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L'En Dehors


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Russie : mort tragique de l'anarchiste Paul Golmann (1906)
Le 5/18 août 1906, ne voulant pas se laisser prendre vivant par la police, l'anarchiste Paul Golmann, âgé de vingt ans s'est suicidé après une vive résistance.
Fils d'un policier — depuis l'âge de 12 ans Paul Golmann habite, avec sa mère et son jeune frère, Nijnédnéprowsk, petit bourg ouvrier près d'Ekaterinoslaw, et gagne déjà son pain en faisant les commissions au bureau des Ateliers Franco-Russes. A sa quinzième année, il entre à l'usine et travaille comme serrurier, consécutivement à la clouterie, aux usines d'estampage et de la Compagnie Belge, puis un an environ dans une usine à la ville de Twer et les derniers deux ans et demi aux ateliers de chemin de fer à Ekaterinoslaw, en ville.

 

Tendre fils, camarade dévoué, nature ardente, généreuse et franche, Paul Golmann était aimé et estimé de tous ceux qui le connaissaient et malgré son jeune âge il exerçait une grande influence sur tous ceux qui l'entouraient. Dès l'âge de quinze ans il s'occupe de la propagande ; n'appartenant encore à aucun parti il ne fait que rendre de petits services, comme de répandre des prospectus par exemple, mais déjà il se donne à ce travail tout entier et souvent, d'après son propre témoignage, travaille tout aussi bien que « les grands ».

A l'âge de 18 ans il entre au Parti socialiste-révolutionnaire auquel il appartient pendant un an et demi, étant toujours un des plus actifs. Trop occupé chez les socialistes-révolutionnaires, de longtemps il n'a pas de possibilité de faire une connaissance plus ou moins sérieuse des théories anarchistes. Aux ateliers, il discute bien avec quelques ouvriers anarchistes mais, faute de temps malgré un vif désir, il n'assiste pas une seule fois aux causeries anarchistes de l'été 1905 d'où sortit le groupe anarchiste-communiste d'Ekaterinoslaw.

Pendant la grève d’octobre, étant encore socialiste-révolutionnaire, le 11/24 octobre il se bat aux barricades, puis à Nijnédnéprowsk à l'enterrement de l'anarchiste Illarion Kariakine, tué aux barricades, il porte le drapeau des socialistes-révolutionnaires. Pendant la période des « libertés » (1) il organise des meetings et le 20 octobre à un meeting à Nijnédnéprowsk il entend pour la première fois parler un orateur anarchiste. Au commencement du mois de décembre, il entend pour la seconde fois exposer le programme anarchiste-communiste, mais tout en étant sympathique à l'anarchisme, il reste encore dans les rangs des socialistes-révolutionnaires.

 

Pendant la grève de décembre Paul Golmann fait partie du « Comité du combat de la grève» comme délégué ouvrier des bourgs Nijnédnéprowsk-Amour. Il prend part non seulement aux séances du comité, mais aussi à l'activité la plus révolutionnaire : il conduit les trains des délégués ouvriers, désarme les gendarmes, vole aux wagons quatre boites de dynamite, — de cette dynamite qui plus tard a tant de fois parlé sous les mains des anarchistes, et parlera encore maintenant pour venger sa mort précoce.

Les erreurs de la grève de décembre, — non pas les erreurs qu'y voient les social-démocrates, et, en partie, les socialistes-révolutionnaires, mais son peu de révolutionnarisme, l'activité du « Comité du combat de la grève » qui ne faisait que retenir les masses ouvrières prêtes à aller se battre et les coulisses de ses séances où il assistait — lui laissent une impression profonde et lui inculquent une répugnance insurmontable de tout jeu au gouvernement, même temporaire et révolutionnaire. « Ce ne sont pas les orateurs qui m'ont fait changer d'idée, m'ont rendu anarchiste, mais la vie elle-même», nous disait-il plus tard , « le comité du combat de la grève » lui-même, son activité négative m'ont rendu anarchiste. Tout homme honnête y ayant pris part et vu de ses propres yeux ses erreurs fatales doit une fois pour toutes rompre avec les socialistes-étatistes. »

Ainsi, après la grève, de décembre, il sort du parti socialiste-révolutionnaire. Il y avait aussi d'autres causes de sa rupture avec ce parti, c'est le rejet par ce parti de la terreur économique et la soumission des membres aux comités révolutionnaires. « Il m'est arrivé une fois de réclamer au comité quelque arme pour aller tuer le contremaître », nous racontait-il, « on m'a répondu : va tuer le gouverneur, nous te donnerons le nécessaire. C'est le contremaître qui m'embête, en ma qualité d'ouvrier je comprends mieux cet acte, il m'est presqu'un besoin, — et on m'envoie tuer le gouverneur ! Ainsi je ne suis pas même maître du choix de l'acte que je vais accomplir. »

Ce n'est qu'au mois de mars après avoir entendu un théoricien assez vaillant que Paul Golmann se dit anarchiste, et réclame immédiatement au groupe un « browning » et une bombe, disant : « J'en ai déjà assez de ne rien faire chez les socialistes révolutionnaires. »

A peine devenu anarchiste, n'ayant pas encore reçu du groupe son browning, à la fin de mars, à Nijnédnéprowsk, armé d'un revolver militaire, système Nogan, il va tuer le sous-officier de gendarmerie Kovalenko, principal mouchard et délateur local dans l'affaire de la grève de décembre. Le « Nogan » fait tout d'abord long feu, les coups suivants restent sans résultat. Cet acte manqué demeurait jusqu'aujourd'hui inconnu. Cependant Kovalenko fut légèrement blessé au côté à ce qu'il parait.

En sa qualité d'ouvrier militant, Paul Golmann ne reste pas un moment parmi les sympathisants, mais à peine devenu anarchiste, entre de suite au groupe comme membre actif et partage avec nous autres toute la difficile, dangereuse et responsable besogne de l'anarchiste-communiste organisée. Le 18 avril, il prend part à la confiscation par le groupe de l'argent du fisc chez le percepteur des débits d'alcool (6.500 roubles), et le succès de cette expropriation anarchiste, la plus grande depuis l'existence du groupe d'Ekaterinoslaw est en grande partie dû à son sang-froid et à son savoir-faire.

 

Le 3/16 mai, Paul Golmann apprend qu'une commission des chemins de fer, avec le ministre des voies de communication en tête, va passer par Ekaterinoslaw et en, sa qualité d'ouvrier de chemin de fer, il va sans tarder faire sauter ses oppresseurs immédiats, cette commission laissant partout sur son passage sinistre les circulaires concernant les renvois des ouvriers pour fait de grève — et à l'heure indiquée il est à son poste, la bombe à la main à attendre le passage du train.

L'heure indiquée passe, le train n'arrive pas; pensant que son départ est ajourné il ne veut pas rentrer sans avoir rien fait. L'attentat s'accomplit; au lieu du train de ministre, c'est la voiture des premières du train express qui est attaquée non pas par erreur comme le dit son acte d'accusation, mais en toute connaissance de cause. Quelques jours après une note paraît sur les journaux bourgeois parlant d'un « feu » ouvert sur les premières du train express, et terminant par les mots : « les causes de l'attentat sont encore inconnues. »

Ah, pauvres esprits impuissants! Vous ne les devinerez pas, vous ne saurez pas trouver, ces causes. Les causes de cet attentat — c'est le système capitaliste même, c'est la division des gens en exploités et exploiteurs, en pauvres et riches, en crevants de faim et rassasiés. Pauvres esprits impuissants ! Quand est-ce que vous comprendrez enfin que l'heure de la paye a sonné, que tant que cette division existera les richards n'auront plus de tranquillité, seront attaqués sans merci par les déchards. La bombe du 3 mai fut dirigée contre la bourgeoisie rassasiée.

Blessé au pied par un éclat, ayant besoin de subir une opération, Paul Golmann est forcé de rentrer dans un hôpital. Le pied blessé le fait beaucoup s'inquiéter : « Quel anarchiste ferait un homme sans pied ! » nous dit-il. « Si je m'en prive, — une fois guéri je n'irai pas plus loin que le premier poste de police pour y lancer une bombe et y rester moi-même. »

Le 26e jour de sa maladie, la police tomba sur ses traces et vint l'arrêter à l'hôpital. On lui présente trois accusations: 1) détention d'explosifs; 2) attentat contre un train express par erreur au lieu du train ministériel et 3) pillage du percepteur. Ekaterinoslaw étant en état de siège, les deux dernières accusations valent la peine de mort chacune.

Malade, à bout de force, ayant d'autres et d'autres opérations à subir, il faisait part aux camarades que c'était la potence qui lui était réservée et ajoutait : « Eh bien! je ne suis pas le premier ni le dernier après tout. Je serai heureux si en ce moment-là je ne me trouble pas. »

Dès le moment de son arrestation le groupe prit décision de ne point admettre sa condamnation, de le délivrer, ne fût-ce que pour lui permettre d'aller jusqu'au premier poste de police, lancer sa bombe et y rester lui-même. Certes, il était terrible de voir périr le camarade; mais plus terrible encore était de le voir périr à la suite d'un acte manqué, sans avoir fait rien de sérieux. On attendait seulement qu'il se remit davantage, pour ne pas trop risquer par suite de son pied malade.

Enfin, le 6/18 août, vers neuf heures du matin, sept camarades anarchistes armés de bombes et de brownings, se rendirent à l'hôpital, les uns arrêtant et désarmant l'agent de police qui était de garde, les autres se dirigeant dans la salle qu'occupait le malade. Ne le voyant pas, ils sortirent leurs brownings et demandèrent aux autres malades: « Où est Golmann? » Il les entendit, accourut vers eux à l'aide de béquilles. On l'aida à changer de vêtement, on lui remit son browning et sa bombe. Il descendit lui-même l'escalier, prit place à côté de ses camarades au fiacre qui l'attendait, jeta les béquilles, cria « adieu ! » et partit. On réussit à l'emmener sans incident, sans se servir des armes.

Vers deux heures de l'après-midi, la police ayant découvert son asile, vint l'arrêter. La maison fut entourée d'agents de police à cheval et de cosaques. Les camarades qui l'avaient amené s'étant absentés pour organiser la continuation de son voyage, au moment de l'arrestation, il était seul, le pied malade, cloué au lit, sans possibilité de fuir. Il savait bien que la mort était inévitable. Il garda toute sa présence d'esprit en ce moment terrible ; son vieil ami ne l'a pas trahi : de sa main habile il prit son browning et, assis sur le lit, tira par la fenêtre sur les agents, en tua un et blessa grièvement un autre. Ne voulant pas se laisser prendre vivant, il garda les quelques dernières balles pour lui. Seul, malade, immobilisé, il combattit contre plusieurs dizaines d'agents et de cosaques, en frappa deux et succomba de sa propre main,

Un anarchiste luttant pour pain et liberté succomba.

Une jeune vie bien douée périt. Mais cette perte ne sera pas vaine : les travailleurs ne resteront pas sourds à l'appel de l'organisation dans les rangs de laquelle luttent les gens pareils à Paul Golmann. Déjà, tout Ekaterinoslaw s'est mû comme la mer troublée, les ouvriers quittèrent en masse le travail, quelques usines s'arrêtèrent complètement, le jour de son enterrement, des milliers d'ouvriers; comme un homme, voulurent l'accompagner jusqu'à sa dernière demeure. Toute la population de Nijnédnéprowsk voulait l'enterrer chez soi, à côté de l'anarchiste Illarion Kariakine, tué aux barricades, au chant révolutionnaire. La police l'enterra elle-même en ville, dans le cimetière de Sébastopol, à l'insu même de sa mère; les cosaques faisaient partir le monde à coup de nagaîkas; il y a eu quelques blessés et arrêtés. Plus tard, quand sa mère fut venue, une messe de mort pour lui et pour les camarades ouvriers tués lors de la grève de 1903, a été dite sur sa tombe. Deux orateurs anarchistes prirent la parole invitant le peuple à la vengeance pour leur camarade ouvrier assassiné. Après les discours, la police et les cosaques intervinrent de nouveau et dissipèrent les assistants. Malgré cela, jusqu'au grand soir, les foules d'ouvriers allaient et venaient, à Nijnédnéprowsk et à Fabrika, avaient lieu des meetings.

Dors tranquille, cher camarade ! Nous savions bien, qu'en anarchiste honnête, tu devais un jour finir ta vie au cours d'une résistance armée dans une collision avec la police ou à l'échafaud. Ce n'est pas cela qui nous chagrine. Ce qui nous chagrine c'est que tu es mort de si bonne heure, que de si tôt nous nous privâmes d'un camarade comme toi, que tu n'as pas eu le temps d'enrichir d'actes ta jeune vie si vite fauchée.

Dors tranquille, cher camarade . La police nous a empêchés de rendre hommage à ta mémoire en faisant entendre le chant révolutionnaire. Eh bien! Nous ferons entendre en ta mémoire le bruit de coups de brownings, le fracas des explosions. Tu savais bien que tu seras vengé. « Pour un seul qu'on nous tuera, nous en jetterons par terre une centaine », dit la chanson anarchiste française, et la parole d'anarchiste est d'accord avec ses œuvres.

 

Dors tranquille, cher camarade.

 

Le Groupe Ouvrier Anarchiste-Communiste d’Ekaterinoslaw.

 

(1) Période de quelques jours après l'affichage du manifeste du 17 octobre et avant le pogrom.

 

Les Temps nouveaux 6 octobre 1906

Ecrit par libertad, à 21:56 dans la rubrique "Histoire de l'anarchisme".



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