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« Patriotisme économique » est une contradiction dans les termes, il suffit pour le démontrer d’expliquer comment fonctionne le capital.
DU PROTECTIONNISME…
Il faut bien le reconnaître, il y a eu une période où le « patriotisme économique » a existé. Pourtant à cette époque ce n’est pas ce terme que l’on employait, c’était le terme « protectionnisme ». Etre protectionniste c’était, et c’est, protéger à l’intérieur de frontières plus ou moins étanches, le développement d’un, de son, système économique.
Dans sa prime jeunesse, le système marchand s’est développé au sein de ce que l’on nomme les « Etats nation ». D’ailleurs, au 19e siècle les Etats-nation se sont constitués dans la dynamique du développement du système marchand : c’est le cas en particulier de l’Italie et de l’Allemagne qui, pour devenir de grandes puissances font, à cette époque, leur unité politique… de même que les USA.
En ce temps là, la mondialisation telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas, du moins dans sa forme actuelle. Le capital, ou plutôt les capitaux, avaient respectivement leurs centres stratégiques et productifs, géographiquement et politiquement identifiables : les grandes puissances industrielles… et lorsque ces grandes puissances se sont multipliées, au cours du 19e siècle, elles ont commencé à se protéger. Leurs concurrences entraînaient d’ailleurs directement des conflits inter-nationaux. Les classes possédantes avaient un grand sens national, patriotique dans la mesure où leurs intérêts économiques coïncidaient avec ceux de l’Etat-nation – la 1er Guerre Mondiale est la plus parfaite illustration de cette guerre inter-capitaliste.
L’ « unité nationale » se confondait alors avec l’ « unité économique ». Cette alliance « sacrée » donnait sur le plan moral le patriotisme et sur le plan politique le nationalisme… la frontière entre les deux étant plus que floue.
Le patriotisme et le nationalisme présentaient l’immense avantage de défendre sous couvert de soit disantes valeurs morales et politiques le « système marchand national » autrement dit les intérêts locaux du capital.
L’Etat, garant du l’existence et de la valorisation du capital pouvait jouer sur les deux tableaux : défendre l’unité nationale et les intérêts locaux du capital national…. Ce qui ne l’empêchait d’ailleurs pas d’aller au bord de la guerre civile, toujours du côté du capital, dans le conflit des classes sociales qui s’affrontaient, au sein même de l’Etat-nation, quant au partage des richesses et aux conditions de leurs créations. Notons que même, quand la Gauche prit le pouvoir en 1936, les intérêts fondamentaux du capital furent préservés… comme d’ailleurs en 1945, sans parler de 1981.
Le protectionnisme arrangeait finalement tout le monde, le monde du capital et celui du travail. On s’organisait, on s’affrontait, on négociait au sein de la « niche économique nationale », à l’abri des influences extérieures… mais l’on arrivait tout de même à des compromis qui faisaient baisser la tension sociale et politique. Le capital avait les moyens de se payer la paix sociale et les salariés pouvaient arracher de substantiels avantages au capital.
Cette époque est terminée. Elle s’est terminée avec la décolonisation et la mondialisation du capital. Les Etats nation, et en particulier en Europe ont été vite dépassés par les nouvelles conditions du développement du capital à l’échelle mondiale.
… AU « PATRIOTISME ECONOMIQUE »
Voir derrière le « patriotisme économique », du « protectionnisme » n’est pas tout à fait absurde. L’Etat, n’importe quel Etat, ne peut plus se permettre d’utiliser le terme de protectionnisme surtout en cette époque de libéralisme économique où les Etats précisément se sont engagés à… se désengager de l’activité économique.
Contrairement au terme de « protectionnisme », le terme de « patriotisme » échappe au domaine des catégories économiques, c’est d’ailleurs pour cela qu’on l’affuble du terme « économique ». C’est une subtilité sémantique qui permet de ne pas appeler un chat, un chat, qui permet de ne pas être mis en demeure de s’expliquer clairement sur ses intentions, auprès de ses partenaires et concurrents.
Dans les faits c’est du double langage si cher aux politiciens, qui noient le poissons en rassurant les concurrents économiques en même temps que le « bon peuple » inquiet de l’évolution économique qui a ainsi l’impression que l’Etat défend toujours ses intérêts.
Le « patriotisme économique » est au « protectionnisme » ce que le « demandeur d’emploi » est au « chômeur », l’ « ouverture du capital » à la « privatisation », le « plan social » au « licenciement ». On change les termes pour atténuer la rigueur de ce qu’ils représentent.
CONTOURNER UN TABOU
Pourquoi ce retour camouflé à ce qui pourrait apparaître, et qui est d’une certaine manière, comme du « protectionnisme » ? Simplement parce que le fonctionnement libéral du système marchand est générateur de tensions dangereuses.
La conception libérale du fonctionnement du système marchand qui fait du marché, et de lui seul, le mécanisme à la base de toute relation sociale n’oublie qu’une chose : l’humain. L’être humain avec ses besoins, ses désirs, ses hésitations, ses valeurs, ses espoirs et ses craintes, ses comportements rationnels mais aussi irrationnels. Aucune mécanique, aussi bien conçue soit-elle, ne pourra intégrer toutes ces données… C’est pourtant le pari fait par les libéraux.
Cette logique de « déshumanisation » des rapports sociaux, même les libéraux les plus « purs et durs » n’y croient pas. Ils savent qu’une telle problématique conduira à terme à la catastrophe sociale, autrement dit à la déstabilisation du système marchand. Leur rigueur théorique dans la définition d’un ordre économique et social fondé uniquement sur des mécanismes de marché doit être pondérée, pour éviter l’explosion, par des interventions publiques qui garantissent l’ordre social en accordant des miettes. La répression joue certes un rôle important dans cette logique, mais elle ne règle pas tout. Il faut, à certains moments de tension, de conflit, de risque d’explosion,… ou de proximité d’élections, donner des gages concrets de ce qui pourrait être de la « justice sociale », de répartition équitable, bref donner l’illusion que le système est « humain ».
C’est ce à quoi s’emploient, avec plus ou moins de succès, les politiciens. Ils gagnent ainsi à la fois, du temps et provisoirement la confiance de celles et ceux qu’ils trompent.
L’appel au « patriotisme économique » n’a pas d’autre fonction que de donner le change formel au « froid calcul égoïste » de la marchandise. A transcender la rigueur du calcul financier par un recours à des « valeurs » qui, dans le passé, ont su faire illusion.
Monde de faux fuyant, d’apparences, de double discours, d’intentions suggérées, de promesses garanties sur rien,… l’important c’est que la grande masse y croit et que la valorisation du capital puisse être assurée moyennant quelques concessions sans importances. Le tabou du « protectionniste », inavouable est contourné. La face est sauvée et avec elle le système.
La « patrie en danger » a toujours était payante… on l’avait timidement inaugurée dans le domaine économique, il y a quelques années, avec le « Achetons français »… On fait désormais les choses sur une plus grande échelle.
Que pouvons nous réellement en attendre ? Rien bien sûr…ça comme du reste. Mais l’illusion durera peut être jusqu’en 2007… et là n’est-il pas l’essentiel pour les politiciens ?
Patrick MIGNARD
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