premier devrait voir le jour en 2006.
Nombreux sont les spécialistes de la délinquance des mineurs à critiquer le concept de CEF. À la fin mars, ce sont le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) et le SNEPS-PJJ-FSU (majoritaire) qui ont fait monter d’un cran la polémique. Motif ? Le " projet éducatif " présenté par l’Association pour l’éducation renforcée (APLER), qui gère le centre pour jeunes filles de Lusigny (Allier). " Sexiste, moralisateur, anachronique et contraire aux droits fondamentaux de la personne " sont quelques-uns des griefs égrainés par les deux syndicats. Pour être admises, les mineures délinquantes doivent fournir leurs mensurations, taille, poids, pointure, tour de taille et de poitrine. Plus contestable encore, dans le dossier d’inscription figurait l’obligation de se soumettre à un test de grossesse de moins de dix jours. Mesure dénoncée et finalement supprimée. La langue parlée doit impérativement être le français. Que dire également des valeurs portées par un projet éducatif rétrograde " invitant " les pensionnaires à " s’identifier positivement à des rôles de femmes (sic) ". Une véritable invitation à s’enfuir et, in fine, à se retrouver en prison [6].
S. B.
[1] Régis par la circulaire du ministère de la Justice : « Mise en œuvre du programme des centres éducatifs fermés : cadre juridique, prise en charge éducative et politique pénale ». Rappelons que ce projet de centre d’enfermement pour les mineurs délinquants était également au programme du candidat PS Lionel Jospin.
[2] Chiffres du Figaro, « Les centres éducatifs fermés ont fait leurs preuves », 21 novembre 2006.
[3] Information : Var Matin, 24 janvier 2007).
[4] On peut lire l’article de J. Bourquin dans Le Monde diplomatique de juin 2002 : « Le Fantôme des maisons de redressement ».
[5] 12 éducateurs, une infirmière, un psychiatre, un psychologue, un enseignant, un professeur d’horticulture, un chef de service, un directeur. Le SNPES-PJJ note qu’un tiers effectif est contractuel, dont la moitié des éducateurs.
[6] En 2004, le CEF de Lusigny a dû fermer pendant un mois après une succession de fugues et de rixes [Note LDH-TOULON].