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Comment est-il détourné ? De manière très simple qui peut se résumer à : « Sors-toi de là que je m’y mette ! ». Autrement dit, il s’agirait purement et simplement d’une substitution de populations… le conditionnel disparaît, de même que le constat d’un rééquilibrage démographique.
Qu’un tel processus migratoire – sans l’accord des populations autochtones - se soit réalisé dans l’Histoire c’est un fait,… c’est d’ailleurs ce que l’on appelle une invasion suivi d’une colonisation. Précisons que ces évènements n’ont jamais été condamnés, et même plutôt approuvés, par celles et ceux qui aujourd’hui hurlent à l’invasion par les migrants.(*)
La « théorie du remplacement », version modifiée, est devenue le cheval de bataille d’une extrême droite qui a trouvé là un moyen d’exciter et de mobiliser les peurs. En période de crise, le fascisme a toujours su trouver un angle d’attaque politique ayant pour fer de lance un bouc émissaire : hier le juif,… aujourd’hui le musulman !
Cette théorie du remplacement se fonde sur deux mythes :
- la volonté des migrants d’envahir de nouveaux territoires ;
- les fondements Européens d’une race blanche et d’une culture chrétienne.
La volonté d’invasion ?
Comparer, comme le fait le FN et d’autres, les migrants à des troupes d’occupation est, évidemment, absurde, et le procédé révèle par là-même la manipulation de l’opinion publique. Il n’y a pas l’ombre d’un projet d’occupation, pas plus qu’une volonté de remplacement d’une population par une autre. Il est de notoriété publique que ces migrants fuient la guerre et n’aspirent qu’à une vie de paix.
Ne pas le comprendre, ou ne pas vouloir le comprendre, a pour principale conséquence d’attiser les tensions entre populations, jouer sur une peur irrationnelle pouvant aboutir à de gravissimes conflits intérieurs. Il n’est pas à exclure que c’est probablement ce que cherchent les forces politiques néofascistes comme elles l’ont toujours fait dans le passé.
Ne pas le comprendre, ou ne pas vouloir le comprendre, c’est aussi renier toutes nos valeurs – n’avoir aucune confiance en elles – et, en particulier, celles de solidarité à l’égard d’hommes, de femmes et d’enfants en danger de mort. C’est nous rabaisser au rang de celles et ceux qui, il y a soixante dix ans, ont détourné les yeux devant l’indicible. Que celles et ceux qui ont cette ignoble attitude, professent impunément des valeurs de charité et de solidarité, en dit long sur leur personnalité.
Une Europe blanche et chrétienne ?
Raisonner à partir d’une telle affirmation c’est avoir une sérieuse courte vue de l’Histoire. C’est nier précisément ce qui fait les civilisations dans le monde.
La Nature n’a pas livré, clef en main, aux Européens, et à fortiori aux Français, une couleur de peau, pas plus que les églises.
Rappelons que les Francs, qui ont donné le nom au pays, étaient des envahisseurs nordiques qui se sont mélangés dans la Gaule romaine aux populations autochtones, qui n’étaient pas forcément « blanches ». Il est aujourd’hui établi que les premiers hommes étaient comme on dit « de couleur »… De plus les Francs n’étaient pas seuls,… Wisigoths et Vandales occupaient aussi le territoire. Rajoutez l’influence des Romains et des Sarrasins… et vous avez un beau mélange métissé. Bonjour la pureté de la race !
Il faudra attendre la conversion de Clovis, au
5e siècle pour voir apparaître « officiellement » la religion chrétienne… religion qui va
s’imposer par une intolérance féroce durant des siècles…
Le siècle des Lumières et la Révolution Française seront le point de départ, en France, mais aussi, dans une certaine mesure en Europe d’une remise en cause des anciennes valeurs par l’instauration du statut de citoyen et la liberté de culte.
Celles et ceux qui parlent de France/Europe blanche et de religion chrétienne, font donc une impasse fâcheuse sur ce qui a été la base même de la notion de citoyenneté et de laïcité qui gomme toute différence de couleur de peau et d’adhésion ou non à une quelconque croyance. La valeur de base de la République, n’est pas une différenciation ségrégative entre individus, mais au contraire la reconnaissance et l’acceptation des différences.
Les valeurs qui fondent notre société ne sauraient être nullement des obstacles à l’arrivée de nouvelles populations et ce, quelle que soit la couleur de peau et/ou la religion. L’église – n’en déplaise aux intégristes catholiques – n’a pas une place exclusive dans le paysage européen… la mosquée, le temple et la synagogue y ont aussi leur place.
L’actuelle phobie du remplacement, agitée par des formations politiques xénophobes à propos des déplacements de population, ne sont que des productions idéologiques destinées à effrayer et à orienter des choix politiques faisant de l’Europe une forteresse ouverte aux marchandises et capitaux, mais pas aux hommes ( ?).
Les conservateurs de tous poils, néofascistes – voire néonazis - et faux-culs (des noms ?) qui se gargarisent de « valeurs humanistes », les ignorant dans leurs pratiques et croyant en une mythique stabilité des civilisations, nous entraînent droit dans le mur de la guerre civile. Face à un flux de réfugiés désemparés, la solution n’est pas de dresser des frontières – ce qui est d’ailleurs physiquement impossible et humainement inadmissible, mais de traiter le problème en terme d’accueil et de répartitions des richesses.
Face à l’augmentation de la population mondiale et au dérèglement climatique la seule attitude responsable est, non pas de fermer nos yeux, nos cœurs et nos cerveaux,… mais de poser les vraies questions de la cohabitation de toutes et tous sur la planète. Refuser de poser ces questions, c’est à terme disparaître.
5 octobre 2015 Patrick MIGNARD
(*) Voir aussi:
« LE SENS DES MOTS/LE CHOC DES FANTASMES »