Lu sur
Sans Titre : "Pendant la deuxième conférence européenne de l'AMP, en septembre 2002, se tenait, sur trois matinées, la première rencontre européenne des free-shops. Du moins on y avait été conviéEs à ce titre...Il y avait des personnes du magasin gratuit d'Eurodusnie (Leiden), de Hoenderloo (Nord des Pays-Bas), de Hambourg et Berlin, ainsi que, du côté des françaisEs, nous, de Paris, et quelques unEs du syndicat potentiel (Strasbourg).Au départ, on a présenté nos activités. Très vite il a fallu mettre au point certaines incompréhensions : quand les allemands et les hollandais parlaient de "magasins gratuits", nous (à croire à certains moments qu'il y avait un "front français") parlions de "zone de gratuité". Nous avons un bon moment essayé de définir ensemble ce que nous entendions par gratuité (mot qui n'existe pas vraiment en anglais et que les allemands n'utilisent pas). Notre expérience était un peu incongrue, car nous faisions à l'époque, et depuis plus d'un an, sur Paname, des zones de gratuité mobiles, c'est à dire que nous avions un stock de vêtements, livres et objets divers, ainsi que des textes et des "activités" (fabrication de faux billets, bouffe gratuite, panneaux d'expression libre...) que nous faisions vivre de temps en temps dans des lieux accueillants. Nous l'avons fait dans des squats du quartier, dans un garage désaffecté occupé pour l'occasion (contre-14-juillet), dans une cour d'immeuble. Pour celleux de Strasbourg, l'experience était autre : il y a une dizaine d'années, illes avaient ouvert une zone de gratuité fixe dans laquelle illes tentaient réellement de questionner le sens de la valeur, des objets, de l'argent. Les allemandEs et hollandaisES avaient généralement comme expérience un véritable "magasin", avec des horaires d'ouverture, des charges à payer, même parfois un petit loyer, et souvent un "nombre d'articles" maximum par personne et par jour à prendre. Nous n'avions pas vraiment la même conception du truc. Pour nous, et pour le non-réseau appellé éventuellement "groupe d'activation de la gratuité" (GAG) pour rigoler, la gratuité ne peut pas être contenue dans une pièce avec des étagères. Pas seulement. Nous voulons placer cette expérience de zone de gratuité dans un ensemble plus vaste d'expérimentations de la subversion, d'alternatives concrètes et de mise en commun globale, dans le but (pas ultime, mais à plus long terme) de créer des communes libres et de "réinventer nos vies". Nous voulons questionner toute la boucle production - consommation qui forme des déchets, qui fait d'un objet un objet que l'on peut posséder, qui alienne possiblement et fait de nous de simples utilisateurices. Les zones de gratuité ne sont pas la panacée, elles sont juste nécessaires à l'heure actuelle. Elles sont des zones de circulation autant d'objets utiles qu'inutiles, de désirs, de rencontres, de possibles, de créations et de récréations. Ne confondons pas la gratuité commerciale ("2 pour le prix d'1 !") ou la gratuité caritative ("t'es pauvre, t'as le droit à un ticket gratuit") avec cette gratuité que nous appellons de nos voeux - et qui pourrait être nommée autrement, si ce mot paraît galvaudé pour certainEs. Il s'agit de nous donner nous même les moyens de notre subsistance et de notre confort. "C'est gratuit parce que c'est à nous".
Que ce que nous mettons en commun soit issu du don, de la récup' ou du vol importe peu, ce qui compte c'est d'extraire au monde de la marchandise et au monde du commerce ce qui nous fait vivre et être ensemble. Ces rencontres nous ont permis de réfléchir à tout ça, avec des points de vue "culturels" différents. Dans tous les cas, même si sur le fonctionnement il y avait des divergences (qui impliquent évidemment des questions de fond, on a pu se mettre d'accord sur l'usage des zones de gratuité comme d'un outil en elles-même. Par leur existence, la matérialisation d'un espace de gratuité effective, et l'énergie qu'on y met, elles permettent de croire plus fort à la constitution de zones entièrement libres et autonomes, autant du point de vue de l'énergie, que de l'alimentation, de la vie collective, de l'architecture, de la réalisation de soi, de la fête... Le free-shop d'Hoenderloo était en projet au moment de cette rencontre, il est maintenant ouvert. Sa particularité est d'être en pleine cambrousse, dans un petit village. Il accueille, en plus des objets "matériels" des fêtes et une sorte de système d'échange local gratuit : les offres et les demandes de services et savoirs y sont répertoriées et permettent les rencontres et la coopération. Aujourd'hui, nous avons aussi ouvert un lieu à Paris, en rez-de-chaussée, dans lequel nous (celleux qui y habitent et celleux qui y viennent) mettons à disposition de quoi se vêtir, lire, bricoler, se déguiser, se meubler, discuter, manger, boire, pisser et chier, dormir, s'assoir, faire de la musique, chanter (tous les mercredi), rigoler, bientôt surfer sur le web et voir des films, s'informer...
(à prix libre ou totalement gratos) Plein d'activités demandent à y être développées, car c'est un lieu encore nouveau. L'appropriation commence à s'engager : de beaux moments en perspective ! Venez y apporter vos désirs... 104 rue des couronnes à Paris (20ème) tél : 01 43 58 56 74
à 01:09