UKRAINE: LIBERALISME CONTRE STALINISME
A écouter les grands médias, les choses seraient simples, il y aurait les anciens contre les modernes, les orientaux contre les occidentaux, les pro européens contre les pro russes, bref … les bons contre les méchands. Est-ce aussi simple ?
Au premier abord les « oranges » sont plus sympathiques que les « bleus
» et ce pour une simple raison : on veut leur voler leur victoire.
C’est un fait désormais incontestable que les « bleus » ont bourré les
urnes et ont fait usage de toutes les manipulations les plus anti
démocratiques pour faire triompher leur candidat. Mais que se joue-t-il
derrière ces manœuvres, en un mot derrière cette élection ?
POUR LA RUSSIE UN ENJEU STRATEGIQUE
Enjeu stratégique sur plusieurs points :
- économique : l’Ukraine, ancien grenier à blé de l’URSS, son potentiel industriel (complexe minier),
- stratégique : ouverture sur les mers chaudes (Mer Noire),
- politique : la perte de l’Ukraine est un pas supplémentaire vers ce
qu’était l’ancien empire soviétique si cher à la bureaucratie du
Kremlin et une marque de son affaiblissement sur le plan diplomatique.
C’est d’autre part un renforcement de l’Europe face à la Russie.
L’Etat russe, véritable maffia, mais officielle, issue de l’ancienne
nomenklatura soviétique (elle-même maffieuse), n’est pas prêt à avoir
un fonctionnement économique au sens libéral-marchand du terme, il
suffit pour s’en convaincre de voir comment il traite les « hommes
d’affaires » russes qui, quand ils sortent de leurs prérogatives
purement économiques, sont politiquement cassés, voire éliminés… sans
parler des journalistes qui dénoncent cette situation. Véritablement
parasite, cette maffia fonctionne en grande partie sur l’ancien modèle
soviétique et a besoin pour exister internationalement de sauvegarder
une bonne part de ses possessions. Ayant vu lui échapper, au moment de
la « chute du mur de Berlin », une partie de son empire (l’Europe de
l’Est et les Républiques Baltes), n’ayant pu retenir la Géorgie, elle
s’accroche à ce qui lui reste. Elle écrase, sous prétexte de terrorisme
la Tchétchénie … au risque de perdre tout le Caucase. Elle tient la
Biélorussie par une dictature purement stalinienne… reste l’Ukraine qui
tente de lui échapper…
L’ENJEU DES ELECTIONS
Dans les médias on nous présente les « oranges » comme des gens comme
nous (occidentaux), raffinés, ayant soif de liberté et de « modernité
». Le prototype des « bleus » par contre c’est le mineur de l’Ukraine
de l’est du pays, personnage crotté, pour le moins antipathique, prêt à
faire le coup de poing et méprisant l’Ouest.
Les « bleus » : manipulés par Poutine, veulent rester dans le giron
russe. Leur chef, en liaison avec le « boucher de la Tchétchénie », et
partageant ses intérêts avec les siens, freine des quatre fers quant à
une ouverture vers l’Europe. Le risque d’une telle ouverture pour eux
étant une remise en question du pouvoir central ukrainien au bénéfice
des milieux d’affaires ouverts sur la mondialisation marchande.
D’ailleurs, les mineurs de l’Est ne s’y sont pas trompés qui craignent,
à juste titre, une rentabilisation du bassin minier avec licenciements
massifs à la clef en cas de victoire des « oranges ».
Les « oranges » : ils veulent un système marchand à l’occidentale. Le
fer de lance de ce mouvement est évidemment la frange « bourgeoisie
marchande » qui veut sa part de gâteau à l’échelle internationale. Elle
entraîne dans son sillage (phénomène classique), une bonne partie de la
population qui croit dans l’aspect « liberté » du « libéralisme »… mais
qui évidemment fera à terme les frais de la rentabilisation de
l’économie modernisée…. chômage, exclusion,…
L’ « émancipation » au regard du « grand frère » russe dont ont
bénéficié les républiques de l’ancien glacis soviétique et dont n’avait
pas profité l’Ukraine, c’est maintenant qu’elle veut se réaliser… mais
les temps ont changé depuis 1989.
La réaction des USA et de l’Europe est d’ailleurs très intéressante.
Ils ont beau jeu de dénoncer les fraudes… qui sont une réalité, mais
leur réaction n’est pas seulement motivée par le souci de la
démocratie… Arracher l’Ukraine à la Russie c’est affaiblir cette
dernière et ouvrir le champs de la mondialisation.
L’enjeu des élections n’est donc pas la victoire pour les « bons » ou
les « méchants », l’enjeu, comme dans toute élection est la prise de
pouvoir d’un groupe sur un autre. Les intérêts sont différents, les
méthodes sont différentes, mais le résultat est toujours le même… c’est
le citoyen de base qui paie.
Patrick MIGNARD