La chambre des Communes s’est prononcée le 14 février pour la création en Grande-Bretagne d’une carte nationale d’identité, qui viendra s’ajouter au passeport, l’autre pièce d’identité possédée par la population. Iain Mackay revient sur l’introduction de cette carte. Et s’y oppose dans le bimensuel anarchiste
Freedom.
Par 310 voix contre 279, le gouvernement de Grande-Bretagne s’est
déclaré favorable à l’introduction d’une carte d’identité. Le projet
avait été approuvé en première lecture par les députés en octobre avant
d’être bloqué par la chambre des Lords. Selon le texte de compromis
élaboré par le gouvernement, cette carte d’identité payante ne sera pas
obligatoire dans un premier temps, mais seulement délivrée lors d’une
demande ou d’un renouvellement de passeport à compter de 2008.
"La Grande-Bretagne n’est pas, encore, un Etat totalitaire"
L’espoir que les parlementaires du Labour développent une épine dorsale
et rejettent les plans les plus malsains du gouvernement a été, sans
surprise, écrasé quand ils ont soutenu le projet des cartes d’identité.
Bien qu’il ait dans un premier temps admis que les cartes d’identité
n’auraient pas empêché les attentats à la bombe de juillet, le
gouvernement a employé le spectre du terrorisme pour passer la loi.
Mais pourquoi faisons-nous face à une probabilité croissante de
terrorisme ? A cause de la politique impérialiste du gouvernement.
Ainsi on se sert d’une politique stupide, inefficace et autoritaire
pour en introduire une autre. Est-ce ce que Blair entendait par
"s’engager" dans le gouvernement ?
[...]
Cependant les cartes d’identité sont un choix "volontaire". Néanmoins,
une fois que les cartes d’identité seront introduites, nous pouvons
nous attendre à ce qu’elles soient employées dans de plus en plus
d’aspects de la vie, rendant impossible de ne pas en posséder une.
Ainsi le choix "volontaire" deviendra assez à fait vite obligatoire.
Elles sont actuellement simplement liées aux passeports. Ce qui
signifie que si vous souhaitez quitter le pays, vous aurez besoin de la
carte d’identité. N’importe quelle société qui se prétend libre devrait
être basée sur la libre circulation de ses membres et sur leur libre
départ si ceux-ci le désirent.
Ce principe fut, un moment, considéré comme la clé pour distinguer les
démocraties et les Etats totalitaires. Et le fait de ne pas pouvoir
obtenir la documentation nécessaire pour quitter le pays sans se
soumettre aussi à la possession d’une carte d’identité est
fondamentalement en désaccord avec celui-ci. Il en va de même pour
l’idée que vous deviez informer l’Etat lorsque vous changez d’adresse.
Le gouvernement minimise la valeur de l’information que les nouvelles
cartes d’identité contiendront, mais elles doivent évidemment contenir
plus d’informations qu’un passeport sinont elles n’auraient pas de
raison d’être. Les partisans de la carte notent que d’autres Etats
européens disposent des cartes d’identité. Cependant, ils ne
mentionnent pas deux choses. Premièrement, ces cartes ne sont pas liées
à une base de données nationale stockant le même genre d’information
personnelle que celle que Blair veut. Elles ne sont pas non plus
biométriques. En tant que tel, elles ne sont pas vraiment comparables.
Deuxièmement, ces cartes ont toutes été imposées par des régimes
fascistes et, par conséquent, leurs populations ne pouvaient pas
résister à leur introduction. Que, plus tard, les gens les aient
utilisé est un argument bien fragile. Les gens, malheureusement,
s’habituent souvent aux nombreuses limitations de leur liberté.
La Grande-Bretagne n’est pas, encore, un Etat totalitaire, bien que le
New Labour poursuive dans cette voie la dérive entammée par Thatcher.
Ce n’est pas une coïncidence si les cartes d’identité ont d’abord été
proposées par les Tories (et rejetées par le Labour) dans les années
90. Que le New Labour les refile au public suggère que c’est souhaité
par la bureaucratie d’Etat. En tant que tel, c’est du contrôle social.
Par ailleurs, cela confirme l’analyse des anarchistes : ce n’est pas
les politiciens qui changent le système, c’est le système qui les
change.
Tout n’est cependant pas perdu. Nous pouvons résister. Comme les
anarchistes l’ont toujours proclamé (et comme nos représentants l’ont
tout simplement montré), nous ne pouvons pas compter sur quelqu’un
d’autre pour défendre nos libertés. Nous devons compter sur nous-mêmes
et sur notre propre force pour résister à ceux au pouvoir. Comme via
l’impôt local, nous pouvons employer l’action directe pour résister aux
cartes d’identité et en finir avec elles. Les anarchistes devraient
être au premier rang en organisant un tel mouvement.
[Iain Mackay, pour le bimensuel anarchiste Freedom]
A voix autre